Fourches patibulaires

gibet constitué de colonnes de pierre
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Les fourches patibulaires[1] étaient un gibet constitué de deux colonnes de pierres ou plus sur lesquelles reposait une traverse de bois horizontale. Placées en hauteur et bien en vue du principal chemin public, elles signalaient le siège d'une haute justice et le nombre de colonnes de pierre indiquait le titre de son titulaire.

Fourches patibulaires sur une colline, après 1480.

Les condamnés à mort étaient pendus à la traverse de bois et leurs corps étaient laissés sur le gibet pour être exposés à la vue des passants et dévorés par les corneilles (corbeaux, selon plusieurs chansons).

L’expression « fourches patibulaires » s’écrit habituellement au pluriel bien qu’on la retrouve parfois au singulier.

Étymologie

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Du latin patibulum (« croix », « potence », « perche »).

L'origine du terme de fourches patibulaires remonte à la fourche utilisée par les Romains pour châtier les esclaves. Après l'avoir dépouillé de ses habits, on faisait passer la tête de l'esclave dans une fourche, on attachait son corps au même morceau de bois pour le battre à coup de verges[2].

Il ne faut pas confondre les fourches patibulaires avec les échelles patibulaires ou les signes patibulaires[3].

 
Les piliers de justice (fourches patibulaires) du château de Kerjean (Finistère).

Histoire

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Les colonnes de justice de Kergroadez en Plourin (Finistère).

Les fourches patibulaires sont apparues au début du XIIe siècle[réf. nécessaire] . En Touraine les fonds ecclésiastiques et les chartriers attestent leur présence à partir du XIIIe siècle[4]. Les plus célèbres étaient celles de la prévôté de Paris : le gibet de Montfaucon, à la porte de Paris (au nord-est de la ville d'alors, proche de l'emplacement actuel de la place du Colonel-Fabien). Ce gibet avait été installé sous Philippe le Bel à l'instigation de son ministre et conseiller, Enguerrand de Marigny, qui y fut lui-même pendu après la mort de Philippe le Bel.

Les fourches patibulaires étaient en général placées sur une hauteur, hors des villes, bourgs et villages, et ordinairement près d'un grand chemin et dans un lieu bien exposé à la vue des voyageurs afin d'inspirer au peuple l'horreur du crime.

Malgré le caractère macabre de ces constructions et la mauvaise odeur qui s’en dégageait, le voisinage des fourches patibulaires était souvent garni de cabarets, car les pendaisons étaient un spectacle très couru au Moyen Âge[5] (vestige d'un cabaret à Creuë).

Fourches patibulaires et niveau de justice

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Les hauts justiciers devaient en principe posséder des fourches patibulaires "tant pour signe et marque de leur haute-Justice que pour l'exécution d'icelle"[6].

Mais un traité plus ancien, le Grand Coutumier de France précise que "Toutesfois, plusieurs haults justiciers n'ont fors fourches, mais pour ce ne peult mie le droit de leur justice estre apetissé"[7], et même que "Celuy qui a moyenne justice a puissance de pendre sans trainer, et ne peult avoir que fourches à deux pilliers dont les liens sont dedens"[8].

Nombre de piliers des fourches patibulaires

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Le nombre des piliers de justice des fourches patibulaires variait selon la qualité des seigneurs qui les construisaient : seul le roi pouvait en avoir autant qu’il voulait, et en principe les ducs en avaient huit, les comtes six, les barons quatre, les châtelains trois et les simples gentilshommes hauts justiciers deux[9]. Cette règle générale a toutefois connu de nombreuses exceptions, et variait notamment selon le droit coutumier des différentes provinces et selon l'histoire de chaque seigneurie, par exemple :

  • En 1496, Charles VIII permet au "doyen et chappitre de l'eglise d'Angiers", hauts-justiciers en leur seigneurie du Plexis-au-Gramaire, d'y réédifier leurs fourches patibulaires à quatre piliers[10].
  • En 1696, lorsque Louis-Auguste de Bourbon, fils légitimé de Louis XIV, duc du Maine, érige en comté la terre de Garnerans, il permet au Comte d'élever des fourches patibulaires à quatre piliers[11].
  • En 1719, lorsqu'il érige Cons-la-Grandville en marquisat jouissant de haute justice, le duc de Bar, Léopold Ier ne lui accorde pourtant que des fourches patibulaires à quatre piliers[12].
  • Dans une édition de 1762, le Traité des fiefs sur la Coutume de Poitou stipule que les Comtes, Vicomtes ou Barons peuvent avoir et tenir des fourches patibulaires à quatre piliers[13].
  • Dans une tentative de synthèse, le Traité des justices de seigneur et des droits en dépendants (1764), mentionne que "La plus grande partie des Coûtumes qui font mention des droits attribués au Seigneur d'une terre érigée en Comté, lui donne le droit d'avoir une justice patibulaire à six piliers [...] quoique d'autres Coûtumes décident que la Justice patibulaire du Comte ne doit avoir que quatre piliers"[14]. Toutefois, lorsque le titre de la seigneurie évolue, le nombre de piliers autorisés tend à demeurer inchangé : "[...] pilliers ; selon leurs titres et possession immemoriale. Et n'est besoin pour ce regard, aucune chose innover ou rechercher, ains laisser les choses en tel estat qu'elles sont, pour éviter à infini procez."[15].

Le haut justicier doit obtenir l'autorisation du roi pour faire édifier de nouvelles fourches patibulaires, ou pour les reconstruire si elles sont tombées ou détruites depuis plus d'un an et un jour[6].

Principe

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Selon Anne Lafran, thèse citée par Cécile Voyer, du Centre d'études supérieures de civilisation médiévale, la pendaison et l'éventration (par les corbeaux) rappellent la Mort de Judas[16].

L'Évangile selon Matthieu évoque un suicide par pendaison, et l' Évangile selon Luc une éviscération. Ces deux versions se retrouvent dans la littérature du XIIe siècle.

Selon l'étude des fourches de Paris, les corps des suppliciés ne sont décrochés que le plus tardivement possible, quitte à re-pendre des pièces de corps qui se seraient détachées et auraient chuté. En effet les fourches perdent leur raison d'être dès qu'elles ne sont plus utilisées.

Selon Vincent Challet, du Centre d'études médiévales de Montpellier, d'une part les fourches sont utilisées, peut-être pas souvent, mais en tout cas ne sont pas seulement symboliques ; mais d'autre part elles s'adresseraient aux personnes venues de l'extérieur (vagabonds, aventuriers, rivaux, etc.) au contraire des piloris qui s'adresseraient aux personnes de l'intérieur de la communauté[17].

Lieux de fourches patibulaires

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Notes et références

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  1. Viollet-Le-Duc 1861, p. 553.
  2. « PATIBULAIRE : Définition de PATIBULAIRE », sur cnrtl.fr (consulté le )
  3. Denis Diderot et Jean Le Rond d'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (lire en ligne)
  4. Fabrice Mauclair, « Un objet d'histoire (presque) introuvable : les fourches patibulaires dans les sources tourangelles (XIIIe – XVIIIe siècles) », Crimino corpus, (consulté le ), p. 8-10.
  5. Viollet-le-Duc 1861, p. 560.
  6. a et b Les Oeuvres de Me Jean Bacquet, avocat du Roy en la Chambre du tresor. Tome 1 (lire en ligne), page 48
  7. Jacques d'Ableiges, Le grand coutumier de France, nouv. éd. par Éd. Laboulaye,... R. Dareste, 1868, 1410 ? (lire en ligne), p. 638
  8. Jacques d'Ableiges, Le Grand Coutumier de France, nouv. éd. par Éd. Laboulaye,... R. Dareste, 1868 (lire en ligne), page 643
  9. Viollet-Le-Duc 1861, p. 554.
  10. Ordonnance des Rois de France de la troisième race, vingtième volume, Paris, (lire en ligne), p. 534
  11. La famille Cachet de Montézan des Comtes de Garnerans, Marseille, (lire en ligne), page 7
  12. Abbé A. Lecler, Généalogie de la Maison de Lambertie, Limoges, (lire en ligne), page CXV
  13. Traité des fiefs sur la Coutume de Poitou, (lire en ligne), page 243
  14. Traité des justices de seigneur et des droits en dépendants, (lire en ligne)
  15. Les Oeuvres de Me Jean Bacquet, avocat du Roy en la Chambre du tresor. Tome 1 (lire en ligne), page 49
  16. Cécile Voyer, « Fourches patibulaires et corps suppliciés dans les enluminures des XIVe – XVe siècles », sur Criminocorpus, (ISSN 2108-6907, consulté le ).
  17. Vincent Challet, « Les fourches sont-elles vraiment patibulaires ? Les fourches et leur contraire à partir de quelques exemples languedociens », sur Criminocorpus, (ISSN 2108-6907, consulté le ).

Annexes

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Bibliographie

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  • Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, t. 5, Paris, Bance, (lire en ligne).
  • Mathieu Vivas, (Re)lecture archéologique de la justice en Europe médiévale et moderne : actes du colloque international tenu à Bordeaux les 8-10 février 2017, Pessac, Gironde, Ausonius,
  • Martine Charageat, Bernard Ribémont, Mathieu Soula et Mathieu Vivas, Résister à la justice : XIIe – XVIIIe siècles, Classiques Garnier,

Émissions et reportages

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Article connexe

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