Messe no 3 de Bruckner

composition d'Anton Bruckner
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Messe no 3 en fa mineur
WAB 28
Image illustrative de l’article Messe no 3 de Bruckner
La Hofburgkapelle

Genre Messe
Nb. de mouvements 6
Musique Anton Bruckner
Langue originale Latin
Effectif Chœur mixte, solistes, orchestre, orgue ad lib.
Durée approximative 60 minutes
Dates de composition
Dédicataire Anton Ritter von Imhof-Geißlinghof
Commanditaire Le Kanzleidirektor pour la Hofmusikkapelle
Partition autographe Österreichische Nationalbibliothek
Création
Augustinerkirche, Vienne
Drapeau de l'Autriche Autriche
Interprètes Hofmusikkapelle, Bruckner
Représentations notables

La Messe no 3 en fa mineur, WAB 28, d'Anton Bruckner est une messe pour chœur mixte, solistes, et orchestre, et orgue ad libitum[1].

Historique modifier

Après le succès en 1867 de sa Messe no 1 en ré mineur, Bruckner fut mandaté par le Kanzleidirektor « pour écrire une nouvelle Messe pour la Hofmusikkapelle. »[2]; Bruckner en composa la première version du au [3] à Linz peu avant son déménagement à Vienne[4].

Les premières répétitions, réalisées par Johann Herbeck à la cour de l'Augustinerkirche, qui eurent lieu en 1868 ou 1869, « ont été mal exécutées par les musiciens » et ont « généralement été infructueuses. »[5] Herbeck trouva en fin de compte la messe « trop longue et impossible à chanter. »[6] Après de multiples délais, la messe fut finalement créée le à l'Augustinerkirche[5], sous la baguette de Bruckner lui-même[7]. Herbeck changea alors son opinion, en prétendant même qu'il ne reconnaissait que deux messes : la présente et la Missa solemnis de Beethoven[8],[9]. Franz Liszt et même Eduard Hanslick firent l'éloge de l'œuvre[9]. Une deuxième représentation eut ensuite lieu à la Hofmusikkapelle le [10]. Le manuscrit est archivé à l'Österreichische Nationalbibliothek[11].

Après la troisième exécution (), Bruckner introduisit des petites modifications au Kyrie au Gloria, et en 1877 au Credo[10]. Il effectua une révision supplémentaire du Credo en 1881, en préparation des concerts à la Hofburgkapelle[10],[12], pour faire surtout face aux "difficultés d'exécution"[13], mais aussi prendre en compte ce qu'il avait appris lors de l'étude du Requiem de Mozart[14], en corrigeant prenant exemple sur Mozart, certains cas d'octaves parallèles non justifiés[15]. Lors de certaines représentations ultérieures, Bruckner était à la tribune d'orgue, au lieu d'être sur le podium[7].

Dans une lettre à Siegfried Ochs du , le compositeur écrivit :

« Der Bruckner wird alt und möchte doch so gern noch die F-Moll [Messe] hören! Bitte, bitte! Das wäre der Höhepunkt meines Lebens. Aber dann manches anders als die Partitur! Bei Des-Dur im Credo: Deum vero de Deo bitte Organo pleno! Nicht Register sparen!
Traduction : Bruckner devient de plus en plus vieux et aimerait beaucoup continuer à vivre pour entendre la messe en fa mineur ! S'il vous plaît, s'il vous plaît ! Ce serait le point culminant de ma vie. Mais une grande partie devrait être différente de la partition ! Dans le ré bémol majeur du Credo : Deum verum de Deo, s'il vous plaît, Organo Pleno ! Ne lésinez pas sur les registres[16] ! »

Durant les années 1890 Bruckner était encore en train de réviser l'œuvre[6], mais apporta très peu de modifications aux parties vocales après 1868[17]. Après l'exécution de , Johannes Brahms « applaudit … avec tant d'enthousiasme … que Bruckner l'en remercia personnellement »[18].

Le compositeur dédicaça la messe à Anton Ritter von Imhof-Geißlinghof à « la dernière minute »[5]. Leopold Nowak estime toutefois que l'œuvre était en fait dédiée au chef d'orchestre Johann Herbeck[6].

Versions et éditions modifier

Bruckner fit quatre révisions successives de l'œuvre, en 1876, 1877, 1881 et de 1890 à 1893[12].

  • Première édition (Doblinger, 1894), révisée par Josef Schalk ; ré-édition par Wöss (1924)
  • Édition Haas (1944, 1952)
  • Édition Nowak (1960)
  • Édition par Hans Ferdinand Redlich (Eulenburg, 1967)
  • Nouvelle édition par Hawkshaw (2005)

Il n'y a pas encore d'édition de la version originale de 1868.

La première édition de 1894 contient "de nombreuses indications non fondées d'exécution et d'articulation, ainsi qu'une massive ré-orchestration, en particulier des instruments à vent"[19]. Bruckner s'en irrita lorsqu'il en prit connaissance, et y nota plusieurs cas d'octaves parallèles, qu'il avait éliminées lors de ses propres révisions[13].

En 1944, Robert Haas en fit une édition dans le cadre de la Bruckner Gesamtausgabe, qui fut remplacée par Leopold Nowak dans son édition de 1960, et plus récemment par Paul Hawkshaw dans son édition de 2005. Ces trois éditeurs ont eu accès à divers manuscrits et copies. Hans Ferdinand Redlich, d'autre part, n'a pas eu cette possibilité pour son édition Eulenburg, et s'est plaint de s'en voir refuser l'accès par Nowak[20].

Dans l'actuelle Gesamtausgabe par Paul Hawkshaw, sont éditées les deux versions, que Bruckner considérait comme définitives, celles de 1883 et de 1893. Les artistes ont ainsi la possibilité de choisir entre ces deux versions[1].

Composition modifier

L'œuvre est composée pour chœur mixte, solistes et orchestre (2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en si bémol, 2 bassons, 2 cors en fa, 2 cors en si bémol, 2 trompettes en ut, trombones alto, ténor et basse, timbales et cordes), et orgue ad libitum[1].

La partition d'orgue, qui figure dans l'édition de Wöss[21], absente dans celle de Haas, est mise "ad libitum" dans l'actuelle Gesamtausgabe. "L'orgue sert avant tout à accentuer les passages significatifs, afin d'augmenter la luminosité de leur sonorité"[21].

  1. Kyrie – Moderato, fa mineur
  2. Gloria – Allegro, do majeur
  3. Credo – Allegro, do majeur
  4. Sanctus – Moderato, fa majeur
  5. Benedictus – Allegro moderato, la bémol majeur
  6. Agnus Dei – Andante, fa mineur, terminant en fa majeur

Durée totale : environ 62 minutes[1].

Le Gloria commence avec les mots "Gloria in excelsis Deo" et le Credo avec les mots « Credo in unum Deum », chantés par le chœur tout entier, plutôt que d'être entonnés en mode grégorien par le prêtre ou un soliste, comme dans les précédentes messes de Bruckner. La composition est plus symphonique que celle de la Messe no 1, avec une plus grande contribution des solistes. Bruckner a annoté les mesures 170–179 du Gloria – une partie du dernier « Miserere nobis » – comme facultatives. Ces dix mesures n'ont été enregistrées que par quelques dirigeants. Tandis que le Gloria se termine par une fugue dans toutes les messes de Bruckner, dans la Messe no 3 le Credo se termine au contraire, comme dans la précédente Missa solemnis, par une fugue « classique »[22]. Dans cette fugue, les entrées suivantes sont précédées par l'acclamation « Credo, credo » soutenue par l'orgue. Le thème de l' Agnus Dei a des réminiscences de celui de la Missa solemnis. Le Dona nobis reprend le thème du Kyrie en mode majeur et rappelle le motif de la fugue du Gloria et la dernière phrase du Credo.

La composition de la messe en fa mineur a peut-être été influencée par les dernières messes de Schubert, la Messe no 5 en la bémol majeur et la Messe no 6 en mi bémol majeur[23].

Notes modifier

Discographie modifier

Environ 70 enregistrements de la Messe no 3 de Bruckner sont disponibles.

Le premier enregistrement complet de la messe a été réalisé par Maurice Kessler avec le Oberlin Musical Union et l'Orchestre du Conservatoire de Cleveland en 1949. Parmi les autres enregistrements de l'époque du microsillon, l'enregistrement d'Eugen Jochum avec le Chœur et l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise sur le label Deutsche Grammophon[27], et Karl Forster (de) avec les Berliner Symphoniker et le Chœur de la Saint-Hedwigs-Kathedrale ont été regravés sur CD. Selon Hans Roelofs, les enregistrements de Jochum et de Forster restent parmi les meilleurs enregistrements de la messe[28].

L'enregistrement plus récent de Matthew Best avec les Corydon Singers a été acclamé par la critique, en particulier pour ne pas édulcorer « les éléments wagnériens du magnifique Benedictus. »[29] L'enregistrement de 2013 par Franz Anton Krager avec le Chœur de l'orchestre Symphonique de Houston[30],[31] est un bon exemple de l'utilisation de l'orgue pour renforcer le chœur et l'orchestre dans les tutti de la messe[28].

D'autres excellents enregistrements sont, selon Hans Roelofs, entre autres ceux de Karl Richter (utilisant la première édition de Schalk), Lovro von Matačić, Colin Davis, Heinz Rögner et Franz Welser-Möst, et les enregistrements plus récents de Ricardo Luna, Robin Ticciati et Gerd Schaller.
L’enregistrement de Davis (1988) est l’un des meilleurs de la troisième messe. Tant sur le plan de l’interprétation que sur le plan sonore, il s’agit d’un enregistrement dans lequel le soin et l’émotion sont équilibrés.
L’enregistrement de Luna (2008) montre une autre facette de la partition de Bruckner. Ce n’est pas un esprit serein qui fait de la musique ici, mais quelqu’un qui déborde d’énergie. Un enregistrement « passionnant » de la troisième messe dans le bon sens du terme !
L’enregistrement live de Ticciati (2013) respire un esprit différent : la retenue est une caractéristique saillante et la partition y est subtilement mise en œuvre. Une interprétation bien équilibrée.
L’enregistrement de Schaller (2015) est clair et présent sur le plan sonore. Les écueils de l’acoustique de l'église y ont été être largement contournés. Un enregistrement réussi ![28].

  • Eugen Jochum, Chœur et Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, Anton Nowakowski (Orgue) - LP : DG 18829 – CD: DG 423 127-2 (coffret de 4 CD), 1962 (édition Haas)
  • Karl Forster (de), Berliner Symphoniker und Chor der Saint-Hedwigs-Kathedrale - LP : Electrola E/STE 80715 – CD : EMI 697-252 180-2 (coffret de 3 CDs), 1962 (édition Haas)
  • Karl Richter, Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde et Tonkünstlerorchester, Vienne – CD : Kapellmeister KMS-064, 1974 (première édition de Schalk, avec les mesures optionnelles 170–179 du Gloria)
  • Lovro von Matačić, Chœur et Orchestre Philharmonia – CD : Premiere Opera 4286, 8 mars 1981 Live (Royal Festival Hall de Londres) – avec le Te Deum de Dvořák. NB : Une curiosité de cet enregistrement est que l'incipit du Gloria et du Credo est entonné par un soliste – comme dans les messes précédentes de Bruckner – avant que le chœur continue[28].
  • Colin Davis, Chœur et Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, Elmar Schloter (Orgue) - CD : Philips Classics 422 358-2, 1988 (avec les mesures optionnelles 170–179 du Gloria)
  • Heinz Rögner, Rundfunkchor Berlin et RSO Berlin - CD : Ars Vivendi 2100 173, 1988.
  • Matthew Best, Corydon Singers and Orchestra - CD : Hyperion CDA 66599, 1992 (avec le Psaume 150).
  • Sergiu Celibidache, Münchner Philharmoniker et Chœur de la Münchner Philharmonie – CD : EMI 5 56702 2, 1990
  • Franz Welser-Möst, London Philharmonic Orchestra et Linzer Mozart-Chor - CD : EMI CDC5 56168 2, 1995 (édition Nowak, avec les mesures optionnelles 170–179 du Gloria)
  • Ricardo Luna, Wiener Madrigalchor, Chorvereinigung Schola Cantorum et de l'orchestre Symphonique du Wiener Volksoper, István Mátiás (orgue) - CD publié par le Wiener Madrigalchor : WMCH 024, 2008 live (première de la version 1883, éd. Hawkshaw) – avec le Te Deum.
  • Robin Ticciati, Chor des Bayerischen Rundfunks et Bamberger Symphoniker – CD : Tudor 7193, 2013 (live)
  • Franz Anton Krager & Michelle Perrin Blair, Houston Symphony Chorus, Orchestra de la Moores School & Sigurd Øgaard (orgue), Anton Bruckner: Symphonisches Praeludium, Mass No. 3 in F minor, Postludium Organ Improvisation – CD/BD : abruckner.com BSVD 0116, 2013 (avec les mesures optionnelles 170–179 du Gloria) – avec l'Ave Maria, WAB 7 en guise d'offertoire
  • Gerd Schaller, Bruckner – Messe no 3, Psaume 146, œuvres pour orgue, Philharmonischer Chor München et Philharmonie Festiva – CD : Profil Hänssler PH16034, 2016.
  • Karsten Storck, Anton Bruckner - Messe f-Moll, Chöre am Hohen Dom zu Mainz, Mainzer Domorchester, Daniel Beckmann (orgue) – CD : Rondeau ROP6161, 2018 (version 1893)

Références modifier

  1. a b c et d Anton Bruckner – Critical Complete Edition: Requiem, Masses & Te Deum.
  2. L. Nowak.
  3. R. Simpson, p. 19.
  4. Hans-Hubert Schönzeler, p. 48.
  5. a b et c H.F. Redlich, p. 35.
  6. a b et c P. Hawkshaw (2005), p.[réf. incomplète]
  7. a et b P. Hawkshaw (1997), p. 3.
  8. D. Watson, p. 26.
  9. a et b H.-H. Schönzeler, p. 60.
  10. a b et c C. van Zwol, p. 690-694.
  11. U. Harten, p. 285.
  12. a et b P. Hawkshaw (1997), p. 18.
  13. a et b P. Hawkshaw (1997), p. 31.
  14. P. Hawkshaw (1997), p. 19.
  15. T. Jackson, 9. 395.
  16. (de)Meister der deutschen Musik in ihren Briefen, H. Brandt (Éditeur), p. 442, 1928.
  17. P. Hawkshaw (1997), p. 8.
  18. K.W. Kinder, p. 126–127.
  19. P. Hawkshaw (1997), p. 30.
  20. H.F. Redlich, p. 40.
  21. a et b Grosse Messe Nr. 3 F moll von Anton Bruckner – Eulenburgs kleine Orchester-Partitur-Ausgabe, préface par Josef V. von Wöss, Universal Edition, 1924.
  22. P. Hawkshaw (2004), p. 50.
  23. P. Hawkshaw (2013).
  24. R. Simpson, p. 62, où un passage de six mesures, extrait de la page 33 de l'Universal Edition par Josef V. von Wöss, est mentionné.
  25. R. Simpson, p. 54.
  26. A.P. Brown, p. 193.
  27. L.T. Lovallo, p. 28.
  28. a b c et d Discographie critique par Hans Roelofs
  29. S. Johnson, p. 361.
  30. Amazon's editorial Review of Krager's recording.
  31. Critical review of Krager's recording on MusicWeb international.

Sources modifier

  • Anton Bruckner, Sämtliche Werke, Kritische Gesamtausgabe – Band 14: Messe f-Moll (Originalfassung), Bruckner-Verlag GmbH, Robert Haas (Éditeur), Leipzig, 1944
  • Anton Bruckner: Sämtliche Werke: Band XVIII: Messe f-Moll (1867/68, 1883/93), Musikwissenschaftlicher Verlag der Internationalen Bruckner-Gesellschaft, Leopold Nowak (Éditeur), Vienne, 1960 / nouvelle édition par Paul Hawkshaw, Vienne, 2005
  • Max Auer, Anton Bruckner als Kirchenmusiker, Gustav Bosse Verlag, Ratisbonne, 1927, p. 137–166
  • A. Peter Brown, The second golden age of the Viennese symphony: Brahms, Bruckner, Dvořák, Mahler, and selected contemporaries, Indiana University Press, Indianapolis, 2002
  • Uwe Harten, Anton Bruckner. Ein Handbuch. Residenz Verlag, Salzbourg, 1996. (ISBN 3-7017-1030-9).
  • Paul Hawkshaw, "An anatomy of change: Anton Bruckner's Revisions to the Mass in F minor" Bruckner Studies - édition par Timothy L. Jackson et Paul Hawkshaw, Cambridge University Press, Cambridge, 1997
  • Paul Hawkshaw, "Bruckner's large sacred compositions" The Cambridge Companion to Bruckner dirigée par John Williamson, Cambridge University Press, Cambridge, 2004
  • Paul Hawkshaw, Anton Bruckner and the Austrian Choral Tradition dans : Donna M Di Grazia, Nineteenth-Century Choral Music, Routledge, 2013. (ISBN 978-1-136-29409-9)
  • Keith William Kinder, The Wind and Wind-Chorus Music of Anton Bruckner, Greenwood Press, Westport, Connecticut, 2000
  • Timothy Jackson, "Bruckner's 'Oktaven'", Music & Letters, Vol. 78, no 3, 1997
  • Stephen Johnson, "Anton Bruckner, Masses nos. 1–3" 1001 Classical Recordings You Must Hear Before You Die, Rye Matthew (éditeur) , Univers, New York, 2008
  • Lee T. Lovallo, "Mass no. 3 in f minor" Anton Bruckner: a Discography, Rowman & Littlefield, New York, 1991
  • Hans Ferdinand Redlich, Préface de la Messe en fa mineur (révision de 1881), Ernst Eulenburg, Ltd, Londres, 1967
  • Hans-Hubert Schönzeler, Bruckner, Marion Boyards, Londres, 1978
  • Robert Simpson, The Essence of Bruckner: An essay towards the understanding of his music, Victor Gollancz Ltd, Londres, 1967
  • Cornelis van Zwol, Anton Bruckner – Leven en Werken, Thot, Bussum (Pays-Bas), 2012. (ISBN 90-686-8590-2)
  • Derek Watson, Bruckner, J. M. Dent & Sons Ltd, Londres, 1975

Liens externes modifier