Le Génocide franco-français

livre de Reynald Secher

Le Génocide franco-français (sous-titré La Vendée-Vengé) est un essai historique de Reynald Secher portant sur la guerre de Vendée (1793-1800) et la Révolution française publié en 1986 aux Presses universitaires de France, puis réédité le par Perrin.

Le Génocide franco-français
La Vendée-Vengé
Image illustrative de l’article Le Génocide franco-français
Portrait d'un homme dit Le Vendéen, tableau illustrant la couverture de la réédition de 2006 chez Perrin

Auteur Reynald Secher
Pays Drapeau de la France France
Préface Jean Meyer (préface)
Pierre Chaunu (avant-propos)
Genre Essai
Éditeur Puf
Collection Histoires
Lieu de parution Paris
Date de parution 1986
Couverture Théodore Géricault
Nombre de pages 338
ISBN 978-2-130-39618-5

Les historiens Jean Meyer et Pierre Chaunu ont rédigé respectivement la préface et l'avant-propos de l'ouvrage.

Genèse de l'ouvrage modifier

La Chapelle-Basse-Mer, village de Vendée . Révolution et contre-révolution (1983) modifier

En 1983, Reynald Secher soutient une thèse de 3e cycle à la Sorbonne pour laquelle il met au point une méthodologie dite de « carottage scientifique ». L'originalité de cette méthode a valu à sa thèse, lors de sa publication par Perrin en 1986, d'obtenir le prix d'histoire de l'Académie française 1987.

Contribution à l'étude du génocide franco-français : la Vendée-Vengé (1985) modifier

En extrapolant la méthodologie utilisée dans sa thèse de 1983 à l'ensemble des 770 communes de la Vendée militaire, Reynald Secher a réalisé une thèse de doctorat d'État de 940 pages soutenue à l'Université de Paris-IV Sorbonne. C'est cette deuxième thèse illustrée de 13 cartes qui a été publiée en 1986 par les Presses universitaires de France sous le titre Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé.

Présentation générale modifier

« Vendée-Vengé » ? modifier

 
Des « Brigands de la Vendée » du département « Vengé » figurent dans cette Liste générale des individus condamnés par décret dressée en 1794 par la République Française dont la devise est « Égalité, Liberté, Fraternité ou La Mort ».

Le sous-titre « Vendée-Vengé » correspond à une réalité historique, le changement de nom de la Vendée durant le règne de la Terreur. À l'époque, le bourreau qui manœuvre la guillotine est appelé « le vengeur »[1] ; c'est dans cet esprit que, le , la Convention montagnarde, déterminée à supprimer la Vendée, décide de renommer ce territoire le département « Vengé », sur proposition d'Antoine Merlin de Thionville[2].

Il y avait un précédent, à la suite du siège de Lyon en , la ville avait été rebaptisée « Commune affranchie »[2]

Principales thèses défendues modifier

Selon la thèse de Reynald Secher, la répression exercée en Vendée correspond à un génocide légal proto-industriel qui se manifeste :

loi du prescrivant l'extermination des hommes, la déportation des femmes et des enfants, et la destruction du territoire
loi du prescrivant l'extermination de tous les « brigands », qu'il identifie à la population vendéenne (par exemple le massacre des Lucs-sur-Boulogne inclut des brigands à l'état d'embryons, de bébés et d'enfants dont 110 ont moins de 8 ans[3])
loi du rebaptisant la Vendée du nom de département « Vengé »

Le « génocide franco-français » modifier

Les moyens d'extermination modifier

 
Les Noyades de Nantes sont un des moyens d'extermination proto-industriels mis en œuvre par les Républicains.

Reynald Secher énumère les différents moyens proto-industriels mis en œuvre par les émissaires du Comité de salut public et de la Convention montagnarde :

  • aux Ponts-de-Cé, des sacs sont réalisés en peau d'homme ou de femme, des pantalons de gendarmes sont confectionnés en peau humaine,
  • les fours à pain sont utilisés pour brûler vifs les villageois, aux Lucs-sur-Boulogne la crémation a lieu dans l'église,
  • des camps d'extermination sont établis à Noirmoutier,
  • des essais de gazage infructueux sont réalisés par le chimiste-député Antoine-François Fourcroy, puis par le pharmacien Joseph Louis Proust qui a mis au point un dispositif utilisant une boule de cuir,
  • des bateaux sont coulés dans la Loire ce sont les « noyades des galiotes », les « mariages républicains » consistent à dévêtir puis à lier par couple hommes et femmes avant de les noyer à Nantes,
  • à Clisson, la graisse est extraite par carbonisation des villageois, elle est utilisée pour faire du savon.

La Vendée comme matrice modifier

Pour Reynald Secher, les moyens d'extermination des Vendéens mis en œuvre par le Comité de salut public et la Convention préfigurent ceux des régimes totalitaires du XXe siècle, qu'il s'agisse de l'écrasement de la révolte de Tambov par Lénine (Tambov est alors qualifié en russe de « Vendée »), de certaines méthodes employées lors du génocide des juifs par les nazis et par Hitler, ou du génocide khmer rouge perpétré sous Pol Pot au Cambodge (dans ce cas, c'est le pays entier qui est rebaptisé Kampuchéa démocratique).

Réception de l'ouvrage modifier

Polémiques modifier

Le génocide modifier

La qualification de « génocide » dans le titre de l'ouvrage a suscité une vive polémique en France où la guerre de Vendée était jusqu'alors présentée comme une opération de pacification[réf. nécessaire]. D'autant plus que, la sortie de l'ouvrage coïncidait avec les préparatifs de la célébration officielle, par la République, du bicentenaire de la Révolution en 1989 ; une Mission de Commémoration avait été créée dès 1986. Ainsi dans le magazine Le Point no 728 du , le philosophe Jean-François Revel, prenait parti pour Reynald Secher :

« Il est très français que cette thèse d'État, coup de maître d'un historien de 30 ans, ait suscité, avant tout, une querelle de vocabulaire. Le premier mouvement a-t-il été pour soupeser l'intérêt d'archives mises au jour après deux siècles de cellier ? Mesurer l'ampleur des nouveaux renseignements fournis ? Évaluer le progrès accompli dans la compréhension des faits ? Que non ! Toutes affaires cessantes, les docteurs se sont empoignés sur la question de savoir si l'auteur était fondé à user dans son titre du terme de "génocide". »

Dans Le Figaro Histoire n° 8 du , le journaliste Jean Sévillia revient sur les raisons idéologiques de la polémique accompagnant la parution du livre[4] :

« l'ouvrage allait déclencher une violente polémique en raison de son titre, retenu à l'instigation de Pierre Chaunu, qui avait fait partie du jury de thèse de Secher. Le mot "génocide" étant principalement associé à la Shoah, l'utiliser au sujet de la Vendée revenait à établir une comparaison entre les armées de la Convention opérant dans l'Ouest en 1793-1794 et les bourreaux nazis du peuple juif, rapprochement jugé intolérable aux yeux de ceux pour qui la Révolution française reste un événement sacré. »

Au contraire, en 2014, dans La guerre de l'Ouest dite guerre de Vendée (1793-1794), l'auteur Philippe Landeux refuse de qualifier de « génocide » ce qu'il préfère nommer « un fratricide, un drame national ».

Les tanneries de peaux humaines modifier

En 2013, l'historien Jean-Clément Martin s'oppose à l'ouvrage de Reynald Secher, sur l'argument précis de la tannerie des Ponts-de-Cé, par la publication de l'ouvrage Un détail inutile ? le dossier des peaux tannées, Vendée, 1794[5].

Martin entend diminuer la portée de l'argument de Reynald Secher en relativisant l'ampleur de la pratique, bien qu'il en admette la réalité. Ainsi dans la recension de l'ouvrage parue dans Libération du , l'historien Dominique Kalifa reconnait qu' « en 1794, les corps d’une trentaine de prisonniers furent tannés près d’Angers par l’officier de santé Pecquel, et l’on peut trouver au musée Carnavalet deux exemplaires de Constitution (1789 et 1793) reliés en peau humaine. »[6]

Succès littéraire modifier

L'édition des Presses universitaires de France parue en 1986 s'est vendue à 80 000 exemplaires[7]. Le succès de l'ouvrage s'est confirmé à l'étranger par ses traductions en Europe ainsi qu'aux États-Unis.

En 2006, l'ouvrage a été réédité par Perrin : « en quinze jours, sans aucune publicité, tous les stocks sont épuisés, un succès qui témoigne de l’intérêt que portent bon nombre de Français à cette page noire de leur histoire », explique Annet Sauty de Chalon sur Canal Académie[1].

Traductions modifier

L'ouvrage a suscité l'intérêt hors de France puisqu'il a été traduit en italien, en anglais et en polonais.

  • traduction en italien Il genocidio vandeano (préface de Jean Meyer, présenté par Pierre Chaunu), Milan, Effedieffe, 1989.
  • traduction en anglais A French Genocide: The Vendee (traduit par George Holoch), Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2003.
  • traduction en polonais Ludobójstwo francusko-francuskie. Wandea departament zemsty (traduit par Marian Miszalski), Varsovie, Iskry, 2003.

Suites de l'ouvrage modifier

Lors d'un entretien, avec Annet Sauty de Chalon sur Canal Académie, Reynald Secher déclare que Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé est le deuxième ouvrage d'un « ensemble qui en compte trois » (en ).

En 1991, il publiait Juifs et Vendéens : d'un génocide à l'autre, la manipulation de la mémoire édité par Olivier Orban.

Reynald Secher affirme, dans la deuxième partie de son ouvrage, La désinformation autour des guerres de Vendée et du génocide vendéen, édité en 2009 par l'Atelier Fol'Fer, qu'il a été l'objet de menaces et pressions, d'abord en 1985 pour renoncer à sa soutenance de thèse Contribution au génocide franco-français : La Vendée-Vengé puis, par la suite, au lendemain de sa promotion dans l'émission télévisée Apostrophes en .

En 2011, Reynald Secher a prolongé et abouti sa réflexion sur le génocide vendéen dans un dernier ouvrage, Vendée : du génocide au mémoricide. Mécanique d'un crime légal contre l'humanité, édité par les éditions du Cerf, proposant des documents inédits trouvés aux Archives nationales.

Cet ouvrage est primé en 2012 du Prix Combourg et du Prix littéraire des droits de l'Homme.

Reconnaissance du génocide vendéen modifier

« Proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 » (2007) modifier

Le , les députés Lionnel Luca, Hervé de Charette, Véronique Besse, Louis Guédon, Joël Sarlot, Hélène Tanguy, Bernard Carayon, Jacques Remiller et Jérôme Rivière ont présenté à l' Assemblée nationale la « proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 »[8]. Cette proposition de loi no 3754, qui intervient moins d'un an après la réédition de l'ouvrage Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé, fait explicitement référence à l'ouvrage et à son auteur :

« Pierre Chaunu, historien et membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1982, n’a pas hésité à parler de génocide franco-français dans l’avant-propos du livre de Reynald Secher qu’il a signé : « Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée. » Les moyens utilisés pour ce faire, rapportés notamment par Reynald Secher (cf. ouvrage cité supra), ou par Michel Ragon (1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Paris, Albin Michel, ), ont été nombreux : épuration par mutilation sexuelle, création du premier camp d’extermination de l’histoire moderne à Noirmoutier, premiers essais de gazage de masse (insuccès, dû au gaz employé et à l’absence de confinement), premières crémations avec les fours à pain et les églises (exemple de l’église des Lucs-sur-Boulogne où furent brûlés vifs 563 villageois), noyades collectives avec les « noyades des galiotes » ou en couples avec les « mariages républicains dans la Loire, création au Ponts-de-Cé d’ateliers de tannage de peau humaine — peau dont se vêtent les officiers républicains — et d’extraction de graisse par carbonisation des corps des villageois massacrés à Clisson. À force de tueries, des municipalités, pourtant républicaines, et des représentants du Comité de salut public finissent par s’émouvoir. Turreau est relevé de ses fonctions en , puis décrété d’arrestation en septembre. Jugé en , il est acquitté à l’unanimité. »

Cette proposition de loi no 3754 comporte un article unique qui est le suivant : « La République Française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794 »[8].

« Proposition de loi visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 » (2012) modifier

Le , les députés Dominique Souchet, Véronique Besse, Bernard Carayon, Hervé de Charette, Nicolas Dhuicq, Marc Le Fur, Lionnel Luca, Jacques Remiller et Jean Ueberschlag ont, à leur tour proposé, un projet de loi « visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 » et comportant le même article unique[9].

Cette fois encore, la proposition de loi (no 4441) fait référence à l'ouvrage de Reynald Secher :

« La recherche universitaire a longtemps été verrouillée idéologiquement et quasi muette sur les événements de Vendée. Mais, à partir de 1986, elle commence à leur consacrer des travaux importants »[9].

« Proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 » (2013) modifier

Une troisième fois, la reconnaissance par la République française du génocide vendéen a été soumise au vote. Ainsi, le , la proposition de loi (no 607) proposée par les députés Lionnel Luca, Véronique Besse, Jacques Bompard, Alain Lebœuf, Marion Maréchal-Le Pen, Alain Marleix et Yannick Moreau a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale. L'avant-propos de l'ouvrage de Reynald Secher y est explicitement cité :

« Pierre Chaunu, historien et membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1982, n’a pas hésité à parler de génocide franco-français dans l’avant-propos du livre de Reynald Secher qu’il a signé : "Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée." »

Cette proposition de loi (no 607) débute par un rappel du qui est la date à laquelle le Parlement français, en complément de la loi de 2001 reconnaissant le génocide arménien, a adopté une proposition de loi réprimant la contestation de l’existence du génocide arménien. Bien que largement votée par l'Assemblée nationale le , puis par le Sénat le , cette proposition de loi répressive a été rejetée par le Conseil constitutionnel, le .

Dans un communiqué du , Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche, a qualifié la proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 d' « un acte indigne de parlementaires français »[10] estimant qu' « il ne devrait pas avoir sa place dans la bouche de parlementaires républicains »[10].

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a et b Annet Sauty de Chalon, « La Vendée-Vengé, le génocide franco-français », Au fil des pages, Canal Académie,  ; enregistrement audio sur Youtube.
  2. a et b Jacques Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, Paris, Plon, , p. 275
  3. Reynald Secher, « Vendée, le génocide est là ! Réponse à Jean-Clément Martin », Atlantico, FR, Causeur, .
  4. Vendée, un détail qui ne passe pas, Jean Sévillia, Le Figaro Histoire n°8, 20 juillet 2013
  5. Jean-Clément Martin, Un détail inutile? : Le dossier des peaux tannées. Vendée, 1794, Paris, Vendémiaire éditions, , 160 p. (ISBN 978-2-36358-055-9).
  6. Révolution française Sauve qui peau, Dominique Kalifa, 5 JUILLET 2013
  7. Annet Sauty de Chalon, « La Vendée, page sombre de l’Histoire de France (2/2) », Au fil des pages, Canal Académie,  ; enregistrement audio de l'émission sur Youtube
  8. a et b « no 3754, Proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 », FR, Assemblée nationale.
  9. a et b « Proposition de loi no 4441, visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 », FR, Assemblée nationale.
  10. a et b "Génocide vendéen" Proposition de loi UMP-FN, Vendredi 18 Janvier 2013, Alexis Corbière - secrétaire national

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier