Manifeste pour la culture wallonne

manifeste signé par quatre-vingts personnalités wallonnes

Le Manifeste pour la culture wallonne, est un manifeste signé par quatre-vingts personnalités wallonnes connues et moins connues, publié le et qui vise la prise en compte de la culture wallonne qu'ils voient mal gérée par la Communauté Wallonie-Bruxelles.

Vingt ans plus tard, dans le cadre du fédéralisme belge, certains des signataires du Manifeste proposent un transfert des compétences culturelles, de l'enseignement et de la recherche à la Région wallonne dans un deuxième texte, le Manifeste pour une Wallonie maîtresse de sa culture, de son éducation et de sa recherche.

Ce Manifeste pour la culture wallonne se propose de définir la Wallonie comme distincte culturellement à la fois de Paris et de Bruxelles et pouvant constituer un pôle culturel important dans la francophonie à l'instar du Québec et de la culture québécoise[1]. Sur le plan politique, ce texte, avant tout culturel, renvoie soit à une volonté d'autonomie culturelle dans le cadre de l'État fédéral belge[2], soit de manière plus radicale, à l'indépendantisme wallon (bien que le texte du Manifeste ne donne aucune indication à suivre à ce propos).

Les réactions modifier

Le Manifeste pour la culture wallonne[3] a été un élément dans la discussion sur le fédéralisme belge qui découpe trois communautés (linguistiques et culturelles) et trois Régions économiques. Chantal Kesteloot écrit : « La brèche ouverte par le Manifeste va peser sur le champ politique. Les fêtes de Wallonie, la fête de la communauté française sont autant d'occasions de s'exprimer pour les partisans et les adversaires de la Communauté[4]… » Dans les milieux politiques et culturels concernés, le texte eut un retentissement certain et prolongé. Jacques Hislaire titre dans son journal Combien de cultures en Belgique? et imagine que les idées du manifeste vont conduire au morcellement de la Wallonie : « Si le futur ministère de la Culture wallonne subventionne Julos Beaucarne pour des chansons dans le dialecte d'Ecaussines, il y aura discrimination pour tous les chanteurs qui s'expriment en sérésien, en verviétois ou en picard[5]. », ce qui lui vaudra un droit de réponse d'un des signataires, Jean-Jacques Andrien[6]. Des cartes blanches se succèdent dans Le Soir, soit défavorables comme Jean-Pol Baras[7], comme Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne[8] soit favorables comme le compte rendu du manifeste lui-même dans Le Soir du . La Revue Nouvelle publie un numéro spécial en intitulé Wallonie, autour d'un manifeste avec des articles favorables[9] ou défavorables[10]. En 1989, la controverse rebondit avec la parution dans Le Soir d'un manifeste favorable à la Communauté. Deux réactions wallonnes sont à pointer, l'une favorable de l'écrivain René Swennen[11] ; l'autre défavorable du Prix Rossel 1984 Thierry Haumont[12]. En 1992 deux revues publient de concert un numéro spécial également sur le thème intitulé La Wallonie et ses intellectuels[13]. En 2004, parlant de la belgitude de La Belgique malgré tout (n° spécial célèbre de la Revue de l'ULB, 1980), dans Histoire de la littérature belge (1830-2000), Michel Biron écrit :

«  On ne s'étonne guère (...) que la réaction la plus forte à la Belgique malgré tout soit venue de Wallonie. Elle prend la forme en 1983 d'un Manifeste pour la culture wallonne dans lequel plusieurs dizaines d'intellectuels et d'artistes wallons contestent l'hégémonie de Bruxelles. "Nous, signataires de ce texte (...) nous sommes et nous nous sentons être de Wallonie." Mis côté à côté, le manifeste wallon et La Belgique malgré tout paraissent antithétiques tant par la forme que le contenu. Aux soixante-huit "Je" du recueil de Jacques Sojcher s'oppose le "nous" du manifeste; au "nulle part" des écrivains bruxellois s'oppose "un seul et même territoire", celui de la Wallonie[14] »

Enfin, le volume Histoire de la Wallonie déjà cité place le Manifeste de 1988 et celui qui lui fit écho en 2003 dans les événements importants de la Chronologie qu'il détaille[15]. La presse en parla y compris en Flandre et à l'étranger[16].

Actualité modifier

Début , l'éditeur Fonds Mercator avec le soutien du Gouvernement wallon publie un livre de 400 pages intitulé Histoire culturelle de la Wallonie, avec de très nombreuses cartes, photos, reproductions, sous la direction de Bruno Demoulin. Le dernier chapitre de ce livre Existe-t-il une identité wallonne? que signe Philippe Destatte est illustré par la page de couverture du n° spécial de La Revue nouvelle, Wallonie : Autour d'un Manifeste, et l'affiche de Wallonie 2020. Une réflexion prospective citoyennes le devoir de la Wallonie, série de colloques organisés par l'Institut Destrée. Juste avant la page En guise de conclusion du directeur de la publication il se clôt par les dernières lignes du Manifeste pour la culture wallonne (« Sont de Wallonie tous ceux qui vivent et travaillent dans l'espace wallon etc. »), suivies de cette réflexion de l'auteur de l'article à propos du projet wallon : « On le voit, et le Manifeste wallon l'avait souligné, ce projet n'est pas unique puisqu'il peut advenir dans d'autres espaces territoriaux. Le rappeler n'est pas innocent[17]

L'enseignement modifier

En 2012, la régionalisation de l'enseignement revient au devant de l'actualité notamment avec des prises de position des ministres Jean-Claude Marcourt et Paul Magnette dans les médias (1 et 2).

Le rebondissement de l'Appel bruxellois et la Réponse de cent Wallon(ne)s modifier

Le journal Le Soir a publié le mercredi le texte d'un appel, intitulé Nous existons ! présenté la veille à la presse, et signé par une centaine de personnalités bruxelloises de premier plan parmi lesquelles Mateo Alaluf, Jean-Baptiste Baronian, Philippe Van Parijs, Claude Javeau, Jacques De Decker, François Schuiten, Guy Haarscher, Jean-Marc Ferry, Benoît Dejemeppe, Benoît Peeters, Riccardo Petrella, Axelle Red, Claude Semal, Olivier Strebelle, Thierry Tinlot... qui réclament la prise en compte des intérêts des Bruxellois dans la perspective des négociations institutionnelles programmées pour l'année 2007. Le texte qui décrit une Région de Bruxelles-Capitale multiculturelle et complexe appelle les mandataires bruxellois à en défendre les intérêts quelles que soient leurs langues ou origines, au-delà des affrontements communautaires, les Bruxellois à signer l’appel et les négociateurs « à accorder à Bruxelles, comme aux autres Régions, le pouvoir de forger son avenir [...] comme foyer d'un dynamisme profitant aux trois régions du pays[18]. » Le texte exige clairement plus de région (à base spatiale et non linguistique), et moins de communauté (à base linguistique), ce qui se réfère au système institutionnel belge actuel bien que l'appel Nous existons ! se place au-delà de l'institutionnel. À cet Appel, plus d'une centaine de personnalités wallonnes ont répondu affirmativement le et notamment Lise Thiry, Nicole Malinconi, Paul Meyer, Caroline Lamarche, Jacques Dubois, Jean-Marie Klinkenberg, Guy Denis, Luc Courtois, Jean Germain, José Fontaine, Philippe Destatte, Jean Louvet, Nicolas Ancion, Jacques Brassinne de la Buissière, Jean-Claude Vandermeren, secrétaire général de la FGTB wallonne, Armand Delcampe, directeur du théâtre Jean Vilar et du Festival de Spa... [1]. La liste complète des premiers signataires est à cette adresse [2] et le texte en son intégralité à celle-ci : [3].

Références modifier

  1. Serge Govaert, « Culture wallonne ou culture francophone ? », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  2. Chantal, Kesteloot, Histoire de la Wallonie, op. cit.
  3. Texte du Manifeste pour la culture wallonne
  4. Chantal Kesteloot, Un fédéralisme qui s'installe in B.Demoulin et JL Kupper, Histoire de la Wallonie, Privat, Toulouse, pp. 338-340, p. 339
  5. La Libre Belgique du 30 septembre 1983
  6. La libre Belgique, du 25/10/1983
  7. Défendre la culture de notre communauté, le 27 octobre 1983
  8. Un manifeste peut en cacher un autre, article du 19/12/1983
  9. Hervé Cnudde, Propos de Bruxelloisin La revue nouvelle, ibid
  10. Frédéric Moutard (pseudonyme de François Martou, Wallonie! Wallons-nous?', ibid
  11. Pour la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles in Le Soir du 13/10/1989
  12. Contre le repli belge, in Le Soir du 4/10/89
  13. Cahiers marxistes numéro 187, novembre 1992 et Toudi tome VII, 1992
  14. Michel Biron 1980. Jacques Sojcher publie La Belgique malgré tout in Histoire de la littérature belge (1830-2000), Fayard, Paris, 2003 pp. 489-497 [ (ISBN 2-213-61709-0)].
  15. Histoire de la Wallonie,op. cit. pp. 393-401, p. 400 et p. 401
  16. entre autres De Manifest gaat een stap verder (Le manifeste fait un pas de plus) in De Standaard du 17/9/1983, La tragedia de la littératura belga in El País du 26/12/83, la revue québécoise Possibles, Wallonië bestat en het leeft (La Wallonie existe et elle vit), in Knack, 24/41984, la revue culturelle parisienne Pandora, n° 11, mai, 1985, notamment une interview de Michel Quévit pp. 24-26, ou, plus récemment, Four definitions of culture in Francophone Belgium'', in Nationalism in Belgium, Macmillan, Londres, 1998 ainsi que Le Monde diplomatique octobre 2000, sous le titre Culture wallonne ou culture francophone.
  17. Existe-t-il une identité wallonne? dans Histoire culturelle de la Wallonie, Fionds Mercator, Bruxelles, 2012, p.368-377, p. 377.. lire en ligne
  18. Texte de l'appel bruxellois Nous existons!

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Pol Vandromme, Les gribouilles du repli wallon, Marc Laudelout, Bruxelles, 1983.
  • Autour d’un manifeste n° spécial de La Revue Nouvelle, .
  • Culture et politique (ouvrage collectif), Institut Destrée, Charleroi, 1984.
  • Actualité du Manifeste (ouvrage collectif), Liège, 1985.
  • Hugues Dumont (directeur) Belgitude et crise de l'Etat belge (Actes du colloque des Facultés universitaires Saint-Louis), Bruxelles, 1989 (publiés en 1991 par les Facultés universitaires Saint-Louis)
  • La Wallonie et ses intellectuels, publication commune (et ouvrage collectif) des Cahiers marxistes (n° 187) et TOUDI (n° 7), 1992 (avec notamment une intervention de Jean Louvet devant un congrès de la CGSP-enseignement à propos du manifeste wallon et le manifeste pour la Communauté française).
  • José Fontaine, Le citoyen déclassé, in TOUDI et Contradictions, Walhain, Quenast, 1995 (surtout le chapitre II La controverse sur l’identité et la culture wallonnes).
  • Belgique toujours grande et belle, in Revue de l’ULB, Bruxelles, 1998.
  • José Fontaine Four Definitions of Culture in Francophone Belgium, in Nationalism in Belgium, Macmillan, Londres, 1998.
  • La Wallonie est-elle invisible? in La Revue Nouvelle et TOUDI ().
  • La revue TOUDI les deux numéros 58 (juin (2003) et 59/60 ()ce dernier reprenant plusieurs informations sur le Premier et le Deuxième Manifeste ainsi que l’étude (traduite) d’Annie Dauw)
  • Hervé Hasquin La Wallonie son histoire, Pire, Bruxelles, 1999.
  • Dimitrios Karmis and Alain Gagnon, Federalism, federation and collective identities in Canada and Belgium: different routes, similar fragmentation in Alain Gagnon, James Tully (editors) Multinational Democracies, Cambridge University Press, 2001,pp. 137–170, p. 166 (ISBN 0-521-80473-6)
  • Xavier Mabille, La Belgique depuis la Deuxième guerre mondiale, CRISP, BXL, 2003.
  • Histoire de la Wallonie Privat, Toulouse, 2004 (dont le dernier chapitre porte sur le problème soulevé par les deux manifestes wallons.