Utilisateur:Leonard Fibonacci/Tite, Aurelia et Petronilla

Plusieurs sources chrétiennes mettent en scène Tite le disciple de Paul, l'apôtre Simon Pierre et une énigmatique « fille du jardinier », qui doit encore rester paralysée. Dans un fragment en copte des Actes de Pierre datant de la fin du IIe ou début du IIIe siècle, il est indiqué pour la première fois qu'il s'agit de « la fille de Pierre ». À partir du VIe siècle, la censure à ce sujet semble s'assouplir, car les sources se mettent à appeler « la fille de Pierre » par son nom Petronilla. Le sarcophage de cette sainte Petronilla était enterrée dans le cimetière qui a donné naissance aux catacombes de Domitilla. Le nom inscrit sur ce sarcophage était Aurelia Petronilla. Au VIe siècle, il a été transféré dans une des deux rotondes, des mausolées impériaux circulaires datant de Caracalla (211 -217), bâties aux deux extrémités de la spina du Cirque de Caligula et de Néron, près de la basilique Saint-Pierre au Vatican[1]. L'autre rotonde était occupée par la sépulture d'André le frère de Simon Pierre alors que la Basilique presque attenante est construite sur la tombe supposée de Simon Pierre et les trois lieux étaient liées par des sortes de passerelles, formant ainsi un complexe à la gloire du supposé fondateur de l'Église de Rome, composés des sépultures de trois membres de la famille.

Le fait que la sépulture initiale de la fille de Pierre ait été située sur un terrain appartenant à la famille flavienne alors que le grand-père de Vespasien s'appelait lui aussi Pierre (Titus Flavius Petro), laisse supposer que l'apôtre était lié aux Flaviens. Le nom Aurelia Petronilla, signifie que la fille de Pierre outre son père qui lui a donné le nom de Petronilla par dérivation du sien, est née d'une Aurelii qui était sa mère. « Fille du jardinier » pourrait signifier que le terrain des futures catacombes de Domitilla appartenait à l'apôtre Pierre, ce qui expliquerait que sa fille y ait été enterrée, avant qu'il soit transmis par héritage à Flavia Domitilla, la femme de Titus Flavius Clemens (peut-être d'ailleurs a-t-il d'abord appartenu à la Flavia Domitilla, fille de Plautilla qui l'a transmis par héritage à la femme de Flavius Clemens après sa mort vers 98). Il est notable que le plus ancien hypogée chrétien des catacombes de Domitilla soit celui « que les archéologues appellent la région des Flavi Aureli à cause des nombreuses inscriptions funéraires qui comportent le nom de cette noble famille[2]. »

Le fait que le disciple Tite soit toujours présent chez Petronilla alors qu'elle est malade et doit rester couchée et même rester paralysée — sauf à de brefs instants où Pierre décide de la guérir mais seulement pour quelques instants — suggère que Tite (diminutif de Titus, praenomen que semble porter tous les Flaviens) est lui aussi un proche. Dans les Actes de Tite il est explicitement dit que le disciple Tite est parent avec « Vespasien, l'empereur des Romains »[3],[4]. Il est précisé dans certaines sources que Pétronilla doit rester "paralysée" à la demande de Pierre. Il s'agit probablement d'une allusion au fait que pendant plusieurs siècles, il a été interdit de révéler qu'Aurelia Petronilla était la fille de Pierre. Cette information est restée en quelque sorte "paralysée" jusqu'au VIe siècle, malgré une première révélation avec la publication des Actes de Pierre en Syrie-Palestine, mais qui n'ont probablement pas été connus à Rome avant plusieurs décennies, voire plus d'un siècle et qui ont été remaniés au Ve – VIe siècle pour faire disparaître cette information, de même que les conditions dans lesquelles Pierre a été exécuté et notamment qu'on l'a emmené dans une naumachie noire de monde, alors que de nombreux autres prisonniers l'accompagnaient.

Actes de Pierre modifier

Les Actes de Pierre sont un texte de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle qui a été déclaré apocryphe par la Grande Église et qui a manifestement existé en plusieurs versions. Ils ont probablement été initialement rédigés en grec, mais cette version est entièrement perdue. Ils n'existent plus dans une version complète. Le témoin le plus complet de ce texte se trouvent dans les Actes de Verceil, une ré-écriture en latin de ces Actes[5] plus conforme aux vues de la Grande Église qui laisse entrevoir environ les deux-tiers du texte original[5]. Il existe aussi des fragments en copte en slavon et en syriaque (un dialecte de l'araméen)[5]. Quelques scènes qui ont été supprimées ou remaniées dans cette version en latin peuvent être reconstituées sur la base du récit du martyre de Pierre de la version en copte[5]. C'est dans ce fragment en copte qu'apparaît "la fille de Pierre" pour la première fois[5]. Les tentatives de compléter cette reconstitution avec les histoires qui dépeignent Pierre dans les fragments en slavon, en syriaque et dans d'autres fragments en copte ont été jugés non-abouties[5].

Ils se composaient vraisemblablement de deux parties: la première à Jérusalem, la seconde à Rome, culminant dans le récit du martyre.

Titus Aurelius Fulvus modifier

Titus Aurelius Fulvus (consul en 85) est intéressant à cet égard, car il pourrait être de la même famille que le disciple Tite. Il est le grand-père paternel du futur empereur Antonin le Pieux. Il est originaire de la ville de Nîmes en Gaule narbonnaise[6].

Il a un fils, Titus Aurelius Fulvus, consul éponyme en 89 avec Domitien. Ce dernier épouse Arrida Fadilla, une fille du consulaire Cnaeus Arrius Antoninus, suffect en 69 et 97, et de Boionia Procilla[6], ami de Pline le Jeune[7]. Le couple n'a qu'un enfant : Titus Aurelius Fulvus Boionius Arrius Antoninus, né le à Lanuvium, dans le Latium, qui devient l'empereur Antonin le Pieux[6].

Le futur Antonin est élevé par son beau-père[8], ainsi que par ses deux grands-parents, à Lauris, sur la voie Aurélienne[6]. Son fils, le consul de 89, est donc probablement décédé peu après la naissance de son petit-fils Antonin.

Aurelius Fulvus est légat de la legio III Gallica vers 64 sous Néron[9] stationnée près de l'Arménie après la campagne arméno-parthe de Corbulon[9]. Sa légion accepte un temps Aulus Vitellius pour empereur, mais l'abandonne pour soutenir Vespasien. La III Gallica participe à la deuxième bataille de Bedriacum, qui voit la victoire de Antonius Primus, lieutenant de Vespasien, sur les troupes de Vitellius[10]. On ignore s'il en est encore le légat pendant ces événements de mars à décembre 69 mais cela pourrait expliquer la proximité de sa famille avec les Flaviens.

Aurelius Fulvus est une première fois consul[6], suffect dans les années 70 sous Vespasien, peut-être dès l’an 70. L'empereur le nomme ensuite gouverneur (légat d'Auguste propréteur) de la province de Tarraconaise[11].

Il devient consul éponyme en l'an 85 aux côtés de l'empereur Domitien[12].

À noter que la fille de Plautilla appelée Flavia Domitilla refuse de se marier avec un Aurélien qui ne devait donc pas appartenir au mouvement créé par Jésus, mais qui vu son nom pourrait bien appartenir à cette branche familiale. Cet Aurélien meurt — peut-être empoisonné — juste avant que Trajan parvienne au pouvoir et donc en 98. Il pourrait donc être le fils de Titus Aurelius Fulvus appelé lui aussi Titus Aurelius Fulvus qui a été consul en 89, car la mort à ce moment car son fils est élevé par son père n'est qu'une conjecture sans source.

L'épître de Tite modifier

Après une introduction suivie de deux chapitres où est exalté l'abstinence totale pour les vierges, commence (p. 1144) l'histoire de la fille du jardinier:
Un jardinier avait une fille vierge, qui était l'enfant unique de son père[13], celui-ci demande à Pierre de prier pour elle. L'apôtre lui répond que le Seigneur va lui donner exactement ce qui convient à son âme. Aussitôt la jeune fille tombe morte. Ce qui permet « d'échapper à l'audace de la chair et de rabaisser l'orgueil du sang ! » « Mais ce vieillard[14] manquant de foi et ne reconnaissant pas la grandeur de cette grâce du ciel, ignorant donc les bienfaits divins, demande à Pierre de ressusciter sa fille unique.
Peu de jours après qu'elle eut été ressuscitée, le jour même pour ainsi dire, un homme qui se faisait passer pour croyant fit irruption dans la maison de ce vieillard pour y faire halte ; il séduisit la jeune fille et les deux ne reparurent nulle-part. »

Suivent 24 pages exaltant la chasteté ! (L'un des exemples est celui de Thècle avec Paul)

Pétronilla, fille de saint Pierre modifier

Vers le VIe siècle, des écrits apparaissent qui révèlent incidemment que Petronilla était la fille de saint Pierre. Cette filiation est clairement prise au premier degré par une des tendances vaticane de l'époque et probablement par un grand nombre de chrétiens. Une autre tendance devait s'y opposer car c'est à la même époque que sont remaniés les Actes de Pierre pour faire disparaître plusieurs informations essentielles, dont la mention que Petronille était la fille de Pierre.

Translations de sa sépulture près de celles des deux frères, saints Pierre et André modifier

En 755, les cimetières et basiliques situés autour de Rome furent dévastés par les Lombards qui assiégeaient la ville. Dès que la paix fut conclue, le pape Paul Ier commença à transférer dans des lieux plus sûrs les reliques des saints illustres[15]. Le sarcophage qui conservait les restes de la sainte est solennellement transféré dans le mausolée, modifié en chapelle, qui lui a été réservé au Vatican[15] (757). Celui-ci a été emménagé dans unes des deux rotondes, des mausolées impériaux circulaires datant de Caracalla (211 -217), bâties aux deux extrémités de la spina du Cirque de Caligula et de Néron, près de la basilique Saint-Pierre[1]. La rotonde orientale était déjà dédiée l'apôtre André, frère de Pierre, depuis le VIe siècle et reliée à la basilique Saint-Pierre, elle constituait l'entrée latérale de la basilique[1]. La rotonde dédiée à sainte Pétronille, « fille de Pierre », celle dédiée à son frère André reliée à la grande basilique était clairement un ensemble dédiée à la mémoire de Pierre, supposé avoir été le fondateur de l'église de Rome.

Don aux rois de France modifier

Charlemagne, aux environs de l'an 800 vint visiter la chapelle où reposait le corps de Pétronille et sembla avoir une profonde vénération pour elle. Ce bâtiment a été donné en toute propriété aux rois francs sous le nom de « Capella regum Francorum » (chapelle des rois Francs) avant de devenir la chapelle de sainte Pétronille[16], peut-être dès l'époque de Charlemagne. Déjà Pépin le Bref, le père de Charlemagne, aurait fait transporter à Rome sa fille Gisèle qui venait de naître, afin qu'elle reçût le baptême des mains du pape Paul Ier près du tombeau de Pétronille.

Depuis cette époque, Pétronille était reconnue comme patronne des rois de France, elle devint patronne nationale quand la France se nomma Fille aînée de l'Église, ce qui a fait dire que la France est la première fille de l'Église comme Pétronille est la fille du premier chef de l'Église. Son association avec la couronne française vient du fait que Charlemagne et Carloman ont été considérés comme des fils adoptifs de Saint Pierre après 800.

Aussitôt devenu roi de France, Louis XI octroya 1 200 écus d'or en faveur de l'édifice de l'église Sainte-Pétronille à Rome, par lettre patente datée d'Amboise le 3 novembre 1461[17]. À la suite de la maladie du dauphin Charles, le roi aurait fait embellir la chapelle de sainte Pétronille. C'est probablement à partir de ce moment qu'elle devient la patronne des dauphins de France[18], des représentations de dauphins figurant sur son sarcophage initial.

Pendant le règne de Louis XII, le cardinal Jean de Bilhères Lagraulas commanda au jeune sculpteur Michel-Ange une vierge de piété, la célèbre Pietà, pour décorer la chapelle Sainte-Pétronille, petit édifice proche de la basilique constantinienne de Saint-Pierre de Rome et lieu de rassemblement des Français de Rome avant la construction de l'église Saint-Louis-des-Français.

Disparition à une date inconnue du Moyen-Âge modifier

La rotonde dédiée à saint André a été « démolie en 1777, l’autre, à l’ouest, dédiée à sainte Pétronille, la fille de Pierre, a disparu dès le Moyen Âge[1]. » Le sarcophage où figurait des dauphins ainsi que son nom, Aurelia Petronilla est aujourd'hui perdu. Les restes de la sainte se trouvent toujours dans la Basilique Saint-Pierre.

Bibliographie modifier

  • A Feminist Companion to the New Testament Apocrypha, publié par Amy-Jill Levine,Maria Mayo Robbins, p. 130s
  • (en) Amy-Jill Levine et Maria Mayo Robbins, A Feminist Companion to the New Testament Apocrypha, Londres - New-York, T&T Clark International, (ISBN 0826466885, présentation en ligne).  
  • François Bovon (dir.) et Pierre Geoltrain (dir.) (trad. du grec ancien), Écrits apocryphes chrétiens, vol. 516, t. II, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », , 2156 p. (ISBN 9782070113880), Actes de Tite.  

Exemple: <ref name="Actes de Tite, p.395">{{harvsp|Bovon|Geoltrain|2005|p=613}}.</ref>

Notes et références modifier

  1. a b c et d Gérard Nauroy, La nécropole vaticane et le tombeau de saint Pierre : une description en forme d’état de la question, p. 430.
  2. Umberto Fasola, La basilique des SS. Nérée et Achillée et la catacombe de Domitille, Edizioni « Roma », Rome, 1963, p. 15.
  3. « À cette même époque, Vespasien, l'empereur des Romains, monta à Jérusalem et captura les Juifs, là et en tous lieux ; mais grâce à la parenté du bienheureux Tite, il n'y eu pas de persécution des Juifs en Crète. » Bovon et Geoltrain 2005, p. 613.
  4. Bovon et Geoltrain 2005, p. 613.
  5. a b c d e et f Levine et Robbins 2006, p. 131.
  6. a b c d et e Histoire Auguste, Vie d’Antonin le Pieux, 1.
  7. Annette Flobert, Lettres de Pline, Flammarion, 2002, p. 461.
  8. Anthony Birley, Mark Aurel, Monachii, 1977, p. 420.
  9. a et b CIL III, 6741-6742.
  10. Tacite, Histoires.
  11. AE 1952, 122.
  12. AE 1975, 53, etc.
  13. Donc la mère avait d'autres enfants d'un (ou plusieurs) autre(s) mariage(s).
  14. Le jardinier semble être devenu un vieillard ?
  15. a et b Giovanni Battista De Rossi, Bulletin d'archeologie chretienne de M. le commandeur J.B. de'Rossi, p. 31.
  16. De Rossi , Inscriptiones christianae Urbis Romae, II , 225
  17. https://books.google.fr/books?id=SMxRAAAAcAAJ&pg=PA162 note n° 1 ; son objectif était toutefois, à moitié fidèle catholique, à moitié politique, car cette lettre patente ordonnait pareillement d'autres dons destinés aux établissement en Bretagne et en Galice (lettre conservée auprès de la Bibliothèque nationale de France, fr20420 , folio 21 ; voir aussi https://books.google.fr/books?id=q8VzCQAAQBAJ&pg=PT27 (Jules Michelet)).
  18. (en) Feast of the Visitation May 31, sur http://www.saintpatrickdc.org.