Hotel Polski
L'ancien Hotel Polski à Varsovie
Présentation
Type
Fondation
Localisation
Pays
Pologne
Commune
Varsovie
Adresse
29, Ulica Długa
Coordonnées
Localisation sur la carte de Pologne
voir sur la carte de Pologne
Localisation sur la carte de Varsovie
voir sur la carte de Varsovie

L'Hotel Polski est un hôtel de Varsovie, Pologne, construit en 1808, situé 29 Ulica Długa, utilisé en 1943 par les Allemands comme centre d'internement de Juifs de Varsovie, qui y sont attirés dans l'espoir de recevoir des sauf-conduits et des passeports pour se rendre à l'étranger. Ces évènements sont connus sous le nom de : « Affaire de l'Hotel Polski »[1].

Histoire du bâtiment modifier

Le bâtiment actuel est édifié sur les restes d'un palais du XVIIe siècle. Différentes parties de ce palais ont été rénovées de 1762 à 1784 comme demeure du banquier de Varsovie Frédéric Kabrit[2]. En 1808, le bâtiment est transformé en hôtel, et de 1816 à 1819, son propriétaire, Jan Nowakowski, lui fait subir une autre rénovation importante.

L'hôtel brûle en 1944 pendant les combats lors de l'Insurrection de Varsovie et est en grande partie détruit. En 1949-1950 le bâtiment est reconstruit. Aujourd'hui, il abrite des appartements et des espaces commerciaux. Au rez-de-chaussée, dans sa partie ouest, il est occupé par un restaurant asiatique.

En face du bâtiment, se trouve la Maison Potkański, actuellement occupée par l'Université de Varsovie, et sur le côté, vers l'est, le Palac pod Czterema Wiatrami (Palais des Quatre Vents).

L'Hotel Polski comme centre d'internement modifier

Fin 1941, début 1942, deux organisations juives de Suisse essayent de trouver une solution pour sauver le plus de Juifs du Gouvernement général, la partie de la Pologne annexée au Troisième Reich. Elles décident de leur procurer des passeports de pays d'Amérique du Sud. Comme les Juifs, citoyens de pays non en guerre avec l'Allemagne, ne dépendent pas des autorités d'occupation, ils sont libres de ne pas résider dans le ghetto et ne sont pas soumis au travail obligatoire. De plus, les possesseurs de tels passeports ont déjà été échangés en Palestine contre des prisonniers de guerre allemands détenus par les Alliés. Les organisations juives contactent donc les consuls du Paraguay, du Honduras, du Costa Rica, du Guatemala, de Haïti, du Salvador, de Pérou, de Bolivie,de l'Équateur, du Nicaragua, de Panama, de l'Uruguay et du Venezuela, afin d'obtenir des passeports qui seront envoyés au Gouvernement général.

La plupart de ces documents arrivent au ghetto de Varsovie fin 1942 – début 1943, après les déportations de masse, et la majorité des destinataires de ces papiers ont été déportés et tués à Treblinka pendant l'été 1942[3]. En , juste avant la liquidation du ghetto, deux collaborateurs juifs Lolek Skosowski et Adam Żurawin[4], qui travaillaient sous les ordres du commandant de la police de sécurité de Varsovie, Ludwig Hahn (en)[5], s'intéressent à ce courrier non distribué et décident avec l'accord de la Gestapo de Varsovie de s'en servir. Ils vendent ces passeports à des Juifs cachés du côté aryen et ceux-ci sont internés à l'Hotel Polski ainsi que dans deux autres hôtels plus petits de Varsovie, le Terminus[N 1] et le Royal, avant d'être transférés vers des camps spéciaux en France et en Allemagne, soi-disant dans l'attente d'être échangés contre des prisonniers allemands. Certains documents, appelés permis palestiniens sont même distribués gratuitement à l'hôtel.

De nombreux Juifs vont se rendre à l'Hotel Polski venant de tout Varsovie ; certains parce qu'ils ont la certitude de pouvoir acheter un passeport, d'autres parce qu'ils comptent sur leur chance ou bien parce que leur cache n'est plus sûre. Parmi eux, se trouvent le militant sioniste Menahem Kirszenbaum[N 2], l'écrivain Joshua Perle[N 3], le poète Ytshak Katzenelson militant de la Żydowska Organizacja Bojowa (Organisation juive de combat). Les responsables de l'American Jewish Joint Distribution Committee à Varsovie, David Guzik et Józef Gitler-Barski[N 4] décident dans un premier temps de partir vers l'Amérique du Sud par la filière de l'Hotel Polski, mais rapidement se rendent compte du piège. Les deux survivront à la guerre.

On estime entre 2 500 et 3 000 le nombre de personnes qui sont passés par l'Hôtel Polski, dont 1 900 seront déportés vers Vittel ou Bergen-Belsen. Le , le centre est fermé et les 300 personnes qui séjournaient alors à l'hôtel sans document sont transférés à la prison de Pawiak et fusillés deux jours plus tard. Pendant les quelques mois où ce centre d'internement a fonctionné, seuls 350 Juifs, ayant des permis palestiniens en bonne et due forme, purent en échapper.

Controverse sur l'affaire de l'Hotel Polski modifier

Les faits qui se sont déroulés à l'Hotel Polski ne sont pas encore parfaitement éclaircis pour les historiens. On a tout d'abord estimé que le centre d'internement de l'Hotel Polski avait été un piège mis au point par la Gestapo de Varsovie afin d'attirer les Juifs cachés du côté aryen, en leur promettant la délivrance de passeports[6]. La quasi-totalité des Juifs qui s'y sont rendus ont été soit transférés à Vittel ou Bergen-Belsen puis déportés et assassinés à Auschwitz-Birkenau, soit fusillés à la prison de Pawiak.

Des études récentes menées par des historiens polonais montrent cependant que l'Hotel Polski n'a pas été le simple piège que l'on pensait jusqu'alors, même si la vente de documents permit à certains de s'enrichir. Les rares internés juifs étrangers de pays neutres ont pu quitter la Pologne dans le cadre des « Heimschaffungsaktion »[N 5], souvent en échange de prisonniers allemands détenus par les Alliés. Par contre, les Allemands ont très vite compris que de nombreux documents étaient des faux et ont alors procédé à des vérifications plus approfondies. Ils ont entre autres demandé des confirmations aux différents pays sud-américains, qui n'ont que très rarement pu ou voulu confirmer la véracité des documents illégalement fournis par leurs consuls[7]. Malgré les pressions exercées par les États-Unis sur ces États, les confirmations, quand elles furent envoyées, arrivaient souvent trop tard.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. L'hôtel Terminus se trouvait de 1930 à 1974 dans le bâtiment Kleifa érigé en 1862 au 28 Ulica Chmielna.
  2. Menachem Kirszenbaum est un des responsables de l'Organisation sioniste de Varsovie et un militant très actif dans le ghetto. Il est exécuté à la prison de Pawiak.
  3. Joshua Perle (1888-1943) se situe, en tant qu'écrivain, dans le mouvement réaliste.
  4. Józef Gitler-Barski (1898-1990) est secrétaire général du Joint Distribution Committee en Pologne, et sera après la guerre directeur de différentes sociétés.
  5. Rapatriement des Juifs de pays neutres ou alliés de l'Allemagne.

Références modifier

  1. (de) « Prozesse. Bis zum letzten », Der Spiegel, Hambourg,‎ (lire en ligne).
  2. (pl)Ludwik Hass, « Stanisław Małachowski-Lempicki. Wykaz polskich lóż wolnomularskich oraz ich członków »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?); (Liste des loges maçonniques polonaise et leurs membres) ; page : 25: Fryderyk Kabrit ou Cabrit ou Kabrytt (1745-1801) est un banquier polonais anobli en 1790 ; consulté le 26 décembre 2011.
  3. (de) Im Feuer vergangen. Tagebücher aus dem Ghetto. [« Brygada śmierci, Pamiętnik Justyny, Oczyma dwunastoletniej dziewczyny, Przemineło z ogniem, ou Wspomnienia uczestniczki powstaniaw getcie Warszawskim »] (trad. du polonais par Viktor Mika, préf. Stefan (Arnold ?) Zweig), Berlin, Rütten & Loening, (ASIN B003YUMS0I), p. 542 et suivantes : De nombreux Juifs sud-américains ont pu obtenir des passeports pour leurs parents restés en Pologne en achetant des propriétés rurales à leurs noms. Malheureusement en raison de retard de transmission, la grande majorité de ces Juifs varsoviens furent exterminés avant la réception de ces documents.
  4. Im Feuer vergangen. Tagebücher aus dem Ghetto. Skokowski, Kenig et Koniecpol étaient appelés les représentants de la Gestapo.
  5. (de) Julian Grzesik, Alija. Geschichte des Volkes Israel. Seine Zerstreuung und erneute Sammlung, Lublin, , p. 274.
  6. (en) Gunnar S. Paulsson et John Radzilowski (Piast Institute), Secret City. The Hidden Jews of Warsaw, 1940-1945. Unveiling the Secret City, New Haven, Yale University Press, (ISBN 9780300095463, présentation en ligne).
  7. (en) Yad Vashem, « Hotel Polski », sur Shoa Resource Centers.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • (pl): Agnieszka Haska: Jestem Żydem, chcę wejść. Hotel Polski w Warszawie, 1943; Instytut Filozofii i Socjologii PAN; 2006; (ISBN 8373880968).
  • (en): Abraham Shulman: The Case of Hotel Polski. An Account of One of the Most Enigmatic Episodes of World War II; éditeur: U.S. Holocaust Memorial Museum Shop Memorial Council; New York; 1982 (ISBN 089604033X et 9780896040335)
  • (de): Alexandra-Eileen Wenck: Zwischen Menschenhandel und „Endlösung“: Das Konzentrationslager Bergen-Belsen; éditeur: Schöningh; 2000; page: 147 à 155; (ISBN 3506775111 et 9783506775115)
  • (en): Leon H. Gildin: Jew Wishes On: The Polski Affair; consulté le .
  • (de): Andre Grounewoud: Ein Bild, ein Kind, eine Geschichte dans KölnerStadtanzeiger.de: Mémoire d'un occupant du Hotel Polski.

Liens externes modifier