Naufrage du Duc de Normandie

Le Naufrage du Duc de Normandie est une catastrophe maritime survenue le lorsque, pris dans une tempête, le chalutier français Duc de Normandie, en route pour avitailler en carburant à Flessingue, sombre au large des côtes belges. 23 marins-pêcheurs périssent lors du naufrage, seuls le capitaine et son frère peuvent être secourus par le victory ship américain, l' American counselor. Le capitaine, congestionné par le froid, meurt quelques heures après être monté à son bord.

Naufrage du Duc de Normandie
Image illustrative de l’article Naufrage du Duc de Normandie
Le chalutier Duc de Normandie rentre au port de Fécamp en 1950.
Coordonnées 51° 25,516′ nord, 2° 36,34′ est
Pays Drapeau de la France France
Date du naufrage
Victimes 23 marins perdent la vie lors du naufrage.
Rescapé(s) un seul, François Rique.
Profondeur 24,9 mètres
Géolocalisation sur la carte : Belgique
(Voir situation sur carte : Belgique)
Naufrage du Duc de Normandie
Géolocalisation sur la carte : mer du Nord
(Voir situation sur carte : mer du Nord)
Naufrage du Duc de Normandie

Historique modifier

Les infrastructures portuaires et la flotte de chalutiers de Fécamp ont particulièrement souffert lors de la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi que deux chalutiers sont attribués à la société d'André Ledun & fils en réparation des dommages de guerre. Il s'agit du Duc Richard[Notes 1] et du Duc de Normandie. Commande est passée au chantier naval Beliard, Crighton & Co d'Ostende en Belgique[1]. La mise à l'eau se déroule le et le chalutier de 42 mètres, 365 tonneaux, immatriculé F1040, est livré le . Le navire est baptisé par le chanoine Decaux en présence de ses parrain et marraine, les jeunes Claude et Xavier Ledun, petits-enfants et enfants des armateurs[2]. Le chalutier part pour sa première campagne de pêche le . Il en effectue une par mois, en février, il ramène dans ses cales 70 tonnes de poisson de Norvège, le mois suivant, 85 tonnes de Mauritanie, en mai, 117 tonnes de Terre-Neuve. En , le Duc de Normandie est armé pour la pêche au hareng[3].

Le , au large des côtes norvégiennes, le chalutier est frappé par un premier drame lorsqu'une lame de fond emporte Albert Daussy, un marin de 49 ans, père de six enfants[Notes 2],[4]. Son corps est rapatrié à Fécamp, le . Un dernier hommage lui est rendu à Yport, sa ville natale[5].

Le Naufrage modifier

Le vers 22 heures, le Duc de Normandie appareille depuis Fécamp pour une nouvelle campagne de pêche qui doit se dérouler en Mer du Nord. 24 hommes d'équipage sont à bord. Le chalutier fait route vers Flessingue en Hollande où il doit faire le plein de gas-oil[6]. La mer est grosse, le vent de 7 Beauforts. Le lendemain, à 9 heures 7, le chalutier contacte l'armement : tout va bien malgré le gros temps. Vers 11 heures, au large de Nieuport, trois lames déferlantes s'abattent sur le pont par le babord emportant avec elles la dizaine d'hommes qui s'y trouvait. Déséquilibré, le navire chavire et dérive désormais quille en l'air, piégeant en son sein les autres marins restés à son bord. Seuls le capitaine, Pierre Rique, et son frère, François, parviennent à s'extraire de la carène[7].

À 11h15, le victory ship American Counselor[Notes 3] arrive sur les lieux à la recherche des naufragés. À 11h42, le capitaine Rique, épuisé et inconscient est secouru. Vient ensuite le tour de son frère qui travaillait sur les haubans au moment du naufrage et qui est parvenu ensuite à se hisser sur la coque et à se cramponner à la quille. La chaloupe de sauvetage ne pouvant s'approcher assez près, François Rique est contraint de se jeter une fois encore à la mer. Les deux hommes sont montés à bord de l'American Counselor mais, congestionné par le froid, le capitaine meurt vers 16 heures tandis que le navire approche du port d'Anvers[8],[9].

 
Le bateau-feu West-Hinder à Zeebruges

Des remorqueurs et des bateaux de sauvetage sont dépêchés sur les lieux mais le chalutier chaviré ne peut être approché en raison des mauvaises conditions[8],[10]. À 18h45, le Duc de Normandie sombre à 8 milles nautiques du bateau-feu de Zeebruges, le West-Hinder[11],[12]. Seul un corps fut repêché par la suite par un chalut ostandais, Marie-Roger Ebran, âgé de 37 ans[13].

Seul François Rique survit à la catastrophe qui fait la une des journaux dès le lendemain[14]. Il déclare à la presse : « Nous étions partis de Fécamp mardi soir, à minuit, pour aller pêcher en Mer du Nord quand mercredi, vers 11 heures, à la hauteur de Dunkerque (sic), le navire a été renversé par de fortes vagues. Tous les hommes qui se trouvaient sur le pont ont été précipités à la mer. Le reste de l'équipage n'eut pas le temps de remonter sur le pont. J'ai réussi à m'accrocher à une planche de l'épave et à saisir mon frère qui avait été frappé de congestions. Nous avons dérivé ainsi pendant plusieurs heures, jusqu'à l'arrivée du navire américain qui nous prit à son bord[15]. »

Une collecte à l'échelle nationale est lancée pour venir en aide aux familles éprouvées. Elle rassemble plus de 5 millions d'anciens francs. Une cérémonie d'hommage est rendue en l'église Saint-Étienne de Fécamp, le [16].

Liste des victimes[17],[18] modifier

 
Le port de Fécamp en 2008.
  • Eugène Barré, 38 ans, de Fécamp ;
  • Louis Candelier, 31 ans, d'Yport ;
  • Raymond Cavelier, 24 ans, de Saint-Pierre-en-Port ;
  • Jules Coppin, premier mécanicien, 32 ans, de Fécamp ;
  • Alfred Decaux, 33 ans, de Fécamp ;
  • Gabriel Decaux, 30 ans, de Fécamp ;
  • René Jean Decaux, 32 ans, de Fécamp ;
  • Eugène Doremus, 37 ans, de Fécamp ;
  • Henri Dumouchel, 43 ans, de Fécamp ;
  • Marie Roger Ebran, 37 ans, d'Yport ;
  • Pierre Ervitti, 26 ans, de Fécamp ;
  • Marcel Grieu, radio-télégraphiste, 31 ans, de Fécamp ;
  • William Jeanne, mécanicien, 45 ans ;
  • Charles Leporc, 29 ans, de Fécamp ;
  • Henri Levasseur, 30 ans, de Fécamp ;
  • Marcel Naze, 39 ans, de Saint-Pierre-en-Port ;
  • Jean Panchout, 25 ans, de Fécamp ;
  • Michel Panchout, mousse, 17 ans, de Fécamp ;
  • Georges Pierre, mousse, 16 ans, de Fécamp ;
  • Henri Recher, 24 ans, de Fécamp ;
  • Adrien Rendu, 32 ans, de Fécamp ;
  • Pierre Rique, capitaine, 32 ans, de Fécamp ;
  • Roland Robert, second, 31 ans, de Saint-Pierre-en-Port.
 
L'épave se trouve à 15,74 milles nautiques (29,15 km) au large d'Ostende. Elle est intacte et git sur son tribord par 24,9 mètres de fond (51° 25,516′ N, 2° 36,34′ E - code épave : BE-125-236-01)[19].

Presse d'époque modifier

  • « Le rescapé du Normandie : « C'est le froid qui a tué mes 22 camarades et mon frère au large du cap Gris-Nez » », L'Humanité,‎ , p. 6 (lire en ligne, consulté le ).
  • « 23 marins ont trouvé la mort dans le naufrage du Duc de Normandie », L'Écho du Centre,‎ , p. 4 (lire en ligne, consulté le ).
  • « 23 disparus, 24 orphelins, un rescapé - bilan du naufrage du Duc de Normandie », France-Soir,‎ , p. 4 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Tout l'équipage était sur le pont lorsque nous fûmes précipités dans l'eau glacée », Ce soir,‎ , p. 1-6 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Le chalutier Duc-de-Normandie a sombré au large de Zeebrugge : Sur les 24 hommes d'équipage, un seul survivant », Le Progrès de Fécamp,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • « La catastrophe du Duc-de-Normandie : Elle a fait 23 victimes, 19 veuves, 28 orphelins », Le Progrès de Fécamp,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Documentaires modifier

Bibliographie modifier

  • Jack Daussy, Les chalutiers classiques fécampois, Jack Daussy, (ISBN 9782746657755).

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. perdu en mer ayant sauté sur une mine en 1950 (Le progrès de Fécamp, 22 février 1951)
  2. Albert Eugène Henri Daussy, né le à Yport
  3. Victory ship lancé en 1944, il s'appelait alors le Biddeford Victory. Il est renommé American Counselor en 1948. Il assure la liaison, deux fois par semaine, avec Amsterdam.

Références modifier

  1. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 03 min 30 s.
  2. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 04 min 15 s.
  3. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 05 min 11 s.
  4. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 08 min 30 s.
  5. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 09 min 12 s.
  6. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 10 min 00 s.
  7. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 10 min 45 s.
  8. a et b « Le chalutier Duc-de-Normandie a sombré au large de Zeebrugge : Sur les 24 hommes d'équipage, un seul survivant », Le Progrès de Fécamp,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 11 min 00 s.
  10. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 12 min 10 s.
  11. « Le chalutier français Duc de Normandie chavire au large de Flessingue », Le Soir,‎
  12. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 12 min 18 s.
  13. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 14 min 32 s.
  14. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 14 min 55 s.
  15. Ce Soir 1951, p. 6.
  16. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 17 min 01 s.
  17. « Le rescapé du Normandie : « C'est le froid qui a tué mes 22 camarades et mon frère au large du cap Gris-Nez » », L'Humanité,‎ , p. 6 (lire en ligne, consulté le )
  18. Ville de Fécamp et Stéphane Dujardin 2021, 02 min 17 s.
  19. Vlaanderen, Wrakkendatabank 2.1 (base de données des épaves), BE-125-236-01, F1040, Duc de Normandie, consulté le 15 mai 2023.