Trou noir de Reissner-Nordström
En astrophysique, un trou noir de Reissner-Nordström est un trou noir qui possède une charge électrique non nulle et pas de moment angulaire (c.-à-d. un trou noir chargé, mais sans rotation). La répulsion électromagnétique d'une masse chargée, lors de la compression durant la formation du trou noir, étant très largement supérieure à l'attraction gravitationnelle (par environ 40 ordres de grandeur), il n'aurait pu se former que très peu de ces trous noirs dans l'Univers.
Historique
modifierLe trou noir de Reissner-Nordström est ainsi désigné en l'honneur de Hans Reissner (-) et Gunnar Nordström (-) qui ont découvert indépendamment la métrique qui le décrit[1],[2],[3] : le premier dès ,[4] ; le second en [5]. La métrique de Reissner-Nordström a également été découverte indépendamment par Hermann Weyl (-) en [6]. Il s'agit d'une solution de l'équation d'Einstein pour le cas d'une masse ponctuelle chargée électriquement et sans rotation dans un espace vide. Reissner, Weyl et Nordström l'ont obtenue peu de temps après que Karl Schwarzschild -) a trouvé la métrique qui porte son nom et qui décrit les solutions pour une masse ponctuelle sans rotation et sans charge électrique.
Description
modifierLa métrique de Reissner-Nordström généralise celle de Schwarzschild et s'écrit[1] :
où :
- t, r, θ, ϕ sont les coordonnées, avec t ∈ (−∞, +∞), r ∈ (0, +∞), θ ∈ [0, π] et ϕ ∈ [0, 2π)[3] ;
- M et Q sont respectivement la masse et la charge électrique de l'objet ;
- c et G sont respectivement la vitesse de la lumière dans le vide et la constante de Newton ;
- RS est le rayon de Schwarzschild, défini par RS = 2GM / c2 ;
- RQ est un rayon, défini par R2
Q = GQ2 / 4πε0c4, où ε0 est la permittivité diélectrique du vide ; - dΩ est l'angle solide élémentaire, relié aux angles des coordonnées sphériques par dΩ2 = dθ2 + sin2θ dϕ2.
En utilisant les unités géométriques, c'est-à-dire que la vitesse de la lumière, la constante gravitationnelle et la constante de Coulomb sont égales à 1 ( ), la métrique s'écrit :
- .
Le potentiel électromagnétique s'écrit dans ce contexte :
- .
Tandis que les trous noirs chargés avec (et surtout avec ) sont similaires aux trous noirs de Schwarzschild, les trous noirs de Reissner-Nordström ont deux horizons[1] (r±) : le plus externe (r+) est l'horizon des événements ; le plus interne (r−), un horizon de Cauchy. Comme pour les autres trous noirs, l'horizon des événements dans l'espace-temps peut être localisé en résolvant l'équation de la métrique : . Les solutions montrent que l'horizon des événements est situé à :
La solution dégénère en une singularité lorsque .
On pense que les trous noirs avec n'existent pas dans la nature, puisqu'ils contiendraient une singularité nue. Leur existence serait en contradiction avec le principe de censure cosmique du physicien britannique Roger Penrose, qui est généralement considéré comme vrai.
Trou noir et supersymétrie
modifierDans le cadre d'une théorie supersymétrique, comme la théorie des cordes ou même seulement la supergravité, la charge et la masse d'un trou noir sont reliées par l'inégalité de Bogomol'nyi-Prasad-Sommerfield, qui est une conséquence de l'invariance de la théorie sous l'algèbre de superPoincaré (en). Cette inégalité stipule précisément que
ce qui garantit l'absence de singularités nues dans le cas. Le cas d'égalité correspond à une solution de type trou noir qui préserve la supersymétrie, on parle alors de trou noir critique. La supersymétrie, bien que représentant un élément majeur d'investigation en physique théorique pour une construction d'une physique au-delà du modèle standard n'a cependant pas été observée expérimentalement à ce jour (2018) bien que son existence soit l'un des principaux enjeux des expériences qui seront réalisées dans un futur prochain au LHC. Mais en attendant, la question de l'existence réelle de trous noirs supersymétriques peut donc être encore considérée comme complètement ouverte.
Généralisation
modifierSi les hypothétiques monopoles magnétiques sont inclus dans la théorie, une généralisation de la métrique ci-dessus s'obtient en incluant une «charge magnétique» et en remplaçant par et en incluant un terme dans l'expression du potentiel électromagnétique.
Notes et références
modifier- Taillet, Villain et Febvre 2013, s.v.trou noir de Reissner-Nordström, p. 700, col. 2.
- Bičák 2000, § 3, p. 31-32.
- Griffiths et Podolský 2009, chap. 9, sect. 9.2, p. 136.
- Reissner 1916.
- Nordström 1918.
- Weyl 1917.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- [Reissner 1916] (de) H. Reissner, « Über die Eigengravitation des elektrischen Feldes nach der Einsteinschen Theorie », Ann. Phys. (Berl.), vol. 355 (4e sér., vol. 50), no 9, , p. 106-120 (OCLC 4650555681, DOI 10.1002/andp.19163550905, Bibcode 1916AnP...355..106R, lire en ligne).
- [Weyl 1917] (de) H. Weyl, « Zur Gravitationstheorie », Ann. Phys. (Berl.), vol. 359 (4e sér., vol. 54, no 18, , p. 117-145 (DOI 10.1002/andp.19173591804, Bibcode 1917AnP...359..117W).
- [Nordström 1918] (en) G. Nordström, « On the energy of the gravitational field in Einstein's theory », Koninklijke Nederlandsche Akademie van Wetenschappen Proceedings, vol. 20, 2de part., no 7, , p. 1238-1245 (Bibcode 1918KNAB...20.1238N, lire en ligne).
- [Bičák 2000] (en) J. Bičák, « Selected solutions of Einstein's field equations : their role in general relativity and astrophysics », dans B. G. Schmidt (éd.), Einstein's field equations and their physical implications : selected essays in honour of Jürgen Ehlers [« Les équations du champ d'Einstein et leurs implications physiques : une sélection d'essais en l'honneur de Jürgen Ehlers »], Berlin et Heidelberg, Springer, coll. « LNP » (no 540), , 1re éd., 1 vol., XIII-433, ill., 24 cm (ISBN 3-540-67073-4 et 3-642-08637-3, EAN 9783540670735, OCLC 490408208, DOI 10.1007/3-540-46580-4, SUDOC 052238679, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 1er, p. 1-126 [« Une sélection de solutions des équations du champ d'Einstein : leur rôle en relativité générale et en astrophysique »] (DOI 10.1007/3-540-46580-4_1, Bibcode 2000LNP...540....1B, arXiv gr-qc/0004016).
- [Griffiths et Podolský 2009] (en) J. B. Griffiths et J. Podolský, Exact space-times in Einstein's general relativity [« Espaces-temps exacts en relativité générale d'Einstein »], Cambridge et New York, CUP, coll. « Cambridge monographs on mathematical physics », (réimpr. 2012), 1re éd., 1 vol., XVII-525, ill., 26 cm (ISBN 978-0-521-88927-8, EAN 9780521889278, OCLC 758733128, DOI 10.1017/CBO9780511635397, SUDOC 147482941, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 9 (« Space-times related to Schwarzschild ») [« Espaces-temps liés à (celui de) Schwarzschild »], sect. 9.2 (« The Reissner-Nordström solution ») [« La solution de Reissner-Nordström »], p. 136-149.
- [Taillet, Villain et Febvre 2013] R. Taillet, L. Villain et P. Febvre, Dictionnaire de physique, Bruxelles, De Boeck Sup., hors coll., , 3e éd. (1re éd. ), 1 vol., X-899, ill., 24 cm (ISBN 978-2-8041-7554-2, EAN 9782804175542, OCLC 842156166, BNF 43541671, SUDOC 167932349, lire en ligne), s.v.trou noir de Reissner-Nordström, p. 700, col. 2.
Lien externe
modifier- (en) Diagrammes d'espace-temps, par Andrew J. S. Hamilton, incluant un diagramme de Finkelstein et le diagramme de Penrose.