Germain Poirier

moine de la congrégation de Saint-Maur, garde des archives des abbayes de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Près, sous-bibliothécaire de l'Arsenal, membre de l'académie des inscriptions et belles-lettres

Dom Germain Poirier est un moine de l'ordre de Saint-Benoît de l'abbaye de Saint-Denis, garde des archives des abbayes de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Près, membre de l'académie des inscriptions et belles-lettres, né à Paris le , et mort à Paris, à l'Arsenal, le (à 79 ans).

Bibliographie modifier

Germain Poirier a fait ses études au collège de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois au noviciat de Saint-Faron de Meaux en 1739 où il a fait profession de foi dans l'ordre de Saint-Benoît, le , et est admis dans la congrégation de Saint-Maur. Après avoir fini ses études ordinaires, il a été jugé trop jeune pour recevoir les ordres et a été envoyé à l'abbaye de Ferrières pour enseigner les humanités à des externes. Il a reçu l'ordre de prêtrise des mains de l'archevêque de Paris en 1748. Il est ensuite admis à enseigner la philosophie et la théologie pendant dix années dans les principales abbayes de France et de Bourgogne[1]. Dans les querelles du jansénisme et du molinisme qui semaient le trouble dans tous les corps ecclésiastiques, il a publié, alors qu'il n'a qu'une vingtaine d'années, un traité demandant à ses élèves de se soumettre à l'autorité de l'Église, sans insulter et damner ses adversaires. Il est rapidement sorti de ces querelles en devenant secrétaire du visiteur général de la province de France. Cette activité lui a permis les bibliothèques des différents monastères visités, à fouiller dans les chartriers[2].

Quand le travail de secrétaire auprès du visiteur général, il a demandé à être nommé garde des archives de l'abbaye de Saint-Denis. Il garde les archives de l'abbaye entre 1745 et 1765[3]. Il a pu en extraire et inventorier un très grand nombre d'actes de toute espèce et de les classer dans un meilleur ordre. Ce travail lui a permis de participer au « Recueil des historiens des Gaules et de la France », vers 1762, à l'abbaye Saint-Germain-des-Près. Ce Recueil, qui avait été commencé par dom Martin Bouquet et publié les neuf premiers volumes, a permis de rassembler dans un seul corps tous les titres originaux l'histoire de France trouvés dans les chartriers et les bibliothèques. Il a pu travailler sur le dixième et onzième volumes. Le onzième volume est publié en 1767. En 1763, le chancelier Lamoignon l'a associé au recueil des historiens de France[4].

En 1765, il signe un requête présentée au roi[5] dans laquelle un grand nombre de religieux de l'abbaye de Saint-Germain-des-Près demandaient un changement de régime qui auraient fait perdre à la congrégation au profit des auteurs des troubles une partie des riches bénéfices qu'elle possédait. Cette requête est rejetée par le roi et tous les auteurs de la requête sont dispersés dans les différentes maisons de la congrégation[6]. En considération de son travail, dom Poirier a eu la faculté de rester à l'abbaye de Saint-Germain-des-Près, mais il a préféré quitter la congrégation en 1767 et a obtenu des bulles d'abbé in partibus, puis sa translation dans la congrégation des bénédictins d'Alsace. Il a souhaité prendre avec lui les documents qu'il avait rassemblés mais le supérieur général s'y est opposé et les a confiés à dom François Clément, auteur de L'Art de vérifier les dates, aidé de dom Joseph Brial qui ont publié les douzième et treizième volumes en 1786. Dom Joseph Brial a continué la publication de ces volumes sur ordre du gouvernement après 1793 et a publié les volumes quatorze à dix-huit de 1806 à 1822. La publication de ce Recueil s'est terminée en 1876 avec le volume XXIII[7].

Germain Poirier a rapidement regretté son nouvel état et a demandé sa réintégration dès 1772, puis a repris les habits de l'ordre de Saint-Benoît dans l'abbaye Saint-Faron de Meaux, puis à Argenteuil, où il s'est intéressé à la botanique Vers 1780, il est nommé garde des archives de l'abbaye de Saint-Germain-des-Près. À la demande du garde des sceaux Lamoignon, dom Poirier a dressé à la fin de 1787 la liste des « principaux ouvrages relatifs à l'histoire de France composés par les religieux de la congrégation de Saint-Maur »[8].

Il est nommé parmi les huit premiers membres associés libres résidents à l'académie royale des inscriptions et belles-lettres en 1785, et fin 1786, le roi lui accorde le droit de suffrage pour les élections[9].

Le , l'Assemblée constituante a supprimé la congrégation de Saint-Maur[10]. Il est tout spécialement chargé avec Louis-Georges de Bréquigny de veiller à la constitution des archives de district et de faire un rapport à ce sujet ce dont il s'acquitta le . En , il a dû quitter la congrégation de Saint-Maur et l'abbaye de Saint-Germain-des-Près pour la maison de réunion de Saint-Denis où les moines devaient attendre les décisions de l'Assemblée législative les concernant. Il a été ensuite chargé d'une mission de garde des imprimés et des manuscrits se trouvant dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Près abandonnée et courut des dangers pendant les massacres de septembre 1792. Le , les fours à salpêtre installés dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Près y provoquèrent un incendie. La bibliothèque a été entièrement consumée et il a passé son temps à mettre en sécurité les manuscrits dont il avait la garde et à rédiger un catalogue. Si tous les imprimés avaient été brûlés, tous les manuscrits de l'abbaye ont été épargnés. Il les a fait transférer à la Bibliothèque nationale à la fin de 1795 et pendant les premiers mois de 1796[11].

L'Assemblé constituante a créé une commission conservatrice des monuments chargée d'assurer la préservation des biens cultures. Germain Poirier est membre de cette commission et a veillé à la préservation de son ancienne abbatiale. Avant la démolition de l'abbatiale, il a participé au transfert des tombeaux de la famille de saint Louis de l'abbatiale de Royaumont à l'abbatiale de Saint-Denis.

Le , le citoyen Mousset, Commissaire du domaine national, lui avait donné les clés de la bibliothèque de l'émigré Charles-Philippe Capet, ci-devant comte d'Artois. Ce dernier avait acheté cette bibliothèque à Antoine-René d'Argenson, marquis de Paulmy, par un acte du . Cette bibliothèque devenue publique a été le noyau de la bibliothèque de l'Arsenal.

Il apparaît dans les états comme sous-bibliothécaire de l'Arsenal à partir de fructidor an IV () où il meurt le . Cette nomination est confirmée par un décret du Directoire du 9 floréal an IV () avec comme bibliothécaire Hubert-Pascal Ameilhon, et sous-bibliothécaires les citoyens Poirier et Ameilhon jeune. Il a été conservateur de la Bibliothèque nationale[12]. À la bibliothèque de l'Arsenal il a fait la séparation entre les imprimés et les manuscrits, a groupé les documents par classe et rédigé de courtes notices.

Il a été élu, le , membre de la classe des sciences morales et politiques (section histoire), puis nommé par l'arrêté du membre de la classe d'histoire et de littérature ancienne (siège XV) de l'Institut.

Dans la notice sur la vie de Germain Poirier, Bon-Joseph Dacier écrit qu'il l'a initié à la connaissance de la diplomatique et des monuments d'histoire de France.

Publications modifier

  • « Examen des différentes opinions des historiens anciens et modernes sur l'avènement de Hugues Capet à la Couronne », dans Mémoires de littérature, tirés des registres de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres depuis l'année 1784 jusques et y compris l'année 1793, Imprimerie impériale, 1808, tome 50, p. 553-584 (lire en ligne)
  • Tableau général, raisonné et méthodique des ouvrages contenus dans le recueil des Mémoires de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, depuis sa naissance jusques et compris l'année 1788 , servant de supplément aux tables de ce recueil, imprimerie de Pierre Didot l'aîné, Paris, 1791 (lire en ligne)
  • avec Félix Vicq-d'Azyr, Instruction sur la manière d'inventorier et de conserver, dans toute l'étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l'enseignement, publié par Wentworth Press, 2018, (ISBN 978-0-34122637-6)
  • Extraction des cercueils royaux à Saint-Denis en 1793. Relation authentique, publié par Georges d'Heylli, chez Jouaust/Chez Rouquette, Paris, 1866 (lire en ligne)
  • Papiers du bénédictin Dom Germain Poirier sur l'histoire de France, l'histoire de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, etc. Notes et papiers personnels de dom Poirier ; Commissions des Monuments, des Arts, etc. Observations sur les archives des établissements ecclésiastiques, manuscrit Français 20842 (lire en ligne)
  • Archives des Dépôts littéraires, tome 1

Il a collaboré au tome XI de l' Histoire des Gaules, au Recueil des chartes et diplômes du royaume et à L'art de vérifier les dates.

Notes et références modifier

  1. Faits de la cause, 1772, op. cité, p. 6.
  2. Bon-Joseph Dacier, op. cité, p. 4-5.
  3. Charles de Franqueville, Le premier siècle de l'Institut de France : 25 octobre 1795-25 octobre 1895, J. Rothschild éditeur, 1895, tome 1, p. 135 (lire en ligne)
  4. Faits de la cause, 1772, op. cité, p. 8.
  5. Dom P. Anger, « Les mitigations demandées par les moines de Saint-Germain-des-Prés en 1765 », dans Revue Mabillon, archives de la France monastique, mai 1908, p. 196-230 (lire en ligne)
  6. Faits de la cause, 1772, op. cité, p. 9.
  7. Dom P. Denis, « Dom Pierre Guarin et le chanoine Masclef », dans Revue Mabillon, archives de la France monastique, mai 1908, p. 163, note 5 (lire en ligne)
  8. Madeleine Laurain, « Les travaux d'érudition des Mauristes : origine et évolution », dans Revue d'histoire de l'Église de France, 1957, no 140, p. 231-271 (lire en ligne)
  9. Bon-Joseph Dacier, Histoire de l'académie royale des inscriptions et belles-lettres, Imprimerie impériale, 1809, tome 57, p. 17 (lire en ligne)
  10. La congrégation de Saint-Maur comptait alors 1652 profès, 20 convers et 27 commis stabilisés, soit 1699 religieux (Pierre Gasnault, « Motivations, conditions de travail et héritage des bénédictins érudits de la Congrégation de Saint-Maur », dans Revue d'histoire de l'Église de France, 1985, no 186, p. 13-23).
  11. François Rousseau, op. cité, p. 83.
  12. Louis Grodecki, Les vitraux de Saint-Denis (Corpus vitrearum Études volume 1), Centre national de la recherche scientifique/Arts et métiers graphique, Paris, 1976, p. 39, (ISBN 2-222-01941-9)

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • M. de Vaucansson, avocat général, Claude-Christophe Courtin, avocat, Faits de la cause pour Dom Jacques Précieux, abbé régulier de l'abbaye de Karents, ordre de S. Benoît, diocèse de Verden; et pour Dom Germain Poirier, abbé régulier de l'abbaye de la Grand'Croix, ordre de S. Benoît, diocèse de Nicosie, demandeurs, contre M. L'archevêque de Paris, défendeur, 1772 (lire en ligne)
  • Bon-Joseph Dacier, Notice historique sur la vie et les ouvrages de Germain Poirier, membre de l'Institut national lue dans la séance publique du vendredi 2 germinal an XII, Imprimerie de la République, An XII-1804 (lire en ligne)
  • Louis Ferdinand Alfred Maury, Les académie d'autrefois. L'ancienne Académie des inscriptions et belles-lettres, Librairie académique Didier et Cie, Paris, 1864, p. 165, 171, 390, 397, 448 (lire en ligne)
  • François Rousseau, Un ancien bénédictin sous-bibliothécaire à l'Arsenal pendant la Révolution, dans Bulletin de la Société d'histoire de Paris et de l'Île-de-France, 1925, p. 82-84 (lire en ligne)
  • Léon Deries, « Un grand sauveteur de documents historiques : l'ancien bénédictin dom Germain Poirier », dans Revue Mabillon, archives de la France monastique, t. XIX, 1930, p. 50-67 (lire en ligne)
  • H. Dufresne, « Une vocation historique : Dom Germain Poirier. 1724-1803 », dans Bulletin des bibliothèques de France, 1956, no 11, p. 755-766 (lire en ligne)

Liens externes modifier