Mohamed Toujgani
Toujgani (au milieu) en 2017.
Biographie
Naissance

Assifane (Maroc)
Nom de naissance
Mohamed Toujgani
Surnom
Cheikh Toujgani
Nationalité
Activité
Imam, prédicateur, enseignant, conférencier, aumônier
Famille
Tahar Toujgani (cousin)
Autres informations
Religion

Mohamed Toujgani, né en à Assifane (Maroc), est un imam, prédicateur, enseignant et conférencier marocain actif en Belgique entre 1982 et 2021.

Arrivé en 1983 à Molenbeek-Saint-Jean, il s'installe définitivement en Belgique et devient une figure emblématique au sein de la communauté arabo-musulmane en Belgique, prêchant à la Mosquée al Khalil de Molenbeek. Plus tard, il devient également président de la Ligue des imams de Belgique.

En 2021, après près de 40 ans d'activité en tant qu'imam en Belgique, il est expulsé et interdit d'entrée sur le territoire belge à la suite de propos haineux et antisémites. Le secrétaire d’État à l’Asile Sammy Mahdi a avancé les raisons d'un « grave danger pour la sécurité nationale ».

Biographie modifier

Débuts modifier

Mohamed Toujgani naît dans le village d'Assifane, au milieu des montagnes entourant la ville de Chefchaouen[1]. Prêchant à Tanger, il côtoie l'imam Mohamed Fizazi qui prêche dans le quartier de Casabarata[2].

Il établit rapidement des contacts au Benelux, mais également en dehors, notamment à Londres, avec Abou Qatada ou en Égypte avec Abu Ishaq al-Heweny (en)[2].

Mohamed Toujgani émigre en 1982 à Molenbeek-Saint-Jean (commune de la région de Bruxelles-Capitale) en Belgique[3]. Quelques années plus tard, son cousin Tahar Toujgani, également imam, le rejoint pour s'installer et prêcher à Anvers[4].

Prêches modifier

En 1985, la Mosquée al Khalil ouvre officiellement ses portes à Molenbeek-Saint-Jean et Mohamed Toujgani devient son premier imam à prêcher devant un nombre de 2.000 fidèles[5],[6]. Il s'exprime uniquement en arabe et ne possède aucune notion, ni de français, ni de néerlandais[5]. Toujgani est considéré "salafiste" par les médias belges[7].

L’imam Mohamed Toujgani, réputé proche du haut responsable de la gestion de l'islam en Belgique Salah Echallaoui, est connu pour son islam très conservateur qui promeut le modèle marocain de religiosité en conformité avec le rite malékite et le dogme achaarite[8].

Ayant plusieurs fidèles à sa mosquée membres liés à des réseaux djihadistes, dont Chakib Akrouh (l'un des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 en France) et Ilias Azaouaj (tué lors d'une bataille en Syrie), il émet plusieurs mises en garde contre les appels au djihad lors des prêches du vendredi en février 2016[9].

Polémiques modifier

Antisémitisme modifier

Dans un rapport du service de sécurité de l'État belge, plusieurs préoccupations quant à la propagation de discours haineux par Toujgani sont soulevés. Il est accusé d'avoir alimenté l'animosité envers les chiites, les Juifs et l'Occident[2]. Un exemple marquant de ce comportement est une vidéo, en plein conflit israélo-palestinien de 2009 où Toujgani appelle à brûler les sionistes en adoptant les propos : « Seigneur, que le sang des martyrs soit une arme sous les pieds des sionistes oppresseurs, et que ce sang soit un feu ardent qui les brûle et un vent qui les châtie. »[10].

Selon le rapport, ce cas n'est pas isolé ; un sermon datant de 1988 illustre son approche discriminatoire, où il associe trahison, jalousie et hypocrisie spécifiquement aux Juifs. En 2004, il aurait même affirmé que les Juifs constituaient une insulte à Dieu[2].

Peu avant le procès de Mehdi Nemmouche pour son attentat du musée juif de Belgique, le président de la Ligue belge contre l'antisémitisme, Joël Rubinfeld décide de porter plainte contre Mohamed Toujgani pour ses propos datant de 2009[11],[12].

Dans une démarche de transparence et de conciliation, l'imam Mohamed Toujgani adresse en janvier 2019 une lettre ouverte visant à clarifier sa position à la suite des critiques virulentes qu'il a essuyées en raison de ses propos antérieurs. Conscient de l'impact de ses paroles, l'imam a souhaité apporter des précisions sur le contexte dans lequel ces déclarations ont été faites, soulignant qu'elles ont été prononcées sous le coup d'une double pression : médiatique, d'une part, et affective, d'autre part. Cependant, il reconnaît que ces facteurs ne sauraient justifier la teneur et la portée de ses mots, lesquels ont, sans équivoque, choqué et blessé la communauté juive ainsi que d'autres personnes sensibles à ces remarques[13].

L'imam Toujgani, dans sa lettre, tient à exprimer ses "plus humbles excuses à la communauté juive comme à toute personne froissée et indignée par ses propos." Cette démarche de repentance s'inscrit dans une volonté plus large de l'imam de promouvoir un message de paix et de tolérance. Il rappelle, à cet effet, son engagement de longue date en faveur d'un dialogue intercommunautaire constructif et d'un discours valorisant l'altérité et le vivre-ensemble. Par ces mots, l'imam souhaite réaffirmer son attachement aux valeurs de respect mutuel et d'harmonie sociale, en espérant que son message puisse contribuer à réparer les liens endommagés et à apaiser les tensions[13].

Approche djihadiste modifier

En janvier 2022, le média flamand Het Laatste Nieuws sort un rapport de police mène Toujgani au cœur de controverses importantes qui ont culminé avec son expulsion de Belgique. Cette décision, prise par le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, Sammy Mahdi, s'appuie sur des rapports sécuritaires indiquant un risque potentiel pour la sécurité nationale. Le cas de Toujgani met en lumière les défis complexes associés à la surveillance et à la gestion de figures influentes au sein des communautés religieuses, particulièrement dans le contexte de la lutte contre l'extrémisme[1].

Selon ce rapport, Toujgani aurait, en 2009, fait partie d'une cellule de recrutement pour le djihad en Irak. Cette cellule serait liée à des individus impliqués dans les attentats de Bruxelles et Paris. Ce rapport soulève des questions sur le rôle que Toujgani aurait joué dans le soutien ou la facilitation d'activités extrémistes, bien que les détails spécifiques de son implication restent non précisés[1].

Ce rapport révèle également un lien proche de Toujgani avec des figures notoires telles que Bassam Ayachi, considéré comme un leader dans le recrutement pour le djihad[14]. Les liens présumés entre Toujgani et d'autres individus connus pour leur engagement dans des activités extrémistes soulignent la complexité de déterminer la responsabilité et l'influence dans les réseaux extrémistes[1]. Des rapports de police néerlandaises révèlent également le nom de Toujgani avec le groupe terroriste Hofstad, à l'origine de plusieurs attaques aux Pays-Bas[15].

Cependant, l'imam se défend de toute accusation djihadiste et se défend fermemant contre les allégations le liant à des activités djihadistes. Ses plusieurs déclarations, destinées à éclaircir sa position et ses actions, met en avant plusieurs points clés visant à dissiper les malentendus et à restaurer sa réputation auprès de la communauté et du public en général[réf. nécessaire].

Affaires judiciaires modifier

Ordre de quitter le territoire modifier

Le 5 octobre 2021, Toujgani reçoit l'ordre de quitter le territoire belge[16],[17]. Qualifié de prédicateur radical influent, il est considéré comme un danger pour la sécurité nationale selon un rapport de la Sûreté de l’État[18],[19]. En conséquence, il fait l'objet d'une interdiction de territoire en Belgique pour une durée de dix ans, dans un contexte de préoccupations sécuritaires liées à l'extrémisme et à l'ingérence étrangère[20].

Les autorités belges s'appuient notamment sur des propos tenus par Toujgani en 2009, où il invoque la peur et la destruction contre les "sionistes oppresseurs". Ces paroles, considérées comme une incitation à la violence contre les Juifs, ont été prononcées dans un contexte de tensions géopolitiques. L'imam s'est par la suite excusé, se positionnant comme antisioniste mais rejetant l'accusation d'antisémitisme. Sa déclaration a suscité une vague de critiques, notamment de la part de son avocat Georges-Henri Beauthier, qui conteste la légitimité de l'ordre d'expulsion et défend le bilan de son client comme promoteur du dialogue intercommunautaire[20].

Cette affaire soulève également la question de l'ingérence marocaine dans le culte musulman en Belgique. La décision de ne pas renouveler le permis de séjour de Toujgani est perçue comme un message adressé aux autorités marocaines, dans le contexte d'une tension persistante sur la gestion de la Grande Mosquée de Bruxelles et les suspicions d'ingérence étrangère[20].

L'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) et diverses figures communales et académiques expriment leur surprise et leur soutien à Toujgani, le décrivant comme un homme de dialogue et de modération. Ces défenseurs mettent en avant son engagement pour le vivre-ensemble et contre la radicalisation, tout en remettant en question la base des accusations à son encontre[20].

Procédure juridique et décisions modifier

À la suite de cette décision, Georges-Henri Beauthier, l'avocat de Toujgani, dépose un recours fin décembre devant le Conseil du contentieux des étrangers, cherchant à contester la décision de retrait du permis de séjour[21]. Ce recours est cependant jugé irrecevable pour des raisons procédurales : il a été déposé après l'expiration du délai légal de trente jours qui suivait la notification de la décision à contester. Le recours aurait dû être introduit au plus tard le 12 novembre 2021, compte tenu du délai légal, mais il a été déposé le 24 décembre[22].

La décision du Conseil du contentieux des étrangers de ne pas accepter le recours pour des raisons de forme signifie que la décision initiale de retirer le permis de séjour de Toujgani reste en vigueur. En conséquence, il n'a pas le droit de séjourner en Belgique[23]. Néanmoins, il reste une option pour Toujgani et son avocat : un recours en cassation devant le Conseil d'État. Cette étape représenterait la dernière voie de recours possible dans la procédure judiciaire belge pour contester la décision[22].

Réactions politiques modifier

  •   Belgique : Le secrétaire d’État à l’Asile Sammy Mahdi décrit Toujgani comme « un grave danger pour la sécurité nationale »[24]
  •   Belgique : Le politicien Ahmed El Khannouss défend Toujgani et dénonce une décision “unique et totalement injustifiée”, évoquant des “termes crus”[25]
  •   Belgique : Le politicien Georges-Louis Bouchez contredit Toujgani en citant : « Cette banalisation de l’antisémitisme est profondément ignoble et inacceptable », suivi de « Je ne partage en rien la position d’Ahmed El Khannouss »[25]
  •   France : L'imam Abdelmonaim Boussenna apporte son soutien à Mohamed Toujgani via ses réseaux sociaux[26].

Vie privée modifier

En 2000, lors d'un passage à la station de radio Arabel, il déclare qu'il désapprouvait le plan marocain visant à augmenter l'âge légal du mariage pour les filles à 18 ans, arguant que certaines filles sont déjà aptes à se marier dès l'âge de 9 ans[27]. Il aurait également plaidé en faveur de la polygamie, mentionnant qu'il a lui-même deux épouses - l'une avec laquelle il a sept enfants et l'autre avec laquelle il a quatre enfants[27]. De plus, il considérerait le vote comme illégitime, estimant que cela revient à participer à un gouvernement d'incroyants[2].

Notes et références modifier

  1. a b c et d « L’imam Mohamed Toujgani aurait fait partie d’un réseau qui recrutait des jeunes pour le djihad », sur 7sur7.be (consulté le )
  2. a b c d et e (nl) « Dit had Staatsveiligheid tegen Toujgani: extremisme, Jodenhaat en spionage », sur www.bruzz.be (consulté le )
  3. Le Vif, « L'imam de la plus grande mosquée belge se voit retirer son permis de séjour avec ordre de quitter la Belgique », sur Le Vif, (consulté le )
  4. (nl) « Taher Toujgani - Jisr Al Amana Instituut », sur www.jaai.be (consulté le )
  5. a et b « “100 Jours à Molenbeek”, une série documentaire à voir en exclusivité sur Télérama.fr », sur www.telerama.fr, (consulté le )
  6. (nl) « De echte Grote Moskee heet Al Khalil en ligt in Molenbeek », sur www.bruzz.be (consulté le )
  7. « «Molenbeek sur djihad»: le livre choc », sur sudinfo.be, (consulté le )
  8. Tom Guillaume, 13 janvier 2022, mis à jour le 14 janvier, « L'imam Toujgani est interdit d'accès au territoire belge », sur La Libre Belgique (consulté le )
  9. « Mohamed Toujgani, à Molenbeek: «J’appelle les jeunes à prendre garde aux appels au djihad» », sur Le Soir, (consulté le )
  10. (nl) « Imam Toujgani ‘niet extremistisch’ volgens controleorgaan staatsveiligheid », sur www.bruzz.be (consulté le )
  11. « L’imam qui appelait à tuer les Juifs, star des mosquées bruxelloises », sur Le Soir, (consulté le )
  12. « Un imam belge incite à "brûler" des sionistes », sur www.lbca.be (consulté le )
  13. a et b Gilbert Dupont, « L'imam de Molenbeek qui voulait "brûler des juifs" présente ses excuses », sur La Libre.be, (consulté le )
  14. (de) Von Zara Riffler Sa et 29 Januar 2022, « Mohamed Toujgani, Belgiens bekanntester Imam steht unter Terrorverdacht », sur Tichys Einblick, (consulté le )
  15. (de-CH) Daniel Steinvorth, « Belgien: Imam von Moschee in Brüssel droht Ausweisung », Neue Zürcher Zeitung,‎ (ISSN 0376-6829, lire en ligne, consulté le )
  16. « Le permis de séjour de Mohamed Toujgani, imam de la plus grande mosquée de Belgique, lui a été retiré », sur RTBF (consulté le )
  17. Tom Guillaume, « L'imam Toujgani est interdit d'accès au territoire belge », sur La Libre.be, (consulté le )
  18. Flandreinfo be-L'Actu de Flandre, « Retrait du permis de séjour pour l'imam de la plus grande mosquée de Belgique », sur vrtnws.be, (consulté le )
  19. Victor Dethier, « De nouveaux éléments sur les circonstances de l'expulsion de l'imam Toujgani », sur BX1, (consulté le )
  20. a b c et d « L’imam marocain Mohamed Toujgani expulsé : prédicateur radical ou homme de dialogue à l'islam modéré ? », sur RTBF (consulté le )
  21. « Molenbeek: le recours de l’imam Toujgani pour son permis de séjour jugé irrecevable », sur sudinfo.be, (consulté le )
  22. a et b Sabine Ringelheim, « Le recours de Mohamed Toujgani contre le retrait de son permis de séjour est rejeté », sur BX1, (consulté le )
  23. Maryam Benayad, « L’imam Toujgani ne peut plus séjourner en Belgique », sur DHnet, (consulté le )
  24. « Un imam interdit de séjour en Belgique pour avoir appelé à «brûler des Juifs» », sur Le Figaro, (consulté le )
  25. a et b « Ahmed El Khannouss défend l’imam Toujgani et provoque un tollé: “Profondément ignoble” », sur 7sur7.be (consulté le )
  26. Bruno Renoul, « Un imam de Roubaix soutient son confrère expulsé de Belgique pour radicalisme », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  27. a et b La Rédaction, « Polygamie, contacts dangereux, espionnage : voici ce que la Sûreté de l'État avait contre l'imam Toujgani », sur DHnet, (consulté le )

Articles connexes modifier

Liens externes modifier