Lois fondamentales du royaume de France

lois coutumières du royaume de France

Les lois fondamentales du royaume de France sont des règles coutumières de droit public généraux, ayant trait à la nature du Royaume de France, qui s'imposaient au roi de France et au Parlement dès le début du règne d'Hugues Capet en 987. Le royaume n'ayant jamais disposé d'une constitution écrite, ces principes fondamentaux ont tenu lieu de constitution non-écrite.

Grandes armes de France.

Dès lors qu'elles constituent des règles coutumières, les lois fondamentales ne sont pas écrites et sont constatées au fil du temps. Elles déterminent notamment les critères permettant de désigner le successeur légitime au trône de France selon la dévolution de la couronne de France.

Généralités modifier

Souvent appelées « lois du Royaume », elles sont qualifiées vers 1575 de « lois fondamentales du royaume » pour les distinguer des lois du roi. Cette distinction introduit une hiérarchie des normes dans le droit de l'Ancienne France : d'une part les lois du Roi, et d'autre part les lois du Royaume auxquelles les premières doivent impérativement se soumettre. Ce fut le rôle constitutionnel du Parlement de Paris de veiller à ce que cette hiérarchie soit maintenue et respectée (on peut y voir le principe d'une cour constitutionnelle, même si les attributions judiciaires du Parlement s'étendaient bien au-delà), ce qui provoqua de nombreuses tensions au XVIIIe siècle entre le roi et ses parlements. Lors de son sacre, le roi de France s'engage à s'y soumettre et à les maintenir[1].

Jamais codifiées mais pour une grande part constatées et figurées par un certain nombre de régalias ou de cérémonials (comme ceux du sacre ou du palais) et formulées en adages ou en maximes, les lois fondamentales du royaume définissent non seulement l'étendue et les limites du pouvoir du roi de France, et les règles de dévolution de la couronne, mais aussi les libertés fondamentales des personnes et de toutes les communautés (territoriales, religieuses, laïques, etc.) qui en dépendent[2].

Jean Bodin, dans Les Six Livres de la République (1576), soutient que le roi doit avoir le droit de faire et casser les lois par sa seule volonté, mais est tenu de respecter les lois fondamentales du royaume (leges Imperii), qui sont selon lui d'une nature spéciale. Il n'en relève, à son époque, que deux : la loi salique de succession au trône, et la loi de l'inaliénabilité du domaine royal[3].

Le mode de désignation des rois était à l'origine l'élection, comme en général pour tous les héritiers dans les sociétés traditionnelles. Ce système a laissé la place en France à des règles de succession qui ont d'abord admis le partage de la royauté entre plusieurs héritiers. C'est le cas chez les Carolingiens, en particulier après le traité de Verdun, conclu en 843 entre les fils de Louis le Pieux, Lothaire Ier, Louis II le Germanique, Charles II le Chauve, qui s'entendent pour morceler l'Empire d'Occident. Ensuite, à la désignation du successeur par le roi parmi ses fils, puis la dévolution légale au seul fils aîné, avec une élection qui s'est progressivement réduite à la participation au sacre des douze pairs de France (représentants des douze grands fiefs de la couronne) et à une acclamation populaire lors du couronnement. À partir de Philippe-Auguste, la règle de l'hérédité est établie. L'avantage de cette réduction de l'élection à un mécanisme légal étant d'éviter les infanticides et les guerres de succession entre les différents partis des candidats, guerres d'autant plus féroces que les femmes et les concubines royales y étaient parties prenantes[4].

Règles générales coutumières modifier

 
Ordonnance du roi Charles V fixant la majorité des rois de France à 14 ans et l'organisation de la régence. Archives nationales AE-II-395.

Au cours de l'Histoire de France et depuis le début du règne de Hugues Capet en 987, plusieurs règles coutumières visant à déterminer le successeur légitime au trône de France ont été constatées parmi lesquelles figurent, en synthèse, selon le docteur en droit Guy Augé : la succession au trône par le droit selon l'hérédité et la primogéniture masculine, l'indisponibilité de la Couronne, la dévolution instantanée de la Couronne et l'inaliénabilité du domaine royal[5].

Succession au trône par le droit selon l'hérédité et la primogéniture masculine modifier

La Couronne est transmise par voie d'hérédité, de mâle en mâle, excluant les femmes et leur descendance, par l'aîné des Capétiens, qui est le descendant direct et plus proche de Hugues Capet.

Cette règle a notamment permis d'exclure le risque que la Couronne puisse revenir à un souverain étranger et donc d'éviter la soumission de la France à une puissance étrangère.

Indisponibilité de la Couronne modifier

La Couronne est indisponible, ce qui signifie que le roi (ni un conseil ou toute autre personne) ne peut ni désigner son successeur, ni changer l'ordre de succession défini selon la loi fondamentale, ni renoncer à ses droits ou abdiquer.

Dévolution instantanée de la Couronne modifier

Selon Guy Augé, « la Couronne de France est instantanément dévolue (...). C’est pourquoi le sacre, qui demeure une importante cérémonie morale, religieuse, politique même, n’est pas juridiquement constitutif de la royauté comme il l’était sous les Carolingiens et sous les premiers Capétiens. Il est simplement déclaratif, il consacre aux yeux du public ce que la force de la coutume seule a créé, il investit le successeur nécessaire de grâces d’état pour l’accomplissement de sa haute mission. Mais depuis le début du XVe siècle au moins, le sacre n’est plus créateur en droit de même que, sur le plan théologique, il n’est plus un sacrement, depuis que la réforme grégorienne des XIe – XIIe siècles a explicité les bases canoniques de ce sujet »[5].

Il doit exister en tout temps un successeur légitime au trône de France et il ne peut pas y avoir de rupture dans la succession. Précisément, lorsque le roi décède, l'héritier du trône désigné selon les lois fondamentales devient, immédiatement et de facto, le nouveau roi de France.

Cette règle est résumée généralement par l'expression : « le roi est mort, vive le roi ».

Cependant, en cas de vacance du pouvoir en raison des circonstances politiques (exil, minorité, incapacité), la royauté peut être exercée par un régent, généralement la reine ou un conseil.

Inaliénabilité du domaine royal modifier

Cette règle découle de celle de l'indisponibilité. En effet, le roi n'étant pas propriétaire de la Couronne, il est considéré comme usufruitier viager du domaine royal, c'est-à-dire le territoire qui relève directement de son autorité. Le territoire est donc invendable et inviolable.

Catholicité modifier

Le roi doit être sacré selon le rite catholique et la religion catholique est intrinsèque à la Couronne de France.

Notes modifier

  1. Ces « lois fondamentales » sont « ce que toute autre loi doit respecter » (cf. la hiérarchie des normes de Hans Kelsen), donc comme des lois constitutionnelles.
  2. Déclaration du Parlement toutes chambres assemblées sur les lois fondamentales du royaume, du 3 mai 1788: "Déclare que la France est une monarchie, gouvernée par le roi, suivant les lois; Que de ces lois, plusieurs qui sont fondamentales embrassent et consacrent: - Le droit de la maison régnante au Trône, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des filles et de leurs descendants; - Le droit de la Nation d'accorder librement les subsides par l'organe des États généraux régulièrement convoqués et composés; - Les coutumes et les capitulations des provinces; - L'inamovibilité des magistrats; Le droit des cours de vérifier dans chaque province les volontés du roi et de n'en ordonner l'enregistrement qu'autant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province ainsi qu'aux lois fondamentales de l'État; - Le droit de chaque citoyen de n'être jamais traduit en aucune matière devant d'autres juges que ses juges naturels, qui sont ceux que la loi lui désigne; - Et le droit, sans lequel tous les autres sont inutiles, celui de n'être arrêté, par quelque ordre que ce soit, que pour être remis sans délai entre les mains des juges compétents;" Tout en gardant à l'esprit qu'il n'appartenait pas au parlement de faire cette déclaration, et que la notion de Nation était une innovation.
  3. Jean-Jacques Chevallier, Histoire de la pensée politique, Payot, 1979-<1984> (ISBN 9782228135306, OCLC 6356697, lire en ligne)
  4. Augustin Thierry, Récits des Temps mérovingiens, adaptation romancée de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours.
  5. a et b Guy Augé, « Brève note sur le droit royal historique français, par Guy Augé (1975) », sur Vive le Roy, (consulté le )

Sources modifier

  • Le Songe du vergier (1360), att. Charles Louvier,
  • Traité des ordres et dignités, par Charles Loyseau, 1613,
  • Histoire du droit public et ecclésiastique, par René-Louis de Voyer de Paulmy d'Argenson, Germain-Louis Chauvelin, 1735
  • Plans des travaux littéraires ordonnés par SM pour la recherche et l'emploi des monuments de l'histoire et du droit public de la monarchie française, par Nicolas Moreau, 1782, Imprimerie royale
  • Cérémonial du sacre des rois de France, avec le texte en latin et en français, tel qu'il fut suivi au sacre de Louis XVI (1775), 1931, Éditions Charles Millon

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Guy Augé, Succession de France et règle de nationalité, Paris, D.U.C., 1979.
  • Jean Barbey, Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Lois fondamentales et succession de France, Paris, Diffusion Université Culture, 1984.
  • Franck Bouscau, « Les lois fondamentales du Royaume de France », La Gazette royale, n° 132, (lire en ligne).
  • Claire Saguez-Lovisi, Les lois fondamentales au XVIIIe siècle. Recherches sur la loi de dévolution de la couronne, Paris, PUF, 1984.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier