Monnaie gauloise

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Les monnaies gauloises caractérisent une production monétaire spécifique aux peuples Celtes continentaux[2] allant du IVe au Ier siècle av. J.-C., et qui tend à disparaître avec l'établissement de l'Empire romain et dans les premières années du règne de Tibère.

Statère des Parisii, classe I : « la figuration gauloise agit par degrés, la dislocation du cheval classique, parvenue en dernier lieu à la frénésie des formes »Georges Bataille[1], 1929.

Les Celtes continentaux, dont on ignore s'ils se nommaient en tant que nation unie et surtout sous quel nom, sont appelés par Jules César les peuples des Gaules, dont il distingue dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, plusieurs régions spécifiques : avant les vagues de conquêtes menées du temps de la République romaine, leurs territoires couvraient les actuelles Belgique, Luxembourg, France, Suisse, ainsi qu'une petite partie de terres situées en Allemagne et au nord de l'Italie.

Bien que courant sur quatre siècles, ces monnaies sont considérées comme relativement rares. L'étude de ces productions est récente : émergeant à la fin du XIXe siècle, elle bénéficie pour ce qui est de la Belgique, de la France et de la Suisse, des travaux de chercheurs comme Henri de La Tour, Adrien Blanchet, et, depuis 1950, de Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu, Louis-Pol Delestrée et Marcel Tache, dont les publications sont encore à la base des recherches au début du XXIe siècle.

Les monnaies produites par les peuples celtiques insulaires, comme les Brittons, bien que présentant parfois des similitudes pour certains types, appartiennent à un autre champ de la numismatique antique.

Des monnaies et des peuples modifier

Chaque peuple gaulois — il en existait une soixantaine — était indépendant du point de vue du monnayage, certains plus productifs que d'autres, mais il y a tout lieu de supposer que les pièces en métaux précieux circulaient entre peuples voisins.

La monnaie sous forme de pièces fait son apparition en Gaule au VIe siècle av. J.-C. par le biais de la colonie grecque, issue de Phocée et qui s'était établie sur le site de l'actuelle ville de Marseille : La Massalia phocéenne y frappe entre autres des oboles et des drachmes. Deux autres sites grecs plus ou moins contemporains sont connus : à Agde, la colonie d'Agathé Tyché, et à Béziers[3],[4].

Rien n'interdit de penser qu'avant que ne se répande l'usage de la pièce de monnaie, ces peuples n'utilisaient pas d'autres formes d'objets pour leurs échanges : la problématique a été soulevée par La Tour et Blanchet, et ne semble pas tranchée.

Progressivement, l'usage de la monnaie se répand parmi les peuples limitrophes situés en vallée du Rhône. La monnaie typiquement gauloise fait son apparition au IVe siècle av. J.-C. et se développe sous l'influence du commerce et de mercenariat celte avec les Grecs, le dessin de ces monnaies copiant celui des Grecs, notamment la monnaie macédonienne sous Philippe II de Macédoine et son fils Alexandre le Grand[5].

Les modes de production sont la frappe au marteau et le moulage.

Au IIe siècle av. J.-C., le monnayage connaît un fort développement, et les peuples ayant des mines d'or, comme les Arvernes, frappent des statères qui sont aussi un moyen d'affirmer leur souveraineté et leur puissance. Au Ier siècle av. J.-C., les Parisii produisent leurs statères d'or au cheval.

Caractéristiques particulières des monnaies gauloises modifier

 
Potin dit « à la grosse tête », avers, monnaie trouvée à Étrelles-et-la-Montbleuse.

Le principal problème qui se pose aux chercheurs est l'absence sur la grande majorité de ces monnaies d'inscriptions ou de caractères de type alphanumérique.

Les monnaies des divers peuples révèlent des styles et types très différents, des « plus rustiques » aux plus élaborés, selon Henri de La Tour qui dès 1892 publie un ouvrage à l'époque considéré comme assez complet sur cette question. L'ensemble de ces types de monnaie se rattache bien à une culture spécifique, l'art celte. Les représentations ornant ses monnaies comprennent des animaux, des formes anthropomorphiques stylisées, des figures géométriques. Les métaux employés sont l'or, l'argent, le cuivre, l'électrum, et un alliage appelé potin. La forme dominante est le coin circulaire, mais on trouve par exemple des « globules à la croix » ou billes moulées en or[6], et d'autres artefacts comme de petites roues en bronze cerclée et évidée.

Certaines monnaies sont clairement inspirées des monnaies les plus répandues ou circulantes de l'Antiquité occidentale comme par exemple le statère d'or de Philippe II de Macédoine : les mercenaires gaulois en rapportaient avec eux et ils ont servi de source d'inspiration pendant des décennies. Les monnaies copiées ou inspirées de ces statères reprennent alors le profil de Philippe et le quadrige d'origine, dont la stylisation va évoluer au fil du temps. Les mentions originelles que comportaient ces monnaies gréco-macédoniennes, sans doute incomprises par les graveurs celtes, évoluent, se transforment parfois en motifs géométriques, et souvent, finissent par disparaître.

Parmi les productions les plus précoces et comportant des mentions alphabétiques, on distingue des monnaies d'argent de la moyenne vallée du Rhône : ces séries ont été étudiées par André Deroc[7], qui divise la production en quatre groupes, dont une grande partie est due à des frappes Allobroges :

  • monnaies gauloises au buste avec IALIKOVESI (Type I)
  • monnaies gauloises en argent, du type "monnaies au cavalier" (Type IV)
  • monnaies allobroges à l'hippocampe
  • monnaies allobroges au bouquetin
  • monnaies au cheval galopant Cavare (anépigraphes ou à légende IAZUS et VOL)

Les productions monétaires des Rèmes, constituent également une exception : peuple allié de Rome, et notablement latinisé, leurs monnaies comportent des inscriptions au revers en relation avec les motifs estampés, comme par exemple sur le statère de Vercingétorix.

Types de monnaies gauloises par peuples modifier

Monnaies des Allobroges ( région du Dauphiné) modifier

Monnaies des Andecaves (Région d'Angers) modifier

Monnaies des Arvernes ( Région de Clermont-Ferrand) modifier

La monnaie des Arvennes la plus connue est le statère en or à l'effigie et au nom de Vercingétorix, une trentaine d'exemplaires a été répertoriée à ce jour.

Monnaies des Aulerques Cénomans ( Région du Mans) modifier

Monnaies des Aulerques Diablintes ( Région de Jublain) modifier

Monnaies des Aulerques Eburovices ( Région d'Evreux) modifier


Monnaies des Bajocasses ou Baïocasses ( Région de Bayeux) modifier

Monnaies des Bituriges Cubes ( Région de Bourges) modifier

Les monnaies en bronze dites « à la gueule de loup », au revers desquelles se trouve un pégase, constitue l'une des productions bituriges les plus connues des spécialistes. Datée autour du Ier siècle av. J.-C., cette production est attestée sur les sites de Levroux et d'Argentomagus, et se distingue par l'originalité de son iconographie[8].

Monnaies des Aulerques Cénomans ( Région du Mans) modifier

Peuple de la région du Mans. Faisant partie du groupe Armorique, l'approvisionnement en or est assez abondant dans la région. Ils émettent des statères d'or alliés qui sont bien connus grâce à la découverte en 1997 du trésor des Sablons.

Monnaie des Coriosolites ( Région de Corseul dans les Côtes d'Armor) modifier

Peuple qui résidait dans le secteur des actuels départements des Côtes-d'Armor et d'Ille-et-Vilaine. Ils ont fourni un grand nombre de monnaies et leur monnayage est bien connu.

Monnaies des Eburovices modifier

Monnaies des Osismes ( Région de Carhaix dans le Finistère) modifier

Monnaies des Parisii ( Région de Paris) modifier

Monnaies des Riedones (Région de Redon au sud de Rennes) modifier

Monnaies des Sénons ( Région de Sens) modifier

Monnaies des Séquanes ( Région de Besançon) modifier

Monnaies des peuples gaulois belges modifier

Monnaies des Ambiens modifier

Monnaies des Atrébates modifier

On connait le quinaire CARMANOS des Atrébates.

Monnaies des Bellovaques modifier

Monnaies des Éburons modifier

Monnaies des Leuques modifier

Monnaies des Ménapiens modifier

Monnaies des Morins modifier

On distingue plusieurs classes de statères.

Monnaies des Nerviens modifier

On distingue des statères avec l'inscription "VIROS".

Monnaies des Rèmes modifier

Les Rèmes ont émis des monnaies de plusieurs natures. Statères et quart de statères en or ou electrum, deniers en argent, bronzes, et potins.

  • Statère à l'œil (LT.8799) : anépigraphe.
    • Sur l'avers, on voit un œil triangulaire surmonté de trois globules.
    • Au revers, un cheval est orienté à gauche, surmonté d'un V perlé. Entre ses jambes se trouve un anneau pointé et perlé.


  • Quart de statère aux segments de cercle (LT.8030), cette monnaie ne contient pas de légende : **Sur l'avers se trouvent trois segments rectilignes surmontées de globules.
    • Sur le revers se trouve un cheval à droite une virgle partant de la tête. Entre ses jambes figure un astre.


  • Denier CALEDV (LT.7177) :
    • avers (CALEDV) : Buste de face et tête chevelue orientée à gauche, un torque au cou, entourée de grènetis
    • revers : Cheval à gauche surmontant une ligne et surmonté d'une esse bouletée. Un anneau pointé entre les pattes.


  • Denier ATEVLA/VLATOS (LT.7191):
    • avers (ATEVLA) : Buste ailé de face et tête chevelue tournée à gauche, un torque au cou, entourée de grènetis.
    • revers (VLATOS) : Taureau à droite sur une ligne d'exergue, relevant la tête. Surmonté d'une esse et un pentagramme entre les pattes. Un demi-cercle centré sous la ligne d’exergue, entourée de grènetis.


  • Bronze Remo/Remo (LT.8040), cette monnaie assez répandue a coexisté avec les monnaies romaines :
     
    Bronze Remo/Remo
    • avers (REMO) : Trois bustes d'hommes de profil gauche, entouré de grènetis
    • revers (REMO) : Bige à gauche avec un aurige ailé tenant un fouet monté dans le char.


  • Bronze Remos/Atisios (LT.8054 et LT.8082) :
    • avers (ATISIOS) : Tête à gauche avec un torque au cou et une fleur à quatre pétales derrière la nuque.
    • revers (REMOS) : Lion à gauche, la queue passant entre les pattes. Des esses situés au-dessus et en dessous, entouré de grènetis.


  • Potin au personnage courant (LT.8124), monnaie anépigraphe :
     
    Potin au personnage courant
    • avers : Personnage courant vers la droite tenant un torque et une lance.
    • revers : Animal assimilé à un ours mangeant un serpent surmonté d'une fibule.


  • Potin au personnage courant et au cavalier (LT.8124 var), monnaie anépigraphe :
    • avers : Personnage courant vers la droite tenant un torque et une lance.
    • revers : Animal surmonté d'une fibule anthropomorphe.


  • Potin au personnage courant et à l'élan (LT.8124 var), monnaie anépigraphe :
    • avers : Personnage courant vers la droite tenant un torque et une lance.
    • revers : Animal assimilé à un élan, surmonté d'une fibule anthropomorphe.


  • Potin au bucrane (LT.8351), monnaie anépigraphe :
    • avers : Bucrane entre deux esses, surmonté d'un panache et globule entre les cornes.
    • revers : Animal assimilé à un ours ou éléphant attaquant un serpent.


  • Potin au personnage de face (Déesse aux nattes) (LT.8145), monnaie anépigraphe :
    • avers : Personnage avec des nattes, de face, assis en tailleur, un torque dans la main droite, une tresse dans la main gauche. (thème retrouvé dans la sépulture de Vix)
    • revers : Sanglier orienté à droite, un astre entre les pattes et au-dessus de la tête, surmonté d'une fibule.


  • Potin à l'ange (LT.8135), monnaie anépigraphe :
    • avers : Tête stylisée à gauche, coiffé de quatre grosses mèches.
    • revers : Personnage marchant à droite, armé d'une lance dans la main droite et d'un bouclier.

Philatélie modifier

De 1964 à 1977, en France, une pièce de monnaie gauloise a servi pour illustrer une série de timbres pré-oblitérés.

Références modifier

  1. Georges Bataille, « Le cheval académique », in: Documents, n° 1, avril 1929.
  2. Sur l’origine et l’emploi des termes « Celtes » et « Gaulois », voir Venceslas Kruta, Les Celtes, P.U.F., 2002, pp. 4‑5.
  3. Emmanuelle Boillot, « Béziers est bien la ville la plus ancienne de France », Midi libre, (consulté le ).
  4. Ludovic Trabuchet, « Des révélations sur le passé grec de Béziers », Midi libre, .
  5. Patrick Pion, Bernard Formoso et Roland Etienne, Monnaie antique, monnaie moderne, monnaies d'ailleurs... : métissages et hybridations, Paris, De Boccard, , 195 p. (ISBN 978-2-7018-0316-6)
  6. (en) [PDF] Philip de Jersey, « Highlights from Le Catillon II: coins from beyond Armorica », Academia, 12 novembre 2017.
  7. André Deroc, « Les Monnaies gauloises d'argent dans la vallée du Rhône », Annales de l'Université de Besançon, 1973.
  8. Les Dossiers d'archéologie n° 360, novembre-décembre 2013.

Pour approfondir modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • Collectif, Les Gaulois, et l'or, dans: Dossiers d'Archéologie n°399, éditions Faton, mai-juin, 2020, 80.p.
  • Collectif, Monnaies gauloises. Origine, fabrication, usages., dans : Dossiers d'archéologie, éditions Faton, novembre-décembre, 2013, 80.p.
  • Adrien Blanchet, Traité des monnaies gauloises, Ernest Leroux, 1905 — Partie 1 : lire sur Gallica ; Partie II : lire sur Gallica.
  • Bibliographie sommaire de J.-B. Colbert de Beaulieu (de 1954 à 1998).
  • Louis-Pol Delestrée et Marcel Tache, Nouvel atlas des monnaies gauloises, Tomes I à IV, Saint-Germain-en-Laye, Éditions Commios, 2002-2008 :
    • Tome I : De la Seine au Rhin : les monnayages du Nord de la Gaule
    • Tome II : De la Seine à la Loire moyenne
    • Tome III : La Celtique, du Jura et des Alpes à la façade atlantique
    • Tome IV : Suppléments aux tomes précédents
  • André Deroc, « Les Monnaies gauloises d'argent dans la vallée du Rhône », Annales de l'Université de Besançon, 1973.
  • Pierre-Marie Guihard, Monnaies gauloises et circulation monétaire dans l'actuelle Normandie, collection de la médiathèque de Bayeux (Calvados), 136 p. couleur, « Publications du CRAHM »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), 2008 (ISBN 978-2-902685-45-5)
  • Lancelot Langyel, L'Art gaulois dans les médailles, Montrouge, Éditions Corvina, 1954.
  • Henri de La Tour, Atlas des monnaies gauloises, Plon, 1892 lire sur Gallica..
  • Jean-Pierre Le Dantec, Laurent Olivier, Marcel Tache, Catalogue des monnaies gauloises, celtiques et massaliètes, Saint-Germain-en-Laye, Musée d'archéologie nationale / Carmanos-Commios, 2020, 134 p., 143 planches couleurs.
  • Raphaël Neuville, « Les ors surréalistes de la monnaie gauloise », in: Les Cahiers de Framespa, n° 15, 2014.
  • Bernard Rémy, Les dépôts monétaires antiques du département de la Haute-Loire : in Cahiers de la Haute-Loire 1981, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire, (lire en ligne) décrivant 12 trésors de monnaies gauloises ou romaines découverts en Haute-Loire
  • Eugène Hucher, L'art gaulois : ou les Gaulois d'après leurs médailles, A. Morel, Paris, 1868 et 1874. [lire en ligne] (1ère partie) - [lire en ligne] (2ème partie) sur le site Gallica.fr.

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