Château d'Issou

château à Issou (Yvelines)

Le château d'Issou est situé dans la commune d'Issou (Yvelines). C'est une construction rénovée en 1903 dans le style du XVIIIe siècle. 48° 59′ 30″ N, 1° 47′ 34″ E

Château d'Issou

Ce château qui appartenait au XIXe siècle à la famille du vicomte De Jean, a subi tout au long de son histoire, de nombreuses mutations successives. Le château d'Issou reçut notamment la marquise de Pompadour qui, selon la légende, aurait laissé sa devise sur le pigeonnier rond : « Horas Non Numero Nisi Serenas » (« je ne compte que les heures sereines »). Une autre légende contestée dit qu'il aurait été offert en 1903 par son dernier propriétaire en cadeau de mariage à sa jeune épouse[1]. Le parc du château, classé par le département des Yvelines (inscrit depuis 1974), s'étend sur onze hectares. Le château, dorénavant propriété de la commune d'Issou, est resté à l'abandon en raison du manque de moyens financiers. Ayant bénéficié de fonds collectés dans le cadre l'opération loto du patrimoine en 2018, il figure maintenant sur la liste des projets de la Fondation du patrimoine, chargée de collecter des dons auprès du public.

Histoire modifier

Le château médiéval qui occupait cet emplacement fut construit aux environs de l'an 1399. Du manoir féodal qui lui succéda au XVIe siècle, il ne reste quasiment rien hormis les vestiges d'une tour carrée et un colombier rond[2].

Entre le XVe et le XVIIe siècle, le fief d'Issou[3] appartenait à la famille De Dampont, dont l'un des membres fut gouverneur de Pontoise en 1612. Nicolas de Dampont, dernier descendant sans héritier vendit les terres et le manoir en 1665 à son gendre Charles de Gaillarbois, seigneur de Marcouville. Le fief fut transmis en 1720, contre 160 000 livres, à François-Gédéon de Giffart seigneur de Hanneucourt et de Gargenville, qui le céda pour 70 000 livres à Pierre-François de Seré de Rieux[4] lieutenant des Gardes-françaises, par acte du 3 août 1724. Celui-ci ordonna, peu après son mariage, la construction du château actuel dans le style classique en vigueur à l'époque. Le maitre d'oeuvre pourrait être Jean-Baptiste Leroux, architecte renommé spécialisé dans les hôtels de plaisance auquel Pierre-François de Seré de Rieux confiera plus tard la réalisation de son hôtel particulier, ancienne place Saint Michel à Paris[5]. Il céda le château d'Issou tout juste terminé en 1728 à François-Nicolas Fillion de Villemur[6], receveur général des finances de Paris.

Le château est ensuite revendu en 1743 à Claude Pierre, marquis de Sabrevois, avant d'être acquis en 1751 par le duc de Bouillon résidant au Château de Montalet[7] sur la même commune. Très introduit à la cour de France, Charles-Godefroy de la Tour d'Auvergne, grand chambellan du roi Louis XV, en fait une résidence très appréciée par divers ambassadeurs ainsi que par Mme de Pompadour. Le château fut de nouveau revendu en 1764 au marquis de Mathan[8], capitaine des Gardes françaises qui le conservera jusqu'à sa mort en 1790. Sans héritier direct, il passa ensuite par 5 propriétaires successifs[9] avant d'être racheté en 1850 par Mr Boreel de Mauregnault, chambellan du Roi de Hollande[10]. Le château est alors agrandi et surmonté de deux pavillons en 1857[3]. Mis aux enchères en 1865[11], il est finalement racheté au prix de 227000 francs en 1873 par Gaston-Marcellin Dejean[12] (Vicomte de Jean), qui deviendra maire de la commune d'Issou de 1884 à 1892.

Après le décès du Vicomte, le château d'Issou est acquis en 1903 par Mr et Mme Chaperon alors jeunes mariés[13] qui le firent entièrement rénover. Paul Chaperon y installa l'électricité, encore rare à l'époque, ainsi qu'un atelier de chimie-photographie utilisant le nouveau procédé pelliculaire mis au point par Georges Balagny[14]. En 1904, Mme Chaperon fait l'acquisition du dernier lot d'orangers provenant de l'Hôtel Héron de Moulins[15]. Restés célèbres et d'un poids considérable ils ornent les photographies de l'époque. Durant la Seconde Guerre mondiale, le château fut réquisitionné par les troupes allemandes[16]. Il restera propriété du couple Chaperon jusqu'au décès en 1976 de Marie Chaperon née Thonier-la-Rochelle, qui en fit don à une association avant d'être acquis définitivement par la commune d'Issou.

Le film Camille Claudel y a été tourné en partie en 1987 puis plus récemment Le Pacte des loups, ainsi que de nombreux courts métrages avec notamment Yves Pennay.

Projet de restauration modifier

Abandonné depuis 1976, le bâtiment est en très mauvais état. Tous les planchers sont effondrés, le toit fuit, les façades sont fissurées et toutes les fenêtres cassées. La municipalité, propriétaire du château, estime à 5 millions d'euros, dont 1,5 million pour assurer la pérennité de la structure, le financement nécessaire à la rénovation[17].

Le château d'Issou a fait partie des 269 sites retenus pour bénéficier des recettes du Loto du patrimoine de [18]. La mission Stéphane Bern a depuis reversé 50 000 euros à la mairie d'Issou ce qui lui a permis d'installer une bâche étanche et protéger les ouvertures. « Le château est enfin sorti du péril. Nous sommes tranquilles pour dix ans » déclare en 2020 le président de l'Association des amis du château d'Issou, Kevin Conil[19].

Notes et références modifier

  1. Il s'agit de Joseph-Paul Chaperon (1875-1953), courtier et héritier unique à 22 ans de la fortune léguée par son père, associé de l'agent de change Tourreil au 1 rue Laffitte à Paris (près de l'Opéra Garnier). Il se maria en juin 1902 à Moulins (03) avec Catherine-MarieThonier (1883-1976), fille d'un avocat et propriétaire terrien de l'Allier, de l'Allier décédé prématurément en 1893.
  2. Ces vestiges furent rénovés à la fin des années 1990 par l'association C.H.A.M (Chantiers Histoire et Architecture Médiévales).
  3. a et b M. Simon, « Monographie communale d'Issou (1899) » (consulté le ).
  4. Pierre-François de Seré ou de Serré de Rieux est le fils de Jean de Serré de Rieux, poète et littérateur, conseiller au parlement de Paris qui écrivit des œuvres musicales pour Louis XIV en compagnie du compositeur Jean-Baptiste Morin. Il est également le neveu de Jean Magon de la Lande, premier armateur de Saint-Malo. Nommé lieutenant au régiment d'infanterie des gardes du Roi à 25 ans, il épouse Élisabeth de Veteris du Revest le 15 mai 1724, fille de Scipion de Veteris Durevest, contrôleur général de la Banque Royale, qui fut embastillé provisoirement après le célèbre « krach » du papier monnaie dite faillite de Law en 1720, pour comptes inexacts. À la suite de ce mariage, il sera contraint d'écourter sa carrière militaire tout en restant Chevalier du Roi. Ils auront 7 enfants. Source : Minutes du notaire Martin Bouron - France Archives Nationales. Paris et l'armée au XVIIIe siècle : étude politique et sociale / Jean Chagniot,1985, p.191
  5. L'hôtel de Seré au centre de Paris, malheureusement aujourd'hui disparu depuis l'ouverture du Boulevard Saint-Michel par le baron Haussmann et bâti de 1728 à 1730, figurait parmi les principales oeuvres de cet architecte. L'ordonnancement de façade de certaines de ses réalisations, notamment celle de l'hôtel d'Avaray construit en 1718 et restée à l'identique, est très proche de ce qu'on retrouve au château d'Issou. Source : Inventaire des inscriptions de France, plaque de cuivre Hotel de Seré avec date, nom de l'architecte et des financeurs.
  6. Mr de Villemur (1682-1754), Fermier général et collecteur d'Impôts jouissait d'une réputation détestable dans tout Paris ainsi que dans l'entourage du Roi, jusqu'à éveiller les soupçons de Louis XV lui-même sur les origines de son immense fortune. Il fit construire un luxueux hôtel particulier au 16,18 Boulevard des Capucines à Paris en 1745 peu après la revente du Château et des terres d'Issou en 1743. Source : Vieilles demeures parisiennes, par Jarry Paul (1879-1948), p 92. (BNF). Son fils, Marie-Camille Fillion de Villemur, receveur général des finances de Rouen puis de Paris en 1732, était un habitué des maisons de plaisir fréquentées par la haute société parisienne. Source ; Paris sous Louis XV, Rapports des inspecteurs de police au Roi, par Camille Piton, Paris, Mercure de France, 1906, (consulter en ligne).
  7. Le Château de Montalet sur la commune d'Issou, également propriété des Dampont au XVe siècle, fut la résidence des Ducs de Bouillon jusqu'en 1770. Plusieurs fois revendu ensuite, il fut mis aux enchères en 1808 alors qu'il était en ruine par les héritiers de Mr De Miromesnil, garde des sceaux du Roi, déchu après la révolution. Le château fut rasé et les terres démembrées puis revendues en parcelles en 1838. Source: Joseph Depoin (1855-1924), Commission des antiquités et des arts du département de Seine et Oise (BNF)
  8. Louis de Mathan (1719-1797) était le second époux en 1769 d'Anne Angélique Louise de Savary, fille d'un grand maitre des Eaux et Forêts de Normandie et veuve d'Antoine-Luc de Seré de Rieux. Né en 1726, maitre de cavalerie de Louis XV, il mourut en 1766, un an après son mariage. Il était le fils ainé de Pierre-François de Seré de Rieux qui avait ordonné la construction du Chateau d'Issou 40ans auparavant. Sources: Liasses de Martin Bouron, notaire à Paris, Archives de France.
  9. Henri Lefèvre d'Ormesson, contrôleur général des finances de Louis XVI, hérita probablement du château en 1790 par son mariage avec Louise-Charlotte Le Peletier de Mortefontaine, fille de Catherine Charlotte du Cluzel de La Chabrerie et belle-sœur du marquis de Mathan. Inhabité et remis en vente en 1805, le château fut racheté par Mr Martin qui le conserva jusqu'en 1828, puis par Mr Brochard de Viller qui fit agrandir le parc, et enfin par Mr de Boisgelin en 1842. Source principale : monographie-communale-par-mr-simon-instituteur-1899.
  10. Bulletin historique et littéraire / Société de l'histoire du protestantisme français, 01 janvier 1866, page 447 (BNF)
  11. « Annonce du journal Le Sport, des gens du monde - 26 avril 1865 ».
  12. Mr De Jean, issu d'une famille de militaires originaires de l'île de la Réunion, était un industriel directeur des fonderies d'Evreux, puis associé avec son beau-père Mr Malétra il devint fabricant de produits chimiques au Petit-Quevilly, société fondée par la famille Malétra en 1808. Il acheta le Château d'Issou en 1873 au nom de sa femme sous régime dotal après son mariage le 14 février 1869 avec Mlle Malétra, dont les parents firent donation de 200000 francs. D'où peut-être l'origine de la légende du Chateau offert en cadeau de mariage (voir Introduction et note 1). Sources: Journal de l'enregistrement et des domaines / 1806-1940, Art 20.152, Régime Dotal, Tribunal de la Seine,8 jan. 1876. (BNF). Jurisprudence du notariat, acte du 30 juin 1872, Art 16.232, 1er Janv. 1879 (BNF). Le Mouvement ouvrier dans la région de Rouen 1851-1876. Tome 1 par Marcel Boivin, Chap. I Les industries et les groupes industriels, p. 17-48, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 1989.
  13. Les époux Chaperon âgés seulement de 27 et 20 ans en 1903, s'établirent provisoirement à Sézanne (51) où résidait Edouard Jacob, jeune agent de change parisien qui deviendra maire et propriétaire du château de Mondement (51), conseiller général de la Marne et président du puissant syndicat des agents de change jusqu'en 1940. Sources: Carnets de service militaire, Annuaire des agents de change de Paris.
  14. G.Balagny, lui-même propriétaire du Château d'Agnou à Maule (78) non loin d'Issou, était président de la Société Française de Photographie et l'auteur en 1889 d'un "traité de photographie par les procédés pelliculaires". Il fut premier témoin au mariage des jeunes époux Chaperon à Moulins en juin 1902. Dix ans auparavant et quelques mois avant le décès d'Aymar Thonier-la-rochelle (père de Mme Chaperon), ils avaient eu en projet commun de réaliser un atlas photographique des monuments de Moulins et du Bourbonnais, qui n'a jamais vu le jour. Par ailleurs, Mme Chaperon était liée par ascendance maternelle à la femme de Georges Balagny (Berthe Salneuve). Sources : Etat civil de Moulins, Cahiers de la Société d’Émulation du Bourbonnais, Bulletins de la société française de photographie.
  15. Ces orangers ornaient à l'origine le Château de Moulins et une partie des arbres avaient déjà été transférés à Versailles du temps de Louis XIV, le reste ayant été déménagé à l'Hôtel Héron de Moulins. Henriette Dussourd, Histoire de Moulins, éditions Volcan, 1975, page 182.
  16. Le vaste parc fut entre autres occupé par les véhicules de type Goliath de la Wehrmacht ; ceux-ci, produits de 1942 à 1944, servaient principalement à détruire des chars ou des réserves de munitions.
  17. Renaud Vilafranca, « Loto du patrimoine : le château d'Issou est en lice », Le Courrier de Mantes,‎ , p. 5.
  18. « Présentation de la mission Bern “Patrimoine en péril” et publication de la liste des projets retenus », Ministère de la Culture, .
  19. « Le Loto du patrimoine à l’heure du bilan », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

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