Utilisateur:Pèire Cardenal/Rappatriement 4



Respecter les mots, respecter le lecteur

Je vais faire preuve, dans cette page, d'une sévérité de ton et d'une recherche de sobriété dont je ne suis pas coutumier, tant le sujet me semble grave et peu propice à la légèreté. Je ne suis du reste pas le premier tant s'en faut à porter cette appréciation, et je n'en veux pour preuve que deux citations de Confucius :

Si j'avais le pouvoir, je commencerais par redonner leur sens aux mots.

et plus impressionnant encore :

Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté.


Je n'insisterai pas sur la première citation, qui devrait inspirer au premier chef les Administrateurs. Cela implique en particulier que le Souverain, pour parler comme Rousseau, doit s'il veut être juste faire preuve d'une grande rectitude intellectuelle et morale dans son dialogue avec les citoyens, dans la mesure où la manipulation du langage et des symboles est un outil primordial dans l'exercice d'un pouvoir et l'expression d'une suprématie. Le détournement des mots et des concepts est une forfaiture, hélas maintes fois constatée voire théorisée au cours de l'Histoire. C'est pourquoi je suggère que ceux qui liront ces lignes ne perdent jamais de vue la seconde citation, et pensent constamment à en discerner les manifestations dans le cadre de Wikipédia.



Préambule : modifier

Force est de constater que Wikipédia s'accommode assez mal des exigences du discours scientifique. Celui-ci en effet impose des contraintes de quatre ordres : 1) que les concepts manipulés soient précisément définis, 2) que les hypothèses soient clairement posées, 3) que les étapes des raisonnements s'enchaînent selon les règles de la logique, et 4) que le domaine de validité des conclusions soit explicitement circonscrit.

À titre d'illustration
On pourra par exemple faire une analyse critique de l'Équation de Drake, et distinguer parmi les quatre contraintes celles qui sont clairement satisfaites au niveau de la rigueur, et celles qui sont traitées plus légèrement (en particulier, les hypothèses probabilistes sous-jacentes). La page Équation de Drake fournit opportunément quelques éléments pour aider à une telle analyse. Soulignons qu'une approche critique est absolument indispensable au lecteur qui ne souhaite pas faire dire n'importe quoi à des résultats qui, en eux-mêmes, sont déjà d'une incroyable instabilité numérique ; et donc, en proposant des outils pour faciliter cette approche, l'article est parfaitement dans son rôle encyclopédique.
Cette rigueur méthodologique étant respectée, le scientifique garde naturellement une certaine latitude dans son choix des outils théoriques qu'il juge opératoires pour résoudre un problème, mais lorsque les prémisses sont acceptées et lorsque la démarche est rigoureuse, les conclusions s'imposent à tous, indépendamment des goûts personnels, espoirs ou craintes, intérêts particuliers, options philosophiques, orientations politiques, etc.

Bien sûr, sauf en mathématiques, ces conclusions sont en général assorties de marges d'erreur, et la divulgation de ces marges fait partie intégrante du résultat final, qui sans elles est en général incroyablement trompeur, voire tout simplement dénué de toute signification.


Ce ne sera pas faire preuve de subjectivité (WP:NPOV) ni d'originalité (WP:TI) que de constater sur pièce, au hasard des lectures à travers les pages, que Wikipédia ne respecte que rarement ces contraintes méthodologiques. Bien sûr, on pourrait objecter que WP n'a jamais prétendu être une entreprise scientifique, et n'est donc pas censé avoir la rigueur d'une publication dans une revue à comité de lecture. Et pourtant, il est savoureux de noter que les exigences affichées par WP (neutralité, admissibilité, vérifiabilité) dessinent un cadre de travail qui est déjà bien contraignant, considérablement aggravé de surcroît par l'interdiction de travaux inédits. Finalement, Wikipédia revendique pour lui-même un niveau d'exigence qui à certains égards est encore plus élevé (quoiqu'un peu différent de nature) de celui requis par les revues spécialisées ! Aussi le lecteur serait-il en droit d'espérer que non seulement dans le cadre des articles, mais même dans le cadre des discussions, on puisse être en général épargné par un certain nombre de dérives, aussi bien en ce qui concerne la rigueur intellectuelle que la discipline morale. Or, il n'est pas exagéré d'affirmer qu'on est loin du compte, et il n'est pas nécessaire d'être un visiteur assidu des PàS, RA et autres PdD pour prendre la mesure des dégâts. Il semble intéressant d'essayer de décortiquer la mécanique qui conduit à cette regrettable situation.

Pour éviter tout risque de subjectivité, il est prudent de ne pas évoquer les conflits qui relèvent d'opinions personnelles. Mais même avec cette restriction, il subsiste au travers des articles un certain nombre d'anomalies qui en général ne se retrouvent pas dans des articles à comité de lecture : ce qui est la preuve que les règles du jeu qui ont cours actuellement ne présentent pas le niveau de sécurité que l'on est en droit d'attendre de publications de bon niveau. Il y a là un paradoxe, dans la mesure où l'Appareil semble veiller avec une grande rigueur au respect des règles et recommandations, et où souvent des contributeurs débutants ou maladroits ressentent fortement cette pression et cette rigueur, jusqu'à parfois mettre en cause la légitimité de l'entreprise dans sa globalité. Il semble important de réfléchir à ce paradoxe, et à cette fin je vais commencer maintenant en me focalisant sur trois types d'anomalies, malheureusement récurrentes, qui ne laissent aucune place à l'interprétation et dont la dénonciation relève du diagnostic, nullement du jugement personnel. Et pour qu'aucune ambiguïté ne puisse s'immiscer dans ces examens, je m'intéresserai presque exclusivement à la définition de ces trois anomalies, en l'occurrence en me référant à la définition fournie par le Littré. Je vais présenter ces anomalies de la plus fondamentale à la plus formelle, ce qui (j'avance ce jugement de valeur avec précautions) correspond subjectivement à un niveau de gravité décroissant ; inversement, on pourrait penser (mais cela reste à étayer) que ce classement correspond à un ordre croissant du taux d'occurrences au travers des articles de Wikipédia. Ces trois anomalies sont, dans l'ordre : l'ineptie, la faute (c'est-à-dire très précisément : l'énoncé faux), et l'incohérence.

Ineptie modifier

Définition modifier

Ineptie : « Action, idée, parole absurde, impertinente ».

Pour bien préciser cette définition, notons que l'adjectif « impertinente » ne doit pas être pris dans son acception actuelle (« insolente »), mais constitue une quasi-redondance avec « absurde » : « impertinente » signifie très précisément «  qui n'est pas pertinente ». Un synonyme possible serait « insensée », c'est-à-dire littéralement « dépourvue de sens ».

Condition nécessaire, condition suffisante
Un exemple très simple de confusion (précisément : d'ineptie) sera fourni par le pseudo-syllogisme :
  • tous les corbeaux sont noir ;
  • j'observe un oiseau noir ;
  • donc, l'oiseau que j'observe est un corbeau.
  • Cette construction est, stricto sensu, inepte, quelles que puissent être les raisons qui ont conduit à sa formulation. Il est compréhensible que l'expression de ce diagnostic puisse être ressentie comme désobligeante par le rédacteur de ce « syllogisme », et pourtant il ne s'agit que de la simple constatation d'un fait, constatation qui s'impose à tout le monde, lecteurs comme rédacteur.

    Il n'importe pas pour nous que cette faute de raisonnement, cette absurdité presque archétypique, soit très répandue dans les argumentaires présentés dans les différents médias et même sur les travées de nos amphithéatres ; et la question ici n'est pas de savoir si elle est commise naïvement ou à des fins parfaitement malhonnêtes de sophisme : il s'agit d'une faute intellectuelle, et — à moins de se déconsidérer entièrement — une encyclopédie a le devoir de la refuser, quelle que puisse être par ailleurs, malheureusement, sa « notoriété ».
    Une ineptie, c'est donc une contravention aux règles du discours rationnel, et cela prend en particulier souvent la forme d'une faute de logique dans un raisonnement. Une forme fréquente d'ineptie, c'est la confusion entre condition nécessaire et condition suffisante dans une argumentation : naturellement, en disant ceci, je ne hasarde aucun jugement moral, et mon propos n'est pas de faire un procès d'intention en supposant que l'auteur soit de mauvaise foi lorsqu'il pratique une entorse à la logique. Avec ces précautions indispensables, nous devrons nous borner à constater qu'un texte est inepte, à décrire en quoi il l'est, mais en aucun cas il ne nous incombe de supputer la cause de la faute. Naturellement, exprimer ce diagnostic a toute chance d'être perçu comme une attaque personnelle, et la mécanique infernale a de ce fait toute chance de se mettre en branle, avec comme première conséquence de rendre plus difficile la possibilité de résolution du problème : ce qui sera une preuve irréfutable que les règles du jeu incitent au conflit et, malheureusement, nous croulons sous les exemples de cette mécanique si nous lisons les PdD des articles problématiques.

    Une ineptie n'est pas nécessairement le résultat d'une faute de raisonnement. Elle peut survenir plus indirectement d'utilisations malvenues d'analogies, de manipulations de concepts mal maîtrisées. Ce qui est savoureux, c'est que dans certains domaines l'ineptie peut être créatrice, révélatrice, éclairante : ainsi, lorsque Éluard nous déclare que « La terre est bleue comme une orange » il profère indiscutablement une ineptie, une absurdité dans le domaine du rationnel. Il est intéressant de préciser en quoi la phrase d'Éluard est, d'un point de vue rationnel, inepte : tout repose sur l'adverbe « comme ». Nous savons en effet que la terre est bleue, et cette proposition ne pose pas de problème ; par ailleurs, la phrase n'affirme pas qu'une orange soit bleue, ce qui ne serait pas inepte, mais simplement — objectivement — faux ; ce qui est absurde au plan de la logique, c'est cet adverbe qui prétend rapprocher des caractéristiques opposées. Telle est l'absurdité, telle est l'ineptie ; sauf que, en l'occurrence, Éluard n'écrit pas dans un atlas, une revue de planétologie ou un ouvrage d'agronomie tropicale, mais dans un recueil de poésies ! Un recueil de poésies, pas une encyclopédie : tout est là, bien évidemment. Le langage poétique, et c'est un de ses privilèges, n'est pas soumis aux règles du discours rationnel et du raisonnement, et chacun est libre de l'accepter (l'aimer) ou non.

    En revanche, une proposition ou un raisonnement inscrits dans une encyclopédie, et Wikipédia ne fait pas exception, se doivent d'être sensés — d'avoir du sens. Et un sens partagé par tous, lecteurs comme rédacteur, un sens rationnel. Proposons donc un contre-exemple.

    Illustration modifier

    Pour couper court à toute tentative de diversion par allumage d'une controverse, je citerai une formulation qui a été corrigée depuis. Naturellement, je ne peux garantir que la phrase incriminée (j'en ai isolé une seule, parmi un grand nombre de semblables) n'ait pas été corrigée ponctuellement au fil du temps avant de revenir à la faute initiale, mais une première observation laisse supposer qu'en fait l'anomalie a perduré depuis l'origine. Les modifications qui lui ont été apportées aggravent la situation : elles concernent en effet des détails cosmétiques (pose de guillemets et d'hyperliens, positionnement dans l'article), alors que le problème de fond n'était pas abordé. Quoi qu'il en soit, l'article Échelle de Kardashev a, dès sa création et très exactement depuis le 24 juin 2006, comporté la phrase suivante (le mot en gras est de mon fait, pour accentuer le parallèle avec la phrase qui suivra et qui servira d'élément de comparaison) :
    Une civilisation de Type I est capable d'utiliser toute l'énergie disponible sur sa planète d'origine, approximativement 1016 Watt.
      Citation  
    Qui accepterait de lire sans réagir cette autre phrase — pas moins, mais sûrement pas plus absurde ; et je choisis donc une typographie qui met en évidence le parallèle :
    La ville de Bruxelles se trouve à une distance de Paris approximativement égale à 125 km/h.
      Citation  
    Personne, probablement, et c'est pourtant exactement une ineptie de même nature : une distance ne s'exprime pas plus en km/h qu'une énergie ne s'exprime en W !


    Un pavé dans la mare
    Cet alinéa se termine en constatant la « propension de Wikipédia à détourner toute discussion vers des confrontations d'opinions subjectives, de jugements moraux, d'appréciations culturelles ». Mais, avec précautions, on pourrait sans doute aller un peu plus loin dans l'examen critique des rouages de l'institution. Avec prudence donc, et sur la base de fréquentes observations, je suis amené à me demander si les règles actuelles (et les stratégies de contournement qui leur sont associées) ne conduisent pas presque inéluctablement à des affrontements liés d'une part aux différences de niveaux d'éducation « classique », et d'autre part aux différences de générations. Je ne demande qu'à me tromper. Quoi qu'il en soit, ces questions devraient pouvoir être examinées sans tabou, et en nous épargnant les positions de principe dogmatiques.

    En bref, cette phrase ne veut rien dire et ne peut rien dire, malgré qu'on en ait. Qu'ensuite certains jugent cette ineptie bénigne ou prétendent s'en tirer par une pirouette (cf. cette réaction, apparemment sans but humoristique : « Un watt = un joule/seconde. Cqfd  » : certes ! et alors ? Glissons…), que certains voient dans les critiques qui sont exprimées sur la PdD une inutile manifestation de purisme voire même une intervention trop spécialisée qui risque de contrarier le lecteur, tout ceci ne sera que l'expression de la constante propension de Wikipédia à détourner toute discussion vers des confrontations d'opinions subjectives, de jugements moraux, d'appréciations culturelles. Et accessoirement, hélas, à ne pas considérer la rigueur comme une vertu encyclopédique cardinale.

    Par ailleurs, il est intéressant de noter une autre dérive, qui me semble procéder d'une lecture irréfléchie des règles de Wikipédia. Un argument en effet pour « justifier » la pérennisation d'une ineptie serait que celle-ci figure sur les textes originaux et qu'il serait usurpé de la corriger, la correction (et même un simple appareil critique placé en notre infrapaginale) étant considérée comme un WP:TI. Même si l'on oublie le fait que les textes primordiaux sont souvent dans une autre langue et que par suite l'apparition d'une absurdité peut être le fait d'une traduction défectueuse qui ensuite se « cristallise », cette argumentation pose réellement un problème de fond. Et pour en rester dans mes domaines de compétences, c'est-à-dire les énoncés à contenu scientifique, je reformule cette question telle que je l'ai posée sur la PdD de l'article Échelle de Kardashev :
    Wikipédia doit-il être un lieu de compilation des connaissances actuelles (si possible avec un appareil critique rigoureux), ou le témoignage (com)plaisant et fidèle (voire trop fidèle) des positions médiatiques à la mode, fussent-elles complètement incongrues  ?
      Citation  

    J'ai, naturellement, ma réponse personnelle à ce sujet. Elle est en particulier dictée par un facteur qu'il ne faudrait pas oublier : le lecteur de passage ! Si bien des acteurs de Wikipédia (contributeurs, exégètes, Administrateurs) se plaisent parfois à des joutes où ils peuvent faire assaut plus ou moins loyal d'érudition, de conviction, de rhétorique, voire d'égo, le lecteur pour sa part est en droit d'attendre une information fiable, véridique, sensée. Et naturellement, il ne faut en aucun cas confondre « véridique » et « sourcée » : une encyclopédie n'a pas pour fonction de sanctuariser les éventuelles erreurs des Anciens, fussent-ils prestigieux ! Je frémis en pensant à ce qui aurait pu arriver au pauvre élève de Seconde qui aurait eu le malheur de proférer devant son professeur de Physique la phrase que je suis en train de décortiquer ! Eh bien, c'est aussi de la responsabilité des acteurs de Wikipédia de penser aux conséquences que peuvent avoir leurs écrits, et l'absence revendiquée de tout appareil critique les accompagnant. Et je suis encore plus perplexe en pensant à un épisode, considéré comme du « vandalisme » et que j'ai commenté par ailleurs, dont le traitement a été infiniment plus prompt et plus brutal : car à tout prendre, la malheureuse initiative de cet apocryphe professeur était infiniment moins pernicieuse que la perpétuation, au fil du temps, de l'ineptie qui est examinée ici et que nous avons été quelques-uns à dénoncer ; une perpétuation qui non seulement n'a pas attiré la vindicte des Administrateurs, mais dont la mise en cause peut valoir pas mal de reproches et ouvrir la voie à une de ces polémiques dont Wikipédia, cette fois, a l'habitude.

    Et c'est pourquoi je me suis retiré de la PdD, la discussion devenant irrationnelle ; voici par exemple une réaction qui, sans avoir je suppose de caractère officiel, entendait probablement traduire une position qui a les faveurs de l'institution. Le moins qu'on puisse dire est que ce genre de propos mériterait une analyse détaillée, et un examen minutieux des conséquences que cela implique :
    La vérifiabilité n'est pas la vérité : nos opinions personnelles sur la nature vraie ou fausse des informations n'ont aucune importance dans Wikipédia. Ce qui est indispensable, c'est que toutes les informations susceptibles d'être contestées, ainsi que toutes les théories, opinions, revendications ou arguments, soient attribués à une source identifiable et vérifiable.
      Citation  
    On notera en particulier l'exigence explicite de renoncer à toute approche critique : le moins qu'on puisse dire est que cette attitude, qui prône la soumission passive à la parole médiatique, est rigoureusement incompatible avec les énoncés scientifiques tels qu'ils sont compris de nos jours : nous en sommes revenus au « Aristoteles dixit » des scolastiques ! Ainsi, le jour où une ineptie a réussi à obtenir le parrainage (réel ou supposé, ce n'est pas la question) d'une autorité, la porte est fermée, et le dogme s'établit. L'argument d'autorité prévaut sur l'analyse critique. Dois-je comprendre que c'est une « opinion personnelle » que refuser de voir exprimer des énergies en watts, quand bien même des scientifiques de renom l'auraient fait  ? Ce qui ne manque pas de piquant, c'est que c'est le même contributeur qui m'a dispensé ce cours de doctrine wikipédienne qui, après donc plus de sept ans de présence du texte incriminé, a effectué le 6 octobre 2013 la correction conduisant à l'énoncé
    Une civilisation dite de « type I » est capable d'utiliser toute la puissance disponible sur sa planète d'origine, approximativement 1,74 × 1016 W.
      Citation  

    Quelle ironie !

    Et pourtant, il ne s'agissait là que d'un tout petit exemple, de surcroît dans un domaine scientifique où en principe il ne devrait pas y avoir de place pour les détournements de mots et de concepts. Un tout petit exemple certes, mais dont nous retrouverons l'examen un peu plus tard, tant cette page est riche en sujets de réflexion.


    Commentaires modifier

    On peut évidemment regretter que le mot « ineptie » ait pris désormais dans le langage courant une acception moralisatrice. Par une opération d'évitement, il sera donc facile de détourner le sens de ce diagnostic et, pour couper court à une offre de dialogue critique, de pouvoir se réfugier derrière l'accusation bien commode d'« attaque personnelle  ». On ne peut que déplorer cette tendance permanente sur Wikipédia de faire basculer une discussion critique argumentée vers une polémique à base subjective, voire un conflit de personnes. Cette tendance devrait être prétexte à son tour à un examen critique, une étude approfondie de ces règles de l'institution qui font que cette dérive est presque inévitable, et en tout cas constante ; mais justement, cette proposition de réflexion rationnelle est automatiquement battue en brèche par les règles actuelles, selon un processus d'auto-défense qui ne peut que pérenniser la situation que nous connaissons. Une situation que chacun peut apprécier selon son propre système de valeurs : que l'on déplore cette situation ou que l'on s'en félicite (parce que naturellement, tout le monde n'y est pas perdant !), voilà qui relève des convictions personnelles. Cela dit, dans les faits, ce sont ceux qui s'en félicitent et qui l'utilisent à leur avantage qui tiennent le haut du pavé : pour confirmer cette observation, il n'est que d'examiner l'historique des cas (hélas nombreux) où un contributeur de valeur et compétent est contraint de s'exiler « librement » ou bien est même expulsé manu militari.

    Ces manifestations de l'Appareil envers les contributeurs qui se refusent à brader leur sens critique s'expriment donc par une brutalité candide et légale qui est extrêmement regrettable, mais tellement efficace ! Et le contributeur (voire le simple commentateur comme moi) qui continue ce nonobstant à participer à l'entreprise a un désagréable sentiment de complicité implicite envers des comportements que le cas échéant il désapprouve complètement. C'est très inconfortable et, surtout, grave. Mais il semble y avoir pire cependant, plus profond au niveau intellectuel et au niveau des valeurs affichées par l'encyclopédie. C'est ainsi qu'on a l'impression que certaines inepties (et cela vaudra plus tard pour les fautes) sont plus ou moins traitées avec désinvolture, légèreté, voire indifférence, et qu'en somme la présence d'énormités inscrites dans les articles parfois durant des années est considérée comme faute vénielle, par opposition à d'autres entorses au règlement qui sont quant à elles sanctionnées avec promptitude et sévérité. Celui qui, parfois à son corps défendant, se retrouve dans le rôle de censeur pour dénoncer une erreur grave, est dénoncé comme puriste, ou maniaque, ou trop spécialisé (quand il ne se fait pas taxer de corporatisme), ou paranoïaque, sans oublier parfois des noms d'oiseau franchement désobligeants : c'est, psychologiquement, une situation banale de tous temps et en tous lieux ! on rend le médecin responsable de la maladie qu'il a diagnostiquée, on exécute le messager porteur de mauvaises nouvelles, on s'en prend au sonneur de tocsin plutôt qu'à l'incendiaire. C'est vrai qu'à la réflexion, il eût été quasi-miraculeux que Wikipédia échappât à cette constante de la nature humaine ; mais est-ce pour autant une raison de s'en féliciter, voire seulement de s'en accommoder ? Prenons-en acte ; mais n'aurions-nous pas été en droit d'attendre mieux d'une entreprise intellectuelle qui se veut aussi ambitieuse ?

    Pour finir enfin, il y a aux réticences que j'exprime une pseudo-réponse presque réflexe, et qui dans une application aveugle des recommandations prétend clore une discussion : « au lieu de nous bassiner avec tes observations, réalise la correction que tu crois utile ! ». J'ai naturellement comme témoin rencontré maintes fois, sous des formes plus ou moins courtoises, ce genre d'échange, et il m'est arrivé pour ma part d'essuyer ces réactions. C'est presque toujours ridicule et incongru, même si ce pourrait être parfois drôle, et quelques fois pathétique. Mais cette injonction, parfois péremptoire et assénée comme un dogme, n'a rien de constructif et est contraire à toute pédagogie et tout sens des responsabilités. Il n'est probablement pas utile de mentionner que je suis par principe choqué par cette morale de tagueur (« il a le droit de faire n'importe quelle bêtise, puisque tu as le droit de corriger ! »). C'est le trop galvaudé WP:NHP, que j'ai décortiqué par ailleurs. Ce qu'il faut surtout en retenir, ce qui est intéressant, et spectaculaire, c'est de constater que la totalité des conflits (et Jimmy Wales sait s'il y en a à chaque instant sur Wikipédia !) procèdent de ce mode de fonctionnement appliqué sans appareil critique. Constatons-le, avec plus ou moins de fatalisme selon notre tempérament ; mais au plan intellectuel, cela mérite tout de même que nous nous posions la question : « Est-ce vraiment ce qui était voulu ? ».

    Variations modifier

    L'ineptie peut prendre différents aspects et, semblable en cela à différentes figures de rhétorique dont la dénomination exacte peut faire l'objet de controverses sans fin entre spécialistes, elle peut parfois ressembler à d'autres types d'erreurs, être par exemple confondue avec une simple information erronée, ou un problème de formulation. Cependant, lorsque dans la bibliographie consacrée à Gérard de Nerval on peut lire en première ligne à partir de fin juillet 2013

    Jean Richer (dir.), Cahier Nerval, Editions de l'herne, Cahiers de l'Herne, n° 37, Paris, 1980, 434 p. …
      Citation  
    Embrouille dans le continuum spatio-temporel
  • Jean Richer, astronome, a vécu de 1630 à 1696 ;
  • Gérard de Nerval a vécu de 1808 à 1855.
  • Ce n'est pas faire injure aux qualités du savant que penser qu'il était incapable, 284 ans après sa mort, de diriger un ouvrage consacré à un poète de 178 ans son cadet !

    on devrait être en droit de s'interroger sur la pertinence d'un lien qui envoie vers la page d'un astronome du XVIIe siècle ! On peut certes raisonnablement penser que cette bourde n'a pas fait trop de victimes : on imagine mal un élève recopiant stupidement (synonyme : sans critique) cette information dans une dissertation. Cependant, force est de constater que cette situation ne devrait pas contribuer à ébranler la rumeur (officiellement infondée) selon laquelle Wikipédia ne serait pas fiable.

    Mais le plus inquiétant est que ce lien absurde ne saurait procéder d'une inadvertance, à moins de supposer que son auteur ne s'amuse à mettre des [[ ]] sans réfléchir à ce que cela signifie, à ce que cela implique. Il ne peut s'agir en aucun cas d'une faute de frappe, d'une coquille, d'une fausse manip. Autrement dit, il s'agit d'une désinvolture particulièrement désobligeante envers le lecteur, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de vandalisme conscient. Et s'il est vrai que cette dernière hypothèse serait désagréable au plan moral, il n'est pas sûr que ce serait la plus inquiétante au niveau intellectuel. Toujours est-il que ça a marché ici, et que l'absurdité a résisté pendant trois mois, ce qui n'a rien de rassurant. En d'autres lieux (mais presque au même moment), Montesquieu n'a résisté que 24 secondes, ce qui soit dit en passant laisse franchement rêveur — pour ne pas dire que c'est suspect ! En fait et malheureusement, c'est plutôt la pérennisation des incongruités (ici, une ineptie ; plus tard, des fautes ou des incohérences) qui semble la règle ; mais laissons aux spécialistes de la statistique le soin d'évaluer la durée de vie moyenne d'une erreur, tout en restant convaincu que 24 seconde est un résultat bien plus exceptionnel que trois mois, voire plusieurs années.

    Faute modifier

    Définition modifier

    Faux : « Qui n'est pas vrai, qui est contraire à la réalité.  ».

    Si nous supposons qu'une proposition a un sens, c'est-à-dire si nous sommes sortis du domaine de l'ineptie, nous pourrions penser que la situation va être simple : un énoncé correctement formulé est soit vrai, soit faux, soit encore il traite d'un fait dont la véracité ne nous est pas connue. Nous sommes dans la même situation qu'un scientifique lorsqu'il exprime un résultat avéré ou lorsqu'il formule une hypothèse.

    Il est clair par exemple que si nous lisons dans la page sur les nombres de Stirling l'affirmation

    il ne s'agit ni plus ni moins que d'un énoncé faux, qui du reste est en contradiction avec d'autres formules du même article, et cela ne vaudrait pas la peine de s'y attarder. Il peut être inquiétant que cette faute, qui venait elle-même en « correction » d'une formule déjà fausse, ait pu perdurer en toute impunité pendant 32 mois, et cela laisse perplexe quand on voit avec quelle célérité certaines bévues de moindre importance peuvent faire l'objet d'un traitement-réflexe. Le plus troublant est qu'il arrive (mais ce ne fut pas le cas pour les nombres de Stirling) que la dénonciation d'une faute soit considérée comme une opinion WP:POV, ou un apport personnel WP:TI : la discussion devient alors impossible, un dialogue de sourds, puisque l'accusation de POV et de TI permet de couper court à tout argumentaire rationnel et éventuellement de « reverter » sèchement la correction proposée. Ce mode opératoire, classique en politique mais en principe exclu des travaux académiques au moins dans le domaine scientifique, devrait appeler une réflexion globale sur la validité des contenus sur Wikipédia, et bien sûr aussi plus généralement sur le mode de fonctionnement de l'encyclopédie. En particulier, l'invocation de la « notoriété » pour justifier d'une affirmation est quelque chose de très ambigu : après tout, rien ne dit que la formule incriminée que je viens de prendre en exemple n'ait pas été publiée dans une collection de renom et signée d'une plume prestigieuse ! Tout le monde peut se tromper et, a contrario, je n'ai personnellement jamais publié d'ouvrage reconnu par la communauté mathématique dans lequel je démontrais que la dite formule est fausse. Et pourtant, elle est fausse, quelles que soient nos croyances ou cultures, quelle que soit la publicité dont elle a pu bénéficier, quelles que soient les opinions des Administrateurs, Bureaucrates, Patrouilleurs, Spammeurs, Vandales, ou qui que ce soit !

    Et bien sûr, une situation aussi claire et imparable ne se trouve pas seulement en mathématiques : lorsqu'un contributeur (Administrateur de surcroît) écrit (in Géographie de la Drôme) que
    Le Rhône sert de limite orientale au département
      Citation  
    il s'agit tout simplement d'une faute, dans quelque sens que l'on tourne cette phrase. Durée de vie de cette énormité géographique : sept mois ; et pourtant, contrairement aux nombres de Stirling qui sont peut-être un peu confidentiels, il s'agit d'une affirmation qui peut être instantanément réfutée par quiconque a une carte de France sous les yeux !

    Illustrations modifier

    Le problème est que les fautes abondent dans Wikipédia et que, au-delà des protestations effarouchées des gardiens de la wiki-vertu qui clament urbi et orbi qu'il n'y a pas plus de fautes que dans l'Encylopædia Universalis, au-delà des contorsions des sophistes et casuistes pour qui la vérité est affaire d'opinion, au-delà des passages en force et des arguments d'autorité, au-delà du déni pur et simple, il serait sans doute utile et salubre de discerner la mécanique qui conduit à cette prolifération. Il serait probablement intéressant également de réaliser une typologie de ces fautes, qui constituent un bestiaire relativement varié, et qui suscitent le cas échéant des arguments (surtout dans le camp de la défense ; je veux dire : la défense de l'erreur !) eux aussi fort divers. Limitons-nous à deux exemples.

    1. En évoquant avec ironie l'apocalypse manquée du 21 décembre 2012, reportons-nous à la PdD du Pic de Bugarach où un intervenant écrit
      J'ai supprimé une magnifique désinformation, rajoutée par une IP le 29 janvier 2009, concernant la visite invraisemblable de diverses personnalités célèbres au Pech de Bugarach. Canular ou rumeur de forums ou blogs ésotériques, elle n'a rien à faire ici. La demande de référence nécessaire n'ayant bien sûr jamais été remplie, il est plus que préférable de supprimer ces infos canulardesques. Le malheur est que depuis le temps que c'est resté ici, on retrouve maintenant l'« info » reprise à plusieurs endroits sur des articles de presse, à peu près dans les mêmes termes que dans l'article... -- Basilus (d) 13 mars 2011 à 19:53
        Citation  
      Apprécions le ton pondéré de cet intervenant, ainsi que son utilisation judicieuse des guillemets lorsqu'il parle d'« info ». Notons aussi que la durée de vie du passage incriminé est d'environ vingt mois, ce qui semble plus courant que 24 secondes. Mais le plus intéressant est assurément la pertinente dénonciation du mécanisme qui permet à un bobard d'acquérir le statut de vérité indiscutable ; pour autant que je me souvienne, il y a quelque temps, un professeur avait pu monter (ailleurs que sur Wikipédia) une expérience décisive pour montrer comment on peut construire une version officielle complètement bidon mais qui finisse par faire autorité : preuve s'il en était besoin que Wikipédia n'est pas le seul champ d'application de cette mécanique vicieuse, pas plus qu'il n'en est la seule cause ou la seule victime. Pour autant, est-ce une raison pour fermer les yeux ?
      Car, si l'on réfléchit, cette manipulation des faits — cette désinformation — peut le cas échéant trouver des justifications, ou tout au moins des circonstances atténuantes. En effet, selon les cas, cette instillation d'une information fausse dans le champ de la vérité admise peut certes relever d'une escroquerie délibérée, mais aussi procéder parfois de la légitime défense, voire constituer un acte de Résistance : aux extrêmes, cela peut donc être criminel comme cela peut être héroïque. Malheureusement, il y a aussi une explication qui, quant à elle, ne peut jamais être justifiée : l'éclosion du mensonge peut être tout simplement une manifestation de négligence, d'indifférence, de je-m'en-foutisme, bref : d'abandon de responsabilité. La Parole de l'Appareil prend alors officiellement à la légère les manquements à la vérité, les minimise, et le cas échéant attaque ceux qui les révèlent, selon de nouveau le « syndrome du sonneur de tocsin » déjà dénoncé. Il y a là, il faut le dire avec force, une manifestation éclatante de la trahison des clercs : de nouveau, ce qu'il faut dénoncer n'est pas que les Administrateurs (pour ne parler que d'eux) laissent passer des fautes ; mais c'est que la guerre qu'ils mènent contre l'erreur relève d'un singulier apartheid, qui s'en prend avec infiniment plus de vélocité et de sévérité aux manquements à la forme qu'aux erreurs de fond qui risquent d'entraîner dans leurs conséquences funestes le lecteur naïf qui aura cru pouvoir faire confiance à l'Encyclopédie. Le plus grave est que l'Appareil, semble-t-il, se refuse à examiner avec un esprit critique les règles actuellement en vigueur, qui pourtant suscitent et entretiennent la floraison d'affirmations fausses qui finissent par devenir la pravda.
      Je répète une nouvelle fois que je jugerais cette situation certes plus choquante moralement, mais infiniment moins avilissante intellectuellement si elle était due à un sabotage délibéré ; je crois malheureusement profondément qu'il s'agit simplement d'incompétence, des effets pervers d'un outil dont les développements échappent à ceux qui prétendent en être les gardiens intransigeants, de sorte qu'in fine, la conclusion sera tout simplement : « c'est de la faute à personne ». Superbe exemple de nivellement par le bas, de médiocrité triomphante (ce qui est déjà bien triste) mais surtout revendiquée (et ça, c'est désespérant). « Saccagez, saccagez... », disait un pertinent critique qui, bien sûr, a été poussé vers la sortie.
    2. Un second exemple, lui aussi dénoncé avec humour, permet de préciser la mécanique qui autorise (et justifie selon certains) l'apparition d'erreurs. Sur la PdD de Pierre Kropotkine, et sous le titre provoquant de « Debout les morts !  », un commentateur fait observer :
      Vous avez écrit cette phrase remarquable au sujet du camarade Kropotkine : « amnistié en 1886, grâce à l'intervention, en particulier, de plusieurs personnalités dont Victor Hugo ».
      C'est d'autant plus merveilleux que le dit Victor Hugo avait été enterré l'année précédente. Si encore il avait été corse, une île où les trépassés ont le droit de vote, rien ne l'aurait empêché de présenter une pétition. Gustave G. 4 juin 2006 à 20:37
        Citation  
      Il n'est certes pas indifférent de remarquer au passage que cet observateur attentif a fini lui aussi par quitter Wikipédia, dans le découragement et la déception. Mais ce qui est instructif, c'est la réponse (je n'ose dire : la justification) fournie par l'auteur du passage incriminé :
      J'ai vérifié : Dans la biographie publiée à la fin de La morale anarchiste aux éditions 1001 nuits, il est bien marqué : 1886, grâce à l'intervention de diverses personnalités dont Herbert Spencer et Victor Hugo, Kropotkine est amnisitié et relâcché le 17 janvier. Comme il incarcéré depuis 1882, une intervention de l'écrivain est donc théoriquement possible. Il faudrait naturellement d'autres sources pour confirmer. Nguyenld 4 juin 2006 à 21:57
        Citation  
      Une réponse rapide et courtoise, à laquelle je ne ferai qu'un reproche : l'utilisation du mot « vérifier ». Je ne mets nullement en doute l'honnêteté du « défendeur », mais en toute rigueur la seule chose qu'il a effectivement vérifiée est la présence de l'assertion contestée dans l'ouvrage qu'il cite en référence. La question de fond qui se pose, au-delà de l'échange entre deux contributeurs de bonne compagnie, c'est de savoir quelle est la fonction de Wikipédia : est-ce relater des faits (avec évidemment une marge d'erreur lorsqu'il s'agit d'Histoire), ou est-ce relater des relations de faits ? Il semble bien, sinon de jure du moins de facto, que la réponse soit en général la seconde proposition.
      Pourquoi pas, après tout. Mais encore faudrait-il que le lecteur soit dûment averti qu'une affirmation présentée dans Wikipédia n'a pas vocation à exprimer la réalité, mais seulement à rappeler à ce que d'autres ont dit ou écrit, ailleurs, en d'autres temps, quand bien même ce serait grossièrement faux. Ce n'est pas la même chose, tant s'en faut ! Dans le cas présent, ce n'est pas la même chose de dire que Victor Hugo a signé une pétition en faveur de Pierre Kropotkine, ou de dire qu'un biographe de Kropotkine inclut Hugo parmi ceux qui ont signé cette pétition : ce sont deux événement distincts, en toute rigueur qui devraient être liés (enfin, cela semblerait logique) mais qui ne se situent absolument pas sur le même plan factuel. Cette distinction peut-elle être clairement perçue par le lecteur dans le cadre actuel de Wikipédia ? Il est hélas permis d'en douter !
      La réponse en tout cas à ce (très) léger incident ne surprendra personne : la formulation actuelle, dans le but je suppose d'être raisonnablement consensuelle, a choisi l'ambiguïté :
      La pétition pour sa remise en liberté est signée, notamment, par le philosophe Herbert Spencer, l’astronome Camille Flammarion, le poète Algernon Swinburne et l'écrivain Victor Hugo1. Il est amnistié en 1886.
        Citation  
      avec un renvoi vers une référence bibliographique : Golovanov Vassily, Message et révolte de Pierre Kropotkine, Sovetskaya Kultura, 17 décembre 1988, traduction en ligne. À moins de se reporter à cette référence, on n'a plus idée de la date exacte de cette pétition ce qui, pour un lecteur à formation scientifique, est évidemment une dégradation de l'information par rapport à la rédaction initiale. Tout au plus, on peut se poser des questions : la pétition ne peut être que postérieure à l'arrestation de Kropotkine (1882), ses signataires n'ayant pas je suppose le don de voyance, quelque brillants aient-ils pu être par ailleurs ; or, Victor Hugo a été victime d'un AVC à la fin des années 1870 et, sauf erreur, était très diminué durant ses dernières années. Il y a un doute réel sur sa capacité à intervenir dans les affaires publiques en 1882 et ce que je déplore, c'est que Wikipédia ne manifeste pas l'indispensable esprit d'analyse qui s'impose par rapport à un énoncé (certes très anodin et probablement sans la moindre conséquence) que nous devons accepter en l'état, sans appareil critique. Il s'agit donc d'une rédaction journalistique, non encyclopédique.
      Naturellement, cet exemple est des plus bénins ; mais il ne peut que jeter le doute et la suspicion sur la démarche dans son ensemble, non point tant en ce qu'il prouve que des affirmations peuvent être contestables, mais par la manière dont ces doutes sont traités ou, plutôt, évacués.


    Synchronicité
    Il est vraiment amusant que le cas de l'expression « quelque temps » ait été il y a peu, sur une radio publique, prise comme exemple évident de faute courante par un éminent professeur de lettres. Et j'ai évoqué avec commisération la piètre qualité (logique et morale) de l'échange à ce sujet entre les deux wiki-contradicteurs, en pensant avec tristesse que si le professionnel s'était immiscé dans le débat, il eût probablement été botté en touche au nom des sacro-saints WP:TI, WP:POV et autres reproches d'argument d'autorité ou de source primaires : la compétence n'est pas une valeur très cotée dans les affrontements où Wikipédia se complaît. Et dans le cas présent, l'histoire se termine encore plus mal, puisque non seulement les arguments sont faibles (voire bas), mais la conclusion est fausse.
    On peut compléter ces deux exemples par une anecdote encore plus minime, mais éclairante. Sur un point de détail orthographique qui pourtant ne laissait aucune place au doute (fallait-il écrire « quelque temps » ou « quelques temps »), une intervenante en vue avait effectué la correction nécessaire et l'opération avait été mal perçue par l'auteur initial de la faute. La mécanique traditionnelle de revert et contre-revert s'enclencha, avec en plus en PdD des échanges de propos aigres-doux agrémentés d'arguments ineptes et d'orthographe douteuse. Lassitude ou crainte de se faire piéger par la Règle des 3R ? toujours est-il que finalement, et en dépit d'un comportement généralement intransigeant, l'« Administrateuse » renonça et la faute fut consacrée. Peut-être existe-telle toujours. Ce que je retiens de ce très médiocre épisode, c'est qu'une fois de plus le Fond a été sacrifié à la Forme, l'Esprit à la Lettre, la Justice à la Procédure et, finalement, la Vérité à l'Erreur. Je suis évidemment de parti-pris, mais je suis prêt à parier que l'opinion générale de l'Appareil sera que l'Administrateuse a fait preuve de sagesse et de bon-sens en n'insistant pas sur un problème il est vrai sans enjeu décisif ; mais j'aimerais pour ma part souligner que cette attitude (qui sera peut-être appréciée par certains comme « pragmatique ») peut aussi être perçue comme un blanc-seing voire une incitation laissés à ceux qui souhaitent apporter le désordre mais qui connaissent les rouages procéduriers. Surtout, c'est une insulte que je pourrais qualifier de gratuite envers ceux qui se sont fait brutalement et parfois injustement recadrer par cette même Administrateuse pour n'avoir pas su détourner la Règle à leur profit. Impitoyable avec les faibles, les maladroits et les innocents, faible et fuyant avec les forts ou les tricheurs, tel est le visage des forces dites de l'ordre — en réalité les forces au service de l'ordre établi : il en a toujours été ainsi, et sous toutes les lattitudes ; ce n'est pas moi qui le dit, cela se lit dans Plutarque et rien n'a changé depuis. Il eût derechef été miraculeux que Wikipédia s'élevât au-dessus de cette bassesse. La machine à générer de la rancœur sait faire flèche de tout bois, sait s'alimenter au plus petit incident, et ne s'en prive pas. Dommage. Mais je ne peux que le déplorer, ici, observateur impuissant et vaguement complice. Que faire ? sinon rédiger ces lignes pour témoigner que je ne suis pas dupe.


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    Les deux exemples (parmi tant d'autres !) ci-dessus parlent d'eux-mêmes. La recherche du consensus, l'invocation de la notoriété, et la condamnation de tout appareil critique (qui serait immédiatement rejeté comme WP:TI) dessinent de façon brutale les limites de l'exercice. Pourquoi pas, après tout : faire de Wikipédia un gigantesque fourre-tout où se mèlent allègrement et sur le même plan des anecdotes bientôt oubliées et des développements de haute spécialité, certains articles étant une fin en soi tant le sujet est insignifiant et d'autres n'étant que des portes ouvertes sur une information réellement utilisable, voilà un objectif envisageable. Mais comme par ailleurs il est interdit de recopier des textes extérieurs (même libres de droits) et comme dans le même temps un article n'est pas censé se limiter à un recueil de liens (et encore moins de liens commentés !) vers le monde extérieur, la Loi qui prévaut — les principes et recommandations — constituent un véritable défi, une véritable quadrature du cercle, une contradiction permanente. Dès lors, la porte est ouverte à toutes les interprétations spécieuses de ces règles, toutes les arguties, tous les sophismes, tous les abus : et ce seront nécessairement, en cas de conflit sévère, les manipulateurs et les casuistes qui auront le dernier mot, au détriment d'une vérité réduite au rang d'« opinion personnelle », cette victoire étant bien sûr bénie par l'Appareil. Il serait intéressant d'observer que les règles du jeu s'occupent davantage du confort du rédacteur (et des Administrateurs) que de l'enrichissement du lecteur. Mais surtout, méditons sur les paroles de Jean-Jacques Rousseau :

    C'est à l'estime publique à mettre de la différence entre les méchants et les gens de bien ; le magistrat n'est juge que du droit rigoureux ; mais le peuple est le véritable juge des moeurs ; juge intègre et même éclairé sur ce point, qu'on abuse parfois, mais qu'on ne corrompt jamais. Les rangs des citoyens doivent donc être réglés, non sur leur mérite personnel, ce qui serait laisser au magistrat le moyen de faire une application presque arbitraire de la loi, mais sur les services réels qu'ils rendent à l'Etat et qui sont susceptibles d'une estimation plus exacte.

    et convenons qu'au regard de ce qui se passe dans le wiki-monde, l'adverbe « parfois » traduit de la part du Citoyen de Genève un optimisme auquel il ne nous avait pas habitués ! Il est vrai, fera observer un polémiste, que Rousseau n'a jamais traité de Wikipédia… (je l'attends de pied ferme, cette remarque qui se voudra subtile et péremptoire). En revanche, saluons sa lucidité quant à son évocation de l'« application presque arbitraire de la loi ». Et il n'est pas besoin d'une trop grande pespicacité pour discerner comment la Lettre de la loi opère afin d'abuser l'« estime publique » : mais aborder la question de la démagogie au sein de Wikipédia serait un sujet trop brûlant, et il n'est sans doute pas nécessaire de descendre aussi bas.
    Finalement, pour ceux qui jugeraient Rousseau excessif, revenons-en à Montesquieu qui n'avait quant à lui rien d'un extrémiste :

    Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice.


    À méditer !


    Incohérence modifier

    Définition modifier

    Incohérent : « Se dit des idées, des mots ou des phrases qui ne se suivent pas, qui ne forment pas un tout, un ensemble bien joint. ».

    Pour ce dernier type d'erreurs, nous nous situons au niveau linguistique. Affirmations mal formulées, ambiguës, informations incomplètes, enchaînement obscur de différentes propositions, telles sont les formes usuelles de l'incohérence.

    Dans certains cas, il peut s'agir simplement d'une maîtrise imparfaite de la grammaire. Il est amusant de noter que certaines fautes sont récurrentes, omniprésentes, et constituent une véritable marque de fabrique de Wikipédia. C'est le cas par exemple de l'emploi des pronoms démonstratifs « celui-ci » ou « ce dernier », rarement utilisés à bon escient. C'est aussi le cas du recours fréquent à des constructions de type anacoluthe, dans des propositions incidentes ou des appositions ; l'incohérence tient à ce que le lecteur doit faire un choix : deviner le sens probablement voulu par le rédacteur mais en devant subir une faute grammaticale, ou supposer que la grammaire est correcte et en conséquence être trompé sur le sens intentionnel de la phrase. Passons par charité sur la confusion tellement courante entre futur et conditionnel : elle se manifeste surtout, heureusement, dans les PdD ! (Convenons à ce propos que des menaces proférées au conditionnel, c'est assez savoureux !)

    Naturellement, dans les cas extrêmes, l'incohérence s'accompagne de faute ou d'ineptie, et même avec la meilleure volonté le lecteur ne saura pas quelle solution proposer. Il devient indispensable alors de passer par la PdD, mais il n'est pas courant que l'échange qui s'ensuit se déroule dans la sérénité. Cela est très étonnant : les règles du jeu sont telles qu'une modification brutale (sans parler d'une éradication pure et simple) risque d'être acceptée sans trop de heurts, alors que de simples observations déposées sur une PdD peuvent entraîner des réactions outrées, quelque courtoises soient-elles. Surtout si elles sont fondées ! Ainsi est la nature humaine : l'homme qui veut se faire passer pour ouvert et généreux saura pardonner les reproches infondés qui lui seront exprimés, mais il sera impitoyable si ces reproches s'avèrent justifiés. Et les règles actuellement en vigueur favorisent ce comportement somme toute irrationnel. Comme disait fort justement Jean-Jacques Rousseau,
    Leur propre iniquité fait mon crime que leur amour-propre ne me pardonnera jamais, et le public dont ils auront soin d'entretenir et ranimer l'animosité sans cesse, ne s'apaisera pas plus qu'eux.
    Une phrase certes bien marquée XVIIIe siècle, mais qu'il n'est pas trop difficile de traduire en langage contemporain pour illustrer beaucoup, beaucoup trop de wiki-comportements.


    Illustrations modifier

    Comme annoncé précédemment, ce problème paraît certes moins fondamental que les deux précédents, mais il est dans le même temps considérablement plus fréquent et les exemples pourraient en être innombrables. Il est désespérant de vouloir vider ce tonneau des Danaïdes. Aussi les illustrations ne seront-elles ici que fugitives, afin de ne pas alimenter une tentation de total découragement. Les deux premiers exemples seront les plus sérieux et les plus fondamentaux, les autres relevant plutôt d'une insuffisance stylistique.

    1. Revenons à l'Échelle de Kardashev. Si je me focalise sur ce texte, c'est d'une part parce que les anomalies qui y sont décelées sont archétypiques ; c'est aussi parce que, cet article semblant destiné quelque jour à être proposé à une promotion (BA ou AdQ), il est par suite légitime d'attendre de lui une plus grande exigence de rigueur. L'article est indiscutablement fouillé, documenté, de lecture plaisante, même si l'on peut regretter comme toujours une absence de recul critique par rapport aux affirmations ou modèles qui y sont exprimés. En ce sens, une évaluation ne sera clairement pas la même selon qu'on considère ce texte comme de la littérature de science-fiction ou comme un article scientifique, le lecteur étant évidemment fondé dans ce dernier cas à être beaucoup plus exigeant quant à la rigueur intellectuelle et à la cohérence des propos. Mais même si l'on considère qu'il s'agit de littérature, il faut bien reconnaître que la phrase corrigée (déjà citée précemment)
      Une civilisation dite de « type I » est capable d'utiliser toute la puissance disponible sur sa planète d'origine, approximativement 1,74 × 1016 W.
        Citation  
      pose un réel problème de signification. Il n'est pas impossible que cette phrase ait un sens, mais rigoureusement rien dans l'article ne permet d'expliciter ce sens. Et plus précisément, nulle part dans l'article n'est défini le concept de « puissance disponible » à l'échelle de la planète, concept qui de surcroît ne fait l'objet d'aucune référence que ce soit à l'intérieur de Wikipédia ou au titre de lien externe : le lecteur n'a strictement aucun moyen de comprendre à quoi cela correspond, il est contraint d'en rester à une impression assez grandiloquente, et le cas échéant de formuler dans son coin une interprétation au mieux totalement imprécise et au pire parfaitement inepte. Évoquons seulement un point troublant : dans la formulation absurde dénoncée au paragraphe 2, le problème tenait au télescopage entre énergie et puissance ; dans la rédaction nouvelle, le correcteur a choisi de tout exprimer en termes de puissance. Pourquoi pas (au moins, il y a homogénéité des termes), mais pourquoi ce choix ? pourquoi n'avoir pas tout ramené à des énergies (qui alors auraient été exprimées en Joules ou en ergs) ? cela n'est certes pas la même chose, et il serait évidemment indispensable de connaître les raisons et la signification implicite de ce choix. Ce qui est le plus troublant, c'est l'apparente légèreté, la quasi-insouciance avec laquelle cette modification a été effectuée. Nous avons peut-être quitté le domaine de l'absurde, mais il y a encore un long chemin à faire pour que cette phrase, cessant d'être un simple et impressionnant enchaînement de mots, puisse enfin véhiculer une signification rationnelle, compréhensible, au besoin critiquable. Pour l'heure, il est impossible d'attaquer cet énoncé, faute d'en appréhender le sens exact : ce qui, dans un article qui se voudrait scientifique, est d'une grande gravité. En l'état, il convient de poser la question sans détour : « Que veut donc dire cette phrase ? ». Et notons que quelle que soit la réponse — cette réponse pouvant s'échelonner depuis une constatation consternée : « Cette phrase est inepte », jusqu'à de longues explications techniques — quelle que soit donc cette réponse, le fait qu'il ait fallu recourir à cette question est la preuve irréfutable que ce passage de l'article ne satisfait pas aux exigences encyclopédiques minimum. Voici une manifestation profonde d'incohérence. Et, une fois de plus, c'est le lecteur de passage qui en fera les frais, sauf bien sûr s'il s'aligne sur l'atmosphère générale de l'article, prenne tout ceci à la légère et privilégie l'ambiance et le style au détriment de l'information ; mais alors… encyclopédique, vraiment ?
    2. Naturellement, il n'y a pas que dans le domaine scientifique que l'occasion se présente d'utiliser des notions non définies ! On se trouve alors confronté à des propositions dont il est rigoureusement impossible de dire si elles sont ineptes, fausses, ou si elles cachent un fond de vérité. Prenons un exemple soulevé par un contributeur lui aussi disparu, à propos de la page Johannes Buteo qui commence ainsi :
      Johannes Buteo, ou encore Jean Buteo, Jean Borrel, né en 1492, à Charpey (paroisse de Bésayes), dans le Dauphiné et mort entre 1564 et 1572 (probablement à cette date1) à Cenar, près de Romans-sur-Isère, est un mathématicien français…
        Citation  
      Effectivement, il n'y a rigoureusement que dans l'ouvrage cité en référence (Aimé-Henri Paulian : Dictionnaire de physique page 313) que l'on trouve mention d'un bourg ou d'un lieu-dit nommé Cenar. Il est pour le moins cavalier envers le lecteur de passage de laisser une telle affirmation sans appareil critique : il ne s'agit une nouvelle fois en aucun cas d'une information (ce qui serait cohérent avec le rôle encyclopédique de l'article) mais tout au plus d'une méta-information, d'une « relation de relation », de la mention d'une information putative présente sur un document ancien. Le lien rouge attire l'attention sur cette anomalie qui, il faut bien le reconnaître et le regretter, n'a pas été considérée comme très perturbante au fil du temps, l'article étant quant à lui plutôt inerte. Mais est-ce une excuse ?
    3. Voici un cas où il faut au préalable deviner s'il y a une faute d'orthographe ou une faute de syntaxe, pour essayer d'interpréter le sens :
      la Première dame était invitée à prendre parti à la conversation
        Citation  
      J'ai soumis ce cas sur la PdD correspondante et, en l'occurrence, la réponse fut prompte. Cette réponse est plausible ; mais je me serais bien gardé d'intervenir pour ma part, parce que finalement il y avait un doute et on ne savait pas quelle était l'intention du rédacteur. Or, trahir la pensée de celui qui a travaillé avant moi est un acte d'agression que je me refuse à commettre.
    4. Le sort de M. von Papen, en revanche, reste en suspens deux mois et demi après que j'ai souligné (toujours en PdD) les incohérences de ce passage :
      Il fut relaxé bien que la cour admit qu'il avait commis un nombre d'immoralités politiques qui n'étaient pas condamnables. Il fut néanmoins condamné à huit années de travaux forcés par un tribunal de dénazification de l'Allemagne de l'ouest ; il finit par être relaxé en 1949 en appel.
        Citation  
      S'amuser (?) à relever les incongruités de ces deux phrases est un exercice facile, mais un peu scolaire. Nous sommes ici aux limites du galimatias.
    5. Un exemple plus bénin, parmi des centaines d'autres : la page Pan American World Airways commence ainsi
      Pan American World Airways appelée aussi « Pan Am » fut une compagnie aérienne américaine des années 1930 jusqu'à sa disparition en 1991. On lui attribue de nombreuses innovations qui ont marqué l'industrie aérienne mondiale, de plus cette dernière a été une des plus prestigieuses et célèbres compagnies aériennes.
        Citation  
      Un grammairien ne pourra que comprendre que c'est « l'industrie aérienne mondiale » qui a été l'« une des plus prestigieuses et célèbres compagnies » ; les règles de la syntaxe sont impitoyables. Cela dit, dans ce cas, il est facile de deviner le sens sous-jacent, et on reste seulement sur une impression de faute de style. Il serait pourtant intéressant de comprendre pourquoi cette utilisation fautive du pronom démonstratif constitue une véritable marque de fabrique de la rédaction sur Wikipédia, tant les exemples en prolifèrent, avec souvent des incohérences bien plus graves que celle mentionnée ici.
    6. Il serait coupable de ne pas évoquer une erreur elle aussi archétypique, le recours à une anacoluthe (plus précisément un solécisme) qui dans les cas favorables constitue simplement une faute de style, mais qui parfois peut sérieusement affecter le sens. Par exemple, la biographie de Philippe Henriot commence ainsi :
      Né à Reims le 7 janvier 1889, son père est officier dans l'armée, un ancien condisciple du Maréchal Pétain sur les bancs de Saint-Cyr…
        Citation  
      En principe, si elle était correcte, cette phrase signifierait que c'est le père qui est né à Reims en 1889 et qui est ancien condisciple de Pétain. Sauf que ce n'est pas la réalité, et qu'après un bref contrôle des dates, il faut comprendre que le père est condisciple de Pétain et le fils né en 1889. Incohérence entre forme et fond : la forme aurait pu être correcte, mais l'information aurait alors été erronée ; et le sens exact ne peut être atteint que si la syntaxe est fautive.
    7. Il n'est pas toujours facile de traduire en langage rationnel des textes qui, étrangement, ne semblent déranger personne. Mais, alerté par une contributrice (qui a elle aussi déserté Wikipédia depuis), je ne peux que constater l'incohérence de cette description concernant la bataille de Fleurus :
      La gauche française recula d'abord à travers le bois de Monceau jusqu'à Marchienne, mais là, les Autrichiens, s'apercevant de la prise de Charleroi, hésitent. Kléber en profite pour les faire charger et les forcer à reculer.
        Citation  
      Parce que je suppose que ceux que Kléber force à reculer, ce sont les Autrichiens (cela semble presque sûr), mais que ceux qu'il fait charger, ce sont les Français (enfin, c'est ce que je supposerais). À moins bien sûr qu'il ne s'agisse d'une astuce tactique qui m'échappe. De nouveau, il apparaît que la reformulation en termes intelligibiles de l'idée sous-jacente ne semble pas motiver outre mesure les rédacteurs. Quant aux lecteurs, je suppose qu'ils seraient bien en peine de savoir quoi dire !
    8. etc. etc. etc.


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    Si je veux bien admettre que les inepties soient relativement rares, si avec précautions je pourrais accepter l'idée que le taux de fautes n'est pas excessif, je ne peux que constater la prolifération des incohérences, tant dans la forme que dans le fond. Il n'est pas exclu que cela soit dû au mode de travail : finalement, comme un orchestre dont les différents musiciens au mieux joueraient dans des tonalités différentes, et au pire seraient sur des partitions distinctes.

    Qu'est-ce que la wikification ?
    Ce serait une tâche de grande envergure qu'essayer de définir, de façon rigoureuse, en quoi consiste la « wikification ». On devine bien qu'il s'agit de faire rentrer un texte (quant à son style, quant à sa typographie, quant à sa mise en page, etc.) dans les cadres prévus pour harmoniser l'ensemble des article de l'encyclopédie. Sauf que ces cadres sont tout sauf définis de façon rigoureuse ! Par exemple, il n'est pas rigoureusement interdit d'utiliser avec parcimonie des caractères gras dans le corps des textes ; et il est croustillant de relever que la page officielle qui édicte cette règle de conduite comporte elle-même des mots en gras ! Mais certains censeurs, ou patrouilleurs, ou scrutateurs, ou même miliciens auto-proclamés, prennent sur eux de traquer sans discernement les caractères gras, du reste de façon parfois surprenante (certains articles échappant à leur vindicte).

    Cette simple observation permet d'apprécier la justesse des propos de Rousseau, quant à l'application presque arbitraire de la loi ! Ainsi, avec un peu de recul, on pourrait sans trop de difficultés penser que la wikification n'est pas un système de règles, mais plutôt une étiquette formelle que l'on peut apposer sur la face d'un article que l'on souhaite incriminer. Il y a un bandeau pour ça !
    Il n'est pas impossible non plus que cette prolifération soit due en partie — pour rester dans une métaphore musicale — à une inadéquation entre la partition et les interprètes. En somme, que l'obligation de respecter des règles formelles qui éloignent considérablement du mode d'expression quotidienne poussent à la faute : ainsi, je n'utilise personnellement jamais dans ma conversation le pronom démonstratif « ce dernier » et, faute de pratique, cela pourrait m'entraîner à l'employer à mauvais escient si je m'essayais à rédiger un article. Quant à l'anacoluthe traditionnelle, elle est tellement présente dans les médias usuels qu'il eût été miraculeux que Wikipédia en fût exempt (pensons à l'inénarrable formule des bulletins météo : « En descendant vers le sud, le soleil fera de timides apparitions… » ; est-ce vraiment le soleil qui descend vers le sud ? Ridicule, mais omniprésent).

    Mais ce qui est franchement angoissant et désolant, c'est que cet amoncellement d'anomalies ne soit finalement pas considéré comme un chantier prioritaire. Les scrutateurs de tous statuts semblent bien souvent davantage concernés par des modifications cosmétiques, des histoires de « wikification » en particulier qui ne sont pas toujours intelligibles au premier venu, alors que des questions fondamentales restent en suspens parfois pendant des années. En somme, tant et tant de contributeurs se comportent comme des locataires (ou des copropriétaires) qui se concentreraient (et éventuellement se chamailleraient) sur des questions de nuances de papier peint dans un immeuble insalubre.

    Regrettons enfin que, explicitement, il soit écrit dans le canon que cela constitue une attaque personnelle d'indiquer ses fautes à un contributeur. Ce précepte atteint un haut niveau d'absurdité lorsqu'il s'agit de faute d'orthographe ! Car enfin, si la faute est avérée, il ne s'agit en rien d'une attaque, mais simplement d'un constat : on en revient à l'éternel problème du « sonneur de tocsin ». De plus, si un contributeur est coutumier d'une faute récurrente (pensons ici à l'exemple déjà cité de « quelques temps »), c'est lui rendre service et rendre service à toute la communauté d'attirer son attention sur le problème afin d'éviter sa résurgence, plutôt que repasser derrière et effectuer la correction en silence. Il faut objectivement reconnaître que les règles du jeu contribuent ici méthodiquement à empoisonner l'ambiance.


    Conclusion ? modifier

    Avec un peu de grandiloquence, on pourrait comparer les problèmes évoqués ici à un antique débat quant à savoir lequel prévaut, du pouvoir temporel ou du pouvoir spirituel. L'analogie, bien sûr, ne doit pas être poussée trop loin. Mais enfin, il faut bien accepter l'idée qu'à côté des Règles de Wikipédia, il existe d'autres règles qu'il serait insensé de négliger : les règles de l'orthographe, de la syntaxe, de la logique, pour ne citer que les plus immédiates. Mais il y a aussi tout un environnement culturel, éventuellement tributaire d'une génération, et il serait d'une grande imprudence de l'oublier.

    Un débat sempiternel
    Nous sommes ici au cœur d'un débat sans fin possible : légalité vs. légitimité. Ou si l'on préfère : ordre contre justice.

    Il existe deux façons mensongères de traiter cette dialectique : prétendre qu'elle n'existe pas, ou prétendre qu'on l'a résolue. En ancien pédagogue, j'invite le visiteur à examiner scrupuleusement quelques conflits (au hasard) sur Wikipédia, et observer comment cette réalité s'exprime au sein de l'encyclopédie. Décidément, notre entreprise n'a finalement pas inventé grand chose !
    Par exemple, détruire une contribution avec comme seul argument qu'on en a le droit, le pouvoir, et que tel ou tel précepte a été enfreint, c'est déjà plus que limite comme comportement (quoique hyper-fréquent). Mais il y a encore pire, et il faudrait que les acteurs concernés en soient conscients : la formule quasi officielle consistant à proposer à la victime d'un effacement de faire valoir ses droits à la résurrection est déjà assez humiliante ; mais si en plus on demande benoîtement à la dite victime de présenter sa requête poliment, nous sommes alors au-delà du cynisme raisonnablement admissible, et il est naturel que la situation dégénère automatiquement en conflit. En disant ceci, je ne fais qu'observer (avec lassitude et découragement) une situation qui se répète des dizaines, peut-être des centaines de fois par jour. Quant à savoir si cette situation est voulue et/ou maîtrisée par un pouvoir occulte, ce serait affaire d'opinion personnelle, et je ne me hasarderai qu'à une hypothèse.

    Cette hypothèse est toute simple, et même s'il ne s'agit que d'une impression, je vais l'exprimer clairement : non, je ne crois pas à une volonté organisée d'entretenir ce climat de violence. Je crois (et c'est seulement une croyance) que la brutalité endémique sur Wikipédia ainsi que les problèmes de qualité que j'ai examinés dans cette page sont dus à des contradictions et des incohérences dans les règles du jeu en vigueur, ainsi que dans des utilisations tendancieuses de celles-ci. Qu'ensuite, certains profitent de la situation et que d'autres en souffrent, c'est une conséquence liée aux circonstances particulières. Et que les profiteurs refusent ne serait-ce qu'envisager de réfléchir ou discuter sur ces dispositifs qui les arrangent hic et nunc, c'est un comportement des plus humains. Mais il serait superflu d'examiner plus en détail ces typologies de comportements : elle n'ont rien de nouveau, et les fabulistes et moralisateurs des siècles passés en auraient bien plus à dire que les plus pointus de nos modernes sociologues. Relisez La Fontaine, Florian, La Bruyère, relisez Ésope, relisez aussi Plutarque !

    Pour ma part, je n'ai pu que constater à quel point la démarche critique est malvenue sur Wikipédia. C'est probablement là la contradiction la plus insupportable et la plus décevante de cette entreprise. Pour le moment, je ne crois pas que les dispositifs en vigueur permettent d'espérer (sauf cas exceptionnel) qu'un contributeur compétent et réfléchi puisse avoir raison de la coalition ineptie/faute/incohérence, que le fond puisse avoir raison de la forme, que la vérité puisse avoir raison de la notoriété. Et encore ! par prudence, j'ai évité de mentionner les cas les plus extrêmes de dogmatisme, les situations les plus invraisemblables.




    Ce qui aide à tenir, c'est qu'on rencontre parfois des esprits critiques et éclairés qui ne se laissent pas impressionner par la Vulgate, et qui tentent de garder leur libre-arbitre, loin des dogmes. Le problème est que leurs belles qualités impliquent un wiki-pessimisme inévitable. Voici par exemple, datant de cet été 2013, un échange entre deux amis de rencontre :

    La contribution à Wikipédia est considérée par certains comme un long calvaire, qu'il est toutefois possible d'abréger en se faisant jeter dehors après avoir dit un peu vertement son fait à un censeur... Personnellement, je préférerais collaborer sereinement avec des gens sympathiques, compétents et compréhensifs (il y en a quand même quelques-uns par ci, par là).
      Citation  

    propos lucides à qui il fut répondu

    Et merci à vous tout autant : on se sent moins seul lorsqu’on vous lit ! En effet, je me dis parfois que le wiki-suicide par bannissement après avoir vidé le fond de sa pensée à l’adresse d’un fâcheux bas de plafond et recuit dans la certitude étriquée de ses rituels encyclopédiques, constitue la seule voie du salut ici… Heureusement, découvrir certains contributeurs de bonne volonté et au profil d’honnête homme me réconforte un peu.
      Citation  


    Eh oui ! Le moins qu'on puisse dire, si on veut tenir, c'est qu'il ne faut pas vouloir placer la barre trop haut, et qu'il faut savoir se contenter de quelques (trop) rares rencontres de qualité. Je ne suis pas certain de parvenir à avoir cette sagesse. Et le wiki-suicide, s'il ne manque pas de panache, manque singulièrement d'efficacité. Je me contenterai donc d'adopter un profil bas, et surtout de ne pas tenter de contribuer dans le domaine qui me tient à cœur : je veux bien m'exposer, mais pas exposer le travail de nos maîtres.

    En revanche, si un jour s'ouvre un chantier de réflexion sur la pertinence des wiki-principes et leur télescopage avec la manipulation des wiki-outils, je suivrai le processus avec intérêt et le cas échéant j'interviendrai. Ou plutôt : si un jour s'ouvrait un chantier de réflexion sur la pertinence des wiki-principes et leur télescopage avec la manipulation des wiki-outils, je suivrais le processus avec intérêt et le cas échéant j'interviendrais. Mais je n'y crois pas trop. D'ici là, j'observe les cripsations des uns, et le départ des autres, avec comme seul vœu si ce n'est trop demander :


    Respectez les mots, respectez le lecteur


    Et, par cohérence avec les propos précédents et comme manifestation du respect dû aux autres contributeurs, je m'engage à ne pas pratiquer le passage en force et à détailler mes observations et mes propositions en PdD plutôt que réaliser par moi-même les modifications suggérées. Puisque cette attitude m'a déjà valu des observations plus ou moins opportunes, je prévois d'accompagner ces contributions de la pose du modèle {{Utilisateur:Pèire_Cardenal/Remarque}}, dont voici le résultat :Utilisateur:Pèire Cardenal/Remarque