Prison de Drapchi

bâtiment de région autonome du Tibet, en Chine

Prison de Drapchi
Image de l'établissement
Localisation
Pays Drapeau de la République populaire de Chine Chine
Région Région autonome du Tibet
Localité Lhassa
Coordonnées 29° 40′ 11″ nord, 91° 08′ 11″ est
Géolocalisation sur la carte : région autonome du Tibet
(Voir situation sur carte : région autonome du Tibet)
Prison de Drapchi
Géolocalisation sur la carte : Chine
(Voir situation sur carte : Chine)
Prison de Drapchi
Architecture et patrimoine
Construction
Installations
Type Prison
Fonctionnement
Date d'ouverture 1965
Effectif 1 000

La prison de Drapchi, connue en chinois sous l'appellation de « prison Di Yi Jianyu-No 1 », est la plus grande prison du Tibet, sise dans la capitale Lhassa.

Historique modifier

À l'origine le site de Drapchi accueillait le siège de la monnaie tibétaine[1].

Construite initialement pour servir de garnison militaire tibétaine, elle fut transformée en prison après le soulèvement tibétain de 1959 contre la Chine[2].

Ouverte officiellement comme prison en 1965, elle est formée d'une série de neuf unités et a été récemment agrandie et restructurée. La population carcérale est estimée à 1000 détenus dont 600 considérés comme prisonniers politiques, âgés de 18 à 85 ans, parmi lesquels beaucoup de moines et nonnes.

Selon les réfugiés tibétains en exil, la prison a acquis une réputation tristement célèbre et est redoutée des Tibétains en raison de sa gestion dure. Des associations de Tibétains en exil ont fait état de brutalités[3].

En 2002, Amnesty International a demandé que la lumière soit faite sur la répression de mouvements de mécontentement ayant éclaté dans la prison les 1er et .

Exécutions publiques modifier

 
Palden Gyatso, en juillet 2000, en France

En , Palden Gyatso fut témoin d’exécutions publiques qu’il décrit avec horreur dans son autobiographie (Le feu sous la neige). Il fut amené avec des centaines d’autres Tibétains des prisons de Lhassa à la prison de Drapchi pour assister à une réunion annuelle de « récompenses et châtiments ». Les gardes sortirent des rangs ceux des prisonniers qui allaient être exécutés, ligotés et bâillonnés, ils portaient une pancarte autour du cou où figuraient des caractères chinois. Palden Gyatso fut contraint à s’avancer près de Kundaling Kusang (Pamo Kusang), une célèbre femme tibétaine au visage enflé et couvert de meurtrissures, ne pouvant à peine respirer et qui était accusée d’activités contre-révolutionnaires visant à renverser la dictature prolétarienne. Elle fut, ainsi que 14 autres Tibétains, contraints de s’agenouiller devant une fosse près du monastère de Séra, et abattus par un peloton d’exécution, les survivants à la première rafale furent achevés d’une balle à bout portant. Les familles furent informées, le nombre de balles, la taille de la corde ayant servi à ligoter et le coût étaient indiqués.

Tortures modifier

Différents témoignages signalent des cas de torture à Drapchi.

Palden Gyatso est transféré à la prison de Drapchi en 1964. Il y sera notamment battu et subira de nombreuses tortures avec électrochocs[4]. Ani Patchen cette princesse tibétaine, devenue nonne, dirigea une armée dans le Kham et rejoint la résistance tibétaine. Capturée en 1959, elle passe 21 ans dans les prisons chinoises, dont 11 ans à Drapchi, subissant des tortures quasi-quotidiennes. Tenzin Choedrak considère Drapchi comme l'« antichambre de la mort », il évoque les séances de Thamzing et les cas de tortures[5].

La nonne tibétaine Choeying Kunsang condamnée à 4 ans de prison en 1995[6] pour avoir participé à une manifestation indique :

« Nous devions porter un bol d’eau sur la tête tout en maintenant des journaux entre nos genoux et sous nos bras. Si quelque chose tombait nous étions battues, à de coups de pied et de bâton électrique pour les animaux. Nous devions aussi enlever nos chaussures et rester debout sur le sol arrosé d’eau froide. La Vénérable Dorjee Youdon, originaire de la région de Nyenmo, a commis une erreur lors d’un exercice et elle a reçu des coups de pied dans l’estomac. Au lieu de recevoir un traitement médical adéquat, elle a été enfermée dans sa cellule. »[7].

Conditions de libération modifier

À sa sortie de prison, les autorités informent Choeying Kunsang que si elle évoque ses conditions de vie à Drapchi, elle sera de nouveau arrêtée et remise en prison avec une peine doublée[8],[9].

Mouvement de protestation de mai 1998 modifier

Reprenant des « informations recueillies de source non officielle », Amnesty International rapporte la mort de neuf détenus en 1998, pour la plupart des moines et des nonnes : « Ces neuf détenus seraient morts des suites de passages à tabac et de diverses autres formes de torture et de mauvais traitements que leur auraient administrés des surveillants pendant et après les troubles de  » (manifestations lors de cérémonies dans l'enceinte de la prison, grève de la faim).

Selon Amnesty International, les autorités chinoises, après avoir démenti ces incidents, ont donné une autre version des faits : « Une poignée de criminels est allée jusqu'à crier ouvertement des slogans séparatistes, à insulter, à assiéger et à agresser des surveillants. Les agents de police de la prison ont pris des mesures pour mettre fin à cette situation, conformément aux dispositions de la loi sur les prisons. La reprise en main de la situation n’a donné lieu à aucune mort d’homme due à des coups. Dans la mesure où les actes de certains de ces criminels constituaient des infractions portant atteinte à l’ordre de l’administration pénitentiaire et constituant une instigation à porter atteinte à l’intégrité de l’État, ces délinquants ont fait l’objet de sanctions pénales supplémentaires, conformément à la loi ». Amnesty International note que « ces déclarations officielles sont contredites par les témoignages d'anciens détenus ».

Le rapport d'Amnesty International précise que la majorité des prisonniers d'opinion incarcérés à Drapchi le sont en raison de « leurs activités en faveur de l'indépendance du Tibet » ou de « leur fidélité à leur chef spirituel, le dalaï-lama ».

Détenu(e)s célèbres modifier

 
Ngawang Sangdrol à une marche pour la liberté du Tibet à New York

Notes et références modifier

  1. (en) Lhasa map: 1948 (carte de Lhassa en 1948) : « In 1948, the city of Lhasa is defined by the Lingkor [...]. This is a circular road for the religious purpose of circumambulation. The Jokhang temple lies at the heart of the city proper, with the Potala Palace and the medical college at the Chakpori Hill to the west. Other important sites in the Lhasa valley are the Summer palace of the Dalai Lama, the monasteries of Sera and Drepung, and the seat of the Tibetan state oracle at Nechung. The other small settlements scattered throughout the valley are farming villages and noble estates. Not shown here are the various parks and individual summer houses of the aristocracy. Trapchi is the site of the government mint, with an ancient monastery nearby. »
  2. Drapchi Prison : Tibet's Most Dreaded Prison - TCHRD - Publications (en anglais)
  3. Political Prisoners (en anglais)
  4. Päldèn Gyatso, 66 ans, a survécu à trente-deux ans de goulag chinois. Libre, ce moine tibétain témoigne de l'oppression infligée à son pays.Libération, 21 novembre 1997 « Le 13 octobre 1990, à presque 60 ans, Päldèn Gyatso a failli mourir des mains d'un des gardiens de la prison de Drapchi, près de Lhassa. Ce bourreau, un Tibétain nommé Paljor Paljor, celui que je tenais pour responsable de la mort de mon ami et mentor Lobsang Wangchuk», lui introduit une matraque électrique dans la bouche. Päldèn Gyatso perd conscience, se réveille baignant dans son sang, perd toutes ses dents [...]Le jour de ma libération, Paljor est venu me voir pour me demander pardon. Les gardiens de Drapchi avaient pour consigne de faire subir un électrochoc à tout prisonnier nouvellement arrivé, pour le casser. Compte tenu de mon âge, il n'avait osé le faire et les Chinois le lui ont reproché. Il m'a finalement appliqué l'électrochoc avec d'autant plus de violence qu'il craignait pour lui-même. »
  5. Tenzin Choedrak, Drapchi, le camp de la mort Le Palais des arcs-en-ciel,1998
  6. Choeying Kunsang et Pasang Lhamo en Europe
  7. Témoignages de deux religieuses
  8. Amnesty International
  9. Dominique De Mees, Après Drapchi Amnesty International, 2 mai 2002« La veille de sa sortie, les autorités de Drapchi convoquent Choeying Kunsang pour l’avertir de sa libération imminente et la prévenir du fait que, si elle dit un seul mot sur ce qu’elle a vécu en prison, elle sera arrêtée et sa sentence précédente sera doublée. »
  10. Lobsang Wangyal. My Life, My Culture: Autobiography and Lectures on the Relationship between Tibetan Medicine, Buddhist Philosophy and Tibetan Astrology and Astronomy. Translated by Bhuchung D. Sonam and Dhondup Tsering, Dharamsala, India: 2007.
  11. Pierre Prakash, Des geôles de Lhassa à Dharamsala, dans Libération du 14 juin 2006
  12. Palden Gyatso, Le feu sous la neige, « Drapchi housed some of Tibet's most famous prisoners and dissidents. The prison was divided into five different brigades, or ruka. The fifth ruka housed all the former Tibetan government officials and high lamas, including Lobsang Tashi, the last prime minister of Tibet, and Lhalu, the former commander of the Tibetan army in eastern Tibet. »
  13. (en)China: Precarious health conditions of Mr. Jigme Gyatso / Torture and ill-treatments / Arbitrary detention article du 28 avril 2009 sur www.omct.org (site de l'Organisation mondiale contre la torture)
  14. Action urgente Chine. Un prisonnier Tibétain victime de torture. « Copie archivée » (version du sur Internet Archive) 10 janvier 2011 Amnesty International

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier