Grotte de Gouërris

grotte et site préhistorique en Haute-Garonne (France)
Grotte de Gouërris
Localisation
Coordonnées
Pays
France
Région
Département
Commune
Massif
Vallée
Save
Voie d'accès
D9
Caractéristiques
Type
calcaires à algues et milioles
Longueur connue
17 m
Période de formation
Danien (Cénozoïque)
(66 à 61,6 Ma)
Cours d'eau
Occupation humaine
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Géolocalisation sur la carte : Occitanie
(Voir situation sur carte : Occitanie)
Géolocalisation sur la carte : Haute-Garonne
(Voir situation sur carte : Haute-Garonne)

La grotte de Gouërris est un site préhistorique qui fait partie des grottes de Lespugue, situées dans les gorges de la Save, sur la commune de Lespugue, en Haute-Garonne, en Pays Comminges Pyrénées, région Occitanie, en France. Elle a été occupée pendant le Magdalénien, l'Azilien, le Laborien et le Néolithique récent.

Situation modifier

Les grottes de Lespugue se trouvent dans le sud-ouest de la Haute-Garonne, dans les gorges de la Save, que suit la route D9g, sur la rive droite de la Save, à Lespugue. La commune de Montmaurin occupe la rive gauche. Les grottes de Montmaurin se trouvent dans les gorges de la Seygouade, à quelque 2 km à l'ouest de Lespugue.

La grotte de Gouërris est la seule grotte de cet ensemble qui n'est pas à proprement parler dans la gorge : elle se trouve en effet à une centaine de mètres en aval de la fin de ce défilé, au sud du moulin de Gouërris et de la D9 (et non la D9g), à l'extrémité de la vallée creusée pat le ruisseau du Cange[1].

Description modifier

Son ouverture fait face au nord. Profonde de 17 m, elle est prolongée par un couloir étroit comblé. René de Saint-Périer pense qu'elle était beaucoup plus grande aux temps préhistoriques[2],[3],[4].

Fouilles modifier

Les Saint-Périer la fouillent de 1924 à 1926[3].

Occupation humaine, stratigraphie modifier

 
Schéma de la stratigraphie

Selon René de Saint-Périer, la grotte est occupée au Magdalénien[5] (niveau C[3]), à l'Azilien (couche B) et au Néolithique récent[6] (niveau A[3]). Cependant la couche B inclut du matériel rappelant le Laborien[5].

Saint-Périer précise que, selon lui, le Magdalénien (niveau C) se rattache à « une phase ancienne où le harpon est encore inconnu » et se rapproche du Magdalénien ancien de la grotte des Scilles[7] ; or, d'après Jean Clottes, les deux premiers stades du Magdalénien ancien ne sont pas encore connus dans les Pyrénées et la grotte des Scilles date très probablement du Magdalénien III, ou peut-être IV[8],[3].

Gouërris et Manirac (Lectoure, Gers) présentent les occupations laboriennes les plus distinctes[6].

Industrie lithique modifier

 
Polissoir, couche C

La couche C (Magdalénien) a livré un polissoir[9], en plus d'une industrie de type « Dordogne »[10].

L'ensemble mobilier de la couche C[11], comprenant des sagaies à double pointe, des sagaies longues et fines à biseau simple et des baguettes demi-rondes, rappelle à la fois le Magdalénien III et IV. La présence de lamelles à cran très nombreuses, un contour découpé et des sagaies à double biseau font pencher vers une attribution au Magdalénien IV[12].

La couche B contient des pointes de Malaurie et des rectangles, outillage typique du Laborien. Les harpons associés à l'industrie lithique semblent différents des harpons aziliens classiques[5],[13].

Mobilier archéologique modifier

Lampe à huile modifier

 
Lampe en quartzite

La lampe à huile de Gouërris est découverte par René de Saint-Périer dans le niveau magdalénien[3] (niveau C), près d'un foyer[14], à l'extrême fond de la grotte[15]. Elle est faite d'un galet de quartzite (« semblable à ceux de la Save ») de forme trapézoïdale, grossièrement évidé[16], de dimensions 150 × 120 mm[3]. Lors de sa découverte, la cavité du galet contenait « environ 10 cm3 d'une matière noire pulvérulente, qui a laissé une empreinte bien nette sur le fond »[17].

Une analyse (dont la méthode n'est pas mentionnée) du contenu de la lampe est effectuée vers 1926 par M. Boulanger, directeur du laboratoire de chimie appliquée de la faculté des sciences de Paris[18],[3]. Elle révèle la présence de matière organique (la « matière noire pulvérulente »[19].

Sophie Archambault de Beaune, qui publie en 1987 une étude exhaustive des lampes paléolithiques, mentionne qu'à cette date la lampe de Gouërris n'a pas été retrouvée ; et qu'elle n'a pas pu étudier la collection Saint-Périer récemment déposée au musée d'Archéologie nationale, cette collection n'étant pas encore disponible[3].

 
Niveau A : mobilier de sépultures

Autres éléments modifier

Couche A

Elle a livré des sépultures contenant du mobilier funéraire[20].

Couche B
 
Divers objets du niveau C
Couche C
  • L'image ci-contre montre une moitié d'anneau en bois de renne (no 1) très régulièrement taillé et poli, un objet rate parmi le mobilier magdalénien ; il est comparable à "la poignée" trouvée à la grotte du Placard, bien que cette dernière soit munie de crans latéraux absents ici. Les peignes inuits en bois de cervidé se terminent par un anneau similaire[21].
  • Le no 2 est une lame d'os incomplète trouvée dans un foyer très stalagmité sous le surplomb de la grotte ; soigneusement polie sur les deux faces, elle porte à l'une de ses extrémités une perforation dont on ne voit plus que la trace. La face convexe est ornée de deux figures très schématiques, sorte de scalariforme. Il était peut-être porté en pendeloque[22].
  • Le no 3 est un fragment de baguette demi-ronde gravée de lignes onduleuses qui entourent une ellipse centrale, peut-être la schématisation d'un œil vu de face[22].
  • Le no 4 est un fragment de côte dont une face seulement est conservée, couverte de traits parallèles équidistants ; probablement un manche d'outil, avec les stries assurant une meilleure préhension[22].
  • Le no 5 est une plaque osseuse plus épaisse et plus large que la no 2, avec une petite perforation[22].
  • Le no 6 est une plaquette en os bien polie, légèrement étranglée, avec deux perforations à chacune de ses extrémités ; comparable aux agrafes de ceinture des Inuits[22].
 
Outils en matières animales

Dans l'image ci-contre, la pièce no 1 est la seule pointe de sagaie en os, comme la plupart des sagaies aurignaciennes et solutréennes ; toutes les autres sagaies de ce niveau sont en bois de renne. De plus elle est ventrue au centre et pointue aux extrémités, et l'une des extrémités est légèrement incurvée - une courbure que l'on retrouve en plus accentué dans les sagaies de la Spugo de Ganties (Haute-Garonne)[23].

Vestiges de faune modifier

La couche B (Azilien) a livré une phalange unguéale de cheval trouvée par René de Saint-Périer et portant dans les scissures plantaires[n 1], et sur la face inférieure des traces de coups allant en convergeant du bord postérieur au bord antérieur. La couche A (Magdalénien supérieur) de l'abri des Harpons en a livré deux similaires, et 21 des 103 phalanges unguéales de l'abri de la Madeleine (Dordogne) portent les mêmes traces[24].

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Sophie de Beaune, « Lampes et godets au Paléolithique » (monographie), Gallia Préhistoire, no 23 « Suppl. »,‎ (lire en ligne).  
  • Didier Cailhol, Laurent Bruxelles, Céline Pallier, Fabien Callède, Olivier Dayrens, Francis Duranthon, Christian Salmon, Laure-Amélie Lelouvier et Marc Jarry, « De la géoarchéologie à la karstologie, le site du Castet à Montmaurin », dans Marie Laroche, Laurent Bruxelles, Philippe Galant & Martine Ambert (dir.), Paysages pour l'Homme (Actes du colloque international en hommage à Paul Ambert, Cavtières (Hérault), 15-19 octobre 2019), éd. Association culturelle des Amis de Cabrières, (lire en ligne [PDF]), p. 145-153.  
  • Célia Fat Cheung, Aude Chevallier, Peggy Bonnet-Jacquement, Mathieu Langlais, Jean-Georges Ferrié, Sandrine Costamagno, Delphine Kuntz, Véronique Laroulandie, Jean-Baptiste Mallye, Nicolas Valdeyron et Sophie Ballista, « Comparaison des séquences aziliennes entre Dordogne et Pyrénées : état des travaux en cours » (Actes de la séance de la Société préhistorique française de Bordeaux, 24-25 mai 2012), Bulletin de la Société préhistorique française, no 3 « Les groupes culturels de la transition Pléistocène-Holocène entre Atlantique et Adriatique »,‎ , p. 17-44 (ISSN 2263-3847, lire en ligne [PDF], consulté le ).  
  • Mathieu Langlais, Jean-Marc Pétillon, Sophie de Beaune, Pierre Cattelain, François-Xavier Chauvière, Claire Letourneux, Carolyn Szmidt, Claire Bellier, Roelf Beukens et Francine David, « Une occupation de la fin du dernier maximum glaciaire dans les Pyrénées : le Magdalénien inférieur de la grotte des Scilles (Lespugue, Haute-Garonne) », Bulletin de la Société Préhistorique Française, vol. 107, no 1,‎ , p. 5-51 (lire en ligne, consulté le ).  
  • René de Saint-Périer, « Faune fossile du pont de Gouërris à Lespugue », Revue de Comminges,‎ 2e trimestre 1925, p. 91-99 (lire en ligne).
  • René de Saint-Périer, « La grotte des Scilles à Lespugue (Haute-Garonne) », L'Anthropologie, vol. 36,‎ , p. 15-40 (lire en ligne).
  • René de Saint-Périer, « La Grotte de Gouërris à Lespugue », L'Anthropologie, vol. 37,‎ , p. 233-276 (lire en ligne, consulté le ).
  • Danielle Stordeur-Yedid, « Les aiguilles à chas au Paléolithique » (monographie), Gallia Préhistoire, no 13 « suppl. »,‎ (lire en ligne).  

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Pour les scissures plantaires, voir Henri Bouley, Traité de l'organisation du pied du cheval (Atlas de 34 planches dessinées par Edm. Poché), Paris, éd. Labé, (lire en ligne), planche I, fig.1 (E : scissure plé-plantaire) et fig. 2 (H : scissure plantaire).

Références modifier

  1. Cailhol et al. 2019, p. 145.
  2. Saint-Périer 1927, p. 274.
  3. a b c d e f g h et i Beaune 1987, p. 206.
  4. « Doc 24 : Grotte de Gouerris. (Lespugue - 31). Plan », Bulletin de la Société Méridionale de Spéléologie et de Préhistoire, no 25,‎ , p. 106 (lire en ligne, consulté en ).
  5. a b et c Fat Cheung et al. 2014, p. 36.
  6. a et b Fat Cheung et al. 2014, p. 34.
  7. Saint-Périer 1927. Cité dans Beaune 1987, p. 206.
  8. Jean Clottes, « Les civilisations du Paléolithique supérieur dans les Pyrénées », dans Henri de Lumley (dir.), La Préhistoire française, Paris, éd. CNRS, , p. 1212-1231. Cité dans Beaune 1987, p. 206.
  9. Saint-Périer 1927, p. 273.
  10. (en) Paul G. Bahn, « Inter‐site and inter‐regional links during the Upper Palaeolithic: the Pyrenean evidence », Oxford journal of Archaeology, vol. 1, no 3,‎ , p. 247-268.
  11. Saint-Périer 1927, p. 257-273.
  12. Stordeur-Yedid 1979, p. 62.
  13. Saint-Périer 1927, p. 275.
  14. Beaune 1987, p. 51.
  15. Beaune 1987, p. 48.
  16. Saint-Périer 1927, p. 272-273.
  17. Saint-Périer 1927, p. 272-273. Cité dans Beaune 1987, p. 206.
  18. Saint-Périer 1927, p. 272.
  19. Saint-Périer 1927. Cité dans Beaune 1987, p. 13, 34.
  20. Saint-Périer 1927, p. 239.
  21. Saint-Périer 1927, p. 268-270.
  22. a b c d et e Saint-Périer 1927, p. 270.
  23. Saint-Périer 1927, p. 266.
  24. Dorothy Garrod, « Traits de silex sur phalanges de Cheval paléolithiques », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 22, no 11,‎ , p. 295-296 (lire en ligne), p. 296.