DADA
Image illustrative de l’article DADA (revue)
Couverture du deuxième numéro de DADA.

Pays Suisse, puis France
Langue français, allemand, italien
Genre littérature, art
Fondateur Tristan Tzara
Date de fondation février 1917
Date du dernier numéro juin 1920
Ville d’édition Zurich, puis Paris

ISSN 0258-946X

DADA est une revue d'avant-garde dadaïste, dirigée depuis Zurich puis Paris, par le poète roumain Tristan Tzara. Elle compte sept numéros, publiés en six livraisons entre juillet 1917 et mars 1920. Les cinq premiers numéros sont publiés à Zurich puis, la revue suivant les déplacements de son directeur, les deux derniers numéros sont publiés depuis Paris[1].

Prenant le relais de Cabaret Voltaire, revue dirigée par Hugo Ball, les deux premiers numéros de Dada se présentent comme des « recueils littéraires et artistiques » accueillant des œuvres variées, issues des différentes avant-gardes européennes, dans une présentation soignée. C'est à partir de son troisième numéro, qui contient le « Manifeste Dada 1918 », que la revue change radicalement de ton et de format, pour devenir l'organe offensif du mouvement Dada.

Histoire modifier

Les numéros zurichois modifier

De Cabaret Voltaire à Dada, recueil littéraire et artistique (1916-1918) modifier

Dans l'éditorial de l'unique numéro de Cabaret Voltaire, Hugo Ball annonçait la volonté des dadaïstes de fonder une revue plus ambitieuse : « L'intention des artistes assemblés ici est de publier une revue internationale. La revue paraîtra à Zurich et portera le nom DADA, Dada Dada Dada Dada. », y écrit-il en 1916. Prenant tel qu'annoncé le relais de Cabaret Voltaire dont elle reprend la forme, la revue DADA paraît l'année suivante, en juillet 1917, avec des œuvres de Jean Arp, Marcel Janco, Oscar Lüthy et Otto Van Rees (en)[2].

Les deux premiers numéros de la revue sont sous-titrés « recueil littéraire et artistique ». Dans une présentation soignée, ils accueillent des œuvres diverses et se présentent « comme le refuge des différentes avant-gardes européennes[3] ». À cette heure, Dada se présente encore comme une synthèse de l'expressionnisme, du cubisme, du futurisme et des théories esthétiques de Kandinsky[4].

Fin 1917, Tristan Tzara, ayant reçu les premiers numéros de SIC demande à son directeur Pierre Albert-Birot s'il veut bien se charger de la diffusion de DADA à Paris, mais ce dernier refuse. En juin 1918, Tzara contacte Paul Dermée, en tant que principal collaborateur de Nord-Sud. À la demande de ce dernier, il accepte de le nommer « rédacteur en chef et représentant pour la France ». Ce faisant, il provoque des réactions hostiles de Pierre Reverdy, ainsi que d'André Breton et de ses amis, qui, à ce moment, reprochent à Dermée sa proximité avec Max Jacob. Étonné par ces réactions, et bien qu'il ne nourrisse aucune hostilité envers Dermée et Jacob, qu'il considère comme « un grand poète », Tzara ajourne son projet d'association et celui-ci n'aboutira pas[5].

Dada 3 (décembre 1918) modifier

À partir de son troisième numéro, en 1918, la revue devient un organe offensif du mouvement Dada. Ce numéro constitue « un tournant radical, repérable dans le format même de la revue[1]. »

« Il faut attendre le numéro 3 en décembre 1918 pour voir apparaître Dada tel qu'en lui-même », écrit François Buot, « la mention recueil littéraire et artistique a bien disparu, remplacée par directeur : Tristan Tzara. Dada 3 est un brûlot anarchiste à la typographie radicalement nouvelle[6] ». En effet, « son format double, la couverture disparaît au profit d’une page de titre » sur laquelle se trouve une reproduction d’un bois gravé de Marcel Janco et une citation inscrite en diagonale et attribuée à Descartes, « Je ne veux même pas savoir s’il y a eu des hommes avant moi »[7],[a]. Ce numéro contient surtout le Manifeste Dada 1918. En le lisant, Francis Picabia y perçoit une « communauté d’esprit entre ses propres expériences[10] » et celles de Tzara, et rejoint le mouvement.

Éditions françaises et allemandes modifier

Les numéros 3 et 4-5 existent en deux versions, l'une française, l'autre dite « allemande », en réalité mixte. Ce phénomène s'explique en raison des précautions à prendre à l'égard de la censure française en contexte de guerre. En 1918, Paul Dermée expliquait aux dadaïstes dans une lettre que pour être diffusée en France, il fallait que « ni la rédaction (même occasionnelle), ni l'illustration, ni l'administration de DADA n'ait d'attaches austro-allemandes ». Dans les éditions dites françaises, les œuvres d'artistes allemands sont remplacés par des œuvres d'artistes d'autres nationalités[11].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Georges Sebbag signale que cette « citation [est] faussement attribuée à Descartes[8]. » Pour Gérard Durozoi, cette citation qui « affirme la supériorité de l’individu sur le passé et n’importe quel héritage […] ne semble figurer dans aucune œuvre de Descartes, même si elle résume un moment de sa pensée. Mais ce nom propre, qui renvoie bien au passé, peut entrer en contradiction avec le sens même de la phrase qui lui est attribuée. […] cela prévient surtout que Dada n’en est plus à une contradiction près[9]. »

Références modifier

  1. a et b Anne Tomiche, La naissance des avant-gardes occidentales, 1909-1922, Armand Colin, coll. « Collection U », (ISBN 978-2-200-27606-5, lire en ligne), « Presse et «petites revues» », p. 125-140
  2. Dachy 2005, p. 25.
  3. Myriam Juan, Les Années folles, PUF, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 978-2-7154-0096-2, lire en ligne), « III. L’audace des avant-gardes », p. 52
  4. Henri Béhar, « Dada », sur Encyclopédie Universalis (consulté le ) : « À ses débuts, Dada ne se distinguait pas très nettement des écoles d'avant-garde à la mode. Il a fait son miel de l'expressionnisme, du cubisme, du futurisme et des théories esthétiques de Kandinsky. Davantage, il se faisait un devoir de promouvoir ces esthétiques qui, en raison de la guerre, ne pouvaient accéder au public dans leur pays d'origine. »
  5. Michel Sanouillet, Dada à Paris, Paris, CNRS Éditions, (1re éd. 1965) (ISBN 2-271-06337-X, DOI 10.4000/books.editionscnrs.8810, lire en ligne), « VI. Les débuts de Dada », p. 114
  6. François Buot, Tristan Tzara, Paris, Grasset, (ISBN 978-2-246-61001-4), p. 56
  7. Froger 2005, p. 304.
  8. Georges Sebbag, Potence avec paratonnerre: surréalisme et philosophie, Hermann, coll. « Collection Hermann philosophie », (ISBN 978-2-7056-8167-8, lire en ligne), « II. Breton logicien dormant », p. 192, note 1.
  9. Gérard Durozoi, Dada et les arts rebelles, Hazan, coll. « Guide des arts », (ISBN 2-7541-0044-X), « Revue », p. 113.
  10. Bernard Marcadé, Francis Picabia, rastaquouère, Flammarion, coll. « Grandes biographies », (ISBN 978-2-08-133030-6, lire en ligne), « 3. Tristan Tzara », p. 171
  11. Michel Sanouillet et Dominique Baudouin, Dada, réimpression intégrale et dossier critique de la revue publiée de 1917 à 1922 par Tristan Tzara, vol. II, Nice, Centre du XXe siècle, ,p. 30

Bibliographie modifier

Sources primaires modifier

  • Les sept numéros sont consultables dans leur intégralité sur https://dada.lib.uiowa.edu/collections/show/14
  • Dada, réimpression intégrale et dossier critique de la revue publiée de 1917 à 1922 par Tristan Tzara, éd. par Michel Sanouillet et Dominique Baudouin, Nice, Centre du XXe siècle, 1976 (t. I) et 1983 (t. II - appareil critique) (SUDOC 012327387) (ISBN 2-902311-19-2)
  • "Cabaret Voltaire", "Der Zeltweg", "Dada", "Le Cœur à barbe" : 1916-1922, J.-M. Place, coll. « Collection des réimpressions des revues d'avant-garde », (ISBN 2-85893-044-9)

Bibliographie critique modifier

  • [Breuil 2014] Eddie Breuil, « Dada », dans Dictionnaire des revues littéraires au XXe siècle: Domaine français, Honoré Champion, (ISBN 978-2-7453-2756-7 et 978-2-7453-3717-7, DOI 10.14375/np.9782745337177, lire en ligne), p. 188-192
  • Jean-Jacques Brochier, L'Aventure des surréalistes (1914-1940), Paris, Stock, coll. « Les grands auteurs », (lire en ligne), « Littérature et Dada », p. 97-154
  • [Dachy 2005] Marc Dachy, Dada, la révolte de l'art, Paris, Gallimard, (ISBN 2-07-031488-X)
  • [Froger 2005] Rémi Froger, « Dada », dans Dada (exposition, Centre Pompidou, Galerie 1, du 5 octobre 2005 au 9 janvier 2006), Centre Pompidou, (ISBN 2-84426-277-5), p. 304-315
  • [Dachy 2011] Marc Dachy, Dada & les dadaïsmes : rapport sur l'anéantissement de l'ancienne beauté, Gallimard, (ISBN 978-2-07-043933-1, lire en ligne)
  • [Hugnet 2013] Georges Hugnet (postface Myrtille Hugnet, édition revue, augmentée et présentée par Alexandre Mare), Dictionnaire du dadaïsme : 1916-1922, Bartillat, (ISBN 978-2-84100-517-8), « DADA (revue) », p. 149-162
  • Patrick Suter, « Les revues littéraires en 1917 », Littérature, no 188,‎ , p. 61-73 (DOI 10.3917/litt.188.0061, lire en ligne)
  • Patrick Suter, « Éditer en temps de guerre, inventer dans la pénurie. La revue Dada à Zurich (1917-1919) », Loxias-Colloques, no 8,‎ (lire en ligne)

Liens externes modifier