Chemin de fer à crémaillère de La Turbie à Monte-Carlo

ancienne ligne de chemin de fer en France et à Monaco

Chemin de fer à crémaillère
de La Turbie à Monte-Carlo
Ligne de La Turbie à Monaco
via Beausoleil
Voir la carte de la ligne.
Carte de la ligne
Voir l'illustration.
Pays Drapeau de la France France,
Drapeau de Monaco Monaco
Villes desservies La Turbie, Beausoleil, Monte-Carlo
Historique
Mise en service 1893
Fermeture 1932
Concessionnaires Compagnie du Chemin de Fer à crémaillère d'intérêt local de Moneghetti-Monte Carlo à la Haute-Turbie (1883 – 1885)
Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de La Turbie (1886 – 1889)
Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de La Turbie - Righi d'hiver (1892 – 1932)
Caractéristiques techniques
Longueur 2,66 km
Vitesse maximale
commerciale
7 km/h
Écartement métrique (1,000 m)
Électrification Non électrifiée
Pente maximale 250 
Crémaillère De type Riggenbach
Nombre de voies Anciennement à voie unique
Trafic
Exploitant(s) Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de La Turbie - Righi d'hiver
Trafic voyageurs et marchandises

Le chemin de fer à crémaillère de Monte-Carlo à La Turbie se composait d'une ligne de chemin de fer à voie métrique d'intérêt local, ouverte le , qui desservait la ville de La Turbie et la reliait à Monaco. Elle fut fermée en 1932 au service à la suite d'un grave accident.

Histoire modifier

 
On distingue à droite la connexion avec le tramway du Riviera Palace, en gare de Monte-Carlo.
 
Affiche du PLM sur le chemin de fer de la Turbie.

L'essor touristique dans la seconde moitié du XIXe siècle n'est pas encore une grande activité mais la pression commence à se faire sentir. Les habitants sont principalement ruraux et les liaisons sont quasiment inexistantes entre la France et Monaco. L'unique voie impériale existante, la route impériale no 7 de Menton à Paris, est principalement empruntée par des diligences. La commune de La Turbie est enclavée entre les frontières de la France et de Monaco, et fière de posséder le Trophée d'Auguste. Cependant à cette époque, pour faire ce trajet, il fallait se rendre à Roquebrune puis emprunter la voie romaine qui longe la mer. Tandis que Monaco profite de sa nouvelle gare ferroviaire[1] sur la ligne du PLM, les touristes commencent à arriver et profiter des casinos.

En , un jeune ingénieur, Amédée Brousseau entreprend un projet de liaison ferroviaire à crémaillère entre ces communes. Après plusieurs années en quête d'un financement, il finit par faire subventionner ce projet. Eugène Hubert, un banquier, le valide en 1870 et demande à l'ingénieur de proposer un projet solide.

En , un premier projet est déposé en vue de relier La Turbie à Monaco 470 m plus bas[2]. Son tracé est constitué d'un viaduc de 60 m, d'un tunnel de 100 m et de trois stations (La Turbie, Le Cros et Moneghetti). Ce projet, soumis au conseil municipal de La Turbie du , est approuvé sur le principe. Il est donc soumis aux habitants et une enquête publique s'ensuit à partir du . Le projet est plébiscité. Le , la concession est confiée à la « Compagnie du Chemin de Fer à crémaillère d'intérêt local de Moneghetti-Monte Carlo à la Haute-Turbie », société créée à l'occasion[3].

L'avancement est stoppé quelques mois plus tard par les autorités militaires qui s'opposent à l'établissement d'une ligne ferroviaire sur la rive gauche du vallon de Sainte-Dévote et proposent un tracé sur la rive droite. Le , le nouveau projet est approuvé avec un tracé sur la rive droite du vallon et concédé le à Messieurs Brousseau et Hubert[4],[5].

En , après la faillite du banquier Hubert, le jeune ingénieur est contraint de trouver un nouveau mécène. Le , la « Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de La Turbie » est créée et les nouveaux statuts de la société sont déposés à Bâle[6]. Le conseil d'administration est composé du jeune ingénieur, mais aussi de riches banquiers suisses et alsaciens (dont Koechlin), mais aussi de l'ingénieur Nicolas Riggenbach. Par décret, le 17 août 1887[7] est substituée aux concessionnaires initiaux la Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de la Turbie (Rigi d'hiver)[8],[9].

Les tensions sont vives au sein de l'entreprise[10] et finissent par provoquer le départ du principal actionnaire de la société, Amédée Brousseau[11]. Ce départ provoque la dissolution de l'entreprise le et empêche le démarrage des travaux[12]. Après la création d'une nouvelle société par Charles Lornier que la commune de La Turbie rejette, les anciens actionnaires se reforment et créent la « Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de La Turbie (Righi d'hiver) » [8]. Une nouvelle enquête d'utilité publique est lancée en et la commission d'enquête se réunit le [13],[14] en préfecture afin d'entendre les observations. La nouvelle société charge un ingénieur suisse, M. Stockalper, originaire de Viège, d'étudier un tracé pour une ligne à voie métrique et à crémaillère selon le système Riggenbach. L'étude est finalisée en  ; elle prévoit une vitesse limite de 7 km/h pour une masse maximale de 30 tonnes[15]. En outre, la locomotive poussera les wagons sans être jamais attelée[16].

Le 4 janvier 1893, la ligne est déclarée d'utilité publique et les travaux débutent enfin[17]. En juillet, la compagnie demande un prolongement à toutes les autorités civiles et militaires jusqu'au lieu-dit Lou Camp.

Le , à 7 heures du matin[18], la ligne est ouverte aux premiers voyageurs. Le trafic va croître régulièrement jusqu'en 1920[19],[20],[21],[22]. Plusieurs projets d'électrification de la ligne sont envisagés en 1926 puis 1929[23],[24].

Le 8 mars 1932, un accident provoque l'arrêt définitif de l'exploitation de la ligne : le premier train de La Turbie à Monaco s'est encastré dans la gare en faisant deux morts et plusieurs blessés.

Accident du 8 mars 1932 modifier

 
Photo de l'accident du montrant la locomotive ayant déraillé sur la place de la gare (à proximité de la frontière avec Monaco)

Le , le premier train du matin part de Monaco à 8 heures[25] avec dans l'ordre de marche : le fourgon à voyageurs et la locomotive no 1. Alors que le train venait de parcourir 200 mètres, la vitesse ralentit. C'est alors que le convoi en pleine côte repart en arrière pour atteindre la vitesse de 80 km/h. Le conducteur, alors en queue du convoi, est éjecté tandis qu'il manœuvrait le frein de secours de la voiture. Le mécanicien, François Tansini, se retrouve donc seul pour arrêter ce convoi à la dérive. Il tentera de manœuvrer les freins de la voiture et de la locomotive jusqu'à la fin. Un passager saute en route, un second décède d'un traumatisme crânien. Les trois derniers, coincés dans la voiture qui finira par dérailler sur le heurtoir de la gare de Monte-Carlo, seront saufs avec quelques blessures. Le mécanicien décédera aux manettes de la locomotive déraillée et échouée dans le mur de la gare[26].

Les blessés seront rapidement pris en charge par les pompiers de la principauté. Le trafic sera interrompu toute la journée et ne reprendra plus jamais.

L'enquête révélera qu'un pignon de maintien de la roue dentée du mécanisme de crémaillère de la locomotive s'était rompu et pourrait être la cause principale de cet accident.

Tracé et stations modifier

Tracé de 1885 modifier

Le premier tracé prévoyait un départ à Beausoleil devant se faire sur le plateau du Carnier[27]. Il traverse le lieu-dit de la Bordina, longe la rive gauche du ravin, et se termine à 250 m à l'est du village de La Turbie[28],[29],[30],[31],[32].

Tracé de 1893 modifier

Le tracé final, qui aboutira à la construction, reprenait celui de 1885. Il nécessitait en outre la création d'une halte d'évitement au lieu-dit La Bordina [17],[33].

Exploitation modifier

Matériel roulant modifier

Le matériel de la société est composé des véhicules suivants[34] :

Tous ces matériels sont fabriqués à Belfort par la Société alsacienne de constructions mécaniques (SACM)[32] et livrés en .

Vestiges modifier

Entre la gare de La Turbie et la route de la Moyenne Corniche, l'assiette de la ligne, y compris les ponts et viaducs, existe toujours et a été convertie en voie carrossable, le Chemin de la Crémaillère. Entre la route de la Moyenne Corniche et le bas de la montée de la Crémaillère, le tracé de la ligne est toujours visible et a été en partie intégré au réseau routier et pédestre. Certains terrains ont été revendus ou ont été aplanis. Le raccordement vers le Riviera Palace est en grande partie parcourable en tant que route ou escaliers. Une caserne de pompiers a pris place sur le site de la gare de La Turbie ; les murs de soutènement de la plate-forme sont conservés.

Notes et références modifier

  1. La gare de Monaco est inaugurée en 1868
  2. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 244 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 82 et 218
  3. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 441 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 50, 87 et 109
  4. « Loi qui déclare d'utilité publique le chemin de fer d'intérêt local, à crémaillère, à construire sur le territoire de la commune de La Turbie (Alpes-Maritimes) », Bulletin des lois de la République française, Imprimerie Nationale, vol. 31, no 965,‎ , p. 1073-1089 (lire en ligne)
  5. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 784 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 106 et 308
  6. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 878 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 89
  7. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 953 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 91
  8. a et b « Décret qui approuve la substitution aux Sieurs Brousseau et Hubert, de la Société Anonyme Compagnie du chemin de fer d'intérêt local à crémaillère de la Turbie (Rigi d'hiver) pour la concession du chemin de fer du plateau du Carnier à la route nationale n°7, territoire de La Turbie (Alpes-Maritimes) », Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie Nationale, vol. 35, no 1119,‎ , p. 658-659 (lire en ligne)
  9. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 831 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 95
  10. Godde et Marchal, « Journal du droit international », Journal du Droit International, vol. 17, no 17,‎ , p. 867-869 (ISSN 0021-8170)
  11. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 905 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 90
  12. Journal officiel de la République française. Lois et décrets, Paris, Journaux officiels, , 356e éd. (ISSN 0373-0425, BNF 34378481), p. 79
  13. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 1re éd., 353 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 60 et 88
  14. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 1055 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 149
  15. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 1168 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 9, 93-94, 144, 147, 375, 394-395
  16. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 1re éd., 459 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 30-31 et 41
  17. a et b « Loi qui déclare d'utilité publique le chemin de fer d'intérêt local, à crémaillère, à construire sur le territoire de la commune de La Turbie (Alpes-Maritimes) », Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie Nationale, vol. 46, no 1536,‎ , p. 425-442 (lire en ligne)
  18. « Journal des mines », Journal des mines, no 7,‎ , p. 6 (ISSN 2025-1521)
  19. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 802 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 132
  20. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 741 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 73
  21. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 805 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 74
  22. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 2e éd., 853 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 59
  23. « Le Temps Financier », Le Temps, no 259,‎ , p. 2 (ISSN 1150-1073)
  24. Rapports et délibérations : Conseil général des Alpes-Maritimes, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, , 1re éd., 444 p. (ISSN 1262-5353, BNF 34438931), p. 149, 211 et 397
  25. « Le Figaro », Figaro, no 69,‎ , p. 4 (ISSN 0182-5852)
  26. « Le Temps », Le Temps, no 25764,‎ , p. 2 (ISSN 1150-1073)
  27. J.B. Duvergnier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat, t. 85, Paris, A. Guyot et Scribe, (réimpr. 1924), 724 p. (ISSN 1762-4096, BNF 37578059), p. 513-514
  28. Journal officiel de la République française. Lois et décrets, Paris, Journaux officiels, , 197e éd. (ISSN 0373-0425, BNF 34378481), p. 3784
  29. Journal officiel de la République française. Lois et décrets, Paris, Journaux officiels, , 199e éd. (ISSN 0373-0425, BNF 34378481), p. 3821
  30. J.B. Duvergnier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat, t. 87, Paris, A. Guyot et Scribe, , 640 p. (ISSN 1762-4096, BNF 37578059), p. 351 et 597
  31. Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie nationale, (ISSN 1272-6397, BNF 32726274), « Chemins de fer », p. 359 et 364-365
  32. a et b Bulletin des lois de la République française, t. 31, Paris, Imprimerie nationale, (ISSN 1272-6397, BNF 32726274), « Chemins de fer », p. 657, 1073-1080 et 1980
  33. J.B. Duvergnier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat, t. 93, Paris, A. Guyot et Scribe, , 497 p. (ISSN 1762-4096, BNF 37578059), p. 31, 430 et 472
  34. Annuaire des Chemins de fer et des Tramways (ancien Marchal) : Édition des réseaux français, Paris, , 43e éd., 1334 p.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • JO du 23 janvier 1893 : Déclaration d'intérêt d'utilité publique, (ISSN 1763-7279, BNF 32800511)
  • F. Hugo d'Alesi, Chemin de Fer du PLM à La Turbie : Affiche du prix réduit des billets, Paris, Atelier H. d'Alesi, coll. « Affiches du PLM », (BNF 40329353)
  • Adrien de Baroncelli, La Provence : stations hivernales et plages de la Méditerranée : vallée du Var et gorges du Verdon, vol. 1, Paris, chez tous les libraires, , 216 p. (BNF 31764608), « De Nice à Menton », p. 147
  • Paul Joanne, Les stations d'hiver de la Méditerranée, vol. 1, Paris, Hachette, , 232 p. (BNF 34011540), p. 45 et 284
  • Jules Monod, Aux pays d'azur, Nice, Monaco et Menton : descriptions, histoire, mœurs, légendes, excursions et promenades, flore et faune, itinéraires, renseignements généraux, vol. 1, Nice, L. Gross, , 287 p. (BNF 34124643), p. 286 (annexe)
  • Chemin de fer de La Turbie [ Monte-Carlo : chemin de fer de la Turbie, station de Bordina ], 1905, 9 × 12 cm [présentation en ligne]
  • Monaco joue au chemin de fer dossier La Vie du rail no 2407 - 29 juillet 1993

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Sur les autres projets Wikimedia :