Johann Most
Johann Joseph « Hans » Most (né le à Augsbourg ; mort à Cincinnati le ) est un militant et propagandiste anarchiste, partisan de la propagande par le fait et fondateur de plusieurs journaux libertaires.
Député du Reichstag 3e législature du Reichstag (d) Chemnitz Reichstag constituency (en) | |
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Louis Wilhelm Vopel (d) | |
Député du Reichstag 2e législature du Reichstag (d) Chemnitz Reichstag constituency (en) | |
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Biographie
modifierJohann Most est né le à Augsbourg (ville qui sera plus tard le berceau des Conseils de Bavière). Le jeune Most fait preuve très tôt d'indiscipline en organisant une révolte dans son école et en refusant d'assister aux messes.
À la suite d'un accident, il doit subir l'ablation d'une partie de la mâchoire. Cette opération le laisse affreusement défiguré. Après ses études, il mène une existence vagabonde, se voyant souvent refuser du travail à cause de son physique.
Lors de son compagnonnage d'ouvrier relieur, en 1867, il séjourne dans le Jura en Suisse et prend contact avec la section de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Il participe activement à la lutte, ce qui lui fait perdre son emploi. Aussi, en 1868, il décide de partir pour l'Autriche. Là, il trouve un mouvement ouvrier embryonnaire et très faible en raison de la répression.
D'abord social-démocrate, Most s'impose très vite comme un des principaux leaders de la contestation sociale. Ainsi en mai 1869, il prend la parole devant 10 000 travailleurs de Vienne ce qui lui vaut un emprisonnement. Le gouvernement autrichien décide dans le même temps de promulguer des lois antisocialistes particulièrement dures. Les séjours de Most en prison lui valent cependant une certaine popularité dans les milieux populaires. Lorsqu'il choisit de retourner en Allemagne en 1871 près d'un millier d'ouvriers autrichiens l'accompagnèrent à la gare.
Établi dans la ville allemande de Chemnitz, il lance un journal (Chemnitzer Freie Presse) et mène une grève locale ce qui lui vaut encore une arrestation. En 1873, il met à profit son incarcération pour rédiger Kapital und Arbeit, une explication du Capital de Karl Marx qu'il jugeait illisible et qu'il interprète à sa façon ! Cela provoque l'indignation de Marx et de tous ses disciples. En revanche, un militant révolutionnaire prend vigoureusement la défense de Most, Eugen Dühring.
Most travaille ensuite au journal Süddeutsche Volkszeitung à Mayence. Il est élu député du Reichstag à la même époque sans se faire d'illusion d'ailleurs sur le parlementarisme. De toute façon, son mandat prend vite fin après avoir célébré en public l'anniversaire de la Commune de Paris. Comme à l'accoutumée, la prison lui permet d'approfondir ses connaissances théoriques et d'écrire des textes. Il écrit Die Bastille am Plotzensee où il dénonce le système carcéral prussien.
À sa libération, Most s'oppose aux leaders sociaux-démocrates comme Wilhelm Liebknecht. En effet il apporte sa collaboration au journal socialiste Berliner Freie Presse où il tente de publier des textes de Dühring pour lequel Most a une grande admiration. Après avoir été prendre des instructions chez Engels, Liebknecht oppose un refus catégorique… Most passe outre et se heurte à Engels qui rédige aussitôt un pamphlet, L'Anti-Dühring.
Dans le même temps, la répression s'abat. La presse est saisie par la police, des lois limitent l'expression politique. Most doit s'exiler à Londres. Il y lance Freiheit, un journal pour la communauté allemande (et distribué au pays), où il critique l'aspect réformiste de la social-démocratie. En réponse, une campagne de calomnies est organisée contre lui notamment dans Der Sozialdemokrat (de) (Zurich). Elle n'est pas sans rappeler les attaques lancées par Marx contre Bakounine quelques années avant.
En 1881, la rupture est officialisée, une étape est franchie. Most est devenu véritablement anarchiste. Il rencontre d'ailleurs beaucoup de militants à cette époque comme Errico Malatesta ou Victor Dave. Ses ennuis politiques ne cessent pas. La police anglaise l'emprisonne et le persécute. Finalement, il décide d'émigrer aux États-Unis où des militants l'ont invité pour des conférences.
Lorsqu'il débarque à New York en , il reçoit un accueil triomphal des travailleurs allemands. Influencé par les idées de Kropotkine, il devient véritablement anarchiste et se met à la tâche avec enthousiasme, sillonnant les villes : Boston, Baltimore, Kansas City... Freiheit reparaît et Most tente d'unifier les forces révolutionnaires. Avec des militants tels que Albert Parsons ou August Spies, il crée l’International Working People's Association dont les statuts réclament l'égalité économique, une organisation coopérative de la production et le fédéralisme.
Après l'attentat de Haymarket Square contre des policiers, le à Chicago, quatre militants innocents sont pendus dont Parsons et Spies. La presse rend Most directement responsable et engage une campagne contre l'"ennemi public n°1" qui ne cesse jamais du vivant de Most. Le , il est arrêté à New York après un meeting, et condamné le 2 juin à un an de prison pour incitation à l'émeute. Emma Goldman écrit à ce sujet :
« De temps en temps, il m'envoyait quelques lignes : il faisait des commentaires spirituels et caustiques des gens qu'il avait rencontrés, ou bien il dénonçait un journaliste qui, après l'avoir interviewé, avait écrit sur lui un article infamant. Parfois il glissait dans une lettre sa caricature parue dans un journal et ajoutait en marge : "Attention : tueur de dames !" ou "Voici l'ogre qui dévore les enfants !". Je n'avais jamais vu de caricatures aussi brutales et cruelles. »
Most ne faisait rien pour les atténuer. Ainsi, il édite un manuel, Revolutionäre Kriegswissenschaft ("Science de la guerre révolutionnaire"). Publié d'abord sous forme d'articles dans Freiheit, c'est un guide pour le bon usage des explosifs. Cet ouvrage connut un certain succès qui est à replacer dans un contexte de lynchage et d'assassinats de révolutionnaires désarmés face aux exactions du patronat américain.
Toutefois Most ne semble pas avoir vu toutes les implications de ce texte. En juillet 1892, Alexandre Berkman (le compagnon d'Emma Goldman) utilisa le manuel de Most pour un attentat contre le patron de l'acier Frick. Most se désolidarise de l'acte pour des raisons personnelles mais aussi tactiques : cela ne ferait pas cesser la répression (ce qui s'avère).
Outre son activité à Freiheit, ses conférences, Most écrit plusieurs livres, fonde une troupe de théâtre (Free Stage), écrivant des pièces et jouant même dans l'une d'elles (Strike, grève).
Vers 1899-1901, Freiheit connaît de graves difficultés financières, en partie résolues par l'acharnement de Most. Malgré son épuisement, il se lance dans une tournée de conférences. C'est le succès. Entre Pittsburgh et Cincinnati, il s'effondre et meurt le .
Ronald Creagh a montré le trait distinctif que Most a donné à l'anarchisme américain : « l'agitation dans les rassemblements de masse, objectif prioritaire qui n'exclut pas le travail de coordination de la classe ouvrière lequel est toujours postérieur ; les réunions internes au mouvement sont subordonnées à ces objectifs et sa propre organisation est réduite au minimum quand elle n'est pas laissée de côté. » Malgré ces limites, on doit garder le souvenir d'un lutteur infatigable, porté par un enthousiasme créatif. Tous les écrits de Johann Most sont introuvables en France.
Le journal Freiheit, publié ensuite aux États-Unis, reste l'œuvre de sa vie. Il est également l'auteur de Die Gottespest.
Bibliographie
modifier- Howard Zinn, Une Histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone, 2002, (ISBN 2-910846-79-2), (notice éditeur).
- Paul Avrich, The Haymarket Tragedy, Princeton University Press, 1984, édité en poche en 1986.
- Albert Parsons et August Spies, Haymarket : pour l'exemple, Éditions Spartacus, 2006, (ISBN 2-902963-52-1).
- Aviv Etrebilal, « Les cinq « martyrs » de Chicago : Innocents ou coupables ? »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Des Ruines, n°1, .
- Normand Baillargeon, L'ordre moins le pouvoir : histoire & actualité de l'anarchisme, Marseille, Éditions Agone, , 217 p. (ISBN 978-2-7489-0097-2).
- Ronald Creagh, Histoire de l'anarchisme aux États-Unis d'Amérique : les origines, 1826-1886, La Pensée sauvage, 1981, 350 p.
- Maurice Dommanget, Histoire du 1er mai, La Tête de Feuilles, 1972, réédition Le Mot et le Reste, 2006.
- Daniel Semelen, Manuel Fernandez, « Histoire du Premier Mai »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), in La Raison dirigé par Marc Blondel, ancien secrétaire général du syndicat Force ouvrière (FO) et Président de la Fédération nationale de la libre pensée, n°432,
- David Rappe, « Les Martyrs de Chicago », Le Monde libertaire, n°1121, -.
- À l’origine du Premier mai : les martyrs de Chicago, Confédération nationale du travail (France) 76, .
- Les Martyrs de Chicago - aux origines du 1er mai, Fédération des travailleurs des Industries du Livre, du Papier et de la Communication CGT, .
- Lou Marin, L'anarchisme de langue allemande des origines à nos jours. Brève introduction, sommaire et point de vue subjectif d'un militant anarchiste non-violent, Centre international de recherches sur l'anarchisme (Marseille), s/d, lire en ligne, lire en ligne.
Notes et références
modifierVoir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Dictionnaire international des militants anarchistes : notice biographique.
- L'Éphéméride anarchiste : notice biographique.
- Notes biographiques sur Johann Most, par Luigi Galleani, .
- Les cinq martyrs de Chicago sur le site Drapeau noir.
- Les cinq « martyrs » de Chicago : Innocents ou coupables ?, Aviv Etrebilal, Des Ruines, n°1, .