Indo-Américains

Populations importantes par région
Population totale 3 183 063 (dont 339 672 métis) (2010)[1]
Autres
Langues Anglais, hindi, gujarati, ourdou, bengali, tamoul, télougou, pendjabi
Religions hindouisme (51 %)
christianisme (18 %)
islam (10 %)
sikhisme (5 %)
jaïnisme (2 %)
sans religion (10 %)[2]
Ethnies liées Indiens

Les Indo-Américains (en anglais : Indian Americans) sont les Américains originaires d'Inde. Le Bureau du recensement des États-Unis utilise le terme d'« Asio-Indiens » (Asian Indians) pour les désigner afin d'éviter la confusion avec les Amérindiens, aussi appelés Indiens d'Amérique.

Les Indo-Américains, bien qu'ils ne représentent que 1 % de la population totale du pays, font partie des groupes d'immigrants parmi les plus influents et les plus instruits des États-Unis[3].

Histoire modifier

Premiers immigrés sur la côte ouest (XVIIIe siècle-1899) modifier

Au début du XVIIIe siècle, la Compagnie britannique des Indes orientales recourt à l'engagisme de serviteurs indiens dans les colonies britanniques en Amériques[4]. En 1680, du fait des lois prohibant les unions interraciales, une fille née d'un père indien et d’une mère irlandaise est classifiée comme mulatto et vendue comme esclave[4].

Le Naturalization Act de 1790 (en) rend les Asiatiques inéligibles à la naturalisation, et limite celle-ci aux Blancs[5].

La première vague migratoire significative d'Indiens a lieu au XIXe siècle. En 1900, plus de 2 000 Indiens (surtout des Sikhs) vivent aux États-Unis, principalement en Californie[6]. Toutefois, certains auteurs établissent des estimations plus basses, autour de 716 immigrés indiens entre 1820 et 1900[7].

L'émigration indienne est alimentée par les difficultés auxquelles les fermiers doivent faire face, comme les règles sur la propriété imposées par les colons britanniques, les sécheresses et les famines qui s'aggravent dans les années 1890. Au même moment, les entreprises canadiennes de transport en bateau à vapeur recrutent des fermiers « sikhs farmers ». Mais les attaques racistes, dont ils sont la cible en Colombie-Britannique conduisent nombre d'entre eux à s'installer dans l’État de Washington et en Oregon, où ils travaillent dans des scieries et dans l'industrie du chemin de fer[7]. Beaucoup de Sikhs pendjabis installés en Californie dans les alentours de Yuba City, nouent de forts liens avec les Mexicano-Américains[4].

La présence d'Indo-Américains contribue à l'émergence de l'intérêt pour les religions orientales aux États-Unis, et à leur influence sur des mouvements philosophiques américains comme le transcendantalisme. Vivekananda se rend à Chicago à l'occasion de l'exposition universelle de 1893, puis fonde à New York, l'année suivante, la première société védanta du pays.

Restrictions légales à l'accès à la propriété et la nationalité (1900-1945) modifier

Entre 1907 et 1908, des Sikhs s'installent plus au Sud en Californie, où ils sont employés par plusieurs entreprises de chemin de fer, ce qui déclenche de violentes réactions de la part d’ Américains blancs[7]. Des émeutes éclatent en 1907 à Bellingham dans l’État de Washington, contre les travailleurs indiens locaux, appelés « hindoos », bien qu'en grande majorité de confession sikhe[8]. Au début du XXe siècle, un ensemble de lois locales et fédérales restreignent l'immigration indienne et les droits des immigrés indiens. Dans les années 1910, les organisations nativistes américaines font campagne pour mettre fin à l'immigration depuis l'Inde, ce qui conduit au passage du Barred Zone Act (en) en 1917. En 1913, le Alien Land Act of California interdit la propriété foncière aux Sikhs, ainsi qu'aux immigrés japonais et chinois. Toutefois, les immigrés asiatiques détournent le système grâce à des amis blancs ou à leurs propres enfants nés aux États-Unis, qui achètent la terre, cultivée par les immigrés. Dans certains États, les lois contre les mariages interraciaux proscrivent les unions entre hommes indiens et femmes blanches. Cependant, les mariages entre hommes indiens et femmes mexicaines sont acceptables et deviennent une norme dans l'ouest[7],[9].

Bhicaji Balsara (en) est la première personne née indienne à obtenir la nationalité américaine. En tant que parsi, il est considéré comme « un membre pur de la secte perse » et donc une personne blanche libre. Le juge Emile Henry Lacombe (en), du district sud de New York, lui accorde la nationalité dans le seul espoir que le Procureur des États-Unis ferait appel de sa décision. Ce dernier fait ainsi appel en 1910. La cour d'appel établit alors que les Parsis appartiennent à la « race blanche » et se distinguent des Hindous[10]. De ce fait, entre 1913 et 1923, environ 100 Indiens sont naturalisés. Leur naturalisation prend toutefois fin en 1923, lorsque la cour suprême décide dans le jugement United States v. Bhagat Singh Thind (en) que les Indiens ne sont pas éligibles à la citoyenneté américaine car ils ne sont pas des « personnes blanches libres », car bien qu'étant « caucasiens », ils ne sont pour autant pas blancs[7]. La cour argumente également que la différence raciale entre les Indiens et les Blancs est si grande qu'« une grande partie du peuple » refuserait d'être assimilée aux Indiens[11]. Environ 50 Indiens voient leurs nationalités révoquées, ce qui conduit au départ de 3 000 Indiens des États-Unis[7].

Après le passage du Immigration Act de 1917 (en), l'immigration indienne légale diminue. Aussi, le nombre d'entrées clandestines via la frontière mexicaine augmente. La vallée impériale en Californie possède alors une large population pendjabie, qui vient en aide à ces immigrés. Ces derniers se fondent alors facilement dans la population locale. Le Ghadar Party (en), un groupe indien opposée à la colonisation britannique et actif en Californie, finance les entrées illégales[9]. Il est estimé qu'entre 1920 et 1935, de 1 800 à 2 000 immigrés indiens entrent illégalement sur le territoire américain[9].

Malgré les difficultés légales qui leur sont imposées, les Indo-Américains commencent leur ascension sociale grâce à l’éducation. En 1910, Dhan Gopal Mukerji entre à l'université de Californie à Berkeley à l'âge de 20 ans. Il est l’auteur de nombreux livres pour enfants et remporte la médaille Newbery en 1928 pour son livre Joli-Cou, histoire d'un pigeon (Gay-Neck: The Story of a Pigeon). Cependant, il se suicide à 46 ans, atteint de dépression. Yellapragada Subbarow (en) arrive quant à lui aux États-Unis en 1922. Il devient biochimiste à l'université Harvard et découvre le rôle de l'adénosine triphosphate en tant que source d'énergie dans la cellule. Mais étant étranger, il se voit refuser un poste d'enseignement à Harvard. Gobind Behari Lal (en), qui vient étudier à l'université de Californie à Berkeley en 1912, devient éditeur scientifique de The San Francisco Examiner, ainsi que le premier Indo-américain à gagner le prix Pulitzer du journalisme[9].

Ouvertures des frontières et croissance de la population (depuis 1946) modifier

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ouvrent de nouveau leurs portes à l'immigration indienne. Le Luce–Celler Act of 1946 (en) instaure un quota d'immigration 100 Indiens par année, et permet aux immigrés indiens d'accéder à la nationalité américaine en renversant la décision de la Cour suprême de 1923[12]. En 1952, le McCarran-Walter Act (en), abroge le Barred Zone Act de 1917, tout en limitant l'immigration à 2 000 personnes chaque année.

Alors qu'en 1910, 95 % des Indo-Américains vivent sur la côte ouest des États-Unis, ce nombre passe à 75 % en 1920, puis 65 % en 1940, à mesure que de plus en plus d'entre s'installent sur la côte est des États-Unis. En 1940, des Indo-Américains sont recensés dans 43 états. Sur la cote ouest, ils vivent majoritairement en zone rurale, alors que sur la côte est, ils vivent en ville.

Dans les années 1940, le prix du foncier augmente, et le programme Bracero fait venir des milliers de Mexicains pour travailler dans les fermes. Cela contribue à faire passer les Indo-Américains de seconde génération vers des « emplois commerciaux, non agricoles, comme s'occuper d'un petit commerce, d'une épicerie, d'un service de taxi, voire devenir ingénieur ». À Stockton et Sacramento, un nouveau groupe d'immigrés indiens de l’état du Gujarat ouvre plusieurs petits hôtels[9]. En 1955, 14 des 21 chaînes d'hôtels de San Francisco sont dirigées par des Indiens du Gujarat. « Dans les années 1980, les Gujaratis dominent l'industrie »[13].

L'Immigration and Nationality Act of 1965 change radicalement le visage de l’immigration aux États-Unis, en ouvrant largement le pays à une immigration autre que d'Europe du Nord[14]. Tous les Indiens n'immigrent pas depuis l'Inde, certains venant du Royaume-Uni, du Canada, d'Afrique du Sud et des anciennes colonies britanniques en Afrique de l'Est (comme le Kenya, la Tanzania, l'Ouganda et l'Île Maurice), en Asie-Pacifique (Malaisie, Singapour, Australie, Fidji), et dans les Caraïbes (Guyana, Trinité-et-Tobago, Suriname, et Jamaïque)[15].

De 1965 jusqu'au milieu des années 1990, 40 000 personnes en provenance d'Inde viennent s'installer durablement chaque aux États-Unis. À partir de 1995, ce nombre augmente fortement atteignant jusqu'à 90 000 immigrés en 2000[9].

Le système de castes existant en Inde s'est reproduit aux États-Unis au sein de la communauté indienne. En 2018, une enquête d’Equality Labs, une organisation de défense des droits civiques montre l’ampleur de la discrimination dont sont victimes les dalits dans l’éducation, dans l’emploi, particulièrement dans la Silicon Valley, où la plupart des ingénieurs sont issus des hautes castes. Plus des deux tiers des dalits interrogés déclarent se sentir traités injustement sur leur lieu de travail[16].

Démographie modifier

Évolution de la population
AnnéePop.±%
19102 545—    
19202 507−1.5%
19303 130+24.9%
19402 405−23.2%
1980361 531+14932.5%
1990815 447+125.6%
20001 899 599+133.0%
20103 183 063+67.6%
Source[17],[1]

Lors du recensement de 2010, il y a plus de 2,8 millions d'Indo-Américains aux États-Unis (plus de 3,1 millions en y incluant les métis)[1].

Localités comptant plus de 10 % d'Indo-Américains en 2010[18]
Rang Ville État Nombre %
1 Plainsboro Township New Jersey 960 35,4
2 Edison New Jersey 28 286 28,3
3 Piscataway New Jersey 10 662 19,0
6 Fremont Californie 38 711 18,1
4 Parsippany-Troy Hills New Jersey 9 250 17,4
8 Sunnyvale Californie 21 737 15,5
5 Livingston Californie 1 962 15,0
7 Yuba City Californie 8 863 13,1

Selon le American Community Survey pour la période 2011-2015, environ 1 138 083 Indo-Américains sont nés américains, tandis que 2 452 196 sont nés étrangers. De plus, 1 212 149 d'entre eux sont naturalisés, alors que 1 240 047 ne sont pas citoyens américains[19].

Langues modifier

Selon l'American Community Survey, pour la période 2012-2016, 737 826 personnes âgées de plus 5 ans déclarent parler l'hindi à la maison (0,25 % de la population totale des États-Unis), 448 742 déclarent parler l'ourdou (0,15 %), 395 007 le gujarati (0,13 %), 321 695 le télougou (0,11 %), 295 204 le bengali (0,10 %), 280 867 le pendjabi (0,10 %), 238 699 le tamoul (0,08 %) et 222 699 une autre langue langue dravidienne[20].

Religions modifier

Selon le Pew Search Center, en 2012, 51 % des Indo-Américains sont hindous, 10 % sont musulmans, 10 % sont sans religion, 8 % sont protestants évangélistes, 5 % sont sikhs, 4 % sont catholiques, 3 % sont protestants conventionnels, 2 % sont jaïnistes, 1 % sont bouddhistes et 4 % appartiennent à une autre religion[2].

Politique modifier

Sociologie électorale modifier

Vote indo-américain aux élections présidentielles selon le NAAS[21],[22]
Candidat 2012 2016
Démocrate 84 % 77 %
Républicain 16 % 16 %
Autres 0 % 7 %

Congrès modifier

Gouverneurs modifier

Références modifier

  1. a b et c (en) Elizabeth M. Hoeffel, Sonya Rastogi, Myoung Ouk Kim et Hasan Shahid, « The Asian Population: 2010 » [PDF], sur census.gov, .
  2. a et b (en) « Asian Americans: A Mosaic of Faiths », Pew Research Center's Religion & Public Life Project,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. « ÉTATS-UNIS. Record de candidats d’origine indienne aux élections », Courrier international,‎ (lire en ligne, consulté le ), citant USA Today.
  4. a b et c (en) Pradeep Thakur, Indian Americans (Part 1), , 15–17 p. (ISBN 978-81-908705-5-9, lire en ligne)
  5. (en) Jeffrey D. Schultz, Encyclopedia of Minorities in American Politics : African Americans and Asian Americans, , p. 284
  6. (en) Richard T. Schaefer, « Indian Americans », dans Encyclopedia of Race, Ethnicity, and Society, SAGE Publications, (ISBN 978-1-4129-2694-2, lire en ligne), p. 801
  7. a b c d e et f (en) Padma Rangaswamy, Namasté America : Indian Immigrants in an American Metropolis, Pennsylvania State University Press, , 366 p. (ISBN 978-0-271-01981-9 et 0-271-01981-6, lire en ligne)
  8. (en) Seema Sohi, Echoes of Mutiny : Race, Surveillance, and Indian Anticolonialism in North America, Oxford University Press, , 271 p. (ISBN 978-0-19-937625-4, lire en ligne), p. 8
  9. a b c d e et f (en) Sanjoy Chakravorty, The other one percent : Indians in America, Oxford University Press, , 355 p. (ISBN 978-0-19-064874-9, lire en ligne)
  10. (en) Postmodernism & a Sociology...(c), University of Arkansas Press, 143– (ISBN 978-1-61075-322-7, lire en ligne)
  11. (en) Zhao, Xiaojian, 1953- et Park, Edward J. W.,, Asian Americans : an encyclopedia of social, cultural, economic, and political history, , 1401 p. (ISBN 978-1-59884-239-5 et 1-59884-239-0, OCLC 836261675, lire en ligne)
  12. (en) « Roots in the Sand — the Archives », sur pbs.org (consulté le )
  13. (en) YUDHIJIT BHATTACHARJEE, « How Indian Americans Came to Run Half of All U.S. Motels », sur nationalgeographic.com, (consulté le )
  14. (en) Jennifer Ludden, « 1965 immigration law changed face of America », sur npr.org
  15. (en) Padma Rangaswamy, Indian Americans, New York, 2007 Hardcover Edition., (ISBN 978-0-7910-8786-2, lire en ligne), p. 55
  16. « Aux Etats-Unis, Seattle soulève l’espoir des opposants au système indien des castes », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
  17. (en) Campbell Gibson et Kay Jung, « Historical Census Statistics on Population Totals by Race, 1790 to 1990, and by Hispanic Origin, 1970 to 1990, for the United States, Regions Divisions, and States » [PDF], .
  18. (en) U.S. Census Bureau, « American FactFinder - Results », sur factfinder.census.gov (consulté le ).
  19. (en) « SELECTED POPULATION PROFILE IN THE UNITED STATES », sur factfinder.census.gov (consulté le ).
  20. (en) « Language spoken at home by ability to speak English for the population 5 years and over », sur factfinder.census.gov (consulté le ).
  21. (en) « Infographic: Strength in Numbers 2012 Post-Election Survey » [PDF], sur naasurvey.com, .
  22. (en) « 2016 Post-Election National Asian American Survey » [PDF], sur naasurvey.com, .
  23. (en) « SAUND, Dalip Singh (Judge) - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  24. (en) « DYMALLY, Mervyn Malcolm - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  25. (en) « BERA, Ami - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  26. (en) « JAYAPAL, Pramila - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  27. (en) « KHANNA, Ro - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  28. (en) « KRISHNAMOORTHI, S. Raja - US House of Representatives: History, Art & Archives », sur history.house.gov.
  29. (en) « HARRIS, Kamala Devi - Biographical Information », sur bioguide.congress.gov.

Voir aussi modifier