Tamarind Institute

atelier de lithographie à Albuquerque, aux Etats-Unis

Tamarind Institute est un atelier de lithographie créé en 1970 comme faisant partie de l'université du Nouveau-Mexique à Albuquerque (Nouveau-Mexique, aux États-Unis). Il a débuté sous le nom de Tamarind Lithography Workshop, une société californienne à but non lucratif fondée par June Wayne sur Tamarind Avenue à Los Angeles en 1960. L'institut actuel et l'atelier de lithographie d'origine sont désignés sous le nom informel de « Tamarind ».

Le Tamarind Institute en 2010.

Histoire et mission modifier

Le Tamarind Lithography Workshop est fondé comme organisation à but non lucratif en 1960 sur Tamarind Avenue à Los Angeles par June Wayne, avec le soutien de la fondation Ford, pour revitaliser la technique de la lithographie aux États-Unis[1],[2],[3],[4]. Elle en prend la direction, soutenue par le peintre et graveur Clinton Adams dans le rôle de directeur associé et Garo Antreasian dans le rôle de maître imprimeur et directeur technique[5]. À une époque où les artistes américains ont tendance à rejeter la lithographie et l'impression collaborative en faveur des possibilités plus « directes » et « immédiates » de la peinture expressionniste abstraite, très en vogue au mitan du XXe siècle[6],[2],[7], elle constate en effet le manque de maîtres imprimeurs qualifiés pour aider les artistes dans la création de lithographies, l'absence d'institutions organisées où les imprimeurs et les artistes pouvaient collaborer au processus de création et un marché insuffisant pour les estampes originales[3],[7].

 
June Wayne à l'atelier de lithographie Tamarind en 1965.

Confronté à une pénurie d'opportunités sur tous les fronts et à un média qui semblait en voie d'extinction, June Wayne a cherché à créer plus qu'un simple studio :

« La vision critique de June Wayne — une perception au cœur de la proposition de Tamarind — était que le problème comportait de nombreuses facettes, dont aucune ne pouvait être résolue indépendamment de l'ensemble. Il ne suffirait pas d'inciter les artistes à faire des lithographies s'ils ne pouvaient pas trouver des possibilités de collaboration réelle avec des artisans-imprimeurs hautement qualifiés, et il ne suffirait pas de créer des ateliers de qualité sans tenir compte du climat économique dans lequel ils pourraient exister[a]. »

Le site web de l'Institut Tamarind énumère les objectifs suivants, élaborés par Wayne, Adams et Antreasian en 1960[8] :

  • Créer un vivier de maîtres artisans-imprimeurs aux États-Unis en formant des apprentis ;
  • Faire évoluer un groupe d'artistes américains de styles divers vers des maîtres de ce médium ;
  • Habituer chaque artiste et artisan à une collaboration intime, de sorte que chacun devienne sensible et stimulant pour l'autre dans la situation de travail, en l'encourageant à expérimenter largement et à étendre le potentiel expressif du médium ;
  • Stimuler de nouveaux marchés pour la lithographie ;
  • Prévoir un format pour guider l'artisan à gagner sa vie en dehors de toute subvention ou dépendance totale de la poche de l'artiste ;
  • Restaurer le prestige de la lithographie en créant réellement une collection d'impressions extraordinaires.

L'atelier propose ainsi des formations, des résidences et des bourses pour former ces maîtres imprimeurs[1]. En 1970, l'atelier est intégré à la faculté des beaux-arts de l'université du Nouveau-Mexique à Albuquerque (Nouveau-Mexique) et devient le Tamarind Institute[9],[2].

Le bâtiments de l'atelier se situe sur la Central Avenue Southeast d'Albuquerque, soit sur la route 66 originale. En plus de l'atelier, le bâtiment propose une galerie publique, et des visites sont possibles[9]. L'institution, forte de maîtres imprimeurs et de conservateurs, dispose d'un important fonds d'archives historiques et de plus de 8 000 lithographies produites dans l'atelier[9],[4]. Le musée Amon Carter possède lui aussi un fonds important d'estampes qui y ont été produites entre 1963 et 1970, avec plus de 2 300 exemplaires[1].

Artistes modifier

Maîtres imprimeurs modifier

L'un des principaux objectifs de l'Institut Tamarind est la formation des imprimeurs. Au fil des ans, la formation de ces professionnels a évolué depuis sa création en 1960. Ce qui était au départ un cours de formation de base de huit semaines s'est finalement transformé en un programme de deux ans. Le programme comporte cinq niveaux : étudiant imprimeur, candidat imprimeur, assistant imprimeur, imprimeur principal et maître imprimeur[10]. Plus de 100 certificats du programme de maître ont été délivrés par le Tamarind Institute[11].

Le premier maître imprimeur diplômé de Tamarind est Irwin Hollander (en), de l'atelier Hollander à New York[12]. Joe Funk est le premier boursier de Tamarind, de 1960 à 1961[13],[14]. De 1972 à 1973, Chen Lok Lee (en) reçut une bourse de la Fondation Ford, financée en partie par le National Endowment for the Arts, pour étudier à Tamarind[15]. Lee a ensuite fondé Mantegna Press II, avec Richard Callner (en), à Philadelphie[15].

Artistes ayant fréquenté le Tamarind Institute modifier

Plus de 600 artistes sont passés par l'atelier du Tamarind Institute (en 2015)[7]. En voici ci-dessous une liste partielle[16],[17],[18] :

Impact et postérité modifier

Le fait d'embosser un symbole personnalisé sur chacune des estampe a contribué à donner du crédit aux artistes et du prestige à l'institution. L'atelier a ainsi établi plusieurs procédures désormais habituelles pour les tirages, telles que l'enregistrement précis et la documentation de chaque édition, et l'apposition d'une côtelette d'atelier et d'une côtelette d'imprimeur sur chaque épreuve ou impression en reconnaissance du rôle important de l'imprimeur[6]. Beaucoup des artistes formés à l'atelier ont établi leur propre atelier dans tout le pays, contribuant à l'expansion de la technique de la lithographie[3].

L'institut crée des projets de collaboration et produit des livres, des vidéos[b] et une revue intitulée The Tamarind Papers, contribuant à diffuser des informations sur la lithographie dans le monde de l'art et auprès du public dans le monde, y compris en Afrique, en Asie et en Amérique latine, ce qui a pour effet d'attirer des artistes de tous horizons dans l'atelier[3].

Le Tamarind Institue a le mérite d'avoir fait revivre à lui seul la lithographie aux États-Unis et à susciter un nouvel intérêt à l'étranger[30],[31], à la fois dans la mesure où il a rendu ce moyen d'expression « respectable » et viable, et aussi parce que leurs recherches dévouées ont conduit à des avancées techniques et économiques ayant un impact visible sur la lithographie en particulier et sur la gravure en général ; par exemple, les encres résistantes à la lumière, le papier de gravure durable et régulier, les systèmes de repérage précis, l'impression sur plaques d'aluminium et les rouleaux légers de grand diamètre ne sont que quelques aspects importants de la gravure qui ont été créés ou perfectionnés par Tamarind[6],[9],[32]. L'atelier explore aussi la possibilité d'exploiter la puissance des ordinateurs du XXIe siècle pour « tester librement des combinaisons de couleurs inhabituelles et des choix stylistiques innovants, sans perdre beaucoup de temps ni de matériaux précieux »[3]. Au Canada, le NSCAD Lithography Workshop est créé en 1969 avec « l'objectif d'introduire au Canada la renaissance de la lithographie commencée dix ans plus tôt à l'atelier Tamarind »[33].

Le Tamarind Institute se distingue aussi pour sa formation de huit étudiants par an en maîtrise d'impression, ce qui est rare, voire unique[c],[3],[4]. Très consciente de la sous-représentation des femmes et des Afro-Américains dans le monde de l'art, June Wayne s'est aussi efforcé d'en inclure un grand nombre dans la liste de Tamarind, ce qui est rare à l'époque. L'idée toujours d'actualité au XXIe siècle de la collaboration imprimeur américain/artiste est née avec June Wayne à l'atelier Tamarind[34].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Citation originale : « June Wayne's critical vision—a perception at the core of the Tamarind proposal—was that there were many facets to the problem, none of which could be solved in isolation from the whole. It would be insufficient to entice artists to make lithographs if they could not find opportunities for true collaboration with highly qualified artisan-printers, and it would be insufficient to establish fine workshops without thought to the economic climate in which they might exist[6]. »
  2. Notamment le court métrage documentaire Four Stones for Kanemitsu écrit par June Wayne et réalisé par Terry Sanders (en), qui a été nommé pour l'Oscar du meilleur court métrage documentaire[28],[29]. Il suit l'artiste Matsumi Kanemitsu (en) en train de créer une lithographie.
  3. Les sources en ligne américaines en font une formation unique au monde[9],[32].

Références modifier

  1. a b et c (en) « Tamarind Lithography Workshop Collection », sur musée Amon Carter (consulté le ).
  2. a b et c (en) Maggie Adler, « Making impressions », sur musée Amon Carter, (consulté le ).
  3. a b c d e et f (en) « The Tamarind Institute: A Dynamic Past and a Promising Future », sur collectorsguide.com (consulté le ).
  4. a b c d e f g et h (en) Molly Boyle, « he Tamarind Institute Honors the Fine Art of Printmaking », sur newmexicomagazine.org, (consulté le ).
  5. (en) « About us », sur tamarind.unm.edu, Tamarind Institute of Lithography (consulté le ).
  6. a b c et d (en) Clinton Adams, « An Informed Energy: Lithography and Tamarind », sur tamarind.unm.edu, Tamarind Institute of Lithography, (consulté le ).
  7. a b c d e f g h i j et k (en) « Tamarind Institute and the Rebirth of Lithography », sur université de l'Illinois à Urbana-Champaign (consulté le ).
  8. (en) « What is Tamarind Institute », sur tamarind.unm.edu, Tamarind Institute of Lithography, (consulté le ).
  9. a b c d et e (en) « Tamarind Institute », sur artinamericaguide.com (consulté le ).
  10. Devon 2010, p. 177–184.
  11. Devon 2010, p. 2.
  12. (en) Roberta Smith, « Irwin Hollander, 90, Master Lithographer Who Revived Fine Art, Dies », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne) : « Within a year he was the first master printer trained at Tamarind. As he said in his oral history, “I absolutely fell in love with the idea of working closely with artists all day.” » soit : « En l'espace d'un an, il est devenu le premier maître imprimeur formé à Tamarind. Comme il le dit dans son histoire orale, « je suis absolument tombé amoureux de l'idée de travailler en étroite collaboration avec des artistes toute la journée. »
  13. (en) « Joe Funk », sur tamarind.unm.edu, Tamarind Institute of Lithography (consulté le ).
  14. Devon 2000, p. 184.
  15. a et b (en) Sandra R. Zaslow, « Art Show Set in Wyncote », Montgomery Newspapers,‎ .
  16. (en) « Catalogue raisonné en ligne des œuvres produites au Tamarind Institute », sur econtent.unm.edu (consulté le ).
  17. Devon 2010, p. 165-176.
  18. (en) « Artists », sur tamarind.unm.edu, Tamarind Institute (consulté le ).
  19. (en) Gene Baro, Anni Albers, Brooklyn Museum Bookshop, , 105 p. (ISBN 978-0-87273-062-5), p. 12.
  20. (en) « Home and Away: The Printed Works of Ruth Asawa » Norton Simon Museum », sur nortonsimon.org (consulté le ).
  21. (en) « Works on Paper – Ruth Asawa », sur Ruth Asawa (consulté le ).
  22. (en) Sylvia Moore, « Baber, Alice », dans North American Women Artists of the Twentieth Century: A Biographical Dictionary, .
  23. (en) Museum of Modern Art, The sculpture of Richard Hunt, New York, Museum of Modern Art, (ISBN 978-0870703768, lire en ligne [PDF]), p. 10.
  24. (en) « Biography of Luchita Hurtado », sur theartstory.org (consulté le ).
  25. Devon 2000, p. 174.
  26. Devon 2000, p. 80.
  27. (en) Shelly Smith, « Tamarind Institute presents No Modifiers », sur université du Nouveau-Mexique, .
  28. (en) Garo Z. Antreasian et William Peterson, Garo Z. Antreasian: Reflections on Life and Art, UNM Press, (ISBN 978-0826355423, lire en ligne), p. 127.
  29. (en) « The 46th Academy Awards (1974) Nominees and Winners », sur oscars.org (consulté le ).
  30. (en) E. Maurice Bloch, « Introduction », dans Tamarind Lithography Workshop, International Exhibitions Foundation, Tamarind: A Renaissance Of Lithography: A Loan Exhibition from the Tamarind Lithography Workshop, Garamond/Pridemark Press, , 95 p..
  31. (en) Pat Gilmour, « A Love Affair with Lithography: the Prints of June Wayne », Print Quarterly, vol. 9, no 2,‎ , p. 142 : « [Tamarind] was instrumental not only in transforming lithographic practice in the United States but in helping to renew enthusiasm for it among artists, printers, and institutions elsewhere ».
  32. a et b (en) « Tamarind Institute », sur ifpda.org (consulté le ).
  33. (en) Eric Cameron, « The Lithography Workshop », dans NSCAD The Nova Scotia College of Art and Design, Halifax, N.S., Press of the Nova Scotia College of Art and Design, (lire en ligne [PDF]).
  34. (en) Trudy Victoria Hansen, Printmaking in America, New York, Harry N. Abrams, (ISBN 0-8109-3743-3), p. 77.

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Marjorie Devon, Tamarind: 40 Years, Albuquerque, University of New Mexico Press, (ISBN 978-0-8263-2072-8).
  • (en) Marjorie Devon, Tamarind Touchstones:Fabulous at Fifty, Albuquerque, University of New Mexico Press, (ISBN 9780826347398, OCLC 511616366).

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