Gouvernance partagée

Le terme générique de gouvernance partagée regroupe plusieurs modes de structuration des prises de décisions et de leur mise en œuvre dans une organisation ou un collectif, visant à réduire ou à supprimer la concentration des pouvoirs entre les mains d'un petit nombre de personnes, pour les répartir parmi celles qui réalisent le travail. Selon Aurore Birmont[1], il s’agit d’un mode de gouvernance reposant sur la volonté de privilégier les relations de coopération et de développer l’autonomie des membres (ce qui va avec plus de responsabilité). Elle n’est pas nécessairement synonyme de « gouvernance horizontale ».

Horizontalité et gouvernance partagée modifier

Pour d’autres auteurs cependant, la gouvernance partagée vise à faire émerger une horizontalité dans la prise de décisions[2], généralement dans un objectif de mutualisation[3], de bien commun[4] et d'intérêt général[5] et ceci pour certains auteurs en veillant à éviter toute discrimination sexuelle[6], sociale ou linguistique, notamment vis-à-vis des minorités[7]. Les différentes formes de gouvernance envisagées s'appuient sur la confiance en la capacité de chacun à s’orienter et à prendre des décisions par soi-même dans son domaine d’action[8].

Selon Olivier Pastor, membre de l'Université du Nous entre 2011 et 2014, l’horizontalité « ne doit pas se comprendre uniquement comme une remise en cause des rapports hiérarchiques. Elle correspond aussi à un autre mode de management, davantage tourné vers l’animation d’équipes, les rapports humains et la responsabilisation plutôt que le contrôle et la surveillance »[9].

Périmètre et parties prenantes - variantes formalisées modifier

Le terme « gouvernance » renvoie à l’exercice du pouvoir, le terme « partagé » renvoie au fait de le répartir parmi plusieurs protagonistes (souvent qualifiés de parties prenantes).

Certaines variations de gouvernance partagée sont formalisées, d’autres non. En tant que variation formalisée, il est possible de citer la sociocratie, la gouvernance cellulaire ; en tant que variation non formalisée, citons l’entreprise libérée et l'entreprise opale[2]. En France, l’Université du Nous[10] - UdN, nomme "gouvernance partagée" son expérience de partage du pouvoir depuis 2011[1]. L'UdN participe à développer la notoriété de la gouvernance partagée, via ses séminaires et ses ressources libres. L'échelle de gouvernance partagée peut être locale, celle d'une entreprise ou d'un état et inclure parmi les sujets des enjeux plus ou moins globaux tels que l'environnemental[11],[12], le social, la santé ou la sécurité et la paix[13] ou diverses ressources informationnelles (information géographique par exemple[14]).

En langue française, un MOOC sur la gouvernance partagé est proposé par le mouvement citoyen Colibris[15] et l'Université du Nous.

Selon le Mouvement Impact France[1], « la gouvernance partagée vise l’engagement de l’ensemble des acteurs de l’organisation dans la décision, et implique une redistribution du pouvoir et de la responsabilité. Les décisions se font au niveau pertinent le moins élevé possible, avec la participation des acteurs directement concernés (subsidiarité et décentralisation) et dont les avis sont reconnus comme équivalents (principe d’équivalence). ».

Entreprises et sociétés à gouvernance partagée modifier

Des modèles entrepreneuriaux tels que la SCOP, l'entreprise libérée ou l'entreprise à mission (pour la France) existent, mais des économistes tels que Gaël Giraud en pointent les limites dans un contexte de la libéralisation[16]. Il propose, en seconde proposition, de faire évoluer les sociétés à mission et les SCOP pour y garantir un équilibre du pouvoir entre les salariés et les actionnaires, et pour cela de créer un nouveau statut de « Société à gouvernance partagée » qui introduirait de la bonne gouvernance sociale, par exemple en permettant aux parties prenantes de siéger, à parité, dans le conseil d'administration[17]. Ces trois parties prenantes sont les représentants des salariés, les représentants des actionnaires, et les représentants de la société civile et autres parties prenantes entourant l'entreprise dans le projet qui lui donne sens[17].

Critiques modifier

Bernard Marie Chiquet consultant en holacratie reproche à la gouvernance partagée de se focaliser sur le développement de la coopération et d'être trop consensuelle, impliquant une dilution des responsabilités, des réunions longues et parfois laborieuses, et une difficulté ou incapacité à prendre des décisions[18].

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a b et c Aurore Birmont, La gouvernance démocratique dans l’ESS, Paris, Démocratie ouverte, , 43 p. (lire en ligne)
  2. a et b Grosjean et Carbonnel, « Conditions d’appropriation de la gouvernance partagée dans une structure bureaucratique », Revue des conditions de travail, vol. 12,‎ , p. 62-74 (lire en ligne).
  3. Steckel-Assouère, Marie-Christine Regards croisés sur les mutations de l'intercommunalité : actes du colloque international organisé les 30 et 31 mai 2013 à l'Université de Lorraine par le GRALE-CNRS, l'IRENEE et l'AdCF 2014 - L'Harmattan 477 p. |URL=https://www.torrossa.com/gs/resourceProxy?an=4883877&publisher=FZ2990#page=254
  4. Gilles Caire, La renaissance des communs : pour une société de coopération et de partage, David Bollier. Editions Charles Léopold Mayer, traduit de l’américain, 2014, 240 pages, (ISSN 1626-1682, DOI 10.7202/1028538ar, lire en ligne), p. 118.
  5. Lévesque, B. (2007). Une gouvernance partagée et un partenariat institutionnalisé pour la prise en charge des services d'intérêt général. CRISES, Centre de recherche sur les innovations sociales. https://depot.erudit.org/bitstream/001590dd/1/ET0701.pdf
  6. Dominique Masson, « Gouvernance partagée, associations et démocratie : les femmes dans le développement régional », Politique et Sociétés, vol. 20, nos 2-3,‎ , p. 89–115 (ISSN 1203-9438 et 1703-8480, DOI 10.7202/040276ar, lire en ligne, consulté le ).
  7. Cardinal, L., Lang, S., & Sauvé, A. (2005) Apprendre à travailler autrement: la gouvernance partagée et le développement des communautés minoritaires de langue officielle au Canada. Ottawa, Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques |URL=https://socialsciences.uottawa.ca/crfpp/sites/socialsciences.uottawa.ca.crfpp/files/rapport_gouvernance_12-2005.pdf.
  8. Luc Bretones, « La Gouvernance Partagée, Nouveau Mode De Management ? », sur Forbes France, (consulté le ).
  9. Communauté des Entreprises à Mission. Groupe de travail 5, Société à mission et management. En quoi la mise en place d’une mission interroge les pratiques managériales?, Paris, , 33 p. (lire en ligne), p.24
  10. « Université du Nous - Faire ensemble autrement - Gouvernance Partagée », sur SCIC Université du Nous (consulté le )
  11. ex : Borrini-Feyerabend, G., & Hamerlynck, O. (2010). Réserve de biosphère transfrontière du Delta du Sénégal: proposition de gouvernance partagée |URL=https://www.iucn.org/sites/dev/files/import/downloads/proposition_gouvernance_partagee_rbtds_22_june_final_pour_impression.pdf.
  12. En gouvernance partagée! : un guide pratique pour les aires marines protégées en Afrique de l’Ouest, IUCN (ISBN 978-2-8317-1232-1, lire en ligne).
  13. Moulaye, Z., & Niakaté, M. (2011). Gouvernance partagée de la sécurité et de la paix. L’expérience Malienne |URL=https://library.fes.de/pdf-files/bueros/nigeria/08952.pdf
  14. Jean-Raphaël Gros-Désormeaux, Maurice Burac et Jean-Christophe Rouillé, Gouvernance partagée de l'information géographique, (lire en ligne).
  15. Denis CRISTOL, Oser les pédagogie numériques à l'école: Enjeux et exemples pratiques, ESF Sciences humaines, (ISBN 978-2-7101-3714-6, lire en ligne), p. 192-sq.
  16. « Le cas Danone... un cas politique »   [Thomas Legrand], sur France Inter, (consulté le )
  17. a et b « 12 mesures pour 2022 (intégral ⇒ positionner le curseur à 04:05, chapitre 3 : Assurer un équilibre du pouvoir entre les salariés et les actionnaires en renforçant le statut de l’entreprise à mission) - Gaël Giraud » (consulté le ).
  18. « Gouvernance partagée : solution d’avenir ou voie sans issue ? », sur HBR, (consulté le ).