Élections législatives togolaises de 2024

élections au Togo
Élections législatives togolaises de 2024
113 sièges de l'Assemblée nationale
Corps électoral et résultats
Inscrits 4 203 711
Union pour la République – Faure Gnassingbé
Sièges en 2018 59
Alliance nationale pour le changement – Jean-Pierre Fabre
Sièges en 2018 7

Les élections législatives togolaises de 2024 se déroulent le 29 avril 2024 afin d'élire les 113 membres de l'Assemblée nationale du Togo. Les toutes premières élections régionales de l'histoire du pays sont organisées simultanément.

L'Union pour la République (UNIR) du président Faure Gnassingbé détient la majorité absolue des sièges dans l'assemblée sortante. Cette dernière procède courant avril à une révision constitutionnelle qui modifie profondément les institutions du pays, qui passe d'un régime présidentiel à un régime parlementaire, la nouvelle législature étant désormais appelée à élire au suffrage indirect le président. Cette Cinquième république est vivement critiquée par l'opposition, qui y voit un stratagème de Faure Gnassingbé destiné à lui permettre de se maintenir au pouvoir.

Contexte modifier

Présidence de Faure Gnassingbé modifier

 
Faure Gnassingbé

La vie politique du Togo est dominée par l'Union pour la République (UNIR) au pouvoir. Son chef, Faure Gnassingbé, est au pouvoir depuis la mort de son père Gnassingbé Eyadéma en 2005. D'abord président par intérim, il est élu à la présidence de la république la même année, puis réélu en 2010, 2015 et 2020. Cette « démocratie dynastique » se maintient de scrutin en scrutin par la répression de l'opposition, l'opacité du décompte des voix et la modification de la constitution à son profit[1],[2].

Les précédentes élections législatives en 2018 sont boycotté par l'Alliance C14, principale formation d'opposition regroupant quatorze partis, à la suite d'irrégularités dans la préparation du scrutin et au refus du président Faure Gnassingbé d'abandonner définitivement son projet de révision constitutionnelle[3],[4]. Ce dernier ambitionne en effet de réinstaurer la limite du nombre de mandats présidentiel tout en la « remettant à zéro », lui permettant ainsi de se maintenir au pouvoir au-delà de son troisième mandat, qui s’achève en 2020[5]. La campagne est marquée par la violence de la répression à l'encontre des manifestants. Plusieurs morts dont au moins trois par balles sont a déplorer, ce qui amène le gouvernement à interdire à la mi-décembre toute marche ou rassemblement public[6]. En l'absence de réel opposants, l'UNIR conserve sa majorité absolue avec 59 sièges sur 91. Le parlement connait par ailleurs une forte hausse du nombre de députés indépendants, 18 d'entre eux décrochant un siège. L'Union des forces de changement (UFC) et quatre autres formations se partagent les quelques sièges restants[7],[8].

Malgré la majorité absolue obtenue, le scrutin est initialement considéré comme un échec relatif pour l'UNIR, qui ne parvient pas à décrocher la majorité des quatre cinquièmes des sièges nécessaires à une modification constitutionnelle par seule voie parlementaire, même en comptant sur ceux de son allié l'UFC, et ce malgré le boycott d'une grande partie de l'opposition. Le , cependant, le gouvernement parvient à faire voter à la quasi-unanimité une révision constitutionnelle permettant à Gnassingbé de se maintenir jusqu'en 2030[9]. Gnassingbé est par conséquent réélu sans surprise dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2020, avec plus de 70 % des suffrages, un résultat contesté par l'opposition qui accuse le gouvernement de fraude électorale[10],[11],[12].

Reports du scrutin modifier

Le recensement électoral en vue des élections législatives et régionales — les premières de l'histoire du pays, qui doivent ensuite permettre les premières élections des sénateurs au scrutin indirect — est organisé par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en plusieurs étapes successives à partir du 29 avril 2023, le pays se trouvant pour l'occasion divisé en trois zones de recensement. Ce dernier se révèle cependant affligé de graves dysfonctionnements qui conduisent finalement à son prolongement par le gouvernement sous la pression de l'opposition, Jean-Pierre Fabre dénonçant notamment une tentative d'organiser un recensement frauduleux[13],[14],[15]. Il se termine finalement le 14 juin avec la fin de la prorogation dans la troisième et dernière zone[16]. Courant août, le silence de la CENI sur la date d'organisation du scrutin provoque l'inquiétude de l'opposition, qui craint un report[17]. Le gouvernement est alors accusé de chercher à pousser l'opposition au boycott, ce qui permettrait au parti UNIR au pouvoir de reproduire les résultats des élections de 2018 en l'absence de réelle concurrence[18].

Le fichier électoral définitif de la CENI est finalement rendu public le 20 novembre 2023. Selon ce dernier, le recensement brut de 4 432 936 électeurs a été suivi après vérification de la radiation de 129 225 noms, pour un total final de 4 203 711 électeurs dont 1 941 315 hommes et 2 262 396 femmes, soit respectivement 46,18 et 53,82 %. Solicitée par le Togo pour réaliser un audit externe, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) le juge fiable, ouvrant ainsi la voix à la tenue du scrutin[19],[20]. Le 27 novembre 2023, cependant, Faure Gnassingbé annonce finalement le report du scrutin à la fin du premier trimestre 2024[21]. Le mandat des députés sortant s'étant achevé le 31 décembre 2023, ce report provoque une situation de vide institutionnel que dénonce l'opposition[22],[23].

La prise en compte de l'évolution démographique du pays entraine un redécoupage des circonscriptions électorales, tandis que le total des sièges passen de 91 à 113. Cette augmentation intervient à l'issue des concertations entre le gouvernement et l'opposition, qui demandaient à porter le nombre de députés à celui des communes, soit 117[24]. Après ce redecoupage le gouvernement annonce finalement le 9 fevrier la tenue des élections législatives et régionales pour le 13 avril, avant de les repousser une nouvelle fois au 20 du même mois[25], avant, le 24 février, de les décaler au 20 avril[26].

Révision constitutionnelle modifier

Courant mars, l'Assemblée nationale adopte une révision constitutionnelle qui inaugure le passage à une Cinquième République[27]. La révision modifie en profondeur la forme de l’État, qui passe d'un régime présidentiel où le président de la République est élu au scrutin direct pour un maximum de deux mandats de cinq ans et concentre le pouvoir exécutif avec un Premier ministre nommé par lui, à un régime parlementaire où le président est élu pour un mandat unique de six ans au suffrage indirect et ne possède que les pouvoirs honorifiques de chef de l’État, tandis que le Premier ministre — renommé président du Conseil des ministres et désigné par l'Assemblée sans limitation de mandats — devient le réel détenteur du pouvoir exécutif en tant que chef du gouvernement. Le texte est voté le 25 mars par 89 voix pour, une contre et une abstention, soit la majorité qualifiée des quatre cinquième exigée par la Constitution de 1992[28],[29],[30]. Les élections législatives sont repoussées à une date ultérieure le 3 avril suivant, soit la veille même du début de la campagne officielle[31].

La révision constitutionnelle suscite de vives critiques chez l'opposition, qui accuse Faure Gnassingbé d'avoir fait voter une « Constitution sur mesure » destinée à lui permettre de se maintenir indéfiniment au pouvoir. Le vote « en catimini » de la révision, alors même que celle-ci entraine une refonte complète des institutions et que le mandat des députés a officiellement pris fin le 31 décembre 2023, suscite particulièrement la controverse. L'opposition réclame la mise à référendum de la révision, qualifiée en l'état d'inconstitutionnelle[28],[30]. Après plusieurs journées de manifestations de l'opposition que le gouvernement peine à dissiper, Faure Gnassingbé ordonne le 29 mars que le texte soit soumis à une seconde lecture « au vu de l’intérêt suscité par cette loi », sans pour autant obtenir une démobilisation de l'opposition, qui poursuit ses manifestations malgré leur interdiction par le gouvernement[32],[33],[34],[35]. Le scrutin est par la suite fixé le 9 avril au 29 du même mois, avec une campagne électorale se déroulant du 13 au 27[36].

La révision est finalement adoptée en seconde lecture le 19 avril. Par rapport à la première mouture du texte, le président de la République se voit cependant élu au suffrage indirect pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois[37].

Mode de scrutin modifier

 
Bâtiment de l'assemblée à Lomé

L'Assemblée nationale est le parlement monocaméral du Togo. Elle est composée de 113 sièges pourvus pour six ans au scrutin proportionnel plurinominal de liste dans trente neuf circonscriptions de 2 à 8 sièges chacune[38].

Le scrutin se tient avec des listes fermées paritaires comprenant deux fois plus de candidats que de sièges à pourvoir, et les résultats en voix conduisent à une répartition des sièges sans seuil électoral, selon la méthode au plus fort reste[39].

La révision constitutionnelle de 2019 a augmentée la durée du mandat des députés de cinq à six ans, tout en le limitant à un maximum de deux renouvellements[40].

Campagne modifier

La période de campagne officielle débute le 13 avril[41],[42]. Un total de 2 350 candidats sont en lice[43]. Les élections législatives sont cependant boycottées par la Dynamique Mgr Kpodzro (DMK) — du nom de son dirigeant, l'évêque d'Atakpamé Philippe Kpodzro —, regroupant sept partis politiques d'opposition et sept organisations de la société civile. Jugeant toujours illégitimes le pouvoir issu des modifications constitutionnelles de 2019, le DMK refuse de participer à ce qu'il considère comme un « simulacre d'élections »[44].

Le scrutin n'est cependant pas l'objet d'un boycott de la part du reste de l'opposition, dont celle réunie depuis la présidentielle de 2020 au sein de l'Alliance nationale pour le changement (ANC), qui juge négatives les conséquences du boycott de 2018. Si la formation parvient à tenir des meetings dans la capitale Lomé, ses rassemblements sont le plus souvent interdits par le gouvernement. Dénonçant des irrégularités et des malversations dans la préparation du scrutin, son dirigeant Jean-Pierre Fabre appelle ses militants à s'inscrire massivement sur les listes électorales[45],[46]. L'opposition poursuit par ailleurs en avril les manifestations de grande ampleur organisées à l'encontre du projet de révision constitutionnelle de Faure Gnassingbé[33]. Le 23 avril, la demande de l'Église catholique de déployer des observateurs pendant le scrutin est rejetée par la Commission électorale[47].

Résultats modifier

Résultats des législatives togolaises de 2024
Parti Votes % Sièges +/–
Union pour la république UNIR
Alliance nationale pour le changement ANC
Nouvel engagement togolais NET
Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement MPDD
Parti des démocrates panafricains PDP
Mouvement des républicains centristes MRC
Convergence patriotique panafricaine CPP
Union des nationalistes pour le travail UNT
Afrique Togo écologie ATE
Parti pour la démocratie et le renouveau PDR
Cercle des leaders émergent CLE
Autres partis
Listes indépendantes
Votes valides
Votes blancs et nuls
Total 100 113   22
Abstention
Inscrits / participation 4 203 711

Notes et références modifier

Notes modifier

Références modifier

  1. « Togo: La démocratie dynastique », sur lejdd.fr (consulté le ).
  2. « Le Togo, symbole de cette Afrique de l'Ouest où on prend les mêmes et on recommence », sur France Inter, franceinter, (consulté le ).
  3. Législatives tendues au Togo
  4. Togo : Plus de 500 000 Togolais dans les rues à Lomé ce samedi
  5. Togo : la très controversée réforme constitutionnelle sera votée par référendumLemonde
  6. Législatives au Togo: les militaires votent par anticipation
  7. [1]
  8. Résultats définitifs des élections législatives au Togo
  9. Au Togo, le président Faure Gnassingbé pourra se représenter aux élections de 2020 et 2025
  10. https://www.facebook.com/RFI, « Présidentielle au Togo: la Céni annonce la victoire de Faure Gnassingbé », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  11. Houngbadji Cochimau, « Présidentielle au Togo: la Ceni donne vainqueur Faure Gnassingbé avec 72,36% », sur BENIN WEB TV, https:web.facebook.combeninwebtv, (consulté le ).
  12. « Togo : Agbéyomé Kodjo conteste sa défaite et dépose un recours devant la Cour constitutionnelle – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, jeuneafrique1, (consulté le ).
  13. (en) « Togo-Recensement dans la zone 1 : Les arguments du régime pour refuser la reprise de l'opération », sur Icilome, https:facebook.comicilomecom, (consulté le ).
  14. (en) « Togo- Reprise du recensement dans la zone 1 : La DMP appelle à une synergie d’action », sur Icilome, https:facebook.comicilomecom, (consulté le ).
  15. « Recensement électoral au Togo: «Il y a eu volonté d'organiser un recensement frauduleux» selon Jean-Pierre Fabre », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  16. Togo First, « Togo : fin du recensement électoral sur l’ensemble du territoire », sur www.togofirst.com (consulté le ).
  17. Kossi Woussou, « Calendrier électoral au Togo : inquiétudes autour du silence de la CENI », sur VOA, VOAAfrique (consulté le ).
  18. (en) « Togo-Elections régionales et législatives : UNIR veut pousser l'opposition au boycott », sur Icilome, https:facebook.comicilomecom, (consulté le ).
  19. Togo First, « Législatives et régionales : au Togo, 4,2 millions d’électeurs enregistrés sur le fichier électoral définitif », sur www.togofirst.com (consulté le ).
  20. RFI, « Togo: après audit, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) déclare fiable le fichier électoral », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  21. RFI, « Afrique Togo: élections législatives et régionales prévues d'ici à «la fin du premier trimestre» 2024 », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  22. RFI, « Législatives au Togo: «On ne peut pas aller directement à l’élection, il va falloir une large consultation» », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  23. « Le Parlement au Togo traverse une crise de légitimité – DW – 08/01/2024 », sur dw.com (consulté le ).
  24. « Pour ses prochaines législatives, le Togo élira 22 députés de plus - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  25. https://www.rtl.be/actu/monde/international/togo-les-elections-legislatives-et-regionales-fixees-le-13-avril/2024-02-09/article/636065
  26. Voa avec AFP, « TOGO Le président togolais décale la date des élections législatives d'une semaine - Voa Afrique », sur voaafrique.com, (consulté le ).
  27. Koffi Améssou ADABA, « Togo : comment la réforme constitutionnelle va renforcer le pouvoir du Parlement », sur The Conversation, https:facebook.comConversationAfrica, (consulté le ).
  28. a et b « Au Togo, l’opposition vent debout après le changement constitutionnel ».
  29. prudence, « Révision constitutionnelle : le Togo passe à la Vème République avec un régime parlementaire », sur Assemblée Nationale Togolaise, ParlementTogo, (consulté le ).
  30. a et b « Au Togo, une nouvelle Constitution taillée sur mesure pour Faure Essozimna Gnassingbé », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  31. Voa avec AFP, « TOGO Les élections togolaises reportées suite au projet de nouvelle Constitution - Voa Afrique », sur voaafrique.com, (consulté le ).
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  33. a et b « Au Togo, les opposants à la nouvelle Constitution accentuent la pression contre le pouvoir ».
  34. RFI, « Togo: le président renvoie la nouvelle Constitution devant l'Assemblée pour une seconde lecture », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  35. « Togo : « Une révision constitutionnelle d’une telle ampleur nécessite un débat, voire un référendum » ».
  36. FRANCE24, « Togo : les élections législatives reportées se tiendront le 29 avril », sur France 24, FRANCE24, (consulté le ).
  37. FRANCE24, « La nouvelle Constitution du Togo est adoptée, le régime devient parlementaire », sur France 24, FRANCE24, (consulté le ).
  38. https://lomeactu.com/togo-repartition-des-113-sieges-39-circonscriptions-electorales/
  39. Togo Assemblée nationale Union interparlementaire
  40. « Journal Officiel Constitution de 2019 », sur cdn.accf-francophonie.org (consulté le ).
  41. « Togo: début de campagne électorale à forts enjeux pour les législatives et les régionales ».
  42. « Début de campagne législatives et régionales sous fond de contestations au Togo ».
  43. RFI, « Afrique Élections législatives au Togo: la Cour constitutionnelle valide 2 350 candidats pour 113 sièges - RFI », sur rfi.fr, (consulté le ).
  44. KOACI, « Togo : L'opposition et le dilemme des élections régionales et législatives 2023 », sur KOACI (consulté le ).
  45. AfricaNews, « Togo : l'opposition se mobilise en vue des élections législatives », sur Africanews, (consulté le ).
  46. « Togo : l'opposition se mobilise en vue des élections », sur TV5MONDE - Informations, (consulté le ).
  47. « Afrique Élections au Togo: la demande d'observateurs de l'Église catholique refusée », sur Radio France International, (consulté le ).