Louis Astre

syndicaliste français

Louis Astre, né le à La Bastide-de-Besplas (Ariège) et mort à Paris 14e le [1], est un enseignant syndicaliste français qui a notamment exercé des responsabilités exécutives nationales à la Fédération de l'Éducation nationale (FEN) de 1961 à 1984, en particulier sur les questions de droits et libertés, de laïcité et les problèmes économiques. Il a été le premier président de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES)[2].

Louis Astre
Louis Astre le 10 juillet 2011.
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Biographie

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Louis Astre né le à La Bastide-de-Besplas (Ariège) est fils d’instituteurs ruraux. Son père milite à la SFIO, à la Ligue des Droits de l’Homme, au Syndicat national des instituteurs. Après son enfance à la campagne, il vit à Pamiers les premiers enthousiasmes du Front populaire au sein des Faucons rouges. En 1944 il participe avec les Francs-Tireurs et Partisans français (FTP) aux combats de la libération de l’Ariège puis, en novembre, il rejoint Toulouse au service des responsables socialistes de la capitale du Midi rouge : Paul Debauges et le maire Raymond Badiou. Il milite notamment aux Étudiants socialistes, aux Auberges de jeunesse. Étudiant en droit en 1945, il obtient sa licence en 1948, un diplôme d’économie en 1949. Il est lauréat de la faculté de Droit de Toulouse. Marqué par l’enseignement de Georges Vedel, il découvre Keynes, Jaurès et Blum, Marx, Trotski.

Maitre d’internat[3] en 1945, il adhère au SNES, syndicat de la Fédération de l'Éducation nationale (FEN), elle-même affiliée à la CGT unitaire de l’époque. En 1948 après la scission entre FO et la CGT, il reste à la FEN qui a su conserver l’unité syndicale du personnel du Service public en passant à l’autonomie. Elle regroupe alors trois courants de pensée : la majorité « autonome », animée par des militants d’orientation socialiste, à laquelle il se rattache ; la principale minorité dite « cégétiste », animée par les communistes ; l’École émancipée, tendance syndicaliste-révolutionnaire. À la rentrée 1946, Louis Astre est volontaire pour animer les méthodes d’éducation active lors de la création du lycée Toulouse-Bellevue, l’un des quatre lycées pilotes de la réforme des Classes nouvelles lancée par Gustave Monod dans la perspective du Plan Langevin-Wallon. Il soutient activement la réforme en tant que responsable syndical académique des maitres d’internat. En 1949, élu délégué syndical national des maîtres d'internat, il rejoint à Paris le Bureau du Syndicat national de l’enseignement secondaire, le SNES, et la Commission administrative de la Fédération de l'Éducation nationale, la FEN, jusqu’en 1954, en tant que responsable notamment de la Commission fédérale de la Jeunesse. À ce titre il est élu vice président du Comité national de la Jeunesse créé en 1950 par l’Unesco, puis élu à la Commission nationale française pour l’Unesco qui le porte à son comité permanent. Mais en , les représentants de la FEN, opposée à l’admission de l’Espagne franquiste, en démissionnent publiquement.

En 1956, Louis Astre obtient le professorat (Capet) de sciences et techniques économiques et exerce dans l’Enseignement technique à Caen. Élu secrétaire national du Syndicat national de l'enseignement technique, le SNET, en 1959, puis secrétaire général en 1961 il accède, à ce titre, au bureau de la FEN. Lors du renversement de la IVe République il manifeste avec la FEN son opposition au Coup d’Alger du , à la Constitution de la Ve République en septembre, puis au référendum de par lequel est décidée l’élection du président de la République au suffrage universel, ce qui accentue à ses yeux la dérive « présidentialiste » du régime. En 1966, il est co-secrétaire général du « Nouveau SNES » issu de la fusion du SNES et du SNET, mais la direction de celui-ci passe en 1967 à Unité et Action. Il enseigne alors aux sections de techniciens supérieurs de l’École nationale de commerce du boulevard Bessières, mais reste membre des bureaux du « Nouveau SNES » et de la FEN.

Durant le mouvement contestataire de , il est du noyau qui auprès de James Marangé assure les diverses initiatives de la FEN. Il est son porte-parole au meeting du stade Charléty. En 1970, il devient secrétaire permanent de la FEN et assume un ensemble de responsabilités au sein de l’exécutif fédéral jusqu'à sa retraite en 1984 et, au-delà, continue à assumer un certain nombre de mandats au nom de la FEN:

  • responsable du secteur laïque de la FEN de 1966 à 1984, il la représente, avec le secrétaire général, au CNAL de 1966 à 1984. Attaché à l’ambition laïque émancipatrice, il s’oppose au pluralisme scolaire de la Loi Debré et s’emploie à actualiser et promouvoir la laïcité de l’École et de la République, conditions incontournables, selon lui, du vivre ensemble dans l’égalité, la liberté, la fraternité.
  • chargé simultanément de la défense des Droits et Libertés pendant les années 1970, au temps de l’Union de la gauche, il entreprend, «au nom de la FEN et vis-à-vis de tous, leur défense intransigeante, sans exclusives et sans frontières »[4]. Il assure pour la défense des libertés, l’étroite coopération de la FEN avec la Ligue des Droits de l’Homme.
  • de 1980 à 1985, chargé du secteur économique et des recherches il représente la FEN au Conseil économique et social et siège à son bureau en 1984. Il est en 1982 le premier président chargé par les centrales ouvrières d’édifier leur institut commun, l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales). Il crée en 1984 le Centre d’Histoire, de recherches, de formation et de documentation de la FEN (actuel centre Henri-Aigueperse / Unsa Éducation) dont il est secrétaire général jusqu’en 1988.

En 1993, le SNES est exclu définitivement de la FEN. Opposé à la scission de la Fédération, Louis Astre fait le choix de rester adhérent du syndicat qu’il a fondé et qu’il suit à la FSU. Il crée l’Institut de la FSU dont il est le premier président jusqu’en 1998. Il reste néanmoins fidèle à son orientation première et conserve des relations personnelles avec nombre de militants de l’UNSA éducation.

Syndicaliste, Louis Astre s'est parallèlement engagé dans le militantisme associatif et politique. Il adhère dès 1946 à la Ligue de l’Enseignement par l’intermédiaire des CEMEA pour la pratique de l’éducation active. Puis il coopère avec elle au nom de la FEN de 1949 à 1954 pour les activités de Jeunesse et d’Éducation populaire, enfin, de 1966 à 1984, au sein du CNAL. Il poursuit ensuite son engagement personnel à la Ligue de l'Enseignement.

Son cheminement politique dans la gauche du mouvement socialiste le conduit de la SFIO à sa rupture avec la politique algérienne de Guy Mollet en 1958 et à la création du Parti socialiste autonome (PSA) qui l’élit à sa Commission administrative permanente. Il soutient la création du Parti socialiste unifié (PSU) mais n’y adhère qu’une année. En 1970 il rejoint le « Nouveau Parti socialiste » d'Alain Savary, puis, en 1971, à l’issue du Congrès d'Unité des socialistes d’Épinay (1971), reste adhérent du Parti socialiste que dirige alors François Mitterrand dont il approuve la stratégie d’Union de la Gauche. Après une « crise aiguë » entre la FEN et le Parti socialiste — provoquée par le refus de la FEN d’admettre un accord opportuniste initial du PS avec le PCF en matière de défense des libertés — il est l’artisan d'une coopération étroite et active entre la FEN et le PS en matière de défense des libertés en France et dans le monde. Au printemps 1974 il accepte une « parenthèse politique » et intègre l’équipe de campagne de François Mitterrand lors de la présidentielle. Participant au long des années à nombre d’initiatives de la gauche socialiste, il exprime sa constante opposition au présidentialisme de la Ve République.

De même, Il continue à dénoncer « la domination croissante qu’impose aux travailleurs et aux peuples le libéralisme capitaliste » en particulier en Europe: « Favorable à une union des peuples européens », précise-t-il, « j'ai condamné, dès son début, le fondement technocratique de l’Europe de Maastricht, assujettie à la concurrence libre et non faussée, sans protection communautaire, qui musèle son édification démocratique, et que son dogmatisme libéral enlise dans la crise. Cette Europe-là, édifiée sans les peuples, tend à se retourner contre eux. Quant au devenir du village planétaire », précise-t-il, une autre gouvernance s’impose non seulement pour juguler les menaces de la civilisation industrielle sur les grands équilibres écologiques et sur la vie des populations, mais aussi pour affronter l‘actuelle mutation du monde où nous entraînent d’inouïs progrès scientifiques et la révolution informatique globale qui déjà permet à des milliards d’individus de communiquer instantanément entre eux sur l’ensemble de la planète[4].»

Après avoir traversé la Résistance, près de cinquante ans de responsabilités syndicales nationales, une vie d'engagement associatif et politique, Louis Astre reste un militant engagé jusqu'à son décès à Paris, le 26 octobre 2020, d'un arrêt cardiaque,

En 2010, Jacques Pommatau, ancien secrétaire général de la FEN, écrit dans Au temps de la force tranquille :

« Je me suis beaucoup appuyé sur les compétences de Louis Astre dans de multiples domaines : la laïcité bien sûr, mais aussi celui des droits et libertés, sujet sur lequel il avait une compétence et une autorité qui dépassaient le cadre de la FEN pour s’étendre au niveau des confédérations ouvrières et des partis politiques de gauche. Il m’a été aussi d’un grand secours dans le domaine économique et social. Mes relations étaient parfois orageuses avec Louis, mais c’était le prix à payer pour pouvoir bénéficier de ses multiples compétences. »

Annexes

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Sources - Références bibliographiques et vidéographiques

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  • Archives de la FEN et du Centre Henri-Aigueperse / UNSA Éducation.
  • Archives personnelles de Louis Astre.
  • Cahiers du centre fédéral (les), « Louis Astre: engagement militant dans la FEN. La fusion SNES-SNET », présentation de Guy Putfin, éd.Centre Henri-Aigueperse UNSA Éducation, no 35, s.d.(Le témoignage de Louis Astre et le débat qui a suivi remonte au 16 mai 1990 et s'est inscrit dans le cadre d'un séminaire commun au Centre Henri-Aigueperse et au Centre histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme (Paris I).
  • Cent Ans de syndicalisme, Henri Aigueperse, éd. Martinsart, Paris 1977.
  • Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, « Le Maitron » : notice biographique.
  • Fédération de l'Éducation nationale (1928-1992) (La) — Histoire et Archives en débat, Laurent Frajerman, Françoise Bosman, Jean-François Chanet, Jacques Girault éditeurs, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d'Ascq, 2010.
  • Fonds « Louis Astre » au Centre des archives du monde du travail (CAMT) de Roubaix.
  • Histoire de la FEN par Guy Brucy, préface d'Antoine Prost, avant-propos de Patrick Gonthier, secrétaire général de l'UNSA Éducation, Belin, collection « Histoire de l'éducation », Paris, 2003.
  • Histoire du SNES par Alain Dalançon:
    • tome I: « Plus d’un siècle de mûrissement, des années 1840 à 1966/67 », IRHSES, 2003, 272 p.
    • tome II: « Les années tournant (1967-1973)», IRHSES, 2007, 516 p.
  • Grève enseignante en quête d'efficacité (la), dir. Laurent Frajerman, avant-propos de Gérard Aschieri et Alain Dalançon, éd. Syllepse, Paris, [5].
  • Indépendance et Démocratie, bulletin de la tendance UID du SNES.
  • Laïcité, Jean Cornec, SUDEL éd., Paris 1965
  • L'Enseignement public, bulletin mensuel de la Fédération de l'Éducation nationale.
  • Le Travailleur de l'enseignement technique, bulletin mensuel du SNET.
  • Témoignages de Louis Astre (Histoire et archives orales de l'enseignement [texte non accessible]; entretiens avec Guy Brucy; témoignages et entretiens au Centre Henri-Aigueperse FEN / UNSA Éducation, notamment dans les Cahiers du centre fédéral no 37).
  • Travaux sur le SNET de Julien Veyret.
  • [vidéo] Archives INA: « libre expression » de la FEN[6] diffusée sur la télévision publique. La FEN avait consacrée cette émission à son congrès d'Avignon de 1982. La majorité du reportage est consacrée à une interview (présentée en deux parties) de Louis Astre par la journaliste Annette Ardisson.

Publications de Louis Astre

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Louis Astre n'a pas publié d'ouvrage particulier. Ses publications ont principalement trouvé place dans les publications syndicales (Le Travailleur de l'enseignement technique pour le SNET pour la période 1959-1966; L'Université syndicaliste pour le « nouveau SNES » pour la période 1966-1967, mais aussi de tribunes au titre du courant UID du SNES dont il a été l'auteur ou le principal rédacteur jusqu'en 1975), sous forme d'articles dans L'Enseignement public, mensuel de la FEN, entre 1966 et 1984 ou à l'occasion de comptes rendus de colloques (notamment de rapports pour les colloques de la FEN ou du CNAL, ces derniers ayant parfois fait l'objet de publications « hors série » d'organisation du CNAL (dont la FEN et la Fédération des conseils de parents d'élèves). S'y ajoutent les témoignages publiés par le Centre Henri-Aigueperse (fusion SNES-SNET; l'ambition émancipatrice de la FEN).

Il est intervenu après 2010 dans plusieurs colloques, notamment La Fédération de l'Éducation nationale (1928-1992) : Histoire et Archives en débat (colloque dit « de Roubaix ») dans lequel on trouve trace de plusieurs interventions de sa part (Voir plus haut la bibliographie). Outre la plaquette de l'union des DDEN de l'Hérault (2009) signalée en note, on trouve trace de ses témoignages les plus récents dans L'Union sans unité : Le programme commun de la gauche : 1963 - 1978 (dir. Danièle Tartakowski et Alain Bergounioux), Presses Universitaires de Rennes, 2012 et dans la Grève enseignante en quête d'efficacité (voir la bibliographie ci-dessus).

Articles connexes

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Notes et références

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  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. (Notice établie par l'historien Jacques Girault dans le Dictionnaire Maitron « Louis Astre, élevé dans le monde des instituteurs de la République laïque, apparaît comme un socialiste d’esprit libertaire, marqué par le Front populaire et la guerre, formé dans le creuset enthousiasmant de la Libération, alliant démarches syndicales et politiques dans la perspective d’une émancipation des peuples. Ancrées dans la majorité autonome et les valeurs fondatrices de la FEN, ses analyses se réclamaient de l’indépendance et de l’unité du syndicalisme enseignant dans une perspective de réunification du mouvement syndical des travailleurs. »
  3. Deux catégories de « pions », comme on les nommait en argot scolaire, existaient depuis la fin des années trente et jusqu'en 2003 : les « maîtres d'internat » qui étaient, comme leur nom l'indique, chargés des études du soir et du service de surveillance dans les internats des lycées, et les surveillants d'externat qui assuraient, comme leur nom l'indique, le service de jour (entrées/sorties des externes; « permanences »). Le recrutement s'effectuait essentiellement parmi les étudiants d'origine modeste, en particulier ceux qui se destinaient aux métiers de l'enseignement.
  4. a et b Archives personnelles de Louis Astre du Centre Henri-Aigueperse / UNSA Éducation, 2012-2013. Indépendamment du « Fonds Astre » déposé au Centre des archives du monde du travail (CAMT de Roubaix), ces fonds contiennent un certain nombre de matériaux biographiques et autobiographiques de Louis Astre sur son parcours personnel, syndical et politique. Certains sont inédits, d'autres sont liés à des interventions notamment dans des colloques ou à des entretiens ou séries d'entretiens à finalité historique (INRP, Guy Brucy pour son Histoire de la FEN, Ismaël Ferhat dans le cadre de sa thèse de doctorat sur les relations entre le Parti socialiste et la FEN entre 1972 et 1992).
  5. Cet ouvrage restitue les travaux du colloque du 11 octobre 2012 organisé avec le même titre par l'Institut de la FSU et l'IRSHES (SNES) en partenariat avec le CURAPP/Amiens et le CRH/Paris 8.
  6. Cette émission correspond à ce qu'est aujourd'hui Expression directe. Elle était diffusée au titre des libres expressions des syndicats de salariés.

Liens externes

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