Festival de Cannes 1979
La trente-deuxième édition du Festival de Cannes a lieu du 10 au 24 mai 1979.
Jury longs métragesModifier
- Présidente du jury : Françoise Sagan, écrivain
- Jules Dassin, réalisateur
- Luis García Berlanga, réalisateur
- Maurice Bessy, journaliste
- Paul Claudon, producteur
- Robert Rojdestvensky, écrivain
- Rodolphe M. Arlaud, journaliste
- Sergio Amidei, scénariste
- Susannah York, comédienne
- Zsolt Kézdi-Kovács, réalisateur
PalmarèsModifier
- Palme d’or (ex æquo) : Le Tambour de Volker Schlöndorff et Apocalypse Now de Francis Ford Coppola
- Grand prix spécial du jury : Siberiade d'Andrei Mikhalkov-Kontchalovski
- Prix de la mise en scène: Terrence Malick pour Les Moissons du ciel
- Prix d'interprétation féminine : Sally Field pour Norma Rae de Martin Ritt
- Prix d'interprétation masculine : Jack Lemmon pour Le Syndrome chinois de James Bridges
- Prix du second rôle féminin : Eva Mattes pour Woyzeck de Werner Herzog
- Prix du second rôle masculin : Stefano Madia pour Cher papa de Dino Risi
- Grand prix de la commission technique supérieure : Norma Rae de Martin Ritt
- Prix FIPRESCI de la critique internationale : Apocalypse Now de Francis Ford Coppola
- Palme d'or du Festival international du film - court métrage : Harpya (Harpie) de Raoul Servais
- Caméra d'or : Northern Lights de John Hanson et Rob Nilsson
Sélection officielleModifier
Fait marquantModifier
L'édition 1979 fait l'objet d'une importante controverse. Sept mois après avoir présidé le jury, la romancière Françoise Sagan dénonce le fonctionnement de l'institution dans Le Matin de Paris[1]. Selon elle, la direction du Festival a dicté en coulisse son palmarès aux jurés. Gilles Jacob, chargé de la sélection, revient sur cet épisode dans La Vie passera comme un rêve[2].
Sagan reste indifférente devant Apocalypse Now de Francis Ford Coppola pour lequel le Festival accepte au préalable tous les ordres, contre-ordres, contraintes techniques et caprices[3]. Conscient de l'ampleur de l’œuvre, Gilles Jacob déroge même à la règle qui interdit à un cinéaste déjà lauréat de la Palme d'or de revenir en compétition (Coppola l'avait obtenue cinq ans plus tôt pour Conversation secrète)[2].
Sagan ne jure que par Le Tambour de Volker Schlöndorff, adapté du roman homonyme de Günter Grass[3]. Ce film, commente Jacob, est « plus dans la tradition littéraire qu'elle préfère, même s'il y a du Conrad dans Apocalypse Now. »[2].
Sa ténacité finit par payer et, le jour précédant la clôture, le vote préliminaire du jury place Le Tambour en tête[2]. Au vu de ce résultat, le président du festival Robert Favre Le Bret et Maurice Bessy, ex-délégué général et juré cette année-là (à titre de compensation pour départ forcé), font pression dans la soirée sur les autres membres du jury, se voyant expliquer que l'intérêt supérieur de Cannes penche en faveur de Coppola pour des raisons évidentes d'image de marque, de visibilité planétaire de l'évènement ou d'intérêts diplomatiques, stratégiques et commerciaux (frilosité des studios américains à présenter leurs productions sur la Croisette en plus d'une direction promettant à l'époque le meilleur aux décideurs pour sélectionner tel et tel film)[2],[3].
Lors de l'ultime délibération, la Palme d'or est attribuée à la quasi-unanimité au film américain. Furieuse, Sagan se retire avant la fin des débats et fait ses valises[4]. Pour étouffer le scandale, une délégation vient lui proposer un compromis : accepter que la Palme soit décernée ex-æquo à Apocalypse Now et au Tambour en échange de son silence[2]. Sagan obtempère mais rompt sa promesse quelques mois plus tard. Sa révélation fracassante déclenche un mouvement de révolte dans la presse contre le Festival. Ce dernier répond que Sagan a laissé une ardoise de 10 000 francs au palace où elle logeait[3].
Lors du gala de clôture, Schlöndorff fait un discours sans ambiguïté sur David et Goliath et Coppola ne dit pas à un mot[2]. Ce dernier, qui vient de devenir le premier cinéaste doublement palmé, glisse plus tard à l'oreille de Gilles Jacob : « Je n'ai eu qu'une demi-palme. »[2].
Après cette édition houleuse, Jacob prend deux mesures pour la suite : supprimer définitivement la règle empêchant les lauréats de la Palme de revenir en compétition et interdire toute ingérence de la direction dans les décisions du jury[2]. Dès lors, le président et le délégué général assistent muets aux délibérations et se contentent juste d'expliquer, lors de la première réunion, le règlement intérieur ou de le rappeler par la suite si besoin est[2].
Notes et référencesModifier
- « Dans les coulisses du jury du festival de Cannes », Le Point, (lire en ligne).
- Gilles Jacob, La Vie passera comme un rêve, Paris, Robert Laffont, , 384 p. (ISBN 9782221087398)pages 180 à 186.
- Jean-Luc Douin, « Sagan et le "complot" cannois », Vanity Fair, (lire en ligne).
- Bertrand Meyer-Stabley, Françoise Sagan. Le tourbillon d'une vie, Pygmalion, , p. 147.