Sidney Gottlieb

chimiste américain (1918-1999)

Sidney Gottlieb, né le à New York et mort le à Washington, en Virginie, est un chimiste et un agent du renseignement américain connu pour avoir été directeur du projet MK-ULTRA entre 1953 et 1972.

Sidney Gottlieb
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Biographie

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Jeunesse et formation

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Sidney Gottlieb est né à New York de parents juifs orthodoxes émigrés de Hongrie[1],[2]. Il grandit dans le Bronx et entre au James Monroe High School dont il sort diplômé en 1936[3]. Il étudie les mathématiques, la physique, la chimie et la botanique au City College of New York avant d'intégrer un programme de l'université du Wisconsin, où il rencontre Ira L. Baldwin et obtient un premier diplôme en chimie en 1940. Il soutient ensuite un doctorat en biochimie au California Institute of Technology en 1943, se spécialisant dans les substances toxiques[1],[3].

Étudiant, Gottlieb s'inscrit à un cours d'allemand et participe à des sessions d'art oratoire, ce qui l'aide à surmonter le bégaiement dont il souffre depuis l'enfance. Durant ses trois années en Californie, il rencontre et épouse Margaret Moore, fille d'un pasteur presbytérien née en Inde avec qui il partage le besoin de s'émanciper des traditions religieuses familiales[2],[4].

Carrière professionnelle

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En 1951, Gottlieb est recruté par Allen Dulles pour intégrer la division chimie du bureau des services techniques de la CIA et apporter son expertise des poisons aux projets BLUEBIRD, puis ARTICHOKE[1],[5]. Destinés à la recherche d'un agent biologique ou chimique capable d'influencer le comportement humain, ces programmes sont une priorité pour le directeur des opérations clandestines de l'agence, Richard Helms. Ce dernier est l'instigateur d'un projet plus gros, regroupant l'ensemble des recherches et des activités sur la manipulation mentale. Le , Dulles, nommé directeur du renseignement quelques semaines auparavant, approuve le projet MK-ULTRA et en confie la direction au Dr Gottlieb[4],[6],[7].

 
Note du sous-projet 8 de MK-ULTRA signée par le Dr Sidney Gottlieb.

Direction de MK-ULTRA

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Le centre des opérations est basé à Fort Detrick où, depuis plusieurs années déjà, l'équipe de Gottlieb est soutenue par une unité de l'US Army Chemical Corps. En 1950, cette branche de l'armée des États-Unis mobilise un groupe de scientifiques au sein de la division des opérations spéciales (SOD), chargée d'étudier « l'utilisation secrète de matériaux biologiques et chimiques ». Cette unité secrète travaille en étroite collaboration avec les chimistes du TSS, dans le cadre du projet MK-NAOMI[4],[6].

Gottlieb est à l'origine de nombreuses recherches sur l'administration du LSD et de beaucoup d'autres psychotropes, comme le cannabis, l'alcool, les opiacés, les barbituriques, les amphétamines, la psilocybine et le curare. Les expérimentations ont lieu sur des personnes non-consentantes, notamment des prisonniers, des transfuges, des patients, des étudiants, des militaires et des fonctionnaires du gouvernement[2],[4],[8]. Gottlieb autorise le financement d'études sur la lobotomie, les électrochocs, la privation sensorielle et s'intéresse à l'hypnose, comme d'autres agents et scientifiques de l'agence[9],[10].

En recherche constante d'une nouvelle substance, Gottlieb fait envoyer des chercheurs dans diverses régions du monde pour recueillir les plantes présentant un profil intéressant. Pour cela, le chimiste expert en botanique étudie les rites mystiques de plusieurs cultures anciennes qui, déjà, utilisaient les propriétés hallucinogènes de certains champignons[11],[12].

MK-ULTRA est arrêté au début des années 1970, dans un contexte national de défiance vis-à-vis des activités d'espionnage sur le territoire. Sur ordre de Helms, devenu directeur de l'agence, Gottlieb participe à la destruction des archives sur le contrôle de l'esprit en 1973[13],[14],[15].

Opération Midnight Climax

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Il est aussi à l'origine de l'opération Midnight Climax, contactant personnellement George H. White en 1952 pour donner carte blanche à cet ancien agent de l'Office of Strategic Service (OSS). Pendant douze ans, entre 1953 et 1965, des expérimentations du LSD ont lieu dans des endroits publics et des planques clandestines aménagées secrètement, à New York et San Francisco[8],[16],[17].

Participation à des tentatives d'assassinat

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En , dans le cadre des opérations de déstabilisation du régime cubain, Gottlieb propose de vaporiser du LSD dans le studio de radio de Fidel Castro et d'imprégner ses chaussures de thallium dans le but de le désorienter et de le discréditer. Plusieurs autres méthodes pour assassiner le dirigeant cubain sont envisagées, notamment l'utilisation d'un cigare et d'un stylo empoisonnés[2],[18],[19].

La même année, Gottlieb est impliqué dans la tentative d'assassinat de Patrice Lumumba, premier ministre de la République démocratique du Congo. Il est missionné par le directeur des opérations clandestines, Richard M. Bissel Jr., pour mettre au point et acheminer sur place une substance hautement toxique destinée au chef d’État[2],[19],[20],[21].

Retraite et auditions

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Gottlieb quitte l'agence le . Une partie de son travail pour les services secrets et l'armée reste inconnue. Pour sa participation au complot visant à éliminer Lumumba, comme pour d'autres opérations du SOD, l'identité du chimiste est protégée par un pseudonyme : Joseph ou Victor Scheider[18],[22]. En 1975, lorsque l'ensemble des projets sur les agents chimiques et le contrôle de l'esprit sont révélés publiquement par la commission Rockefeller, Gottlieb est auditionné une première fois par les sénateurs de la commission Church. Ceux-ci ignorent presque tout de l'ampleur des activités menées dans le cadre de MK-ULTRA, à cause de la destruction des fichiers. L'ancien directeur, lui, prétend avoir oublié la plupart des détails et des informations relatifs au projet[21],[22].

En , des milliers de documents, films et cassettes audios sont retrouvés dans les archives de plusieurs sites, dévoilant de nombreux détails sur les recherches réalisées et les expérimentations[9],[23],[24]. De nouvelles auditions sont programmées par les sénateurs, dont celle de Gottlieb le . Par la voix de son avocat Terry F. Lenzner, le scientifique à la retraite exige l'immunité avant de témoigner. Par ce biais, il ne sera jamais poursuivi pour son implication dans les activités clandestines de la CIA et de l'US Army Chemical Corps. Son audition dure une demi-journée, au cours de laquelle il donne quelques détails sur les systèmes de financement mis en place. Dans sa déclaration sous serment remise au comité du Sénat des États-Unis à cette occasion, il admet conserver des regrets quant à la manière dont certaines choses ont été faites, invoquant le contexte de Guerre froide de l'époque[17],[24].

Après son témoignage, Sidney Gottlieb se retire dans une ferme à Washington en Virginie, où il élève des chèvres et pratique la danse folklorique, refusant toute sollicitation en lien avec son passé. Il y décède le 7 mars 1999 à l'âge de 80 ans[1],[25].

Notes et références

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  1. a b c et d (en) Tim Weiner, « Sidney Gottlieb, 80, Dies; Took LSD to C.I.A. », The New York Times,‎ , p. 22 (lire en ligne)
  2. a b c d et e (en) Ted Gup, « The Coldest », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  3. a et b Kinzer 2019, p. 9-14.
  4. a b c et d Marks 1979, p. 39-48.
  5. Jean-Christophe Piot, « Sidney Gottlieb, chimiste empoisonneur, mandaté par la CIA pour manipuler les cerveaux », Ouest-France,‎ (lire en ligne  )
  6. a et b (en) Commission Church - Sénat des États-Unis, Ninety-Fourth Congress, Second Session, Book I : Foreign and Military Intelligence, Washington, U.S. Government Printing Office, , 659 p. (lire en ligne), p. 388-390
  7. Kinzer 2019, p. 50-55.
  8. a et b (en) Martin A. Lee et Bruce Shlain, Acid Dreams : The Complete Social History of LSD: The CIA, The Sixties, and Beyond, Grove Press, , 268 p. (ISBN 0-802-13062-3), p. 25-35
  9. a et b (en) « Rapport sur le matériel BLUEBIRD/ARTICHOKE », CIA-RDP81-00261R000300050005-3 [PDF], sur cia.gov, déclassifié le 1er mai 2002
  10. (en) Bill Richards, « CIA Project Eyed Lobotomy, Electric. Shock Techniques », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  11. Marks 1979, p. 80-88.
  12. Aureliano Tonet, « Quand la CIA testait les champignons hallucinogènes », Le Monde,‎ (lire en ligne  )
  13. (en) Nicolas M. Horrock, « Destruction of LSD Data Laid to C.I.A. Aide in '73 », The New York Times,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  14. (en) « Destruction of Drug and Toxin Related Files », DOC_0000146170 [PDF], sur archive.org,
  15. (en) Commission Church - Sénat des États-Unis, Ninety-Fourth Congress, Second Session, Book I : Foreign and Military Intelligence, Washington, U.S. Government Printing Office, , 659 p. (lire en ligne), p. 401-407
  16. (en) John Jacobs, Paul Avery, « The Diaries Of a CIA Operative », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  17. a et b (en) Sénat des États-Unis - Ninety-Fifth Congress, First Session, Human Drug Testing By The CIA, Washington, U.S. Government Printing Office, , 219 p. (lire en ligne), p. 169-217
  18. a et b Marks 1979, p. 146-153.
  19. a et b Kinzer 2019, p. 171-181.
  20. (en) Commission Church - Sénat des États-Unis, Ninety-Fourth Congress, First Session, Alleged Assassination Plots Involving Foreign Leaders : Interim Report, Washington, U.S. Government Printing Office, , 364 p. (lire en ligne), p. 19-37
  21. a et b (en) « Senate Unit Gets Details On C.I.A. Lumumba Plot », The New York Times,‎ , p. 17 (lire en ligne)
  22. a et b Kinzer 2019, p. 217-224.
  23. (en) Bill Richards et John Jacobs, « CIA Conducted Mine-Control Tests Up to '72, New Data Show », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  24. a et b Kinzer 2019, p. 225-235.
  25. (en) Elaine Woo, « CIA’s Gottlieb Ran LSD Mind Control Testing », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne)

Annexes

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Bibliographie

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  • (en) John D. Marks, The Search for the Manchurian Candidate : The CIA and Mind Control, Times Books, , 162 p. (ISBN 0-8129-0773-6)
  • (en) Stephen Kinzer, Poisoner In Chief : Sidney Gottlieb and the CIA Search for Mind Control, New York, Henry Holt & Company, , 320 p. (ISBN 9781250140449, LCCN 2019007076, lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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