Bataille de Sufétula (647)

bataille entre les forces arabes musulmanes du califat rachidun et l'exarchat byzantin d'Afrique en 647
Bataille de Sufétula (647)
Description de cette image, également commentée ci-après
Photographie prise sur le site de Sbeïtla (actuelle Tunisie).
Informations générales
Date 647
Lieu Sbeïtla, Tunisie
Issue Victoire du Califat des Rachidoune
Belligérants
Empire byzantin Califat des Rachidoune
Commandants
Grégoire le Patrice Abdallah Ibn Saad
Oqba Ibn Nafi
Abd Allah ibn az-Zubayr
Forces en présence
Sources arabes :
70 000-200 000 hommes (exagération)
20 000 hommes
Pertes
Lourdes Inconnues

Conquête musulmane du Maghreb

Batailles

La bataille de Sufétula a lieu en 647, à Sufétula (actuelle Sbeïtla, en Tunisie), entre les armées de l'exarchat de Carthage, menées par Grégoire le Patrice, et les armées du califat des Rachidoune, menées par le général Abdallah Ibn Saad. La bataille se conclut par la déroute des Byzantins, et la mort de Grégoire.

Contexte modifier

Au début du VIIe siècle, l'exarchat de Carthage est dans la tourmente interne en raison d'un conflit entre la population principalement chalcédoniste et les partisans du monothélisme. En 638, une tentative de compromis entre le chalcédonisme et le monophysisme est conçue, et promue par l'empereur Héraclius.

En 642-643, les Rachidoune prennent la Cyrénaique et l'Est de la Tripolitaine, avec Tripoli. Omar ibn al-Khattab ordonne l'arrêt de l'expansion[1].

En 646, Grégoire le Patrice lance une rébellion contre l'empereur Constant II en raison du soutien de ce dernier au monothélisme, mais sans doute, aussi, en réaction à la menace que les Arabes pèsent sur l'Afrique byzantine. La révolte de Grégoire semble trouver un large soutien, non seulement parmi les populations de berbères romanisés, mais aussi parmi les berbères non-romanisés de l'intérieur[2].

En 647, le successeur d'Omar, mort en 644, Othmane ibn Affan, ordonne à Abdallah ibn Saad d'envahir l'exarchat. Les musulmans envahissent l'ouest de la Tripolitaine et s'avancent jusqu'aux limites du nord de la province byzantine de Byzacène. Grégoire, pour les arrêter, concentre ses troupes à Sufétula et fait appel à de nombreuses tribus berbères alliées[3]. Les chefs de ces tribus se mobilisèrent pour le combat en vertu des traités qui les liaient au pouvoir romain, mais aussi probablement à cause de leur christianisation depuis longtemps acquise[4].

Expédition modifier

Forces en présences modifier

Les chroniqueurs arabes estiment, exagérément[5], l'armée byzantine à 70 000, 100 000, 120 000 ou même 200 000 hommes[6], qui est commandée par Grégoire le Patrice. L'armée arabe, de 20 000 hommes[7], est commandée par Abdallah ibn Saad, qui entre en Tripolitaine au début de l'an 647. Les forces de l'exarque sont constituées à la fois de troupes byzantines, et berbères dont le nombre et l'affiliation tribale ne sont pas connus[8].

Déroulement modifier

La bataille a lieu dans les environs de Sufétula. Le lieu exact de la bataille est inconnu[9]. Les embuscades arabes ont apparemment brisé les forces de Grégoire. Les élites byzantines — qui sont décimées durant la bataille — ont blâmé les soldats berbères pour la défaite car ils auraient pris la fuite, causant la destruction des troupes d'élite byzantines[10]. La bataille est perdue par les Byzantins, Grégoire est tué, celle-ci ouvre la porte à la conquête du Maghreb.

Agapios de Manbij et certaines sources syriaques, affirment que Grégoire a survécu à la défaite, et a fui vers Constantinople, où il s'est réconcilié avec Constant II, mais la plupart des historiens modernes préfèrent le récit des chroniqueurs arabes sur sa mort dans la bataille. Les comptes arabes affirment aussi que les musulmans ont pris la fille de Grégoire, qui a combattu au côté de son père. Elle est emmenée en Égypte en tant qu'esclave, mais se serait suicidée en tombant de son chameau[3].

Conséquences modifier

Après la mort de Grégoire, les Arabes mettent à sac Sufétula et attaquent l'exarchat de Carthage, tandis que les Byzantins se retirent dans leurs forteresses. Incapables d'assaillir les fortifications byzantines et satisfaits des pillages qu'ils ont fait, les Arabes acceptent de partir en échange du payement d'un lourd tribut en or[11]. Ils auraient obtenu 2 500 000 dinars, soit 300 talents d'or[12].

Malgré la paix conclue avec les envahisseurs arabes, et la restauration des liens avec Constantinople, la domination byzantine en Afrique est ébranlée à ses racines par la rébellion de Grégoire, sa mort, et la victoire arabe. Les tribus berbères, en particulier, ont mis fin à leur allégeance à l'Empire, et la plupart, du sud de la Tunisie, semblent avoir échappé au contrôle de Carthage[13]. Ainsi, d'après Charles Diehl, la bataille de Sufétula marque « la fin, plus ou moins proche, mais inévitable, de la domination byzantine en Afrique »[14].

Notes et références modifier

  1. Charles Diehl, L'Afrique byzantine : histoire de la domination byzantine en Afrique., Paris, Ernest Leroux, , 644 p. (lire en ligne), p. 557
  2. Diehl (1896), p. 555-557.
  3. a et b Diehl (1896), p. 559.
  4. Y. Moderan, « Grégoire », Encyclopédie berbère, no 21,‎ , p. 3211–3213 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.1778, lire en ligne, consulté le )
  5. Yves Modéran, Les Maures et l’Afrique romaine (IVe – VIIe siècle), Publications de l’École française de Rome, , 900 p. (ISBN 978-2-7283-1003-6, présentation en ligne), p. 791
  6. Ibn a'tham (traduction H. Massé, p. 88) : 70 000 hommes. Al-Maliki (traduction Idris, p. 128) : 100 000 hommes; Ibn al-Athir (traduction Fagnan, RAF, t. 40, 1896, p. 358), Al Nuwayri (traduction, De Slane, JA, t. 11, 1841, p. 103, Ibn Idhari (traduction, Fagnan, t. 1, p. 4), Ibn Khaldoun (traduction, De Slane, t. 1, p. 209) : 120 000 hommes Khalifa Ibn Khayyat (cité par H. Slim, op. cit. supra intr. 5e partie note 8, p. 81) : 200 000 hommes.
  7. Diehl (1896), p. 558.
  8. (en) Walter Emil Kaegi, Muslim Expansion and Byzantine Collapse in North Africa, Cambridge University Press, , p. 126-127
  9. Kaegi (2010), p. 140-143
  10. Kaegi (2010), p. 135-139.
  11. Diehl (1896), p. 559-560.
  12. Hicham Djaït, Histoire générale de la Tunisie, t. II, Arles, Sud éditions, (ISBN 978-9-973-84421-7), p. 19
  13. Diehl (1896), p. 560-561.
  14. Diehl (1896), p. 562.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Walter Emil Kaegi, Muslim Expansion and Byzantine Collapse in North Africa, 2010. Cambridge University Press.
  • Charles Diehl, L'Afrique byzantine: histoire de la domination byzantine en Afrique (533-709), Paris, 1896.

Articles connexes modifier