Quatuor à cordes no 14 de Beethoven
Le Quatuor à cordes no 14 en ut dièse mineur, op. 131, de Ludwig van Beethoven, fut composé dans la première moitié de l'année 1826[1] et publié en avril 1827[1] chez Schott à Mayence[1],[2] avec une dédicace au baron Joseph von Stutterheim qui avait accepté le neveu du compositeur dans son régiment[2]. Il est chronologiquement l'avant-dernier quatuor de Beethoven.
Quatuor à cordes no 14 en ut dièse mineur Opus 131 | |
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Genre | Quatuor à cordes |
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Nb. de mouvements | 7 |
Musique | Ludwig van Beethoven |
Effectif | 2 Violons, 1 Alto, 1 Violoncelle |
Durée approximative | environ 40 minutes |
Dates de composition | 1826 |
Dédicataire | baron Joseph von Stutterheim |
Création | Vienne, Autriche |
Interprètes | Schuppanzigh et son quatuor |
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Du point de vue formel, ce quatuor est parfois considéré comme le plus grand chef-d'œuvre de Beethoven, tous genres confondus. Schubert aurait déclaré à son sujet : « Après cela, que reste-t-il à écrire ? » (et ce fut aussi cette pièce que les amis de Schubert lui jouèrent à sa demande juste avant sa mort).
Histoire de l'œuvre modifier
Alors qu'il recevait les louanges de son ami le violoniste Karl Holz (en) au sujet de son treizième quatuor qu'il venait d'achever, Beethoven répondit : « Chacun dans son genre ! L'art veut que nous ne restions pas à la même place. Vous connaîtrez bientôt un nouveau genre de la conduite des parties. Et quant à l'imagination, Dieu merci ! nous en manquons moins que jamais. » [2]
De fait le Quatorzième Quatuor frappa par le sentiment d'unité qu'il dégageait, malgré l'atmosphère très différente des différents mouvements. C'est aux transitions entre les parties que le quatuor doit cette unité, si bien qu'il est difficile de déterminer avec précision le nombre de mouvements[3]. Selon les sources, on en compte cinq, six ou sept, les troisième et sixième pouvant être considérés comme des mouvements de transition. Il est remarquable de noter que le quatuor débute par une fugue, aspect essentiel de la pensée musicale du Beethoven de la dernière période. Le quatuor fut créé par la formation de Ignaz Schuppanzigh dans l'incompréhension générale du public.
Le quatuor dans d'autres œuvres d'art modifier
Le thème du premier adagio est orchestré en 1948 par David Raksin pour accompagner la scène la plus dramatique du film Force of evil d'Abraham Polonsky, bien que seul l'arrangeur soit crédité au générique pour la musique.
L'œuvre apparaît dans Pourquoi nous combattons (Why we fight), l'épisode 9 de la série Frères d'armes, où quatre musiciens allemands jouent le 6e mouvement au milieu des ruines, sous l'œil des soldats américains.
Le quatuor est au centre du film Le Quatuor sorti en 2012.
Musique modifier
Durée modifier
Le quatuor est constitué d'une succession ininterrompue de sept mouvements[3]. Sa durée d’exécution est d'environ 40 minutes[4].
Structure modifier
La structure du quatuor est donnée dans le tableau suivant[5].
No. | Tempo | Tonalité | Nb mesures |
Durée approx. | |
---|---|---|---|---|---|
I. | Adagio ma non troppo et molto espressivo | ut dièse mineur | |
121 | ~ 7 min. |
II. | Allegro molto vivace | ré majeur | |
198 | ~ 3 min. |
III. | Allegro moderato | si mineur | 11 | ~ 45 s | |
IV. | Andante, ma non troppo e molto cantabile | la majeur | |
277 | ~ 14 min. |
Più mosso | |||||
Andante moderato e lusinghiero | |||||
Adagio | | ||||
Allegetto | | ||||
Adagio, ma non troppo e semplice | | ||||
Allegretto | | ||||
V. | Presto | mi majeur | |
498 | ~ 5 min. 30 |
VI. | Adagio quasi un poco andante | sol dièse mineur | |
28 | ~ 2 min. |
VII. | Allegro | ut dièse mineur | |
388 | ~ 6 min. 30 |
Analyse, par Richard Wagner modifier
« Si nous voulons nous imaginer une journée de la vie de notre saint, un des merveilleux morceaux du maître pourrait nous en offrir immédiatement l'exemple. Nous nous en tiendrons ici, de peur de nous tromper, au procédé que nous avons employé pour déterminer l'origine de la musique comme art, au phénomène du rêve pris analogiquement mais sans identification possible. Je choisis donc, pour expliquer, au moyen des événements de sa vie intérieure, une pure journée de la vie de Beethoven, le grand quatuor en ut dièse mineur : ce que nous ferions difficilement à l'audition de ce quatuor, parce que nous nous sentirions forcés d'abandonner toute comparaison déterminée, et de ne percevoir que la manifestation immédiate d'un autre monde, nous devient pourtant possible jusqu'à un certain point, quand nous nous bornons à nous représenter, de mémoire, ce poème sonore. Même ici, je laisse à la fantaisie du lecteur le soin d'animer l'image en ses traits particuliers, en ne m'aidant que d'un schéma très général.
Le très long adagio d'introduction est certainement la chose la plus mélancolique que jamais la musique ait exprimée ; je voudrais le caractériser comme le réveil au matin de ce beau jour qui, dans sa longue course, ne remplira pas un seul vœu, pas un » ! Pourtant, en même temps il y a un acte de contrition, une consultation tenue avec Dieu sur la foi au bien éternel, - L'œil tourné vers l'intérieur aperçoit ainsi l'apparition consolatrice, reconnaissable pour lui seul (allegro 6/8), en laquelle le désir devient un jeu mélancoliquement doux en soi-même : le rêve intérieur s'éveille en un souvenir d'une absolue suavité. Et c'est maintenant comme si (avec le bref allegro moderato de transition) le maître, conscient de son art, se remettait à son travail magique. Il emploie maintenant la force ravivée de ce charme qui lui est propre (andante 4/4) à fasciner une figure toute gracieuse pour s'enivrer sans fin en elle. Cette figure idéale, preuve par elle-même de l'innocence la plus intime, est soumise à des transformations perpétuelles incroyables, par la réfraction des rayons de la lumière éternelle que le musicien projette sur elle. — Nous croyons alors voir l'homme profondément heureux en lui-même, jeter sur le monde extérieur un regard d'une indicible joie (Presto 2/4) : le voilà de nouveau devant lui comme dans la Symphonie pastorale ; tout s'éclaire de son bonheur intérieur ; pour lui c'est comme s'il prêtait l'oreille aux harmonies propres des apparitions aériennes, puis, de nouveau, matérielles, qui se meuvent devant lui en un doux rhythme [sic]. Il considère la vie et paraît se demander (court adagio 3/4) s'il doit se mettre à jouer cette vie en air de danse : courte mais obscure méditation, comme s'il s'enfonçait dans le rêve profond de son âme. Un éclair lui a montré de nouveau l'intérieur du monde : il s'éveille et joue maintenant sur le violon un air de danse comme jamais le monde n'en a encore entendu (allegro finale). C'est la danse du monde lui-même : plaisir sauvage, plainte douloureuse, extase d'amour, suprême joie, gémissement, furie, volupté et souffrance ; des éclairs sillonnent l'air, le tonnerre gronde ; et, au-dessus de tout, le formidable ménétrier qui force et dompte tout, hardi et sûr à travers les tourbillons, nous conduit à l'abime : — il sourit sur lui-même, car pour lui cet enchantement n'était pourtant qu'un jeu. — La nuit lui fait signe. Sa journée est finie.
Il n'est pas possible de méditer quelque événement de la vie de Beethoven sans immédiatement faire appel au musicien Beethoven pour l'expliquer. »
— Richard Wagner, Beethoven[6]
Thèmes modifier
Introduction de l'Adagio ma non troppo et molto espressivo :
Introduction de l'Allegro molto vivace :
Introduction de l'Andante, ma non troppo e molto cantabile :
Introduction du Presto :
Allegro final Le premier thème comporte deux idées :
et
Second thème :
Repères discographiques modifier
- Quatuor Busch, 1942 (Sony)[7]
- Quatuor Hongrois, 1953 (EMI)[8]
- Quatuor Fine Arts, 1960 (Concert Disc)
- Quatuor Italiano, 1968 (Philips)[9],[10]
- Quatuor Végh, 1974 (Auvidis-Valois)[11]
- Quatuor Lindsay, 1983 (ASV)[12]
- Quatuor Alban Berg, 1979 (EMI)[13],[14]
- Quatuor Talich, 1980 (Calliope)[15]
- Quatuor Takács, 2005 (Decca)[16]
- Quatuor de Tokyo, 2010 (Harmonia Mundi)[17]
- Quatuor Artemis, 2011 (Virgin Classics)[18]
- Quatuor Belcea, 2012 (Zig-Zag Territoires)
- Quatuor Ébène, 2020 (Erato)[19]
Références modifier
- Barry Cooper (trad. de l'anglais par Denis Collins), Dictionnaire Beethoven [« Beethoven compendium »], Lattès, coll. « Musiques et musiciens », , 614 p. (ISBN 978-2-7096-1081-0, OCLC 25167179), p. 396
- Jean Massin et Brigitte Massin, Ludwig van Beethoven, Fayard, , 845 p. (ISBN 978-2-213-00348-1), p. 719-20
- Élisabeth Brisson, Guide de la musique de Beethoven, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 878 p. (ISBN 978-2-213-62434-1 et 2213624348), p. 816
- Durée moyenne basée sur les enregistrements discographiques cités
- Elisabeth Brisson, Guide de la musique de Beethoven, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 878 p. (ISBN 978-2-213-62434-1 et 2213624348), p. 812
- Œuvres en prose de Richard Wagner, Tome X (Tome IX des Gesammelte Schriften), traduit de l’allemand par J.-G. Prod'homme & L. Van Vassenhove, Auber. - Beethoven. - L'Opéra. Acteurs et Chanteurs. (1869-1871). Paris, Librairie Delagrave, 1922, pp. 78-80.
- Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason n°379 du mois de février 1992
- « Une des grandes interprétations de l'histoire du disque ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 69
- Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason n°356 du mois de janvier 1990
- « Une intégrale qui n'a pas vieilli ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 70
- « L'intégrale des Végh constitue la référence absolue pour les quatuors de Beethoven ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 69
- « Sans doute le sommet de l'intégrale des Lindsay ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 70
- « Le Quatuor Alban Berg a réussi comme nul autre l'ascension de cet Himalaya de la production beethovénienne : clarté, intensité, expressivité, sens aigu de l'architecture caractérisent cette version ». La Discothèque idéale : sous la direction de Bertrand Dermoncourt, Arles/Paris, Actes Sud, , 280 p. (ISBN 978-2-330-00216-9), p. 37
- Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason du mois de décembre 2012, p. 74
- « Un Beethoven sobre et allusif mais d'une frémissante sensibilité ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 69
- Enregistrement salué par un Gramophone Award 2005 de la revue Gramophone
- Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason du mois de novembre 2010, p. 90
- Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason du mois de décembre 2011, p. 73.
- Enregistrement en concert à Philadelphie, le 6 mai 2019.
Liens externes modifier
- Ressources relatives à la musique :