Quatuor opus 39 de Luigi Boccherini

Ce cinquante-cinquième quatuor à cordes de Luigi Boccherini est le premier d'une série de compositions que le musicien écrit pour son nouveau mécène, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II[1]. Composé à Madrid en novembre 1787[2], six ans après son dernier recueil de quatuors, l'opus 33 de 1781, il se décline en quatre mouvements et est en la majeur. Comme la plupart des quatuors « prussiens »[3], il se caractérise par son style brillant et par la relative absence de processus motivique. Mélomane et violoncelliste, le monarque à la différence de don Luis de Bourbon, participe à l'exécution des œuvres nouvellement reçues et n'hésite pas à écrire sur la copie originale de ce quatuor le mot « bene »[4].

Quatuor à cordes
Opus 39 (G.213)
Image illustrative de l’article Quatuor opus 39 de Luigi Boccherini
Frédéric-Guillaume II de Prusse (c.1792).

Genre musique de chambre
Nb. de mouvements 4
Musique Luigi Boccherini
Effectif Deux violons, alto et violoncelle
Dates de composition 1787
Dédicataire Frédéric-Guillaume II

Analyse modifier

Le quatuor (G.213) s'ouvre sur un Allegro en la majeur à 4/4 modérément rapide - une entrée en matière typique de Boccherini, tout comme le piano de l'introduction indiqué sotto voce e con smorfia par le compositeur. Après la mélodie introductive, cantabile, le violon I se détache dans la seconde partie du thème par une gerbe d'accords de 3 sons, s'établissant d'emblée comme instrument conducteur. Il conservera ce rôle jusqu'à la fin du mouvement dans le style des brillants quatuors de Viotti.

Le mouvement se déroule néanmoins dans une tension soutenue, en partie favorisée par les trémolos aux voix d'accompagnement et les changements de nuances abrupts. Comme dans la plupart de ses quatuors, Boccherini ne s'attache pas outre mesure au travail thématique et motivique, ce qu'attestent le développement construit selon un schéma traditionnel de modulations, ainsi que le début de la réexposition qui ne reprend pas le premier thème [5].

Le deuxième mouvement est un Minuetto qui revêt un caractère de scherzo léger par un travail motivique dont la facture, au sein d'un rythme ternaire, est surprenante. Selon Speck, il s'agit certainement d'un écho aux scherzi qu'avaient composés Haydn dans ses quatuors opus 33 de 1781[6]. Il est suivi d'un Trio dans la même tonalité de la majeur indiqué soave assai con semplicita dirigé par le violon I sur un rythme sautillant et aérien.

Sommet émotionnel de l’œuvre, le Grave mélancolique en mineur explore les « replis obscurs du monde intérieur »[7]. Lourde atmosphère remplie d'introspection dans laquelle le compositeur semble y exprimer ses doutes. C'est un climat d’indécision tant harmonique que rythmique.

Le finale, un Allegro giusto à 2/4 en la majeur est un joyeux rondeau qui prodigue du réconfort dans une atmosphère plus détendue. Il débute par le violon I dans une nuance pianissimo et n'est pas sans rappeler par son allure et son charme les derniers mouvements des quatuors du classicisme viennois, partitions qui n'étaient pas inconnues du monarque prussien. Mais il conserve une inventivité, une légèreté dans l'originalité de la phrase qui n'est propre qu'au Maestro lucquois.

Structure modifier

 
Copie manuscrite du quatuor opus 39 (G.213).

Quatuor à cordes en la majeur opus 39 (G.213)

  1. Allegro moderato, 4/4, la majeur
  2. Minuetto/Trio, 3/4, la majeur/la majeur
  3. Grave, 4/4, mineur
  4. Allegro giusto, 2/4, la majeur

Sa durée d'exécution est d'environ 18 minutes[8].

Manuscrit modifier

Berlin, Deutsch Staatsbibliothek, M.587, « Mese di Novembre 1787. Quartetto per due violini, viola, e violoncello obbligato composta da Luigi Boccherini Professor di Musica all'attual servizio S.M.Cattolica e compositor di camera di S.M.Prussiana ». Copie ayant été faite à Berlin pour Frédéric-Guillaume II d'après le manuscrit original perdu envoyé par Boccherini[2].

Publications modifier

Comme la plupart des compositions destinées à l'usage exclusif de Fréderic-Guillaume II, Boccherini n'a pas l'autorisation de faire publier le quatuor du vivant du monarque. C'est seulement en 1798, après son décès, que la publication a pu se faire chez Pleyel comme opus 39 no 8[9]. Ce quatuor qui ne figure pas dans le catalogue autographe tenu par le compositeur est néanmoins cité par Louis Picquot, son premier biographe, comme faisant partie du numéro d'opus 39 de l'année 1787 [10]. Par sa structure en quatre mouvements, le quatuor est Opera Grande.

Arrangement modifier

Le quatrième mouvement Allegro giusto de ce quatuor a été arrangé pour flûte, clarinette, cor et basson[11] par Othon Van den Broek[12] comme premier mouvement Allegro de son quatuor en fa majeur no 2 (G.262/2), 1812[13].

Discographie modifier

  • String Quartets Op.32 (1, 2) & Op.39, Quartetto Borciani, Ivrea-Italy, 2000, Naxos 8.555042
  • String quartets op.39 - 41 - 64 (vol. II), Quartetto D'archi di Venezia, Dynamic CDS 127, 1995
  • String Quartets Op.39 & 41, The Revolutionary Drawing Room, 1993, CPO 999 205-2
  • String Quartets; String Quintets, Petersen Quartet, 2011, PE 463
  • Omaggio a Luigi Boccherini, Quartetto Vito Frazzi, 2008, Fenice Productions 1
  • Trio, Quartet & 2 Quintets, Boccherini Quartet, Anner Bylsma (violoncelle), Canal Grande 600

Pour approfondir modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie modifier

  • Louis Picquot, Notice sur la vie et les ouvrages de Luigi Boccherini, suivie du catalogue raisonné de toutes ses œuvres, tant publiées qu'inédites, Paris, chez Philipp (=Camille Prilipp), , 135 p. (OCLC 6996585, lire en ligne).  
  • (en) Yves Gérard, Thematic, Bibliographical and Critical Catalogue of the Works of Luigi Boccherini, Londres, Oxford University Press, , 716 p. 
  • (de) Christian Speck, Boccherinis Streichquartette. Studien zur Kompositionsweise und zur gattungsgeschichtlichen Stellung, Munich, Fink 1987 (Studien zur Musik, 7).
  • (de) Christian Speck, Boccherinis "preußische" Quartette, dans : Atti del Convegno di studi Luigi Boccherini (1743-1805) nel bicentenario della scomparsa. Fermo Conservatorio "G.B. Pergolesi" 22-, Fermo: Centro Stampa Comunale,2006, p. 49–74.
  • (en) Rudolf Rash (éd.), Understanding Boccherini's Manuscripts, Cambridge Scholars Publishing, , 258 p. (ISBN 978-1-4438-5920-2, OCLC 877038703, lire en ligne)

Notes discographiques modifier

  • (fr) Christian Speck (Quatuor à cordes) (trad. Sophie Liwszyc), « String Quartets Op. 39 & 41 – The Revolutionary Drawing Room », CPO CD 999 205-2, 1993. 

Notes et références modifier

  1. Pour plus d'information sur cette période créatrice (1787-1796) de Boccherini: Loukia Drosopoulou, Boccherini as Chamber Composer to Friedrich Wilhelm II of Prussia: some Insights from the Catalogues of the King's Music Collection, lire en ligne (consulté le 9 juillet 2016).
  2. a et b Gérard 1969, p. 239.
  3. C. Speck, Boccherinis "preußische" Quartette, dans : Atti del Convegno di studi Luigi Boccherini (1743-1805) nel bicentenario della scomparsa. Fermo Conservatorio "G.B. Pergolesi" 22-23 novembre 2005, Fermo: Centro Stampa Comunale,2006, p. 49–74.
  4. Livret de Keith Anderson dans String Quartets Op. 32 (1, 2)- Op. 39, Quartetto Borciani, Ivrea-Italy, 2000, Naxos 8.555042, p. 5
  5. Speck 1993, p. 12.
  6. Speck 1993, p. 13.
  7. Alessandro Dozio, Jubilus et suavitas: le malentendu de la légèreté dans la musique de Luigi Boccherini, lire en ligne, p. 7: « L'univers du doute: une plongée dans une "ultra-cave" » (consulté le 9 juillet 2016).
  8. Durée moyenne basée sur les enregistrements discographiques cités.
  9. Gérard 1969, p. 240.
  10. Le même opus qui contient le recueil de trois quintettes avec contrebasse opus 39 (G.337-339) de la même année mais qui eux, figurent dans son catalogue.
  11. Le basson pouvant être remplacé par le hautbois.
  12. (1758–1832). Il rédigea en 1795 un Traité général de tous les instruments à vent, à l'usage des compositeurs. Il fut professeur au Conservatoire de Paris de 1795 à 1800.
  13. Gérard 1969, p. 282.

Articles connexes modifier

Lien externe modifier