Roger Trinquier

officier supérieur français
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Roger Trinquier, né le à La Beaume (Hautes-Alpes) et mort le [1] à Nice[2], est un officier parachutiste, ayant participé à la guerre d'Indochine, à la crise de Suez et à la guerre d'Algérie. En tant que membre de l'état-major de la 10e division parachutiste de Jacques Massu, il prend part, dans un rôle de premier plan, à la bataille d'Alger en 1957. Commandeur de la Légion d’honneur, titulaire de 14 citations dont 10 à l'ordre de l'armée, le colonel Trinquier est l'auteur de plusieurs ouvrages.

Roger Trinquier
Biographie
Naissance
Décès
(à 77 ans)
Nice, France
Nom de naissance
Roger Paul TrinquierVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Allégeance
Activité
Enfant
Richard Trinquier (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Arme
Conflit
Grade
Distinction

Auteur de La Guerre moderne (éditions de la Table Ronde, 1961), il est un des théoriciens de la « guerre subversive » et sera abondamment cité dans les écoles de guerre, en particulier à l'École militaire des Amériques, située au Panama ainsi qu'à Fort Benning en Géorgie (États-Unis) [3].

Biographie modifier

Origines familiales modifier

Roger Trinquier est né le dans une famille de paysans à La Beaume dans les Hautes-Alpes. Il fait ses études à l’école communale de son village natal où il obtient son certificat d’études en 1920. En 1925, il entre à l’école normale d’Aix-en-Provence[4].

Son fils, Richard Trinquier, a été maire de Wissous, en Essonne[5],[6].

Carrière militaire modifier

Entre-deux-guerres modifier

Élève officier de réserve en 1928 lors de son service militaire, il prend le commandement d’une section de tirailleurs sénégalais à sa sortie de l’école à Fréjus dans le Var.

À la fin de son service, Roger Trinquier s’engage dans l’armée et intègre l’école militaire d'infanterie et de chars de combat de Saint-Maixent d’où il sort sous-lieutenant en 1933. Affecté un temps à Toulon au 4e RTS, il embarque le à destination de l’Indochine où il rejoint Kylua, au Tonkin, à proximité immédiate de Langson. Il prend ensuite le commandement du poste de Chi Ma, à la frontière de la Chine, servant au sein du 3e RTT[7].

Seconde Guerre mondiale modifier

En poste à Pékin à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il est replié en janvier 1940 dans la concession française de Chang-Haï[8], où un petit bataillon mixte (Européens et Annamites) maintient la présence militaire française malgré l'occupation de la ville par les troupes japonaises. Mais en 1940, à la suite du coup de force japonais en Indochine, le bataillon, depuis longtemps coupé de la Métropole et dont il est devenu l'adjoint du chef de corps, sera interné dans ses propres casernements, le drapeau est maintenu... Lors de la capitulation japonaise, les Français récupéreront les armes qui ont échappé aux fouilles et reprendront une certaine autonomie, vivant à crédit jusqu'à l'arrivée des autorités « gaullistes ». Objet de suspicions et considérés comme « collaborateurs » des Japonais, les officiers du bataillon devront remplir un questionnaire détaillé au sujet de leurs activités durant la période 40/46... Trinquier, à la suite du suicide de son chef de corps et moralement affecté, refusera et remettra même sa démission. Le général Raoul Salan le convainc de rester et il se porte immédiatement volontaire pour l'Indochine. De ce fait son avancement sera compromis durant quelques années[9].

Guerre d'Indochine modifier

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il participe, avec le grade de capitaine, à la reconquête de l'Indochine au sein du groupement parachutiste Ponchardier. Au sein du groupement, rapidement, après quelques combats et en dépit de la méfiance réciproque, l'amalgame se fait entre les Anciens (ceux de Chine) et les Nouveaux (ceux de Leclerc). En fin de séjour, le commandant Ponchardier le propose à l'avancement mais le fameux questionnaire ressort et Roger Trinquier refuse de le remplir. Il reste capitaine...

Au début de l'année 1946, en Cochinchine, il dirige le commando B4 du Commando Ponchardier.

À la mi-1946, il est muté à Tarbes comme adjoint du commandant Dupuis pour former le 2e BCCP (bataillon colonial de commandos parachutistes). Ce bataillon est engagé de 1947 à 1949 en Indochine dans des opérations de contre-guérilla. Le capitaine Trinquier en reçoit le commandement après la mort du chef de bataillon Dupuis jusqu'à son retour en métropole et sa dissolution[10].

Enfin promu chef de bataillon, il repart en Indochine en où il prend, pour le compte du SDECE, la tête du Service Action du Tonkin. Il participe alors à l'opération Ratkiller en Corée avec la CIA. À partir de , il dirige le Service Action en Indochine et le GCMA (groupement mixte de commandos aéroportés, devenus en décembre, le GMI - groupement mixte d'intervention) qui organisait les différents maquis sur les arrières du Vietminh[11]. Il rentre en métropole en . Lieutenant-colonel, il est affecté à Paris à l’état-major du général Jean Gilles, commandant les troupes aéroportées.

Guerre d'Algérie modifier

En , il rejoint l’Algérie et prend le commandement de la base aéroportée d’AFN, puis devient l'adjoint du général Massu, commandant la 10e division parachutiste (10e DP), lors de la bataille d’Alger[12]. Il est à l’origine de la création du « dispositif de protection urbaine » (DPU)[13].

De à , il commande la Base École des Troupes Aéroportées (BETAP) à Pau. En , il remplace le colonel Bigeard à la tête du 3e RPC (régiment de parachutistes coloniaux) qui deviendra 3e RPIMa (régiment de parachutistes d'infanterie de marine).

Il prend part au coup d'État du 13 mai 1958 et devient membre du Comité de salut public d’Alger[14]. Ensuite, il reprend le combat à la tête de son régiment dans le sud et en Kabylie où il capture le commandant Azzedine. Le premier semestre 1959, il prend part aux opérations du plan Challe en Oranie et l’Ouarsenis. En , il prend le commandement du secteur d’El Milia dans le Constantinois avec son chef d’état-major le capitaine Dabezies.

Roger Trinquier entretient une correspondance suivie avec le général Salan et fait part de son désenchantement, puis de sa défiance vis-à-vis de la politique algérienne du général De Gaulle[15].

Après 1960 modifier

À la suite de la mutation du général Massu et de la Semaine des barricades, Roger Trinquier, en faveur de l'Algérie française, est rappelé en en métropole et affecté en décembre à l’état-major du général commandant le groupe de subdivisions à Nice.

En , Roger Trinquier est démarché par Moïse Tschombé pour une intervention au Katanga[16], il rend compte immédiatement et est reçu par Pierre Messmer, ministre des Armées. À la demande du ministre, il signe en blanc une demande de retraite anticipée, au cas où[9]. Rue89 affirme que Pierre Messmer a alors donné pour mission à Trinquier de neutraliser Patrice Lumumba, le Premier ministre de la République du Congo[17]. Selon Trinquier en revanche, la mission était de partir pour le Katanga pour monter la première armée indépendante du nouvel État du Katanga[18], à la demande de son président Moïse Tshombe. L'assassinat de Patrice Lumumba par les gendarmes katangais met fin à la coopération officieuse de la France. Roger Trinquier rentre à Paris à la fin du mois[17] avec une indemnité de départ du gouvernement katangais de 200 000 francs[19]. Quelques officiers français resteront, on les appellera les "affreux"[20]. Le , le ministre des Armées ressort la demande de mise à la retraite anticipée et le met d’office en position de retraite[9].

Il se rend ensuite à plusieurs reprises au Katanga pour participer à la montée en puissance de l'armée katangaise[21].

Fin , en route pour le Katanga par la Rhodésie, il apprend à Athènes la nouvelle du putsch des généraux à Alger. Revenu en France, il se consacre désormais à la réflexion et à l’écriture d’ouvrages inspirés de son expérience, tout en restant fidèle à ses compagnons d’armes impliqués dans le putsch des généraux.

Il a participé à la création de l'Union nationale des parachutistes avec le colonel Buchoud et en est le premier président de 1963 à 1965.

Il meurt de façon accidentelle le à Vence[16].

Théoricien de la contre-insurrection modifier

Il est considéré comme un des premiers officiers ayant conceptualisé leurs expériences de la contre-insurrection[22], avec David Galula. Trinquier a été le supérieur et le mentor en Indochine et en Algérie du capitaine Paul-Alain Léger, principal concepteur et coordinateur de la "bleuite" ; cette opération d'intoxication générera des purges internes au FLN de dimensions staliniennes.

Dans ce cadre, et considérant que le terroriste, qui n'utilise pas les techniques de combat « légales » ne peut de fait être considéré comme un soldat, Trinquier considère la possibilité d'emploi de la torture[23].

Distinctions modifier

Citations modifier

14 citations dont 10 à l'ordre de l'armée.

Ouvrages modifier

Principaux ouvrages modifier

La Guerre moderne (1961) modifier

La Guerre moderne de Trinquier a été considéré comme l'un des manuels de la guerre contre-insurrectionnelle, soulignant l'importance du renseignement, de la guerre psychologique et du volet politique des opérations armées[28]. Il a été abondamment cité par le général britannique Frank Kitson, qui a travaillé en Irlande du Nord et est l'auteur de Low Intensity Operations: Subversion, Insurgency and Peacekeeping (1971).

Selon un entretien du colonel américain Carl Bernard avec la journaliste Marie-Monique Robin, Paul Aussaresses, qui était alors à Fort Bragg, centre d'entraînement des forces spéciales américaines, lui a montré un brouillon de ce livre[28]. Aussaresses et Bernard ont alors envoyé un résumé du livre à Robert Komer, un agent de la CIA qui deviendra l'un des conseillers du président Lyndon Johnson pour la guerre du Viêt-nam [28]. Selon C. Bernard, c'est « à partir de ce texte que Komer a conçu le programme Phoenix, qui est en fait une copie de la bataille d'Alger appliquée à tout le Sud Viêt-Nam. […] Pour cela, on retournait des prisonniers, puis on les mettait dans des commandos, dirigés par des agents de la CIA ou par des bérets verts, qui agissaient exactement comme l'escadron de la mort de Paul Aussaresses. »[28].

Le Coup d’État du 13 mai (1962) modifier

Dans Le Coup d’État du , publié en 1962, Roger Trinquier démontre comment la Cinquième République s'est établie par un coup d'État, le putsch d'Alger de 1958.

Citations modifier

  • « Les erreurs dues à la bonté d’âme […] la pire des choses. Comme l’usage de la force physique n’exclut nullement la coopération de l’intelligence, celui qui en use sans pitié et ne recule devant aucune effusion de sang prendra l’avantage sur son adversaire.[source insuffisante][29] »
  • « Ces exactions systématiques sont l’expression d’une révolution dans l’art de la guerre censée répondre à la « guerre totale » menée par les rebelles par une politique de terreur dont l’enjeu est le ralliement des populations.[réf. nécessaire] »

Notes et références modifier

  1. Général (C.R.) Roger Mourès, Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, (lire en ligne), p. 146.
  2. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  3. (en) « Trinquier’s Dichotomy : Adding Ideology to Counterinsurgency - JHI Blog », sur JHI Blog, (consulté le ).
  4. « Simple et dur », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Richard Trinquier, maire de Wissous, n'en est pas à sa première polémique », sur France 3 Paris Ile-de-France (consulté le )
  6. « Alcoolisé et armé, un maire de l’Essonne menace des gens du voyage avant d’être placé en garde à vue », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Le fanion de la 7e compagnie du 3e régiment de tirailleurs tonkinois au musée des Troupes de marine », sur Mémoire des hommes, (consulté le )
  8. Orthographe la plus courante à cette époque.
  9. a b et c Roger Trinquier, Le temps perdu, Paris, Albin Michel, , 442 p. (ISBN 2-226-00620-6)
  10. Roger Trinquier, Le premier bataillon de bérets rouges : Indochine 1947-1949, Paris, Plon, , 259 p. (ISBN 978-2-259-01193-8)
  11. Roger Trinquier, Les maquis d'Indochine, Paris, Albatros, , 261 p. (lire en ligne)
  12. Alors que le film La bataille d'Alger vient d'être retiré de l'affiche, cette émission réunit en plateau le producteur du film YACEF Saadi, ancien chef du réseau FLN de la casbah d'Alger, et son adversaire de l'époque: https://www.ina.fr/video/CAF86015674
  13. « Colonel Roger Trinquier et Yacef Saadi sur la bataille d'Alger. 12 06 1970 - YouTube » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  14. « LA COMPOSITION DU " COMITÉ DE SALUT PUBLIC " », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. https://archive.wikiwix.com/cache/20220819022535/https://www.salan.asso.fr/Biographies/trinquier.htm.
  16. a et b JEAN PLANCHAIS, « Le maître d'école de la guerre subversive », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. a et b Quand la CIA sous-traitait la traque d'Al Qaeda, Rue89, nouvelobs.com, David Servenay, 23 août 2009
  18. Roger Trinquier, Jacques Duchemin, Notre guerre au Katanga, Pensée Moderne - 1963
  19. Der Spiegel, 17 janvier 1962.
  20. « Le colonel Trinquier est parti pour Élisabethville », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « Le colonel Trinquier part pour Élisabethville où il " aidera à l'organisation de l'armée katangaise " », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. (it) « Teoria e pratica della guerra rivoluzionaria - Osservatorio Globalizzazione », sur Osservatorio Globalizzazione, (consulté le ).
  23. Jean Le Cudennec. David Galula et Roger Trinquier : perceptions croisées de la contre-insurrection. Lettre d'information stratégique et de défense, 31 janvier 2009.
  24. « Où le " bon combat " du Katanga est offert en exemple à la jeunesse française... », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. JEAN PLANCHAIS, « Deux colonels et leur étoile », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. Theatrum Belli, « LECTURE : Terrorisme et contre-insurrection - Un texte inédit de Roger Trinquier », sur Theatrum Belli, (consulté le )
  27. Helena Voulkovski, « Roger Trinquier : Une source importante pour l’étude du terrorisme et de l’antiterrorisme », sur Conflits : Revue de Géopolitique, (consulté le )
  28. a b c et d Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, p. 254 (entretien de l'auteur avec Carl Bernard)
  29. Roger Trinquier, Guerre, Subversion, Révolution, Robert Laffont, Paris, 1968.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier