Yoann Barbereau

enseignant, manager culturel, traducteur et écrivain français
Yoann Barbereau
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Yoann Barbereau en mai 2021.
Naissance (45 ans)
Nantes
Activité principale
écrivain, traducteur
Auteur
Langue d’écriture Français

Œuvres principales

Dans les geôles de Sibérie (2020)

Yoann Barbereau, né le à Nantes, est un écrivain et traducteur français, connu pour avoir été la victime d'un kompromat russe.

Biographie modifier

Dans son premier livre publié (Dans les geôles de Sibérie[1], en 2020), Yoann Barbereau donne quelques éléments de sa biographie. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants, son père était professeur de tennis, sa mère éducatrice spécialisée en protection de l'enfance.

Il a grandi à Sainte-Luce-sur-Loire, près de Nantes. Il commence à écrire très tôt (des nouvelles, des débuts de roman), « mais avec l’inhibition de ceux qui ont beaucoup lu »[2].

Il étudie la philosophie à l’université de Nantes, puis à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne où il entreprend une thèse sur l’esthétique du philosophe américain John Dewey (L’art comme expérience). En 2003, rattrapé par ce qu’il nomme son « tropisme vers l’Est », il s’installe en Russie et contribue à fonder l’Alliance française de Rostov-sur-le-Don. Il organise des rencontres littéraires et artistiques, il monte une troupe de théâtre[3],[4]. De retour en France, il donne des cours d’histoire de l’art et d’histoire de la littérature, « il signe des textes pointus dans des revues exigeantes »[2]. Il a collaboré notamment avec Art Press, la Revue d’esthétique, la revue Nu(e), Place de la Sorbonne, Place publique[5],[6],[7],[8],[9],[10].

En 2011, il est nommé directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk, en Sibérie orientale. Il devient alors contractuel du ministère des Affaires étrangères.

Emprisonnement modifier

Le , la vie de Yoann Barbereau bascule. Victime d’un kompromat[11], il est arrêté brutalement chez lui par dix agents cagoulés du FSB sous les yeux de sa fille et de son épouse russe dont il en train de divorcer[12].

Faussement accusé d'avoir commis des actes pédocriminels et d'être un conjoint violent, il est torturé puis incarcéré à la prison centrale d'Irkourtsk où il reste 72 jours[12],[13]. Plus tard, il sera interné en hôpital psychiatrique durant 3 semaines dont la direction, malgré les pressions du FSB, concluera à l'absence de besoin d'un traitement. Il est par la suite assigné à résidence sous contrôle d’un bracelet électronique[14],[15].

Évasion modifier

Malgré les assurances de l'ambassade de France en Russie et du ministère des Affaires Étrangères français qui assurent que le procès sera annulé, Yoann Barbereau reçoit à l'inverse de ses relations amicales et contacts russes des informations l'invitant à la prudence[12].

En février 2016, il se rend compte par hasard que son bracelet électronique peut être neutralisé grâce à une enveloppe métallique comme l'aluminium placé autour[12].

En juin 2016, malgré les affirmations rassurantes des autorités françaises, son procès est ouvert par la justice russe et se déroule à huis clos. Conscient des risques, il se présente comme un victime d'une machination et en dénonce le fonctionnement. En effet, le parquet russe gagne en effet 99% de ses procès qu'il engage contre les accusés[12].

Le dimanche 11 septembre 2016, il prend la décision de disparaitre de sa résidence surveillée en prenant soin de placer son portable dans un bus à destination de la Mongolie pour égarer ses éventuels poursuivants. Il parvient à gagner l'ambassade de France à Moscou où il reste enfermé pendant une année entière. Les autorités russes sont informées par le Quai d'Orsay de sa présence[12],[13].

Le 15 décembre 2016, la justice russe le condamne par coutumace à 15 ans de camp de travail[13].

Le 5 novembre 2017, il quitte l'ambassade de France et le 7 novembre 2017, il parvient à l'aide d'une ressortissante russe à franchir de nuit, à pied et dans des conditions difficiles, les 10 kilomètres qui séparent la frontière estonienne de la Russie. Il est alors repéré par les autorités estoniennes qui le placent en détention pendant 48 heures[12].

Le 9 novembre 2017, il est interrogé par Élise Lucet sur le plateau de l'émission Envoyé spécial au lendemain de son retour en France et ce grâce à l'enquête à son sujet du journaliste Tristan Waleckx qui s'intéresse à son cas malgré les avertissements du Quai d'Orsay [16],[13]. De nombreux reportages lui sont consacrés dans les semaines et les mois qui suivent[17].

Le paraît l'ouvrage Dans les geôles de Sibérie. Le livre connaît une large couverture médiatique et une des meilleures réceptions critiques de la rentrée littéraire de [18],[19],[20],[21]. Traduit dans plusieurs langues, il rencontre un large public (Livres Hebdo le classe parmi les « phénomènes de vente »)[22] puis sort en poche chez Gallimard en 2021. Quelques mois plus tard, les éditions Joca Seria publient le Journal de prison du poète russe Igor Gouberman, traduit par Yoann Barbereau lors de sa détention[23].

En avril 2020, le tribunal administratif condamne l’État français à indemniser Yoann Barbereau pour les préjudices qu'il a subis, faute d'avoir assuré la protection de son agent en l'absence de faute personnelle de celui-ci[24].

Après son évasion de Russie, Yoann Barbereau est visé par une notice rouge d'Interpol, que l’organisation de coopération policière internationale annule en août 2020, relevant le caractère politique et manipulatoire de la procédure judiciaire russe[25].

Le livre audio Dans les geôles de Sibérie, lu par l’auteur, paraît au mois de février 2021[26]. Une version Folio (Gallimard) paraît en avril 2021[27].

Dans un arrêt du , la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamne la Russie et constate la violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans la procédure opposant Yoann Barbereau à l’État russe [28],[29],[30].

Analyse modifier

Au cours de l'émission Affaires Sensibles du sur France Inter où il est invité, Yoann Barbereau revient sur les vraies raisons potentielles de son emprisonnement et du kompromat à l'origine[12].

Il attribue l'action à son encontre à un mélange de facteurs et une action opportuniste interne des services secrets russes : d'une part, sa grande visibilité auprès des autorités politiques d'opposition, mal vue du pouvoir central russe, d'autre part, son divorce, et enfin la crise des navires Mistral, que la France a refusé de transférer à la Russie à la suite de l'invasion par cette dernière de la Crimée en février 2014[12].

Il dénonce également l'incompétence, l'entre-soi et les actions de la diplomatie française, qui cherche davantage à protéger ses propres intérêts plutôt que ses ressortissants dont elle est en principe en charge[12].

Style littéraire et influences modifier

Dans les geôles de Sibérie est un « livre exceptionnel non seulement par l’histoire qu’il raconte, mais par ses qualités proprement littéraires », selon le poète et philosophe Jean-Claude Pinson. Car, analyse-t-il :

« Constamment, mezzo voce, la littérature hante, innerve tout le livre. La littérature française bien sûr, de Villon à Aragon, mais aussi la littérature russe. Quelque chose, dans le regard de l’auteur semble venir de celui, si empathique, que Tchekhov sait porter sur les plus démunis. Béhémoth, le chat noir de Boulgakov, celui du Maître et Marguerite, hante aussi de son ombre diabolique tout le livre. En filigrane, c’est également toute la poésie russe qu’on entend dans ces pages, celle qui résonne par exemple dans ce quatrain de Batiouchkov :

Ô mémoire du cœur ! Tu es plus forte
Que mémoire triste de la raison.
Souvent ton charme et ta douceur ressortent
Dans les pays aux lointains horizons[31],[32]. »

Dans Le Masque et la Plume, Arnaud Viviant décrit Dans les geôles de Sibérie comme « un roman d'aventure, un livre sensible sans sentimentalisme, plein d'humour, mais aussi un grand livre sur la littérature russe »[33]. Parmi ses sources d’inspiration et ses influences, Yoann Barbereau mentionne en effet des auteurs comme Alexandre Pouchkine (le titre « Dans les geôles de Sibérie » viendrait du poème "Au fond des mines sibériennes" que le poète écrit à ses amis en Sibérie), Anton Tchekhov, Lioudmila Oulitskaïa ou encore Varlam Chalamov. L’œuvre de Mikhaïl Boulgakov occupe une place à part. Le personnage du chat Béhémoth est comme sorti du livre de Boulgakov (Le Maître et Marguerite) pour connaître une nouvelle vie dans celui de Barbereau. Lorsque ce dernier part en cavale sur les routes de Sibérie, il prend l'identité de Landov (une anagramme de Woland, le personnage du diable dans Le Maître et Marguerite).

Dans le supplément « livres » du journal Le Monde, Benoît Vitkine évoque un « ouvrage inclassable », mais qui s'inscrit en partie « dans la longue lignée des récits de prison (de Dostoïevski à Dovlatov, en passant par H. Leivick, Soljenitsyne et Chalamov), ce genre typiquement russe, qui transforme l’enfermement en une exploration de l’âme humaine »[34].

Dans l'émission La Grande Librairie, François Busnel relève l’alternance et le croisement de deux écritures : « un style parfois métaphorique, lyrique, à la limite du baroque » et « un style sec, chirurgical, extrêmement précis, avec des phrases très courtes »[35]. Sous la plume de l'auteur transparaît constamment « à la fois la justesse d’un regard et d’une phrase en même temps que le courage, la droiture et l’humanité d’un homme résolu, dans l’adversité, à sauver son honneur et à recouvrer sa liberté. »[31].

La proximité de Yoann Barbereau avec la pensée du philosophe Vladimir Jankélévitch est rapportée par Adèle Van Reeth[36].

Yoann Barbereau est le préfacier de la traduction russe des Vies minuscules et de Corps du roi de Pierre Michon[37].

Publications modifier

Notes et références modifier

  1. Yoann [VNV] Barbereau, Dans les geôles de Sibérie, (ISBN 978-2-234-08616-6 et 2-234-08616-7, OCLC 1142013769, lire en ligne)
  2. a et b Vanity Fair et Condé Nast Digital France, « Espions, FSB, évasions… Enquête sur l'arrestation en Russie de Yoann Barbereau », sur Vanity Fair, (consulté le ).
  3. « Yoann Barbereau : "J'avais pris l'habitude de sortir les mains dans le dos comme en prison" », sur franceinter.fr (consulté le ).
  4. « "Le courage n'est pas un savoir mais une décision" - Ép. 4/4 - Comment devenir vertueux avec Jankélévitch », sur France Culture (consulté le ).
  5. Yoann Barbereau, « En finir avec l’âme russe ? littérature russe d’aujourd’hui », sur artpress, (consulté le ).
  6. Revue d'esthétique N° 44 Les artistes contemporains et la philosophie - Anne Moeglin-Delcroix,Gilles A. Tiberghien,Yoann Barbereau,Leszek Brogowski (lire en ligne)
  7. Équipe de recherche Fabula, « Nu(e) n° 61: », sur revue-nue.org (consulté le ).
  8. « PLS numéro 1 – Place de la Sorbonne », sur culture-sorbonne.fr (consulté le ).
  9. « Place Publique #19 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur revue-placepublique.fr (consulté le ).
  10. « Article de Yoann Barbereau consacré à "Parties du corps de Bill Berkson" dans Place publique Nantes/Saint-Nazaire | presse | éditions joca seria », sur jocaseria.fr (consulté le ).
  11. Pauline Josse, « Le "Kompromat", l'art du chantage à la Russe », France Culture, .
  12. a b c d e f g h i et j Fabrice Drouelle, « Yoann Barbereau, aller-retour en Sibérie » [audio], émission Affaires sensibles (53 min), France Inter, .
  13. a b c et d Yoann barbereau, Dans les geôles de Sibérie, Paris, Folio, , 317 p. (ISBN 978-2-07-290711-1)
  14. Élodie Font, « Yoann Barbereau : "J'avais pris l'habitude de sortir les mains dans le dos comme en prison" » [audio], émission Chacun sa route (55 min), France Inter, .
  15. « Envoyé spécial. La Russie et le "kompromat" : sexe, chantage et vidéo - 9 novembre 2017 (France 2) » [vidéo], sur la page YouTube de l'émission Envoyé Spécial, 10 novembre 2017 (mise en ligne).
  16. « Envoyé spécial. L'invité Yoann Barbereau raconte sa cavale- 9 novembre 2017 (France 2) », (consulté le ).
  17. « Condamné par la justice russe pour pédophilie, Yoann Barbereau tente de refaire sa vie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. « Yoann Barbereau : les sibériades », sur Livres Hebdo (consulté le ).
  19. « « Dans les geôles de Sibérie » : le roman russe de Yoann Barbereau », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Albert Camus, Cristina Comencini, Stephen King... Des livres en temps de confinement », sur franceinter.fr (consulté le ).
  21. « Yoann Barbereau raconte sa vie de taulard en Sibérie, et son livre est incroyable », sur L'Obs (consulté le ).
  22. « Livres Hebdo du 21 février 2020 », sur Livres Hebdo (consulté le ).
  23. « Journal de prison », sur jocaseria.fr (consulté le ).
  24. « Le quai d'Orsay devra verser 300 000 euros à l'ex-détenu français des "geôles de Sibérie" », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  25. « Interpol lève la notice rouge visant un ancien directeur d’Alliance française condamné par la Russie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. Dans les geôles de Sibérie, (lire en ligne)
  27. « Dans les geôles de Sibérie - Folio - Folio - GALLIMARD - Site Gallimard », sur gallimard.fr (consulté le ).
  28. Camille Boulanger, « La Cour européenne des droits de l’Homme condamne la Russie dans l’affaire Yoann Barbereau », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  29. « La Russie condamnée par la CEDH pour avoir empêché Yoann Barbereau d’interjeter appel », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. « La Russie sanctionnée par la Cour Européenne des droits de l'Homme pour la condamnation du Nantais Yoann Barbereau », sur France 3 Pays de la Loire (consulté le ).
  31. a et b Jean-Claude Pinson, « Littérature hors norme », Place Publique, no 74,‎ , p. 99-100
  32. Texte original du poème en russe
  33. « Albert Camus, Cristina Comencini, Stephen King... Des livres en temps de confinement », sur franceinter.fr (consulté le ).
  34. « « Dans les geôles de Sibérie » : le roman russe de Yoann Barbereau », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  35. « La grande librairie L'amour et la guerre » (consulté le ).
  36. « "Le courage n'est pas un savoir mais une décision" - Ép. 4/4 - Comment devenir vertueux avec Jankélévitch », sur France Culture (consulté le ).
  37. « Мишон, Пьер - Мизерные жизни ; Королевское тело - Search RSL », sur search.rsl.ru (consulté le ).

Voir aussi modifier

Ressources radiophoniques modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier