Cornucopianisme

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Le cornucopianisme (du latin : cornu copiae, « corne d'abondance »[1]) est la croyance en des ressources illimitées et en des innovations permanentes qui permettront de toujours résoudre les problèmes rencontrés par l'humanité — épuisement des ressources (minérales, animales ou végétales), démographie infinie (croissez, multipliez), impacts écologique et climatique du développement humain, etc.[2],[3],[4].

Histoire modifier

Le philosophe arabe Ibn Khaldun (13321406) était déjà cornucopien, comme l'indique cette citation de la Muqaddima (traduite approximativement de l'anglais, depuis la version anglophone de cet article) : « Quand la civilisation [population] augmente, le travail disponible augmente encore. En retour, le confort augmente encore proportionnellement au profit en augmentation, et les coûts et besoins de produits de confort augmentent. Des artisanats sont créés pour obtenir de nouveaux produits de confort. La valeur qu'ils produisent augmente, et, en conséquence, les profits sont encore multipliés dans la ville. La production est ici plus prospère qu'auparavant. Et cela se poursuit ainsi avec les seconde et troisième augmentations. Tout le travail additionnel sert le confort et la fortune, contrairement au travail originel qui servait les besoins nécessaires de la vie. »

Cette théorie a été formulée en 1981 par Julian Lincoln Simon dans son livre The Ultimate Resource.

Dans le débat sur le caractère limité des ressources disponibles, le cornucopianisme s'oppose schématiquement au néomalthusianisme. Selon les universitaires Jean-Frédéric Morin, Amandine Orsini et Maya Jegen, « tant l'expression « néomalthusiens » que celle de « cornucopiens » ont un caractère péjoratif et sont principalement utilisées par leurs détracteurs pour mieux les discréditer. La majorité des auteurs néomalthusiens souscrivent plutôt à la représentation systémique et les auteurs cornucopiens à la représentation libérale de la protection de l'environnement (Bernstein, 2001 ; Clapp et Dauvergne, 2008 ; Dryzek, 2005) »[5]. Ils définissent ainsi la thèse des cornucopiens : « Selon eux, l'humanité n'est pas une population déstabilisatrice qu'il faudrait gérer, mais une espèce exceptionnelle, dotée d'une capacité unique d'innovation. Celle-ci serait telle qu'elle permettrait de repousser constamment la capacité porteuse de la Terre et qu'elle infirmerait l'idée néomalthusienne que toutes les ressources sont limitées. Elle serait, pour reprendre les termes de Julian Simon, la « ressource ultime », rendant toutes les autres ressources virtuellement illimitées elles aussi (Simon, 1981) »[5].

Dans Les Marchands de doute (2010), Naomi Oreskes et Erik M. Conway, historiens des sciences américains, soulignent que « les cornucopiens ont une foi aveugle en la technologie, que les faits historiques n'ébranlent pas », et choisissent de désigner cette tendance à travers le terme de « technofidéisme »[6]. La philosophe Anne Frémaux, partisane de la décroissance, décrit les cornucopiens comme des « techno-optimistes » et les assimile à « une école de pensée que John Dryzek (en) qualifie de « prométhéenne » en référence au fameux Titan qui vola le feu à Zeus et qui par là même permit à l’homme de manipuler et de dominer le monde »[7].

Exemples de cornucopiens modifier

Dans cette mouvance, on peut citer :

Notes et références modifier

  1. Luc Ferry, La Mythologie grecque de A à Z pour les Nuls, EDI8, , 373 p. (ISBN 9782412066119, lire en ligne).
  2. (en) J.G. Clark, « Economic Development vs. Sustainable Societies: Reflections on the Players in a Crucial Contest », Annual Reviews in Ecology and Systematics, vol. 26, no 1,‎ , p. 225–248 (DOI 10.1146/annurev.es.26.110195.001301)
  3. (en) J. Attarian, « The Coming End of Cheap Oil », The Social Contract, Summer,‎ (lire en ligne [PDF])
  4. (en) J. Chenoweth et E. Feitelson, « Neo-Malthusians and Cornucopians put to the test: Global 2000 and the Resourceful Earth revisited », Futures, vol. 37, no 1,‎ , p. 51–72 (DOI 10.1016/j.futures.2004.03.019, lire en ligne)
  5. a et b Jean-Frédéric Morin, Amandine Orsini et Maya Jegen, Politique internationale de l'environnement, Presses de Sciences Po, , 296 p. (ISBN 9782724617474, lire en ligne).
  6. Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Les Marchands de doute : ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique, Le Pommier, , 528 p. (lire en ligne).
  7. Anne Frémaux, « Pour un bon usage de l’utopie dans l’anthropocène », Revue du MAUSS permanente,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

 
Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Cornucopianisme.

Liens externes modifier