Wikipédia:Lumière sur/Eugénisme en France

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Charles Richet, prix Nobel de médecine en 1913, et président de la Société française d'eugénique de 1920 à 1926.
Charles Richet, prix Nobel de médecine en 1913, et président de la Société française d'eugénique de 1920 à 1926.

L'eugénisme en France, malgré son échec politique sous la Troisième République, connaît un développement théorique précoce et abouti. Cette idéologie eugéniste médicale préconise la formation d'une élite humaine sous la conduite de l'État français dès la fin du XVIIIe siècle. La connaissance subséquente des théories de l'anthropologue et statisticien britannique Francis Galton, premier théoricien de l'eugénisme, mène à la création de la Société française d'eugénique en 1913.

Bien que de nombreuses demandes de mesures interventionnistes soient portées par les théoriciens français de l'eugénisme jusque durant la première moitié du XXe siècle, cette idéologie a peu d'incidences sur les citoyens français, au contraire de ceux des pays anglo-saxons et du Troisième Reich. Une seule loi d'inspiration eugéniste est adoptée en France, celle établissant le certificat prénuptial obligatoire, sous le régime de Vichy. Les raisons de cet échec, multiples, sont plus particulièrement liées à l'influence du catholicisme, au néo-lamarckisme, et à la dépopulation consécutive aux guerres.

Les deux propagateurs d'idées eugénistes les plus connus sont le prix Nobel de médecine Charles Richet, président de la Société française d'eugénique et qui promeut la mise à mort des enfants handicapés, et Alexis Carrel, qui dirige la Fondation française pour l'étude des problèmes humains sous le régime de Vichy. Le puériculteur Adolphe Pinard monte un ambitieux projet de contrôle de la procréation. Le médecin militaire Charles Binet-Sanglé propose la création d'un « haras humain », et le gazage des « tarés ». Malgré le procès des médecins nazis à Nuremberg pour crime contre l'humanité, l'idéologie eugéniste continue d'être brièvement défendue par le biologiste Jean Rostand durant les années 1950, l'absence de connaissance des atrocités commises au nom de l'idéologie eugéniste sur le sol allemand n'entraînant que peu de condamnations officielles de ces pratiques en France.

L'émergence d'une nouvelle forme d'eugénisme, en France comme dans d'autres pays occidentaux, questionne l'éthique des pratiques médicales depuis les années 1990, en particulier depuis l'affaire Perruche. Avec l'adoption de la première loi de bioéthique en 1994, la France condamne officiellement toute pratique de sélection eugénique collective, au titre des « crimes contre l'espèce humaine » ; cependant, ce pays autorise une sélection individuelle des naissances. Le débat autour de l'eugénisme se réactive à travers des questionnements liés à des pratiques médicales telles que le diagnostic prénatal (DPN), le diagnostic préimplantatoire (DPI), et la forme d'avortement sélectif définie comme interruption médicale de grossesse (IMG) dans les lois françaises, autorisée à tout moment en cas de suspicion de maladie génétique ou de handicap graves. Les futurs parents peuvent éviter de donner naissance à des enfants suspectés ou détectés porteurs de handicaps tels qu'une trisomie 21 ou un nanisme, différentes personnes concernées par ces handicaps estimant que la disparition de ces catégories humaines relève de l'eugénisme. Ces questions donnent lieu à de longs débats entre médecins, éthiciens, philosophes, responsables associatifs et personnalités politiques ; elles influencent aussi les révisions de lois de bioéthique en France.