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Les Antiquités de Rome est un recueil de poèmes écrit par le poète français Joachim du Bellay, en 1558. Le recueil compte trente-deux sonnets suivis d'un Songe composé de 15 sonnets.

Du Bellay y médite sur les ruines et la civilisation romaine, en exprimant son admiration pour la grandeur latine et sa mélancolie devant l'anéantissement de la Rome antique.

recueil de « vers inquiets, tendres et meurtris »[1].

Composition modifier

La dédicace au roi modifier

L'ouvrage comporte une dédicace liminaire à Henri II et dans laquelle du Bellay lui adresse son recueil. Il y demande aux dieux d'aider le roi à rebâtir la grandeur de la France, par là le poète fait connaître ses intentions patriotiques.

Le recueil de poèmes modifier

Le Songe modifier

La vision d'un songe termine le recueil des Antiquités de Rome.

Genèse du texte modifier

Prélude aux Regrets modifier

Les Antiquités de Rome précèdent Les Regrets, œuvre du retour de du Bellay en France. « Une fois rentré en France, sa situation est beaucoup plus délicate. Le poète se trouve intégré dans le troupeau. Plus question de se désolidariser, de monter dans sa tour d'ivoire. Pleine ambiguïté puisque, bien que satirique, le faiseur de vers, une fois qu'il est rentré chez lui, n'a pas le choix : il est nécessairement courtisan[2]. »

Continuité modifier

Selon Guy Demerson , l'architecture des deux recueils (Les Antiquités de Rome et Les Regrets) est symétrique[3].

Les recueils romains modifier

Les Antiquités de Rome représente un recueil de poèmes consitutant une vaste Romae descriptio.

Poétique modifier

Inspirations poétiques modifier

« Le modèle structurel des Regrets est celui des recueils de sonnets contemporains, des canzonieri, où le personnage principal est l'amoureux, qui parle en son nom propre. Les Regrets sont donc un recueil à la première personne, étant entendu que, comme dans les canzonieri, «je » représente largement un masque, une persona. Cela se vérifie dans les sonnets nostalgiques ou élégiaques du début (...) »[4].

La déploration de l'état dans lequel était tombée la Rome impériale, et l'exploitation didactique du contraste entre la ville contemporaine et sa glorieuse aïeule constituaient bien sûr des thèmes de prédilection chez les humanistes depuis l'époque de Pétrarque : quelle que soit la part de détresse sincère dans son oeuvre, il va sans dire que Du Bellay utilise une convention dont le caractère, en latin aussi bien que dans les langues vernaculaires, est bien établi. (15) Mais c'est justement sur ce point qu'émerge toute l'originalité de la vision romaine de Du Bellay — tant qu'elle s'exprime en latin. Le sonnet n° 4 des Antiquités , par exemple, utilise le double thème de la géographie et de la topographie romaines, d'une façon quelque peu mécanique, pour soutenir son argument[5].

Poésie latine modifier

L'influence du vers latin]] est importante dans Les Antiquités de Romee ; elle est maximum dans Les Regrets. En raison de « ses valeurs associatives, l'emploi du français devra fatalement le remplir de nostalgie, le latin l'emportera vers une patrie à la fois plus présente que la France absente, et bien éloignée de la Rome papale où il se sent si délaissé —la Rome des Anciens. Compte tenu des condamnations dont La Deffence et Illustration est parsemée, à l'égard de ceux qui composent des vers latins, on comprend sans peine la surprise de ses amis français devant certaines des oeuvres que Du Bellay leur fait parvenir de Rome, et le dialogue à ce sujet entre lui et Ronsard est révélateur de la susceptibilité de Du Bellay sur ce point. » Dans un sonnet taquin, et sans doute dépourvu de tact, publié en 1555, Ronsard lui écrit : Ce-pendant que tu vois le superbe rivage / De la riviere Tusque, et le mont Palatin, / Et que l'air des Latins te fait parler Latin, / Changeant à l'estranger ton naturel langage :[6].

II ne s'agit pas simplement d'écrire en latin parce qu'il est à Rome, mais d'y puiser une inspiration particulière, où la ville et sa langue vont de pair. Ainsi, dans son élégie à Louis de Bailleul, Du Bellay lui recommande ses oeuvres célébrant la Rome ancienne en attirant l'attention sur la langue dans laquelle elles sont composées :

Periege Romano descriptam carmine Roman Bellaius cecinit quam, Lodoice, tuus. (10)

Même au moment le plus mélancolique de ses écrits latins, le Patriae Desiderium, Du Bellay pressent qu'il est spécialement à propos de traiter de Rome, à Rome, en latin :

Hoc Latium posdt, Romanae haec débita linguae Est opera, hue Genius compulit ipse loci. (11)[7].

En affirmant « cette primauté du moyen linguistique, Du Bellay va au-delà de la position conventionnelle selon laquelle c'est le message de la littérature qui seul peut garantir l'immortalité aux hommes, position qu'il adopte d'ailleurs lui-même au cours des Antiquites » et notamment dans le cinquième sonnet. Tout retour au passé implique un discours en « vers latins positifs et dynamiques » et dont le ton contraste avec celui de nombreux texte française de cette époque[7].

La rencontre avec Rome modifier

Capitale des art, « aima mater des humanistes », Rome déçoit le poète pourtant. Ses monuments sont en effet laissés à la ruine et les habitants sont « peu respectueux de la mémoire et des vestiges de leurs grands ancêtres ». Avant du Bellay, nombre de voyageurs se sont étonnés du décalage entre la Rome historique, rêvée et poétisée, et la Rome réelle. Un certain Georges de Lengherand, « Mayeur de Mons en Haynaut » par exemple, raconte en 1486 : « la ville se diminue fort et les murailles d'icelle: et tiens la moitié desdictes tombées en ruyne. Au dehors dudit Romme y a apparence d'avoir eu plusieurs grans chasteaux et pallaix qui tous sont totalement en ruyne et desolacion »[8].

Du Bellay narre sa déception dans le troisième poème du recueil :

Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n'apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme

Pour Henri Chamard c'est le cinquième sonnet qui dépeint le mieux Rome[9]. Le poème présente une « Rome spectrale dont le fantôme désolé erre » dans le présent d'énonciation[10].

La désillusion de Rome modifier

« C'est cette Rome abîmée, par surcroît corrompue, que Du Bellay esquisse d'un crayon souvent féroce, donnant de la ville une image excessive, véhémente et satirique, peut-être injuste mais haute en couleur et extraordinairement vivante[11]. »

Le poète modifier

« pose, vaguement et passagèrement stoïcienne »[12]. « Ne s'agit-il pas plutôt d'un autre exil, beau coup plus grave : un éloignement hors de soi, une perte de ce qui fut, ou la révélation d'une vérité jadis incomprise? En tout cas un état dont le poète a pris conscience à la suite du séjour à Rome[13]. »

Thèmes modifier

L'exil modifier

Comme Les Regrets, Les Antiquités de Rome « sont la contribution majeure de Joachim à cette veine mélancolique qui parcourt le siècle de la Renaissance, et son chant d'exilé. » « Il est possible que Du Bellay n'ait pas aimé Rome[14]. »

Nostalgie et quête des origines modifier

« Dans les Antiquités perce une nostalgie du champ, du tuf primitif. Sous les débris de Rome, elle croyait voir affleurer « le clos d'un lieu champêtre », suscitait, avec un étrange et mélancolique bonheur, l'image de ces « cassines de pasteurs » antérieures à la gloire et au déclin. Devant ces ruines, devant ces mornes et poignantes figures de l'affaissement et de la dissolution, le regard du poète cherchait moins à ressusciter l'impériale vision d'une Rome triomphante », les « images de l'origine et de la permanence ». La maison est dans Les Regrets l'aspiration à ce retour à la terre des origines, retour « à l'obscure félicité des origines » qui est partout préfiguré dans Les Antiquités[15].

Esthétique du temps qui passe modifier

« dans cet univers de l'écoulement et du retour au chaos, cendre du tombeau ou poudreux commencement, la figure fuyante du fleuve [le Tibre, à Rome] apparaît un instant comme la seule image de la permanence »[16]. « L'un des symboles les plus puissants de la poésie française, le Tibre » a un rôle « étonnement dynamique » au sein des Antiquités de Rome : « le fleuve représente toute l'ambiguïté des rapports paradoxaux entre le passé et le présent » estime K. Lloyd-Jones, qui cite le troisième sonnet du recueil[10].

« Pour Du Bellay, chanter la Rome ancienne en latin est un moyen de réparer les ravages du temps, de trouver quelque chose d'objectif et de durable au-delà de sa propre conscience écrasante de l'éphémère — chose que la langue française, nouvelle, inexpérimentée et toujours dans un état de virtualité,a insi que La Deffence et Illustration ne cesse de le rappeler, n'est point à même d'accomplir[17]. »

Réception et postérité modifier

Réception modifier

À travers sa peinture de Rome, Du Bellay visait des personnalités comme le cardinal (puis pape) Caraffa au sonnet 113 (v.4) qui en vient même à le menacer de l'Inquisition. Dans sa lettre du 31 juillet 1559 au cardinal, du Bellay se défend de chercher la [[calomnie] et présente ses excuses, assurant être un protecteur de l'Église[18],[11].

Postérité modifier

Traductions modifier

En anglais, [3] The first complete translation into English of Du Bellay's Antiquités de Rome since Spenser.

Notes et références modifier

  1. Les Antiquités de Rome, 1967, Préface de Jacques Borel, p. 7.
  2. Yvonne Bellenger, 1991, p. 16.
  3. Guy Demerson, « Le Songe de Du Bellay et le sens des recueils romains », in Le Songe à la Renaissance, Actes du colloque du même titre, Presses de l'Université de Saint-Etienne, 1990, p. 169-178.
  4. Yvonne Bellenger, 1991, p. 11.
  5. K. Lloyd-Jones, 1980, p. 15.
  6. K. Lloyd-Jones, 1980, p. 13.
  7. a et b K. Lloyd-Jones, 1980, p. 15.
  8. Yvonne Bellenger, 1991, p. 9.
  9. Henri Chamard, La Deffence et Illustration de la langue francoyse, Paris, 1948, p. 290.
  10. a et b K. Lloyd-Jones, 1980, p. 18.
  11. a et b Yvonne Bellenger, 1991, p. 10.
  12. Yvonne Bellenger, 1991, p. 13.
  13. Yvonne Bellenger, 1991, p. 17.
  14. Yvonne Bellenger, 1991, p. 8.
  15. Les Antiquités de Rome, 1967, Préface de Jacques Borel, p. 16-17.
  16. Les Antiquités de Rome, 1967, Préface de Jacques Borel, p. 16.
  17. K. Lloyd-Jones, 1980, p. 19.
  18. Du Bellay: ses «Regrets» qu'il fit dans Rome, Paris, Nizet, 1975, p. 430-431.

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

Éditions des Antiquités de Rome modifier

Études critiques modifier

Monographies modifier
  • Françoise Argod-Dutard, L'écriture de Joachim Du Bellay, vol. 62, Librairie Droz, coll. « Cahiers d'humanisme et Renaissance », , 535 p. (ISBN 9782600006132, lire en ligne)
  • Yvonne Bellenger, Du Bellay, Nizet,
  • Yvonne Bellenger (dir.), Du Bellay et ses sonnets romains, Paris, Champion,
  • Gilbert Gadoffre, Du Bellay et le sacré, Gallimard, coll. « Tel »,
  • Francis Gray Floyd, Poétique de Du Bellay, Nizet,
  • Josiane Rieu, Esthétique de Du Bellay, SEDES,
  • Jean Delumeau, Rome au XVIe siècle, Hachette, coll. « Le temps et les hommes »,
  • (en) Gladys Dickinson, Du Bellay in Rome, Leyde, Brill,
  • Gabriel-A. Pérouse et Francis Goyet (Association d'étude sur l'humanisme, la Réforme et la Renaissance), Ordre et désordre dans la civilisation de la Renaissance, Université de Saint-Etienne, (ISBN 9782862720784)
  • Perrine Galand-Hallyn, Le « génie latin » de Joachim Du Bellay, La Rochelle, Rumeur des Âges, (ISBN 978-2903974848)
Articles modifier
  • Yvonne Bellenger, « L'exil, de Charles d'Orléans à Du Bellay », Cahiers de l'Association internationale des études francaises, no 43,‎ , p. 7-23 (DOI 10.3406/caief.1991.1750, lire en ligne)
  • Guy Demerson, « Joachim du Bellay et ses deux Muses », Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance, no 13,‎ , p. 35-40 (DOI 10.3406/rhren.1981.1233, lire en ligne)
  • K. Lloyd-Jones, « L'originalité de la vision romaine chez Du Bellay », Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance, no 12,‎ , p. 13-21 (DOI 10.3406/rhren.1980.1189, lire en ligne)
  • Jacqueline Risset, « L’exil inventé de Du Bellay, l’expérience sans retour d’Ovide », Site Présence de la littérature, SCÉRÉN-CNDP, no Dossier Ovide,‎ (lire en ligne [PDF])
  • Elodie Gaden, « Du Bellay et l'élégie latine - les Poemata », lettres-et-arts.net, {{Article}} : paramètre « date » manquant (lire en ligne)
  • Anne Carrols, « « De votre monarchie un bienheureux présage »  : Le Songe de Du Bellay et le rêve impérial français », {{Article}} : paramètre « périodique » manquant, Aix-Marseille, CIELAM, Aix-Marseille Université, paramètre « date » manquant (lire en ligne [PDF])
  • Véronique Gocel, « L'émergence d'une subjectivité : comparaison d'un sonnet des Antiquités de Rome et d'un sonnet des Regrets », L'Information grammaticale, no 63,‎ , p. 22-25
  • Gisèle Mathieu-Castellani, « La fonction poétique dans Les Antiquités et Les Regrets : une poétique de leurre », Cahiers Textuels, nos 34/44,‎ (présentation en ligne)
  • P. Galand-Hallyn, « Jeux intertextuels de Du Bellay dans les poèmes romains : de l’emphase des Antiquitez à l’ekphrase des Elegiæ », dans Du Bellay. Antiquités et nouveaux mondes dans les poèmes romains. Actes du Colloque de Nice (17-18 février 1995), Nice, Presses Universitaires de Nice, , 73-98 p.
  • Gérard Genot, « Récit et contre-récit dans un sonnet de Du Bellay », Revue Romane, no 13,‎ (lire en ligne)

- Le rythme croissant (gradation) Les mesures des vers sont de plus en plus longues. Ce rythme évoque souvent un sentiment qui s’amplifie. Ex : Ainsi / de peu à peu // crût l’empire romain. (Du Bellay, Les Antiquités de Rome). 2/4/6