Le conclave papal de 1758 fut convoqué à la mort du pape Benoît XIV le , afin de lui désigner un successeur. Il s'acheva avec l'élection du cardinal Carlo Rezzonico de Venise qui, après avoir pris le nom de Clément XIII, devint le 248e pape de l'Église catholique romaine.

Conclave de 1758
Armoiries pontificales de Clément XIII.
Dates et lieu
Début du conclave
Fin du conclave
Lieu du vote Rome
Élection
Nombre de cardinaux 55
Nombre de votants 45-44
Personnages clefs
Camerlingue Girolamo Colonna di Sciarra
Doyen Rainiero d'Elci
Cardinal protodiacre Alessandro Albani
Pape élu
Nom du cardinal élu Carlo Rezzonico
Nom de pape Clément XIII
Listes des papes : chronologique · alphabétique

Déroulement du conclave

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Divisions au sein du Collège

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Avant le début du conclave, le Collège des cardinaux était divisé en plusieurs camps, formant deux blocs[1]:

Un certain nombre de cardinaux élevés par Benoît XIV (les "iuniores", jeunes) n'appartenaient officiellement à aucun camp, mais la majorité d'entre eux partageaient les idées de l'Union des couronnes, en particulier celles du cardinal Portocarrero.

Cependant, pendant le conclave, les frontières entre ces deux camps allaient s'estomper. À la fin du conclave, on avait davantage une opposition entre le camp impérial allié aux zelanti d'une part et, d'autre part, les anziani, alliés aux représentant des couronnes bourboniennes.

Le début du conclave et les premiers papabili

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Le , seuls vingt-sept cardinaux entrèrent en conclave[2] et dix-huit cardinaux arrivèrent à Rome entre le et le . Entre-temps, le cardinal Bardi dut quitter le conclave en raison de sa maladie.

En raison de l'absence des représentants politiques des principales cours catholiques européennes, les ambassadeurs de France et du Saint-Empire demandèrent aux cardinaux-électeurs de repousser le vote jusqu'à leur arrivée. Bien que cette demande ait été rejetée dans les réunions précédant le début du conclave, le nom d'aucun candidat sérieux ne fut proposé lors des premiers tours de scrutin. Lors du premier tour, le doyen du Collège des cardinaux Rainiero d'Elci, alors âgé de 88 ans, fut le cardinal qui reçut le plus grand nombre de voix (huit lors du scrutin et trois supplémentaires lors de l'accessus)[3].

Cependant, cela ne signifie pas que les chefs de chaque camp n'essayaient pas de rallier le soutien des cardinaux autour de leurs candidats. Corsini, en particulier, travaillait de toutes ses forces à l'élection du cardinal Spinelli, le chef des zelanti, mais il devait faire face à une forte opposition de la part du cardinal Orsini, cardinal-protecteur du royaume de Naples. Le cardinal-protecteur d'Espagne, Portocarrero, rejetait également la candidature de Spinelli, et fut capable de rallier nombre de "iuniors" à son parti. Finalement, la candidature de Spinelli dut être retirée faute de soutien suffisant[4].

Le premier candidat disposant de sérieuses chances d'être élu était Alberico Archinto, cardinal secrétaire d'État et vice-chancelier du défunt pape. Il bénéficiait d'un large soutien parmi le parti des zelanti et des cardinaux de l'Union des couronnes, mais les partisans de Corsini ne souhaitèrent pas se rallier à sa candidature et proposèrent, en guise d'alternative, le nom du cardinal Crescenzi. Finalement, comme cela s'était produit par le passé, les candidatures d'Archinto et de Crescenzi se neutralisèrent l'une l'autre[5].

L'arrivée des cardinaux français et l'exclusive contre Cavalchini

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Petit à petit, les représentants des cours royales parvenaient à Rome avec les instructions de leurs souverains. Le , le cardinal de Luynes entra au conclave avec les instructions de Louis XV. Cinq jours plus tard, il annonçait officiellement la nomination du cardinal Prospero Colonna di Sciarra au poste de protecteur du royaume de France[6]. Mais l'on attendait toujours l'arrivée du cardinal von Rodt, du Saint-Empire.

Au cours des jours qui suivirent, le cardinal Guidoboni Cavalchini, reçut le plus de votes, soutenu par les partisans de Corsini et Portocarrero. Le , il obtint vingt-et-une voix, le vingt-six et, au soir du , il recueillait vingt-huit voix sur quarante-trois, ce qui signifiait qu'il ne lui manquait plus qu'une voix pour être élu pape. Mais, après ce tour de scrutin, le cardinal de Luynes informa le doyen du Collège des cardinaux Rainiero d’Elci de la Jus exclusivae du roi de France contre Cavalchini. La France s'opposait à l'élection de Cavalchini en raison de sa position quant à la béatification de Robert Bellarmin et sur les questions liées à la bulle anti-janséniste Unigenitus[7]. Ce veto suscita de fortes protestations au sein du Collège, mais Cavalchini lui-même déclara : « Il s'agit d'une preuve manifeste que Dieu me considère inapte à remplir les fonctions de son vicaire sur Terre »[8].

Après l'échec de la candidature de Cavalchini, Portocarrero proposa le nom du cardinal Paolucci, mais il fut rejeté par les cardinaux français, qui – alliés aux partisans de Corsini, votèrent à nouveau pour Crescenzi[9].

L'arrivée du cardinal von Rodt

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L'arrivée du cardinal von Rodt le avec les instructions de la cour impériale fut un moment-clé du conclave. Dans un premier temps, il essaya de trouver un accord avec les cardinaux français mais, ayant échoué, il se tourna alors vers le parti des zelanti. Des négociations directes entre von Rodt et Spinelli les conduisirent à proposer au Collège le nom du cardinal vénitien Carlo Rezzonico, évêque de Padoue. Au matin du , l'évêque de Padoue reçut huit votes plus quatre votes supplémentaires lors de l'accessus. Portocarrero, Albani et les cardinaux français étaient dans un premier temps opposés à cette candidature, mais ils finirent par s'y rallier. Après des consultations entre les cardinaux français et l'ambassadeur Laon il devint évident que le cardinal Rezzonico allait être élu[10].

L'élection du pape Clément XIII

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Le au soir, Carlo Rezzonico fut élu pape avec trente-et-une voix sur quarante-quatre, une de plus que la majorité requise des deux-tiers. Les treize voix restantes (y compris la sienne) allèrent au doyen, le cardinal Rainiero d'Elci[8]. Rezzonico accepta son élection et prit le nom de Clément XIII, en l'honneur du pape Clément XII, qui l'avait élevé au cardinalat en 1737[11]. Il fut couronné le au balcon de la basilique Saint-Pierre par le protodiacre Alessandro Albani[12].

Liste des participants

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Le pape Benoît XIV mourut le . Sur les cinquante-cinq cardinaux vivants à ce moment-là, quarante-cinq prirent part au conclave. Cependant, seuls quarante-quatre cardinaux votèrent lors des derniers tours de scrutin, le cardinal Bardi ayant quitté le conclave pour raisons de santé le [13]:

Nom Date d'élévation au cardinalat Fonction
Rainiero d'Elci Cardinal-évêque d'Ostia e Velletri; commendatario de S. Sabina, doyen du Collège des cardinaux, préfet de la Congrégation du cérémonial
Giovanni Antonio Guadagni Cardinal-évêque de Porto e Santa Rufina ; vice-doyen du Sacré Collège, vicaire général de Rome
Francesco Scipione Maria Borghese Cardinal-évêque d'Albano ; Cardinal-protecteur de l'ordre des Franciscains
Giuseppe Spinelli Cardinal-évêque de Palestrina ; préfet de la Congrégation pour la Propagation de la Foi
Carlo Maria Sacripante Cardinal-évêque de Frascati
Joaquín Fernández Portocarrero Mendoza Cardinal-évêque de Sabina ; préfet de la Congrégation des indulgences et des reliques sacrées ; cardinal-protecteur du royaume d'Espagne
Carlo Rezzonico Cardinal-prêtre de S. Marco, évêque de Padoue
Domenico Passionei Cardinal-prêtre de S. Prassede, commendatario de S. Bartolomeo all’Isola, secrétaire des brefs apostoliques ; bibliothécaire de la Sainte Église catholique romaine
Camillo Paolucci Cardinal-prêtre de S. Maria in Trastevere ; commendatario de SS. Giovanni e Paolo ; cardinal-protecteur de l'ordre du Carmel
Carlo Alberto Guidoboni Cavalchini Cardinal-prêtre de S. Maria della Pace ; préfet de la Congrégation pour les évêques et réguliers
Giacomo Oddi Cardinal-prêtre de S. Anastasia ; archevêque de Viterbo e Toscanella
Federico Marcello Lante Cardinal-prêtre de S. Silvestro in Capite ; gouverneur de Balneario
Marcello Crescenzi Cardinal-prêtre de S. Maria in Transpontina, archevêque de Ferrare
Giorgio Doria Cardinal-prêtre de S. Cecilia ; commendatario de S. Agostino ; préfet de Congrégation du bon gouvernement (it)
Giuseppe Pozzobonelli Cardinal-prêtre de S. Maria in Via ; archevêque de Milan
Girolamo De Bardi Cardinal-prêtre de S. Maria degli Angeli alla Terme[14]
Fortunato Tamburini Cardinal-prêtre de S. Callisto ; préfet de Congrégation des rites
Daniele Delfino Cardinal-prêtre de S. Maria sopra Minerva, patriarche d'Udine
Carlo Vittorio Amedeo delle Lanze Cardinal-prêtre de S. Sisto ; archevêque titulaire de Nicosie
Henri Benoît Stuart Cardinal-prêtre de SS. XII Apostoli; commendatario de S. Maria in Portico ; archiprêtre de la basilique Saint-Pierre;
Giuseppe Maria Feroni Cardinal-prêtre de S. Pancrazio
Fabrizio Serbelloni Cardinal-prêtre de S. Stefano al Monte Celio, légat du pape à Bologne
Giovanni Francesco Stoppani Cardinal-prêtre de S. Martino ai Monti, légat en Émilie-Romagne
Luca Melchiore Tempi Cardinal-prêtre de S. Croce in Gerusalemme
Carlo Francesco Durini Cardinal-prêtre de SS. IV Coronati, évêque de Pavie
Cosimo Imperiali Cardinal-prêtre de S. Clemente
Vincenzo Malvezzi Bonfioli Cardinal-prêtre de SS. Marcellino e Pietro, archevêque de Bologne
Clemente Argenvilliers Cardinal-prêtre de SS. Trinita al Monte Pincio, préfet de la Congrégation du Conseil tridentin
Antonio Andrea Galli Cardinal-prêtre de S. Pietro in Vincoli, grand pénitent, préfet de la Congrégation de l'Index
Antonio Sersale Cardinal-prêtre de S. Pudenziana, archevêque de Naples
Alberico Archinto Cardinal-prêtre de S. Lorenzo in Damaso, cardinal secrétaire d'État ; vice-chancelier de la Sainte Église
Giovanni Battista Rotario Cardinal-prêtre de S. Crisogono, archevêque de Turin
Paul d'Albert de Luynes Cardinal-prêtre de S. Tommaso in Parione, archevêque de Sens
Étienne-René Potier de Gesvres Cardinal-Prêtre de S. Agnese fuori le mura, évêque de Beauvais
Franz Konrad von Rodt Cardinal-prêtre de S. Maria del Popolo, évêque de Constance
Alessandro Albani Cardinal-diacre de S. Maria in Via Lata ; commendatario de S. Maria in Cosmedin ; protodiacre du Sacré Collège des cardinaux ; cardinal-protecteur de la maison de Habsbourg et du royaume de Sardaigne
Neri Maria Corsini Cardinal-diacre de S. Eustachio, archiprêtre de la Basilique du Latran; secrétaire de la congrégation de l'inquisition romaine et universelle, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique; Cardinal-protecteur du royaume de Portugal
Agapito Mosca Cardinal-diacre de S. Agata in Suburra
Girolamo Colonna di Sciarra Cardinal-diacre de SS. Cosma e Damiano, camerlingue de la Sainte Église catholique romaine, archiprêtre de la Basilique libérienne
Prospero Colonna di Sciarra Cardinal-diacre de S. Maria ad Martyres, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, Cardinal-protecteur du royaume de France
Domenico Orsini d'Aragona Cardinal-diacre de S. Nicola in Carcere Tulliano ; cardinal-protecteur du royaume de Naples
Giovanni Francesco Albani Cardinal-diacre de S. Cesareo in Palatio ; cardinal-protecteur du royaume de Pologne
Flavio II Chigi Cardinal-diacre de S. Angelo in Pescheria
Giovanni Francesco Banchieri Cardinal-diacre de S. Adriano, légat à Ferrare
Luigi Maria Torregiani Cardinal-diacre de SS. Vito e Modesto

Trente-cinq furent élevés au rang de cardinal par Benoît XIV, huit par Clément XII, un par Benoît XIII (Borghese) et un par Innocent XIII (A. Albani).

Liste des cardinaux absents

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Dix cardinaux ne prirent pas part au conclave de 1758[13]:

Nom Date d'élévation au cardinalat Fonction
Thomas Philip Wallrad d'Hénin-Liétard d'Alsace-Boussu de Chimay Cardinal-prêtre de S. Lorenzo in Lucina ; protoprêtre du Sacré Collège, archevêque de Malines
Joseph Dominicus von Lamberg Cardinal-prêtre de S. Pietro in Montorio, évêque de Passau
Johannes Theodor von Bayern Cardinal-prêtre de S. Lorenzo in Panisperna, prince-évêque de Liège, administrateur de Freising et de Ratisbonne
Álvaro de Mendoza Cardinal-prêtre [sans titulus], patriarche des Indes occidentales, archevêque titulaire de Farsalos
Giovanni Battista Mesmer Cardinal-prêtre de S. Onofrio
José Manuel da Câmara de Atalaia cardinal-prêtre [sans titulus], patriarche de Lisbonne
Luis Fernández de Córdoba Cardinal-prêtre [sans titulus], archevêque de Tolède
Nicolas de Saulx-Tavannes Cardinal-prêtre [sans titulus], archevêque de Rouen
Francisco de Solís Folch de Cardona Cardinal-prêtre [sans titulus], archevêque de Séville
Francisco de Saldanha da Gama Cardinal-diacre [sans titulus]

Tous les cardinaux absents avaient été élevés au cardinalat par Benoît XIV, à l'exception du cardinal d'Alsace, qui avait été créé par Clément XI, et Lamberg, par Clément XII.

Notes et références

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  1. L. Pastor, p. 146
  2. L. Pastor, p. 149
  3. L. Pastor, p. 149-150
  4. L. Pastor, p. 150
  5. L. Pastor, p.150
  6. L. Pastor, p. 151
  7. L. Pastor, p. 152-153
  8. a et b Bibliothèque pontificale
  9. L. Pastor, p. 154-155
  10. L. Pastor, p. 155
  11. L. Pastor, p. 156
  12. S. Miranda: Cardinal Carlo Rezzonico (pape Clément XIII)
  13. a et b Liste des participants au conclave de 1758 (par Salvador Miranda)
  14. Il quitte le conclave le 24 juin pour raisons de santé et ne participe pas aux derniers tours de scrutin

Sources

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