Trump's Troll Army[1], en français armée des trolls de Trump, est le nom que se donnent des internautes favorables à Donald Trump, 45e président des États-Unis, qu'ils appellent le « Dieu-Empereur » (God Emperor)[2], dans le but de le faire élire, en trollant Hillary Clinton et ses soutiens, piratant des lignes téléphoniques utilisées par les démocrates et créant de puissants mèmes, durant la campagne de l'élection présidentielle américaine de 2016.

La Donald J. Trump Presidential Twitter Library, bibliothèque présidentielle temporaire à visée satirique ouverte à New York par The Daily Show dans le but d'exposer les messages que Donald Trump publie sur le réseau social Twitter, défendant son action, remerciant ses soutiens et attaquant ses détracteurs.

La Trump's Troll Army reste très active sur les sites 4chan, 8chan, Reddit et Twitter[3], notamment à nouveau en amont de l'élection présidentielle américaine de 2020. Cette nébuleuse est notamment à l'origine du Pizzagate[4],[5]. L'influence réelle de ces internautes n'est pas encore évaluée avec précision.

Histoire modifier

En , le premier Pepe the Frog inspiré de Donald Trump est publié sur 4chan[6]. En , Donald Trump partage un tweet où apparaît Pepe the Frog devant un podium présidentiel. Un utilisateur du réseau social, pensant que Donald Trump n'a jamais entendu parler de Pepe the Frog, écrit que « c'est sans doute le meilleur tweet de 2015 et vous ne saurez même pas pourquoi »[7].

En , lors d'un discours donné par Hillary Clinton, un utilisateur de 4chan hurle « Pepe » pour perturber l'événement, qui est diffusé en direct sur YouTube[7].

Composition modifier

Sur le site Reddit, la page r/The_Donald (en), compte environ 267 000 abonnés[1].

Selon le journal Le Monde, la Trump's Troll Army serait composée de réactionnaires, nationalistes et suprémacistes blancs décomplexés[8],[1] et selon le journal Libération, de fascistes d'alt-droite[9]. Toutefois, le journal britannique The Sun rappelle que les utilisateurs de 4chan sont souvent des hommes instruits, âgés entre 18 et 34 ans, qui s'intéressent à la culture japonaise et aux jeux vidéo. 47 % des utilisateurs sont Américains, 8 % Britanniques et pour le reste Canadiens, Australiens, Allemands, Français, Suédois ou Néerlandais[10].

Les trolls gardent leur anonymat en utilisant des pseudonymes comme Steve Smith, un avocat de 40 ans qui vit en Floride[11], membre du mouvement du Tea Party et fervent activiste pro-Trump sur Twitter, ou comme Chepamec, un étudiant français « ancien mélenchonien passé à Le Pen » qui participe à la page The Donald sur Reddit pendant la campagne américaine et qui trolle dorénavant pour Marine Le Pen[12]. Gionet, un pro-Trump actif, affirme qu'il convoque « de vastes armées de mèmes » pour Trump sur 4chan et le site 9GAG[13]. Des hacktivistes se présentant comme faisant partie du collectif Anonymous prennent fait et cause pour le candidat Donald Trump en menaçant de dévoiler une supposée vidéo de Bill Clinton en train de violer une fille de 13 ans[14].

Toutefois, quelques trolls pro-Trump sont connus, comme le fondateur d'Oculus Rift, Palmer Luckey (sous le pseudonyme de NimbleRichMan)[15], soupçonné d'être le mécène des trolls pro-Trump[16],[17], ou l'éditorialiste britannique pro-Trump Milo Yiannopoulos qui est selon The Verge, « l'un des pires trolls de Twitter »[8]. Des utilisateurs de Twitter comme l'Américain Mike Cernovich (en) ou le Français Vivien Hoch se font connaître en soutenant Donald Trump sur Twitter[18],[19].

Techniques modifier

Réveil de l'opinion publique modifier

Des personnalités d’extrême-droite estiment que le développement d'une présence sur Internet est nécessaire pour décaler la fenêtre d'Overton et amener l’opinion publique à des prises de conscience fortes. Richard Spencer, résume la chose en disant que « Trump a été assimilé à un lamentable raciste et il a gagné. Toute la rhétorique du politiquement correct selon laquelle il suffit de vous traiter de raciste pour vous faire disparaître a été anéantie »[20].

Opérations de manipulation du camp adverse modifier

Diffusion de fausses informations modifier

En plus d'avoir répandu des rumeurs comme celle du Pizzagate, que Hillary Clinton est morte et qu'elle a été remplacée par un sosie depuis son malaise[21],[22], les trolls pro-Trump ont fait croire, en se faisant passer pour des officiels démocrates, qu’il était possible de voter par SMS, que les électeurs devaient apporter au bureau de vote pas moins de sept documents, du livret de naissance à la carte de Sécurité sociale ou qu’il était possible de voter jusqu’au [8].

Trucages de sondages en ligne modifier

Daniel Schneidermann dans le journal Rue89 affirme que « des trolls se sont mobilisés en masse pour voter pour le troll Trump » à des sondages en ligne « sur lesquels un même sondé peut cliquer dix ou cent fois, et où l’on peut même envoyer des robots voter à sa place »[23].

Piratages informatiques modifier

En , des utilisateurs de 4chan revendiquent le piratage du compte Apple de John Podesta, le directeur de campagne d’Hillary Clinton, clamant avoir effacé le contenu de son ordiphone[24] et de sa tablette numérique[25]. Toujours en , un glitch a envahi la page d'accueil de Reddit de publications pro-Trump. Numerama rappelle que les « membres du groupe Reddit pro-Trump ont été soupçonnés plusieurs fois de doper leur page et sa popularité avec des votes artificiels pour avoir plus de visibilité » et se demande si ce n'est pas « l’une de leurs opérations de propagande qui aurait mal tourné »[26].

Un 4channer revendique en novembre des attaques par déni de service sur des outils utilisés par Hillary Clinton pour mener sa campagne, notamment TCN, un service d’appels téléphoniques[8].

Cyberharcèlement modifier

Insultes via les réseaux sociaux modifier

En , la journaliste Julia Ioffe (en) du magazine GQ, après avoir publié un article jugé trop critique sur Melania Trump, devient une cible des trolls pro-Trump. Ceux-ci postent des dessins de la journaliste où elle porte l'étoile jaune et un uniforme de camp de concentration et d'autres images antisémites. Julia Ioffe a également reçu plusieurs coups de téléphone anonymes dans lesquels on pouvait entendre des enregistrements de discours d'Hitler[27].

Provocation d'une crise d'épilepsie via Twitter modifier

En , un twitto soutenant Donald Trump envoie à Kurt Eichenwald, un journaliste pro-Clinton qui souffre d'épilepsie, une vidéo contenant des stroboscopes qui ne l'atteint pas. Mais le , Kurt Eichenwald reçoit sur son compte Twitter un Gif animé d'une image stroboscopique avec la phrase : « Tu mérites une crise d’épilepsie à cause de tes posts »[28]. La femme du journaliste découvre son mari en crise d’épilepsie partielle.

Après une enquête approfondie, le FBI découvre que le suspect tweetait avec une carte SIM prépayée dans un téléphone jetable acheté en espèces et utilisait une fausse adresse mail. La compagnie de téléphone AT&T révèle que la carte SIM du suspect avait été utilisée aussi sur un ordiphone Apple. Apple, qui collabore régulièrement avec les autorités, transmet au FBI toutes les données du compte iCloud liées à cet ordiphone. C'est ainsi qu'un certain John Rayne Rivello, âgé de 29 ans, est arrêté dans le Maryland le [29].

Impact sur l'élection modifier

Facebook a joué un rôle peut-être décisif dans l'élection de Donald Trump en permettant aux internautes d'avoir accès à des informations uniquement conformes à leurs opinions, voire à des rumeurs sans contrepoids comme le Pizzagate, ce qui pousse le fondateur Mark Zuckerberg à apporter un démenti[30]. En désaccord avec cette analyse, Rue89 affirme qu'elle n'est qu'« une façon facile de ne pas voir en face la réalité du vote Trump »[31].

Face à une étude de l'université d'Oxford qui affirme que les bots de conversation pro-Trump ont largement dominé ceux des pro-Clinton pendant la campagne présidentielle américaine ce qui a permis à Donald Trump de l'emporter, le porte-parole de Twitter, Nick Pacilio répond que « ceux qui affirment que les comptes de spam automatisé qui ont tweeté sur l’élection présidentielle ont influencé les points de vue des électeurs (…) sous-estiment clairement les électeurs et ne comprennent pas du tout comment Twitter fonctionne »[32].

Comme le souligne le journal Le Monde, il est impossible de savoir quelle a été l'influence réelle des internautes pro-Trump pendant cette campagne[8]. Pour l'un des 4channers revendiquant ces actions, « nous avons réussi à faire élire un mème comme président »[33].

Action pendant le mandat présidentiel de Donald Trump modifier

Trolling de He will not divide us modifier

He will not divide us est une performance de Shia LaBeouf contre l'élection de Donald Trump en tant que président des États-Unis dans laquelle des gens sont incitées à répéter la phrase « He will not divide us » devant une caméra et diffusée en direct sur Internet[34]. Des militants pro-Trump trollent le projet jusqu'à ce que la Trump's Troll Army parvient à mettre un point final à cette performance engagée en dérobant le drapeau He will not divide us[35] et le remplacent par une casquette Trump et un T-shirt Pepe the Frog[36].

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Notes et références modifier

  1. a b et c Présidentielle américaine : l'internet pro-Trump jubile FranceTV du 10 novembre 2016.
  2. Les trolls de 4chan sont persuadés d'avoir fait élire Donald Trump Slate du 17 novembre 2016.
  3. GamerGate, 8chan, Alt-Right… le terreau du vote Trump est aussi en ligne Le Monde du 20 janvier 2017.
  4. « Pizzagate » : d’une rumeur en ligne aux coups de feu dans une pizzeria du Monde du 6 décembre 2016.
  5. «Pizzagate»: la rumeur complotiste débouche sur un coup de fusil Libération du 5 décembre 2016.
  6. Pepe the Frogde Know your meme
  7. a et b Pepe, l'histoire d'une grenouille devenue la mascotte de l'extrême droite sur Internet Le Figaro du 18 janvier 2017.
  8. a b c d et e Militants, trolls, bots… comment la mobilisation en ligne des pro-Trump a pesé Le Monde du 9 novembre 2016.
  9. Les fascistes d’«Alt-Right» font la lie des trumpistes Libération du 7 octobre 2016.
  10. The Darker Side of the Web; What is 4chan, is the website involved in the Donald Trump dossier scandal and what else it known for? The Sun du 12 janvier 2017.
  11. L’enquête du Time : comment les trolls pourrissent Internet Rue 89 du 25 août 2016.
  12. Les trolls pro-Le Pen sont des ados grinçants Nouvel Obs du 15 février 2017.
  13. World War Meme Politico de mars/avril 2017.
  14. « Is There A Bill Clinton Rape Video? Anonymous Sources Threaten To Release ‘Rape Tape’ That Could Bring Down Hillary Clinton’s Campaign », Inquisitr,‎ (lire en ligne).
  15. Quand le fondateur d'Oculus finance une campagne anti-Hillary Clinton BFMTV du 24 septembre 2016.
  16. (en) « Who is Palmer Luckey, and why is he funding pro-Trump trolls? », sur The Guardian, .
  17. Le fondateur d'Oculus finance des trolls anti-Clinton Slate du 23 septembre 2016.
  18. Reddit, 4Chan : la victoire de Trump, c’est la victoire des trolls Nouvel Obs du 9 novembre 2016.
  19. Cet homme est le plus grand fan français de Donald Trump Nouvel Obs du 7 octobre 2016.
  20. Enquête. Au cœur de la fachosphère de Trump Courrier International du 5 janvier 2017
  21. Pour les conspirationnistes, Hillary Clinton a été remplacée par un sosie Libération du 14 septembre 2016
  22. Hillary est morte, un sosie la remplace: le web délire 20 minutes du 14 septembre 2016
  23. Trump et Clinton : au royaume pourri des sondages Rue89 du 29 septembre 2016
  24. « Comment la fachosphère américaine a fait gagner Trump », Les Inrocks du 10 novembre 2016
  25. « 4chan a-t-il réinitialisé l’iPhone du chef de campagne de Clinton ? », Journal du Geek du 14 octobre 2016]
  26. Un glitch a inondé la page d’accueil de Reddit de publications pro-Trump Numerama du28octobre 2016
  27. Les fans antisémites de Trump harcèlent une journaliste qui a écrit sur sa femme Slate du 30 avril 2016
  28. « Un journaliste américain fait une crise d’épilepsie après avoir été harcelé sur Twitter », Le Monde du 21 décembre 2016
  29. Un GIF considéré comme une arme par la justice américaine Le Figaro du 23 mars 2017
  30. Charlotte Pudlowski, « Facebook s'interroge sur sa responsabilité dans l'élection de Trump », sur Slate, (consulté le ).
  31. Claire Richard et Emilie Brouze, « Non, Facebook n’a pas fait élire Trump », sur Rue89, (consulté le ).
  32. Les bots Pro-Trump ont remporté leur bataille contre les soutiens de Clinton Numerama du 18 novembre 2016
  33. ‘We actually elected a meme as president’: How 4chan celebrated Trump’s victory Washington Post du 9 novembre 2016
  34. "He will not divide us" : une performance web de 4 ans anti-Trump de RTBF Culture du 23 janvier 2017
  35. Comment le livestream anti-Trump de Shia LaBeouf a pris fin à cause de trolls Première du 13 mars 2017
  36. Comment 4chan a retrouvé le livestream de Shia LaBeouf au milieu de nulle part et l'a ruiné Vice du 13 mars 2017