Prurit

démangeaison due à une maladie
Démangeaison
Description de cette image, également commentée ci-après
Un homme tentant de se gratter dans le dos.

Traitement
Spécialité DermatologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CISP-2 S02Voir et modifier les données sur Wikidata
CIM-10 L29
CIM-9 698
DiseasesDB 25363
MedlinePlus 003217
eMedicine 1098029
MeSH D011537
Patient UK Itching-pro

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Le prurit (du latin : pruritus) est un symptôme fréquent (notamment en dermatologie) qui recouvre une sensation de démangeaison de la peau, le plus souvent en rapport avec des lésions dermatologiques (parfois aussi sans cause connue : c'est le prurit « sine materia »).

De nombreux animaux passent beaucoup de temps à se gratter (ici un écureuil Chipmunk).
Le prurit est souvent induit par une piqûre ou morsure d'insectes ou d'acarien, ou une réaction à une piqûre d'ortie, mais il existe aussi de puissants irritants chimiques (ici : dermographie évoquant un tatouage mais issue d'une irritation allergique réversible provoquée par application d'un tel irritant (irritation réversible).

Il constitue le principal signe fonctionnel en dermatologie.

Bases physiologiques de la signalisation des démangeaisons dans le système nerveux modifier

Le principal agent responsable des démangeaisons est l'histamine, molécule chimique libérée par les mastocytes, et les polynucléaires basophiles (cellules circulant dans le sang et participant au système immunitaire). L'histamine, lorsqu'elle est libérée, se lie à des récepteurs nerveux de la peau et provoque le prurit[1].

La sensation est transmise par des fibres nerveuses de type C[2] différentes de celles qui conduisent les sensations douloureuses au cerveau[3]. Ces fibres conduisent au faisceau spino-thalamique[4], permettant une activation au niveau du cortex préfrontal et le gyrus cingulaire[5]. Le grattage augmente généralement le prurit ; l'explication de ce mécanisme semble être élucidé en 2014 par des chercheurs américains de Saint Louis, de la Washington University School of Medicine. À partir d'un modèle murin transgénique, ils montrent que le grattage provoque une douleur qui stimule la production de sérotonine censée contrôler la douleur. Mais cette dernière active les récepteurs 5HT1A des neurones GRPR, lesquels traduisent le stimulus prurit au niveau du cerveau[6].

Il existe un Centre pour l'étude de la démangeaison à l'École de médecine de l'Université de Washington à St Louis ; il a montré en 2017 que chez la souris les signaux entrant dans le cerveau et venant de la zone inflammatoire sont d'abord triés par un réseau de cellules nerveuses sensibles aux démangeaisons, d'abord dans la moelle épinière où des neurones produisent un récepteur peptidique qui libère de la gastrine puis, via un autre réseau de neurones, l'information est retraitée dans une structure proche de la base du cerveau dite noyau parabrachial ou aire parabrachiale (déjà connu pour recevoir des informations liées à des sensations dont celles de la douleur et du goût)[7].
Les neurologues ignorent encore si toutes les démangeaisons prennent ce même chemin et s'il est le même chez l'Homme que chez la souris (les démangeaisons allergiques pourraient par exemple logiquement être traitées par des voies différents que celles qui sont proches d'un chatouillement déclenché par le contact avec un objet). Mieux comprendre ce processus permettra d'aider les patients victimes de démangeaisons chroniques incontrôlables, sources de dommages dermatologiques souvent graves[7].

Causes du prurit modifier

Il existe de nombreuses causes pathologiques :

Prurits isolés (sine materia) modifier

  • Troubles métaboliques : diabète, urémie, ictère.
  • Hémopathies : polyglobulies, maladie de Hodgkin.
  • Toxiques : médicament, morphine ainsi que la codéine qui en est un précurseur et le café.
  • Grossesse.
  • Prurit psychogène : trouble psychique.
  • Prurit anal : pathologie hémorroïdaire.
  • Prurit sénile : parfois intolérable, retentissant sur l'état général, avec peu ou pas de lésions de grattage.
  • Prurit dû à une plaie en cours de cicatrisation.

Il est possible que le fait de se gratter ne soit pas en rapport avec un prurit ; le grattage peut résulter d'un effet de « contagion », tout comme le bâillement ou le fou-rire, par activation de l'aire de Brodmann BA44 gauche[8].

Éthologie animale modifier

Démangeaisons contagieuses modifier

Comme le baillement, certaines démangeaisons peuvent être induites par le fait de voir quelqu'un d'autre se gratter[9]. Ceci a été démontré chez des souris de laboratoire normales observant des souris victimes de réelles démangeaisons chroniques dans d'autres cages. Le grattage augmente dès les premières 5 secondes, alors qu'un groupe témoin de souris placées près de souris non concernées par des démangeaisons ne se grattent pas. L'effet est le même chez une souris à laquelle on présente une vidéo montrant une autre souris en train de se gratter[9]. Ceci laisse penser que ce phénomène (qui pourrait impliquer les neurones miroir) a une base évolutive[10], par exemple pour prévenir l'installation de poux, puces, etc.

Grattage comme moyen de communiquer modifier

On a récemment montré que dans son habitat naturel, la femelle orang-outan de Sumatra communique beaucoup par des gestes plutôt que par la voix. Elle se gratte souvent, et parfois pour d'autres raison que simplement en réponse à une démangeaison : le bruit fait par le grattement de la tête peut être une alerte à l'attention du jeune. Quand la mère se gratte ainsi en regardant sa progéniture en grattant, les deux individus s'éloignent ensuite du lieu où ils étaient. Ce constat a été fait près de 1 500 fois par des chercheurs observant 4 femelles et leur progéniture, laissant penser que c'est un moyen pour la mère de signifier à son petit qu'il faut partir, sans qu'elle ait besoin d'émettre de sons qui pourrait alerter un prédateur. Les chercheurs pensent que le geste et bruit de grattage pourraient être assez fort et urgent pour attirer l'attention de l'enfant mais pas celle des prédateurs[11].

Notes et références modifier

  1. (en) M. Schmelz, R. Schmidt, C. Weidner, M. Hilliges et H.E. Torebjork, « Chemical response pattern of different classes of C-nociceptors to pruritogens and algogens », Journal of neurophysiology, vol. 9, no 89,‎ , p. 2441-2448 (DOI 10.1152/jn.01139.2002, lire en ligne)
  2. (en) M. Schmelz, R. Schmidt, A. Bickel, H.O. Handwerker et H.E. Torebjork, « Specific C-receptors for itch in human skin », Journal of Neuroscience, vol. 17,‎ , p. 8003-8008 (DOI 10.1523/JNEUROSCI.17-20-08003.1997, lire en ligne)
  3. (en) Yan-Gang Sun, Zhong-Qiu Zhao, Xiu-Li Meng, Jun Yin, Xian-Yu Liu et Zhou-Feng Chen, « Cellular Basis of Itch Sensation », Science, vol. 325, no 5947,‎ , p. 1531-1534 (DOI 10.1126/science.1174868)
  4. (en) D. Andrew et A.D. Craig, « Spinothalamic lamina I neurons selectively sensitive to histamine: a central neural pathway for itch », Nature Neuroscience, vol. 4,‎ , p. 72-77 (PMID 11135647, DOI 10.1038/82924)
  5. (en) Alexander Drzezga, Ulf Darsow, Rolf-Detlef Treede, Hartwig Siebner, Frisch, Maxb, Frank Munz, Florian Weilke, Johannes Ring, Markusa Schwaiger et Petera Bartenstein, « Central activation by histamine-induced itch: analogies to pain processing: a correlational analysis of O-15 H2O positron emission tomography studies », Pain, vol. 9, nos 1-2,‎ , p. 295-305 (DOI 10.1016/S0304-3959(01)00271-8, lire en ligne)
  6. (en) Leigh Weingus, « Why Does Scratching Make You Itch More? Science Has An Answer », sur huffpost.com,
  7. a et b (en) Laurel Hamers, « How an itch hitches a ride to the brain Area in the brain stem acts as a relay station between spinal cord and yet-unknown destination for prickly sensations », sur Science News,
  8. Le Quotidien du Médecin 14 novembre 2012.
  9. a et b Contagious itch may be real ; 13 mars 2017
  10. Nicola Davis (2017) Scratching that itch: tests on mice show urge is hard-wired into brain The Guardian, 9 mars 2017
  11. Kelly Mayes (2019) These orangutan moms scratch to get their kid’s attention, Science News | 16 juillet

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Stephani Sutherland, « Ces démangeaisons qui nous rendent fous », Pour la science, no 471,‎ , p. 30-36

Articles connexes modifier