Acronymie

nom constitué des premières lettres de mots consécutifs

L'acronymie[a],[1] est la création d'un mot — appelé acronyme — formé des initiales abréviatives (OTAN, ovni, Unicef) de plusieurs mots, ou bien de lettres ou de syllabes initiales (radar, Benelux), ou parfois d'un mélange de lettres initiales et non initiales (Medef, sida), et qui se prononce comme un mot normal et non pas lettre par lettre. Ainsi sont exclus la plupart des mots-valises (motel, progicieletc.) car ils contiennent des éléments qui ne sont pas initiaux dans les mots d'origine (hôtel, logiciel, etc.), et les sigles prononcés lettre par lettre (SNCF en France, STM au Québec, USAetc.).

Prononciation et écriture modifier

Parfois formés entièrement de lettres initiales, les acronymes peuvent également être formés en abrégeant les mots par leur syllabe initiale[2]. Ils se prononcent comme des mots normaux, c'est ce qui les caractérise dans le vaste ensemble des sigles et des acronymes, mais ce n'est pas ce qui les distingue nettement des sigles puisque, par exemple, « OTAN » est à la fois un sigle et un acronyme[3]. « URSS » présente la particularité rare d'être prononcé couramment comme un sigle « pur », autrement dit épelé, lettre après lettre (c'est pourquoi il est parfois typographié « U.R.S.S. »), et aussi d'être prononcé, moins fréquemment, comme un acronyme (il est alors rendu et entendu comme le mot inventé « urse », phonétique : [yʁs])[4].

En général, un acronyme s'écrit :

Toutefois, certains codes typographiques ne distinguent jamais par la casse les sigles des non-sigles. On trouve par exemple écrit « AFNOR[8] », acronyme qui n'a tendance à perdre ses capitales dans l'usage que depuis peu de temps. En outre, à partir d'une certaine longueur, de l'ordre de quatre lettres ou de six lettres selon les sources, les acronymes qui sont des noms propres s'écrivent souvent en minuscules avec une capitale initiale, qu'ils soient « sigliques » ou « syllabiques »[9],[10],[11] : Euratom, l’Unesco[8],[10], Saviem, la Snecma, la Sofirad, l'Aramco[9], le Cern, les Assedic[10]. On retrouve partiellement cette pratique dans certains dictionnaires, le Robert allant jusqu'à presque systématiser les minuscules à partir de quatre lettres : il écrit ainsi « Nasa » ou encore « Insee », et pourtant laisse les capitales de « FARC » par exemple.

Les acronymes ne portent pas la marque du pluriel[10], sauf lorsqu'ils ont été lexicalisés comme des noms communs[12] : des radars, des lasers et des ovnis.

Usage modifier

Certaines entreprises créent des acronymes qui « sonnent » bien et cherchent ensuite a posteriori une signification pour chacune des lettres. Ce sont des cas particuliers de rétroacronymie[c]. Un des cas les plus célèbres est celui du nylon, créé en 1938, qui a donné lieu à des rétroacronymies.

L'acronyme peut également être utilisé comme moyen mnémotechnique. Par exemple, dans l'aviation, l'acronyme ACHEVER est parfois utilisé pour lister tout ce qu'il ne faut pas oublier de vérifier avant de décoller : A pour Atterrisseur - C pour Commandes, Compensateur, Carburation (réchauffage froid), Carburation (mélange plein riche), Contact - H pour Huile, Harnais - E pour Essence - V pour Verrière, Volets - E pour Électricité, Extincteur - R pour Réglage, Radio[13].

Certains acronymes sont liés à l'histoire : le Komsomol, le Kominterm, la Tchéka ; notamment de la Seconde Guerre mondiale : la Gestapo, la Sipo, l'Orpo ; quelques-uns subsistent encore, comme la Kripo. Certains sigles étrangers sont même devenus des acronymes en français, avec les accents : la Guépéou qui est la prononciation russe des lettres G, P et U du sigle (GPU) de la police de l'Union soviétique de 1922 à 1934.

Dérivation modifier

L'acronyme peut être lexicalement « dérivé » et servir de racine à de nouveaux termes lexicaux (noms, adjectifs et verbes), par ajout de préfixes ou de suffixes : ufologie, smicard, onusien. Dans ce cas, des diacritiques peuvent, au besoin, être ajoutés au radical des dérivés : cégétiste, médefiste[14]. Ils peuvent participer à la formation de nouveaux jargons (abusivement selon certains auteurs[15]) ou se diffuser largement dans le vocabulaire employé par le grand public.

Usage littéraire modifier

Des écrivains se sont rapidement approprié ce procédé pour en jouer :

  • Raymond Queneau (1903-1976) modifie leur graphie : achélème (acronymisation de HLM, qui est le sigle de « habitation à loyer modéré »)[14] ;
  • d'autres auteurs inventent des acronymes originaux (en ne suivant pas exactement leur règle de formation et en insérant parfois des lettres supplémentaires sans signification) : par exemple le SDEDRERALO, le Syndicat des empêcheurs de rire en rond à l'opéra, pour R. Ducharme[14].

Problèmes posés modifier

Un même acronyme peut avoir des sens nombreux et très différents selon l'époque et le pays.

Comme pour la tendance aux néologismes[16], l'apparition rapide d'un grand nombre d'acronymes rend plus difficile encore le travail des outils de reconnaissance, traduction et traitement automatique des langues[17], notamment quand des acronymes sont détournés avec un changement de sens qui a par exemple une fonction humoristique ou dénonciative[18].

Records modifier

Le plus ancien acronyme connu est « INRI », acronyme dit « titulus crucis », de l'expression latine « Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm » généralement traduit par : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ». Sa première trace archéologique date du IVe siècle avec l'inscription conservée à Rome, à la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem[réf. nécessaire].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Francisation, apparue en 1970, de l'anglais acronym (sigle), du grec ἄκρος / ákros, « au bout, extrême » et ὄνομα / ónoma, « nom », littéralement nom formé d'extrémités (c'est-à-dire d'initiales).
  2. On parle de lexicalisation lorsque l'usage de l'acronyme se généralise au point de ne plus être distingué d'un nom (et ne plus nécessairement être attaché à sa signification initiale).
  3. « Backronym » en anglais.

Références modifier

  1. Jean Tournier (1933-), Les mots anglais du français, Paris, Belin, coll. « Le Français retrouvé, (ISSN 0291-7521), no 32 », , 621 p., 19 cm (ISBN 2-7011-2304-6 et 978-2-7011-2304-2, OCLC 40653529, BNF 36711263, SUDOC 004486080, lire en ligne  ), p. 99.
  2. Bernard Dupriez, Gradus, Les procédés littéraires.
  3. a et b Jean-Pierre Lacroux (1947-2002), « Acronyme : Vocabulaire, explication, sigles et acronymes, et écriture des acronymes », sur orthotypographie.fr, (consulté le ).
  4. Josette Rey-Debove (1929-2005), Étude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains, Paris / La Haye, Mouton, coll. « Approaches to semiotics (ISSN 0066-5576), no 13 », , 331 p., 25 cm (ISBN 978-3-11-098126-1, OCLC 299904006, BNF 35438107, SUDOC 022781870, présentation en ligne, lire en ligne  ), p. 61.
  5. Lexique des règles typographiques… (1971), p. 159-160.
  6. a et b Association suisse des typographes (AST), Guide du typographe romand, Lausanne, Groupe de Lausanne de l'AST, (réimpr. 1948, 63, 82, 93, 2000 et 2015) (1re éd. 1943), 176 p., in-8o (ISBN 978-2-9701-0320-2, OCLC 999796603, SUDOC 063412462, présentation en ligne), p. 61.
  7. Lexique des règles typographiques… (1971), p. 159.
  8. a et b Lexique des règles typographiques… (1971), p. 160.
  9. a et b Lexique des règles typographiques… (1971), p. 163.
  10. a b c et d Louis Guéry, Dictionnaire des règles typographiques, p. 206.
  11. Aurel Ramat et Romain Muller, Le Ramat européen de la typographie, p. 46.
  12. « Pluriel des sigles et des acronymes », sur francite.net, (version du sur Internet Archive) (consulté le ).
  13. « ACHEVER (par cœur) », sur aeroclub-montpellier.org (version du sur l'Archive.today) (consulté le ).
  14. a b et c Bernard Dupriez, Gradus, Les procédés littéraires, p. 24.
  15. Theys S, Ferrandez J.C, Duez D, Richaud C & Bouchet J.Y (2004) Évaluation du DLM: logo suggestif d’hier, mode abusive d'aujourd’hui, acronyme raisonné de demain. REK, 2, 49-66.
  16. Hölttä, K. (2006). La néologie et les néologismes dans la langue journalistique belge.
  17. Heinecke, J., Smits, G., Chardenon, C., De Neef, E. G., Maillebuau, E., & Boualem, M. (2008). TiLT: plate-forme pour le traitement automatique des langues naturelles. Traitement automatique des langues, 49(2), 17-41.
  18. Pambou J.A La fonction «dénonciative» dans le détournement de sigles, d’acronymes et d’abréviations en français du Gabon, Synergies Afrique des Grands Lacs n°4 - 2015 p. 51-65 ; PDF, 15 pp.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles modifier

Articles connexes modifier

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