Neutralité axiologique

Exigence de laisser de côté ses propres jugements éthiques dans ses jugements factuels du social

La neutralité axiologique est une posture méthodologique que le sociologue Max Weber a proposé dans Le Savant et le politique, qui vise à ce que le chercheur prenne conscience de ses propres valeurs lors de son travail scientifique, afin de réduire le plus possible les biais que ses propres jugements de valeur pourraient causer.

L'exigence développée par Max Weber fait partie des critères de la neutralité scientifique.

Définition modifier

Le propre du chercheur en sciences sociales est de faire de la recherche sur des objets structurés par des valeurs, tout en offrant une analyse qui ne serait pas elle-même fondée sur un jugement de valeur. Selon ce concept, le chercheur devrait faire de ces valeurs son objet, sans pour autant porter sur elles un jugement normatif.

Weber a ainsi élaboré la distinction entre « jugement de valeur » et « rapport aux valeurs ». Le « rapport aux valeurs » décrit l'action d'analyse du chercheur qui, en respectant le principe de neutralité axiologique, fait des valeurs d'une culture des faits à analyser sans émettre de jugement normatif sur celles-ci, c'est-à-dire sans porter de « jugement de valeur ».

L'exigence développée par Max Weber fait partie des critères de la neutralité scientifique[1].

Histoire de la notion modifier

L'expression vient du terme allemand « Wertfreiheit » (littéralement « libre de valeurs ») introduit par Weber dans une conférence de 1917 sur le métier et la profession de savant, traduit aux États-Unis en 1949 par « axiological neutrality » auquel correspondra « neutralité axiologique » dans la traduction française de Julien Freund en 1959[2].

Problématique spécifique à l'enseignement de Weber en France modifier

La neutralité axiologique (ou science libre de jugements de valeur) est souvent perçue en France d'une façon qui serait déformée de son sens original. Selon Isabelle Kalinowski[3], la neutralité axiologique n'interdit nullement au chercheur une opinion personnelle quant à l'objet qu'il étudie, comme on le pensait jusqu'ici en France par une sorte de réflexe anti-marxiste. Au contraire, souligne-t-elle, Weber considère qu'un engagement politique tel que l'anarchisme est tout à fait de nature à permettre une meilleure sociologie du droit en ce que le chercheur anarchiste n'est justement pas attaché par le droit dont il fait l'analyse sociologique, et est donc susceptible de plus de recul sur celui-ci que le chercheur supposément neutre[4].

Bibliographie modifier

  • Max Weber, Essai sur le sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences sociologiques et économiques, 1917. Reproduit dans Essais sur la théorie de la science, Press Pocket, pages 365-433 (ISBN 2-26604847-3).

Notes et références modifier

  1. Marc-Kévin Daoust, « Neutralité scientifique (A) », dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, (ISSN 2606-6661, lire en ligne)
  2. Alain Beitone et Alaïs Martin-Baillon, « La neutralité axiologique dans les sciences sociales : Une exigence incontournable et incomprise », Revue du MAUSS permanente,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Chercheuse au CNRS, Isabelle Kalinowski a assuré, aux éditions Flammarion, une retraduction, de toutes les œuvres de Max Weber sur les religions, en les accompagnant de présentations et d'annotations
  4. La science, profession et vocation, Isabelle Kalinowski, Agone, septembre 2005 (ISBN 274890026X).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

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