Mosquée de Kaloútsiani

mosquée à Ioánnina, en Épire, en Grèce

La mosquée de Kaloútsiani (en turc : Kanlı çeşme camii, « mosquée de la fontaine sanglante », en grec moderne : Τζαμί Καλούτσιανης / Tzamí Kaloútsianis) est un édifice ottoman situé dans la ville grecque d'Ioánnina, en Épire. Construite en 1740, la mosquée devint propriété privée en 1932 et connut de multiples usages commerciaux. Retombé dans le giron public en 2005, le monument fait depuis lors l'objet de campagnes de restauration.

Mosquée de Kaloútsiani
Vue d'une mosquée depuis l'un de ses angles, avec un minaret sur la gauche. Un lampadaire et un arbre sont au premier plan.
La mosquée vue depuis le sud en 2021.
Présentation
Nom local Τζαμί Καλούτσιανης
Culte Musulman
Type Mosquée
Rattachement Ministère de la Culture et des Sports
Fin des travaux 1740
Autres campagnes de travaux Restaurations : depuis les années 2010
Style dominant Ottoman
Date de désacralisation 1913
Protection Site archéologique de Grèce
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Périphérie Épire
District régional Ioánnina
Ville Ioánnina
Coordonnées 39° 39′ 39″ nord, 20° 51′ 16″ est

Carte

Origine du nom modifier

La mosquée, ainsi que le quartier alentour, tireraient vraisemblablement leur nom d'une déformation linguistique progressive des termes turcs çeşme (« fontaine ») et kan (« sang »)[1]. En 1611, Ioánnina connut une vague de révoltes (en) menée par Denys le Philosophe (en), ancien métropolite de Lárissa[2]. Le mouvement fut durement réprimé par les autorités ottomanes, qui chassèrent les familles grecques et albanaises hors de la forteresse d'Ioánnina[2],[3]. Des expulsés s'installèrent dans la zone proche de la mosquée actuelle, où s'étendait à l'époque le sérail du dignitaire ottoman Osman Pacha[4]. Le quartier, épicentre de l'insurrection paysanne et porte d'entrée sud-ouest de la ville[5],, prit le nom populaire de « fontaine sanglante ». Cette appellation est mentionnée par le voyageur Evliya Çelebi au milieu du XVIIe siècle[1],[6].

Une autre hypothèse à l'origine complexe du toponyme mentionne Mehmet Pacha II, fils d'Hatzi Mehmed Pacha. Surnommé « le bon pacha » (Καλό Πασά), il fit ériger une fontaine aux abords de la mosquée, un acte qui ferait remonter le nom du quartier au terme « bonne fontaine »[7].

Le monument est parfois évoqué sous les noms hellénisés de « mosquée Kalou Tsesme », « mosquée Hatzi-Mehmed-Pacha » ou bien encore « mosquée Ahmed-Pacha »[8],[9],[10].

Histoire modifier

Selon l'inscription dédicatoire apposée sur l'édifice, la mosquée de Kaloútsiani fut commanditée en 1740 par Hatzi Mehmed Pacha, ancien gouverneur d'Ioánnina, à l'emplacement d'une petite mosquée en bois pour la prière quotidienne (masjid)[1],[9] datant vraisemblablement de la fin du XVe siècle[6]. Cette mosquée préexistante fut potentiellement incendiée lors de la révolte conduite par Denys le philosophe[11]. Au cours de son histoire, l'édifice d'Hatzi Mehmed Pacha fut partiellement endommagé par les séismes et rénové[12].

Après le rattachement de la ville à la Grèce en 1913, la mosquée fut inscrite sur la liste des biens échangeables de la Banque nationale et temporairement utilisée comme gare routière interurbaine[8]. Classé en 1925[8], le lieu fut vendu en 1932[13] à des particuliers qui développèrent de nombreuses échoppes à l'intérieur du large portique[8]. Parmi les boutiques figurait le populaire kafenío « La mosquée » (Καφενείον Το Τζαμί). Le toit du minaret fut détruit entre 1920 et 1944, probablement lors des bombardements italiens à l'automne 1940[12].

Depuis 2005, l'édifice est désormais propriété du ministère de la Culture et des Sports. Un projet de restauration de la mosquée et de la place Tzavélas est actuellement mis en œuvre en vue de redonner au monument son aspect originel[12].

Architecture modifier

La mosquée occupe une superficie de 231 m2[13]. Elle présente une salle de prière carrée de 11,50 m de côté à l'extérieur[10]. La structure est composée de deux niveaux en légère saillie séparés par une corniche, l'ensemble étant surmonté d'une coupole dont le tambour octogonal repose sur quatre trompes. Un portique à colonnade, fermé depuis la conversion du rez-de-chaussée en boutiques, occupe les façades nord et est. L'espace ajouré entre les dix colonnes était autrefois occupé par des traverses en bois destinées au maintien de la structure en cas de séisme[12]. Initialement, les façades sud et ouest comportaient chacune deux rangées de deux fenêtres, avant que les ouvertures inférieures ne soient remplacées par des portes au XXe siècle. Le dôme et le toit du portique sont recouverts d'ardoises[1]. Quatre arcs-boutants angulaires relient le tambour à la base carrée de la structure.

Malgré sa réutilisation commerciale, l'édifice conserve une riche décoration peinte d'arabesques et d'inscriptions sur la coupole, un mihrab en bois et en plâtre de couleur verte, une partie du minbar pyramidal et un minaret de 20,36 m dépourvu de toit à l'angle nord-ouest[8],[12],[14]. À l'intérieur subsiste également une galerie surélevée en bois sculpté sur le côté nord[1].

Notes et références modifier

  1. a b c d et e (el) Ministère de la Culture et des Sports, « Τζαμί Καλούτσιανης » [« Mosquée de Kaloútsiani »], sur www.odysseus.culture.gr (consulté le ).
  2. a et b Pëllumb Xhufi, « Rebelles et unionistes dans les Balkans ottomans : l’insurrection d’Epire de 1611 », dans Christophe Picard et Bernard Doumerc (dir.), Byzance et ses périphéries (Mondes grec, balkanique et musulman) : Hommage à Alain Ducellier, Presses universitaires du Midi, coll. « Méridiennes », , 687 p. (ISBN 978-2-8107-0991-5, lire en ligne), p. 323–345.
  3. Plágou 2016, p. 103.
  4. (el) Geórgios Ploumídis, « Διονύσιος ο Φιλόσοφος, Μητροπολίτης Λαρίσης » [« Denys le Philosophe, métropolite de Lárissa »], sur www.tanea.gr,‎ (consulté le ).
  5. Smýris 2000, p. 41.
  6. a et b Plágou 2016, p. 397.
  7. Tássi 2017, p. 94 et 95.
  8. a b c d et e Mikrópoulos 2008, p. 386.
  9. a et b Smýris 2009, p. 173.
  10. a et b Smýris 2000, p. 40.
  11. (el) Fótis Vrákas, Η Ήπειρος του χτες – Η Ήπειρος της οθωμανικής περιόδου 15ος - 20ος [« L'Épire d'hier – L'Épire de la période ottomane 15e-16e siècle »],‎ , 100 p. (lire en ligne), p. 78.
  12. a b c d et e (el) María Ritzaléou, « Ιωάννινα: Μυστικά 300 χρόνων στο τζαμί της Καλούτσιανης » [« Ioánnina : secrets vieux de 300 ans dans la mosquée de Kaloútsiani »], sur www.ethnos.gr,‎ (consulté le ).
  13. a et b Tássi 2017, p. 95.
  14. (en) Giórgos Pantazís et Evangelía Lámbrou, « Investigating the orientation of eleven mosques in Greece », Journal of Astronomical History and Heritage, vol. 12, no 2,‎ , p. 159-166 (ISSN 1440-2807, lire en ligne), p. 160.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Geórgios Smýris (trad. du grec moderne par Elizabeth Key Fowden), « Kalou Çeşme Mosque », dans Érsi Broúskari (dir.) et al., Ottoman Architecture in Greece, Athènes, Ministère de la Culture et des Sports, , 494 p. (ISBN 9789602147931), p. 173.
  • (en) Tásos Mikrópoulos (dir.), Elevating and safeguarding culture using tools of the information society: dusty traces of the muslim culture, Earthlab, , 448 p. (ISBN 960-233-187-9, lire en ligne).  
  • (el) Angelikí Plágou, Περιφέρεια Ηπείρου: Περιφερειακή Ενότητα Ιωαννίνων: Όπου η Ομορφιά Περισσεύει [« Périphérie de l'Épire : district régional d'Ioánnina : là où la beauté demeure »], Londres, AKAKIA Publications,‎ , 6743 p. (ISBN 978-1-911352-35-8, lire en ligne).  
  • (el) Geórgios Smýris, « Τα μουσουλμανικά τζαμιά των Ιωαννίνων και η πολεοδομία της Οθωμανικής Πόλης » [« Les mosquées musulmanes d'Ioánnina et l'urbanisme de la ville ottomane »], Ipirotiká Chroniká, vol. 34,‎ , p. 9–90 (ISSN 1108-4758, lire en ligne).  
  • (el) Konstantína Tássi, Οι Μουσουλμάνοι των Ιωαννίνων: από την Αυτοκρατορία στο Έθνος κράτος 1913-1923 [« Les musulmans d'Ioánnina : de l'Empire à l'État-nation (1913-1923) »] (mémoire de master de l'université d'Ioánnina),‎ , 184 p. (lire en ligne).  
  • (el) Vassílios Pyrsinéllas, « Ιστορία της πόλεως των Ιωαννίνων » [« Histoire de la ville d'Ioánnina »], Ipirotikí Estía, vol. 8,‎ , p. 762–763.
  • (el) Thanásis Proúntzos, Ο Προσανατολισμός των μουσουλμανικών Τεμενών Καλούτσιανης και Βελή Πασά στα Ιωάννινα [« L'orientation des mosquées de Kaloútsiani et Veli-Pacha à Ioánnina »] (mémoire de master de l'université polytechnique nationale d'Athènes), Athènes,‎ .

Articles connexes modifier