Fonction conjuguée

En mathématiques, et plus précisément en analyse convexe, la fonction conjuguée est une fonction construite à partir d'une fonction réelle définie sur un espace vectoriel , qui est utile :

La fonction conjuguée de est le plus souvent notée . C'est une fonction convexe, même si ne l'est pas, définie sur les pentes, c'est-à-dire sur les éléments de l'espace vectoriel dual de . La définition est motivée et précisée ci-dessous.

L'application est appelée transformation de Fenchel ou transformation de Legendre ou encore transformation de Legendre-Fenchel, d'après Adrien-Marie Legendre et Werner Fenchel.

Connaissances supposées : l'algèbre linéaire, le calcul différentiel, les bases de l'analyse convexe (notamment les principales notions attachées aux ensembles et aux fonctions convexes) ; le sous-différentiel d'une fonction convexe n'est utilisé que pour motiver la définition de fonction conjuguée.

Motivations

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La complexité apparente du concept de fonction conjuguée requiert d'en motiver la définition.

Convexification de fonction

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Par définition, une fonction est convexe si son épigraphe est convexe. Convexifier une fonction   consiste à déterminer la plus grande fonction convexe, disons fermée, minorant  . En termes d'épigraphe, cela revient à trouver le plus petit convexe fermé contenant l'épigraphe de  , c'est-à-dire à prendre l'enveloppe convexe fermée de l'épigraphe

 

Comme toute enveloppe convexe fermée, celle de   est l'intersection de tous les demi-espaces fermés contenant  , c'est-à-dire d'ensembles de la forme

 

 . Il est facile de voir que lorsque   contient un épigraphe, on doit avoir  . Il est plus fin de montrer que, dans l'expression de l'enveloppe convexe fermée de   comme intersection des  , on peut ne garder que les demi-espaces avec  . Or ceux-ci sont les épigraphes des minorantes affines de   de la forme

 

Résumons. Comme on pouvait s'y attendre, la convexifiée fermée de   est l'enveloppe supérieure de toutes les minorantes affines de  . Parmi les minorantes affines   ayant une pente   fixée, on peut aussi ne garder que celle qui est la plus haute, c'est-à-dire celle qui a le plus grand  . Il faut donc déterminer le plus grand   tel que

 

On voit clairement que la plus petite valeur de   est donnée par

 

C'est la valeur de la conjuguée de   en  . On s'intéresse à   plutôt qu'à   pour définir   dans le but d'obtenir ainsi une fonction conjuguée convexe.

Voie d'accès au sous-différentiel

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Dans cette section, nous montrons l'intérêt du concept de fonction conjuguée comme un outil permettant de calculer le sous-différentiel d'une fonction convexe.

Le sous-différentiel   d'une fonction convexe   en   est l'ensemble des pentes des minorantes affines de   (i.e., des fonctions affines qui minorent  ), qui sont exactes en   (i.e., qui ont la même valeur que   en  ). Pour   donné, il n'est pas toujours aisé de spécifier toutes les minorantes affines exactes en  . Il est parfois plus facile de se donner une pente   de minorante affine   et de chercher les points auxquels elle peut être exacte par modification de  . De ce point de vue, on cherche le plus grand   tel que

 

On voit clairement que la plus petite valeur de   est donnée par

 

C'est la valeur de la conjuguée de   en  . On s'intéresse à   plutôt qu'à   pour définir   dans le but d'obtenir ainsi une fonction conjuguée convexe. Revenons au problème que nous nous posions au début de ce paragraphe : si   est solution du problème de maximisation ci-dessus, alors   pour tout   ou encore

 

Ces inégalités montrent que   est une minorante affine de  , exacte en  .

Fonction définie sur un espace euclidien

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On suppose dans cette section que les fonctions sont définies sur un espace vectoriel euclidien   (de dimension finie donc), dont le produit scalaire est noté   et la norme associée  .

On note

  •   l'ensemble des fonctions définies sur   à valeurs dans   qui sont convexes (i.e., leur épigraphe est convexe) et propres (i.e., elles ne prennent pas la valeur   et ne sont pas identiquement égales à  ),
  •   la partie de   formée des fonctions qui sont aussi fermées (i.e., leur épigraphe est fermé).

La conjuguée et ses propriétés

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On a choisi de désigner par   l'argument de   pour se rappeler qu'il s'agit d'une pente (slope en anglais), c'est-à-dire un élément de l'espace dual de  , ici identifié à   via le produit scalaire.

Fonction conjuguée — Soit   une fonction (non nécessairement convexe). Sa fonction conjuguée est la fonction   définie en   par

 

L'application   est appelée transformation de Legendre-Fenchel.

On s'intéresse ci-dessous à la convexité et au caractère propre et fermé de la conjuguée  . La convexité de   est une propriété remarquable de la conjuguée, puisqu'on se rappelle que   n'est pas nécessairement convexe.

Conjuguée convexe fermée — Quelle que soit  , sa conjuguée   est convexe et fermée. Par ailleurs, on a les équivalences suivantes

 

 

Enfin, les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1.   est propre et a une minorante affine,
  2.   est propre,
  3.  .

On se rappellera qu'une fonction convexe et propre a nécessairement une minorante affine ; elle vérifie donc les propriétés du point 1 ci-dessus, si bien que

 

La biconjuguée et ses propriétés

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On peut bien sûr appliquer la transformation de Legendre-Fenchel à la fonction conjuguée   ; on obtient ainsi la biconjuguée de  , notée  .

Fonction biconjuguée — Soit   une fonction (non nécessairement convexe). Sa fonction biconjuguée est la fonction   définie en   par

 

  est la conjuguée de  .

Le caractère convexe, fermé et propre de la biconjuguée est examiné dans le résultat suivant.

Biconjuguée convexe fermée — Quelle que soit  , sa biconjuguée   est convexe et fermée. Par ailleurs, les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1.   est propre et a une minorante affine,
  2.  .

Si l'argument   de   est une pente (identifiée à un élément de  ), l'argument   de   est dans l'espace de départ  . On peut alors se demander s'il y a un lien entre   et  . La proposition suivante examine cette question. On y a noté  , la fermeture de  .

Enveloppe convexe fermée — Soit   une fonction propre ayant une minorante affine. Alors

  1.   est l'enveloppe supérieure des minorantes affines de  ,
  2.  ,
  3.  ,
  4. la transformation de Legendre-Fenchel   est une bijection sur l'ensemble  .

Ce résultat permet de comparer les valeurs de   et  .

Comparaison de   et   — Quelle que soit la fonction  , on a

 

Si   et  , alors

 

Si on prend la conjuguée de la biconjuguée, on trouve la conjuguée. Il n'y a donc pas de notion de triconjuguée.

Pas de triconjuguée — Soit   une fonction propre ayant une minorante affine. Alors  .

Règles de calcul de conjuguée

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Inf-image sous une application linéaire

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Rappelons la définition de l'inf-image d'une fonction sous une application linéaire. On se donne deux espaces euclidiens   et   (on aura besoin ici d'un produit scalaire sur   et  , alors que cette structure n'est pas nécessaire dans la définition de  ), une fonction   et une application linéaire  . Alors l'inf-image de   sous   est l'application notée   et définie en   par

 

Conjuguée d'une inf-image sous une application linéaire — Dans les conditions énoncées ci-dessus, on a

 

Par ailleurs, si   est propre et a une minorante affine et si   vérifie

 

alors   est propre et a une minorante affine, si bien qu'alors  .

Pré-composition avec une application linéaire

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Exemples

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Soit

 

une norme sur un espace euclidien  , non nécessairement dérivée du produit scalaire   de  . On introduit la norme duale

 

et la boule-unité duale fermée

 

La fonction conjuguée   de   est l'indicatrice de la boule unité duale ; elle prend donc en   la valeur suivante

 


Considérons à présent, la puissance   d'une norme

 

Sa fonction conjuguée   prend en   la valeur suivante

 

  est le nombre conjugué de   :

 

Distance à un convexe

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Valeur propre maximale

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Annexes

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Éléments d'histoire

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La fonction conjuguée fut introduite par Mandelbrojt (1939) pour une fonction d'une seule variable réelle ; puis précisée et améliorée par Fenchel (1949) aux fonctions convexes dépendant d'un nombre fini de variables. Ce dernier introduit la notation   pour la conjuguée de  . La conjugaison généralise une transformation de fonction introduite bien plus tôt par Legendre (1787). L'extension aux espaces vectoriels topologiques est due à Brønsted (1964), Moreau (1967) et Rockafellar.

Articles connexes

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Bibliographie

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  • (en) J. M. Borwein et A. S. Lewis, Convex Analysis and Nonlinear Optimization, New York, Springer, .
  • (en) A. Brøndsted, « Conjugate convex functions in topological vector spaces. », Matematiskfysiske Meddelelser udgivet af det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab, no 34,‎ , p. 1–26.
  • (en) W. Fenchel, « On conjugate functions », Canadian Journal of Mathematics, vol. 1,‎ , p. 73–77.
  • (en) J.-B. Hiriart-Urruty et C. Lemaréchal, « Convex Analysis and Minimization Algorithms », Grundlehren der mathematischen Wissenschaften, Springer-Verlag,‎ , p. 305-306.
  • (en) J.-B. Hiriart-Urruty et C. Lemaréchal, Fundamentals of convex analysis, Berlin, Springer-Verlag, .
  • (en) A.M. Legendre, Mémoire sur l’intégration de quelques équations aux différences partielles, coll. « Mém. Acad. Sciences », , p. 309–351.
  • (en) S. Mandelbrojt, « Sur les fonctions convexes », C. R. Acad. Sci. Paris, vol. 209,‎ , p. 977-978.
  • J.J. Moreau, Fonctionnelles convexes, Collège de France, coll. « Séminaire Équations aux dérivees partielles », .
  • (en) R.T. Rockafellar, « Convex Analysis », Princeton Mathematics, Princeton, New Jersey, Princeton University Press,, 28e série,‎ .