Kang (poêle)
Un kang (chinois : 炕 ; pinyin : ; mandchou : ᠨᠠᡥᠠᠠ (nahan) ; kazakh : кән) est un espace surélevé, constitué traditionnellement de briques ou d'éléments en terre cuite et plus récemment en béton, et servant d'espace de vie pour les activités de la journée mais aussi de lit pour passer la nuit. Un kang qui couvre l'intégralité de la pièce est appelé dikang (地炕, )[1]. On en fait traditionnellement usage dans la partie septentrionale de la Chine où le climat peut être rude durant les hivers.
Description
modifierLe kang a une forme allongée, d'environ 2 mètres au moins. Il occupe habituellement le tiers voire la moitié de la pièce, peut servir de lit et reste utile pour d'autres activités durant la journée[1]. Cette maçonnerie creuse contient un système tortueux de conduits qui canalise les fumées chaudes d'un feu de bois ou de charbon, généralement d'une cuisinière dans une cuisine adjacente, parfois d'un poêle en dessous du niveau du sol. Cela permet un échange de chaleur prolongé avec les fumées encore très chaudes, ce qui augmente la récupération de chaleur au profit de la pièce chauffée. Tout comme les poêles de masse européens, un bloc massif de maçonnerie est employé pour retenir la chaleur. On utilise aussi du torchis, profitant de la capacité à retenir la chaleur du lœss. Alors qu'il faut parfois plusieurs heures pour le chauffer à la température de surface désirée, un lit correctement conçu peut rester chaud durant toute une nuit sans avoir à maintenir un feu. Il émet de la chaleur par rayonnement pour chauffer l'intérieur de la pièce, en plus de la chaleur apportée par la masse du lit. Une des plus anciennes formes d'habitation chinoise, des caves chauffées appelées yaodong que l'on retrouve dans tout le Nord de la Chine, aurait été inhabitable sans le kang[1].
Histoire
modifierLe kang serait dérivé du huoqiang (火墙, ), une forme de lit constitué d'un sol chauffé dont on a retrouvé des traces datant du Néolithique en Chine, grâce à une analyse de découvertes archéologiques réalisées dans des ruines à Banpo, près de Xi'an[2]. Ailleurs, des sites archéologiques à Shenyang, et plus généralement dans la province du Liaoning, montrent des sols chauffés utilisés il y a 7 200 ans[3],[4]. Le lit retrouvé est constitué d'une couche de 10 cm d'argile pétrie, couvrant le sol. Le lit était chauffé par la méthode du zhidi (炙地, ) qui consiste simplement à faire un feu sur le lit en terre et à en balayer les cendres juste avant de se coucher. L'usage répété de feux aurait rendu la surface dure et résistante à l'humidité. Cette méthode est mentionnée par le poète Meng Jiao durant la dynastie Tang dans un poème :
« 無火炙地眠,半夜皆立號。, »
« Aucun combustible pour réchauffer le sol avant de se coucher, au lieu de cela, debout et pleurant dans le froid de minuit. »
Le mot « 炕, », qui signifie « sécher », est mentionné pour la première fois dans un dictionnaire de chinois datant de l'an 121. Une première forme est apparue dans le Nord-Est de la Chine et employait un système d'un seul conduit, comme l'hypocauste de la Rome antique et l'ondol du voisin coréen[4]. Un exemple a été mis au jour dans une ruine du Ier siècle dans le Heilongjiang. La conduite unique était en forme de L, faite de torchis et de pavés, recouverte de dalles en pierre. Des murs avec un système de double conduits ont été découverts dans un ancien palais du IVe siècle dans la province de Jilin. La banquette en torchis, en forme de L, est de construction plus complexe que celle munie d'une seule conduite et remplit des fonctions similaires à celles d'un kang. Des indications littéraires dans le Shui Jing Zhu (水經注) prouvent aussi la présence de planchers chauffés sous la dynastie Wei du Nord, bien qu'il ne soit pas explicitement appelé dikang[1] :
« Dans le temple de Guanji, [près de l'actuel district de Fengrun], il y a une grande salle de lecture. Elle est très haute et suffisamment grande pour accueillir un millier de moines. La plate-forme a été construite avec des pierres arrangées pour former un réseau de canaux et la finition du sol est constituée d'une couche d'argile. Des feux sont allumés aux ouvertures extérieures, sur les quatre côtés de la plate-forme, tandis que la chaleur se répand vers l'intérieur, chauffant la pièce entière. La construction a été réalisée par un bienfaiteur (ou des bienfaiteurs) pour permettre aux moines d'étudier durant les hivers rudes. »
— Li Daoyuan, Shui Jing Zhu
Le kang aurait évolué d'un simple sol aménagé à une banquette à part entière à cause des changements culturels intervenus durant les Dynasties du Nord et du Sud : le grand mobilier et les chaises remplaçaient les meubles bas et l'ancienne habitude chinoise de s'asseoir directement sur le sol[1]. Les traces du plus ancien kang ont été découvertes à Ninghai, dans le Heilongjiang, dans le palais Longquanfu (698-926) et est d'origine Balhae.
En dehors de la Chine, le concept de « poêle de masse », a été utilisé sous diverses formes à travers le Nord et l'Est de l'Europe. En particulier, les Russes ont eu recours à une sorte de poêle-lit similaire traditionnel, appelé four russe (en russe : Русская печь) ; on ne sait pas s'il a été introduit de l'Orient, lorsque la région était sous le joug des Tatars.
Culture
modifierLe kang était un élément important dans les habitations traditionnelles de la Mandchourie, une région souvent froide du Nord-Est, où il était connu sous le nom de nahan (ᠨᠠᡥᠠᠠ) dans la langue maternelle des mandchous locaux. Il jouait un rôle important dans les traditions funéraires mandchoues. Le défunt était placé à proximité du kang au lieu de la coutume chinoise han de le mettre dans la pièce principale. La hauteur à laquelle le défunt est placé varie avec le statut familial ou l'âge.
Diffusion
modifierLe kang chinois s'est diffusé auprès des populations non-chinoises des marches frontières nord-occidentales. Par exemple, dans le sud de la province du Gansu, les Tibétains ont adopté le kang, selon Robert Ekvall écrivant dans les années 1930. De même, nombre de Tibétains habitant la région de Xining dans la province du Qinghai ont adopté ce dispositif de chauffage dans leurs maisons[5].
Annexes
modifierVoir aussi
modifier- Poêle de masse
- Ondol - système similaire coréen
- Kotatsu
- Four russe
- Hypocauste
- Plancher chauffant
Références
modifier- (en) Qinghua Guo, « The Chinese Domestic Architectural Heating System [Kang]: Origins, Applications and Techniques », SAHGB Publications Limited, vol. 45, , p. 32–48 (JSTOR 1568775)
- (en) Xiaoming Zhang, Chinese Furniture, Cambridge University Press, , 135 p. (ISBN 978-0-521-18646-9 et 0521186463, lire en ligne), p.4.
- (en) Robert Bean, Bjarne W. Olesen, Kwang Woo Kim, « History of Radiant Heating & Cooling Systems », sur www.healthyheating.com, (consulté le ).
- (en) Zhi Zhuang, Yuguo Li, Bin Chen, Jiye et Guo, Chinese kang as a domestic heating system in rural northern China—A review, vol. 41, Energy and Buildings, , 111–119 p. (DOI 10.1016/j.enbuild.2008.07.013), chap. 1.
- (en) Piper Rae Gaubatz, Beyond the Great Wall: Urban Form and Transformation on the Chinese Frontiers, Stanford University Press, 1936, 378 p., p. 249 : « Long ubiquitous in traditional housing in northern China proper, it [the kang] has diffused widely to some of the non-Chinese groups on the nortwestern frontier. According to a professor at the Qinghai Nationalities Institute (personal communication, 1988), for example, many Tibetans living in the region of Xining have adopted the Chinese-style structure. [...] Robert Ekvall also reported Tibetan adoption of the kang, in the 1930s in southern Gansu province. He observed that "most significant of all the material borrowing (was) the adoption among the Tibetans of the kang – the heated platform or masonry bed of the Chinese which is the most important part of the Chinese house" (Ekvall 1939:44) ».
- (en) Robert Stuart Meikleham, On the History and Art of Warming and Ventilating Rooms and Buildings by Open Fires, Hypocausts ... Stoves ... and Other Methods, vol. 2, G. Bell, (lire en ligne).
- (en) Gregory K. Clancey, Hui-Chieh Loy, Historical Perspectives on East Asian Science, Technology, and Medicine, Singapore/Singapore, World Scientific, , 585 p. (ISBN 9971-69-259-7, lire en ligne).
- (zh) 其敏荆, Traditional Chinese dwellings (中国传统民居), 天津大学出版社, , 189 p. (ISBN 7-5618-1199-3).