Otto Hahn

chimiste allemand
Otto Hahn
Description de cette image, également commentée ci-après
Otto Hahn en 1944.

Naissance
Francfort-sur-le-Main (Royaume de Prusse)
Décès (à 89 ans)
Göttingen (Allemagne)
Nationalité allemande
Domaines « chimie nucléaire »[1]
Renommé pour

Isotopes du radium (1907), Isotopes du thorium (1907), Protactinium (1917),

isomérie nucléaire (1921), fission nucléaire de l'uranium (1938)
Distinctions Médaille Emil Fischer (1919)
Prix Cannizzaro (1939)
prix Nobel de chimie (1944)[2]
Médaille Max-Planck (1949)
Chevalier de l'ordre Pour le Mérite (classe civile) (1952)
Croix d'or de l'ordre du Sauveur (1956)
Faraday Lectureship (1956)
Membre étranger de la Royal Society (1957)
Officier de l'ordre de l'Empire britannique (1957)
Officier de la Légion d'honneur (1959)
Grand-croix de l'ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne (1959)
Prix Enrico Fermi (1966)
Signature de Otto Hahn

Otto Hahn ( à Francfort-sur-le-Main, Prusse à Göttingen, Allemagne), est un chimiste allemand lauréat du prix Nobel de chimie de 1944 pour la découverte de la fission nucléaire[2]. Il est considéré comme le « père de la chimie nucléaire »[1].

Biographie modifier

Otto Hahn est né à Francfort-sur-le-Main, en province de Hesse-Nassau, le . Son père Heinrich Hahn, de souche paysanne, était vitrier et transforma son petit atelier artisanal en une entreprise florissante. Enfant, alors que son père rêvait de faire de lui un architecte, Otto Hahn faisait des expériences de chimie dans la buanderie de la maison familiale. Il était déjà réputé pour son extraordinaire mémoire.

Premières découvertes à Londres et Montréal (1904-1906) modifier

C'est en 1897 qu'il entreprend des études de chimie et minéralogie à Munich puis à Marbourg, où il devient membre de la Landsmannschaft Nibelungia Marburg (de). Pour parfaire ses connaissances en anglais, Otto Hahn part pour l'université de Londres rejoindre en 1904 Sir William Ramsay qui avait découvert les gaz rares. C'est dans le laboratoire de William Ramsay qu'il commence à s'intéresser à la radioactivité naturelle qui venait d'être découverte. Il entrevoit la possibilité de l'existence d'un élément encore inconnu, le radiothorium (ce qu'on appelle aujourd'hui 228Th), père du thorium X (224Ra). Il demande à Sir Ernest Rutherford, alors à Montréal, une place pour venir travailler avec lui. Ce dernier, ne croyant pas au radiothorium qui n'avait été prouvé que chimiquement, initie Otto Hahn à la physique des rayons alpha. C'est à Montréal qu'Otto Hahn découvre le thorium C (212Bi), émetteur alpha et beta de courte période, ainsi que le radioactinium (227Th). Son séjour au Canada le marque profondément. Il dit avoir trouvé là, pour le reste de sa vie, une échelle de valeurs.

À Berlin (à partir de 1907) modifier

 
Otto Hahn et Lise Meitner dans leur laboratoire, 1913.

Il retourne en Allemagne, à l'Institut de chimie de l'université de Berlin où il rencontre, en 1907, Lise Meitner, qui venait de l'Institut de physique de l'université de Vienne. Il entreprendra avec elle une collaboration de trente ans.

En , Otto Hahn avait épousé Edith Junghans de Stettin, qui se destinait au professorat d'art et de dessin. En 1922, leur fils, Hanno Hahn, est né à Berlin (mort dans un accident de voiture à Mars-la-Tour en France, avec sa femme Ilse, en 1960).

Découverte du mésothorium, protactinium et de l'isomérie nucléaire modifier

C'est à Otto Hahn que l'on doit aussi la découverte du mésothorium I (228Ra, 1907), du mésothorium II (228Ac, 1907), du ionium (230Th, 1907), puis du protactinium (1917), en collaboration avec Lise Meitner. Otto Hahn mit en évidence l'isomérie nucléaire, en 1921, sur l'uranium Z (234Pa).

Il s'intéressa également à la formation des isotopes du strontium, qui est à la base de la méthode de datation connue aujourd'hui comme « méthode du rubidium-strontium ».

Au cours de ces recherches, Otto Hahn fit preuve de talents de chimiste particulièrement remarquables. Avec une honnêteté intellectuelle rigoureuse, il ne laissait de côté aucun petit fait ; très persévérant, il manipulait avec un très grand soin et beaucoup de précision ; très consciencieux, il notait tous les « si » et les « mais » dans son cahier de laboratoire.

Le chimiste Salomon Rosenblum écrit après une visite dans l'Institut en 1929 :

« Otto Hahn m'a reçu fort aimablement et il m'a exposé en détail le problème dont il s'occupait à ce moment-là et qui l'intriguait beaucoup. Il voulait comprendre pourquoi certains composés d'éléments radioactifs laissaient échapper les gaz radioactifs comme le radon. Pourquoi le pouvoir émanatif était-il si capricieux? À ce moment j'ai senti que Monsieur Hahn était plus qu'un chimiste ou un physicien, c'était un « philosophe » de la nature comme diraient les Anglais. Un problème de la nature dont il s'occupait lui faisait oublier le côté pratique ou théorique dont il est parti, il voulait comprendre la chose en elle-même en gardant un respect profond pour les données premières de l'expérience[3]. »

La découverte de la fission nucléaire (1938) modifier

 
L'appareil experimental que l'équipe de Otto Hahn ainsi que Fritz Stassmann ont utilisé pour découvrir la fission nucléaire en 1938

Avec Lise Meitner, puis avec son assistant Fritz Strassmann, il se lança, dès 1935, dans l'étude de ce que l'on pensait être alors des transuraniens. À la fin de 1938, alors que Lise Meitner est contrainte de fuir l'Allemagne, elle poursuivit sa collaboration avec Otto Hahn par correspondance. Les deux scientifiques se rencontrèrent clandestinement à Copenhague en novembre 1938, afin de planifier une nouvelle série d'expériences. De retour à Berlin, Otto Hahn travaille avec Fritz Strassmann, grâce à une analyse radiochimique méticuleuse, et ils découvrent la présence de baryum après une réaction de neutrons avec de l'uranium et créa l'expression d'une « rupture » de l'uranium. Ils envoyèrent le manuscrit exposant ces observations à la revue Naturwissenschaften en [4]. Simultanément, ils envoyèrent une lettre à Lise Meitner pour lui faire part de leurs résultats expérimentaux. Étant donné la situation politique, Lise Meitner ne pouvait figurer comme coautrice de la publication, malgré son rôle majeur dans le déroulement de ces recherches. Elle et son neveu Otto Frisch ont soutenu l'hypothèse qu'il s'agissait de la fragmentation de l'uranium en deux noyaux plus légers, phénomène que Frisch a appelé « fission nucléaire ». L'article avec l'évidence de cette rupture portant la signature de Hahn et de Strassmann fut envoyé à la revue Naturwissenschaften le et publié dans le numéro du . Il s'agit là de l'acte de naissance de l'énergie nucléaire.

Hahn resta en Allemagne pendant la dictature nazie tout en restant opposé au national-socialisme et à la persécution des Juifs par le parti nazi. Albert Einstein a écrit que Hahn fut « l'un des rares à se tenir droit et à faire de son mieux pendant ces années de mal ».

Otto Hahn se vit décerner le prix Nobel de chimie de 1944 « pour sa découverte de la fission des noyaux lourds[2] ». Il ne put aller le recevoir qu'à la fin de l'année 1946.

Après-guerre : fondateur de la Société Max-Planck modifier

 
Otto Hahn et sa femme Edith, née Junghans, 1959.
 
Monument Otto Hahn à Francfort-sur-le-Main.
 
Buste d'Otto Hahn.
 
Hahn 5 DM, Allemagne 1979.
 
Institut de chimie Kaiser-Wilhelm à Berlin, endroit où fut découverte la fission nucléaire.

À l'arrivée des troupes alliées, en Allemagne, Otto Hahn, avec neuf de ses collègues, fut emmené pendant quelques mois en Angleterre, à Farm Hall. Des retranscriptions de leurs conversations enregistrées à leur insu[5], il apparaît que, découvreur de la fission nucléaire, Otto Hahn se sentit moralement responsable des bombardements américains d'Hiroshima et Nagasaki et pensa à se suicider. Il déclara : « Je remercie Dieu à genoux que nous [les Allemands] n'ayons pas fait la bombe à uranium ».

Après son retour, il s'installa à Göttingen, où il œuvra à la transformation de l’Institut Kaiser-Wilhelm en Société Max-Planck, dont il fut le premier président de 1946 à 1960.

Après la guerre, il devint un militant contre l'utilisation des armes nucléaires et mit ses compatriotes en garde contre toute utilisation inhumaine des découvertes scientifiques. Il fait notamment partie des signataires du manifeste des 18 de Göttingen qui dénonce l'usage de l'énergie atomique dans le domaine militaire. En 1958, il signe avec plus de 9 000 scientifiques une pétition présentée par Linus Pauling aux Nations unies et appelant à l'arrêt des essais nucléaires[6].

Otto Hahn fut membre ou membre d'honneur de 45 académies et sociétés scientifiques et également lauréat de 37 médailles et ordres dans le monde entier. Il est lauréat de la Faraday Lectureship de la Royal British Chemical Society à Londres en 1956. Il devient membre étranger de la Royal Society le , et officier de l'ordre de l'Empire britannique et de l’ordre du Sauveur. En 1959, il est nommé officier dans l'ordre national de la Légion d'honneur par le président Charles de Gaulle, et il fut lauréat de la Grand-croix de l'ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne par le président allemand Theodor Heuss. Plusieurs instituts, prix et médailles, ainsi qu'écoles et lycées européens portent son nom.

 
Caricature par Gheorghe Manu, Roumanie.

Otto Hahn avait une très forte et très riche personnalité. Bien que modeste, il se réjouissait de sa popularité grandissante. « Je crois que je suis célèbre, mais je ne suis qu'un chimiste », disait-il. Alpiniste, il faisait volontiers des ascensions sans guide. Il aimait la musique (Beethoven, Brahms, Tchaïkovski). Il aurait chanté comme ténor dans une chorale dirigée par Max Planck, avant la Première Guerre mondiale.

Otto Hahn meurt à Göttingen, le et son épouse Edith (née Junghans) peu après lui. Il était membre de l'Académie royale danoise des sciences et des lettres.

L'ambassade de France à Bonn avait publié un message par le président Charles de Gaulle :

« Comme homme et comme Français je sais quel rôle éminent Otto Hahn a joué dans le développement de la science moderne, sur le plan de la chaleur humaine et dans l'amélioration des relations entre l'Allemagne et la France en un terrain capital »[7].

Le chimiste Christian Ythier, professeur de l'université de Nice, écrit :

« Otto Hahn a exercé un grand rayonnement sur l'université allemande, où s'est épanouie notamment cette science qu'il a tant contribué à développer : la chimie nucléaire et la radiochimie, enseignée aujourd'hui, outre-Rhin, presque dans chaque université. Depuis plusieurs années déjà, plusieurs grands instituts de recherche portent son nom. Il laisse un souvenir ineffaçable . Longtemps encore, on se souviendra de cet homme libre et droit, serein et affable, qui eut le rare et sans doute tragique destin d'être un nouveau Prométhée »[8].

Des propositions furent faites à plusieurs reprises pour donner le nom de Hahnium à des éléments chimiques, notamment aux éléments 105 et 108, sans succès.

L'Union astronomique internationale (UAI) a donné son nom à deux cratères, sur la Lune et sur Mars, ainsi qu'aux astéroïdes 2962 Otto, 3676 Hahn, et 19126 Ottohahn.

Le premier navire marchand à propulsion nucléaire navale d'Europe, le NS Otto Hahn, porte son nom.

Publications modifier

  • (en) Otto Hahn, Willy Ley (edt.) et Glenn T. Seaborg (Introd.), Otto Hahn : a scientific autobiography, New York, C. Scribner's Sons, , 296 p. (OCLC 937577181).

Notes et références modifier

  1. a et b Prof. Glenn T. Seaborg, président de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis, Washington D.C.
  2. a b et c (en) « for his discovery of the fission of heavy nuclei » in Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Chemistry 1944 », Fondation Nobel, 2010. Consulté le 14 août 2010
  3. (en) Lise Meitner et Dietrich Hahn (dir.), Recollections of Otto Hahn, Stuttgart, S. Hirzel, (ISBN 3-7776-1380-0), p. 1
  4. (de) O. Hahn and F. Strassmann Über den Nachweis und das Verhalten der bei der Bestrahlung des Urans mittels Neutronen entstehenden Erdalkalimetalle (Sur la détection et les caractéristiques des métaux alcalino-terreux formés par irradiation de l'uranium avec des neutrons), Naturwissenschaften Volume 27, Numéro 1, 11-15 (1939). Reçu le .
  5. Charles Franck, Opération Epsilon, Paris, Flammarion, , 384 p. (ISBN 978-2-08-211218-5), p. 102 à 116.
  6. « Trente-six prix Nobel et plus de neuf mille savants demandent la fin des expériences nucléaires », Le Monde,‎
  7. Walther Gerlach, Dietrich Hahn: Otto Hahn - Ein Forscherleben unserer Zeit. Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft (WVG), Stuttgart 2005. p. 190. (ISBN 3-804-70757-2).
  8. Christian Ythier, « Un Prométhée moderne - le professeur Otto Hahn », Nice Matin, 30 juillet 1968.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Sur les autres projets Wikimedia :