Marie-Thérèse Noblet

missionnaire chrétienne française
Marie-Thérèse Noblet
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Naissance
Décès
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Nationalité
Activité

Marie-Thérèse Augustine Noblet, née le à Signy-l'Abbaye dans les Ardennes et morte le à Koubouna, en Papouasie, est une missionnaire chrétienne française. De santé fragile, elle aurait été confrontée toute sa vie à des phénomènes paranormaux, elle a été également reconnue officiellement par l’Église catholique, en 1907, comme une des miraculées de Lourdes. Sa personnalité étonnante a été contestée.

Biographie modifier

Origines familiales modifier

Les Noblet sont une famille de notables. Un des ancêtres de Marie-Thérèse est avocat sous l’Ancien Régime puis sous-préfet de Rethel pendant le Premier Empire. Ses descendants sont négociants puis industriels. Son grand-père, Nicolas Constant Noblet, emploie 300 ouvriers en 1847 dans son entreprise, notamment dans une filature ouverte à Signy-l’Abbaye. Son père, Charles-Constant, industriel lui-aussi, est maire de Signy-l’Abbaye et conseiller général[1]. Marié une première fois et veuf, dix ans plus tard, il se remarie en 1887 avec Marie-Angèle Panis, de onze ans plus jeune que lui[2].

Marie-Thérèse est le deuxième enfant de ce couple. Elle est née le . Son père meurt en 1894, alors qu’elle n’a que 5 ans, et sa mère peu de temps après, en . Elle est mise au pensionnat de l’Enfant-Jésus, chez des sœurs[3].

Maladies et guérisons modifier

Le soir de Noël 1896, alors qu’elle est chez son grand-père, elle est prise de vomissements et de douleurs. Une péritonite est diagnostiquée. L’extrême-onction lui est donnée, mais elle guérit neuf jours plus tard[3].

À partir de 1901, elle est à nouveau profondément malade. Les traitements ne donnent rien. Finalement, elle devient paralysée du côté gauche, victime d’une inflammation de la colonne vertébrale. Le Mal de Pott est diagnostiqué. Elle est plâtrée. Prise en charge par l’Institution Saint-Joseph d’Avenay, tenue par des religieuses et qui se consacrent habituellement à des vieillards, elle est emmenée en pèlerinage à Lourdes[3]. Le , à 15 ans, elle demande à comparaître au bureau des constatations où elle est déplacée. Là, elle se lève et se met à marcher : elle est guérie[4]. Le caractère miraculeux de cette guérison de Lourdes est officialisé par l’Église catholique trois ans plus tard[5].

En 1908, elle est prise d’une crise d’appendicite, refuse de se faire opérer. Elle reste alitée plusieurs semaines, puis se rend à Lourdes, sur les bords du Gave de Pau et à la Grotte où elle se sent soudainement guérie[4].

Stigmates, visions, phénomènes paranormaux modifier

À partir de 1912, elle est à nouveau victime de fréquents malaises. Elle est amenée en Suisse, puis à Paray-le-Monial et à La Salette. Les Ardennes étant envahie dès le mois d', elle gagne Issoudun, Lourdes à nouveau, Toulouse, puis Château-Gombert, près de Marseille, dans une résidence mise à disposition des réfugiés ardennais[6]. Elle a 25 ans et est victime à nouveau, par période, d’inflammation de la moelle épinière. Elle se retrouve également dans des situations extatiques ou surnaturelles, atteinte par exemple de cécités temporaires. En , on la retrouve mystérieusement ficelée sur son lit. C’est à Château-Gombert qu’elle rencontre un ancien missionnaire, responsable de cette paroisse jusqu’à sa mort en 1920, revenant de Papouasie. Sa congrégation des missionnaires du Sacré-Cœur possède deux maisons à Château-Gombert. Marseille est pour cette congrégation la porte de la Papouasie. C'est là que les missionnaires embarquent pour cette contrée, c'est par là qu'ils en reviennent[7].

De janvier à , elle subit à nouveau des crises. Elle a des visions et porte des stigmates, sans saignement, prenant la forme d’une croix au niveau du cœur et d’une hostie au niveau du sternum, évoluant et se modifiant. Monseigneur de Boismenu, supérieur de la Mission de Papouasie, de passage à Château-Gombert dans la congrégation, s’intéresse à son cas et procède à des exorcismes[8]. Le , elle se déclare complètement guérie et annonce sa volonté de partir en septembre pour la Papouasie[9].

Missionnaire en Papouasie modifier

Réussissant à vaincre les réticences de son entourage, elle part effectivement pour l'île de la Nouvelle-Guinée. Elle croise durant son voyage Léon Bourjade, qui part également comme missionnaire pour la même région, et Paul Claudel, en route pour le Japon[10]. Elle exerce sur place durant neuf ans, d’abord comme sœur indigène puis rapidement comme mère supérieure. Elle meurt le , à Koubouna[11].

Controverses modifier

Dans les années 1930, les deux ouvrages des révérends pères Dupeyrat et Pineau font connaître la personnalité de Marie-Thérèse Noblet. Si son parcours comme missionnaire en Papouasie ne recueille que des échos élogieux dans la communauté catholique française, des questions sont émises sur les maladies, extases, stigmates également mises en exergue. André Pineau parle d'une jeune femme dont «les premières années furent un martyre de presque toutes les heures» et évoque une «existence mystique»[12], mais son récit provoque quelquefois de l'incrédulité.

En 1937, un congrès de scientifiques catholiques se consacre à la théologie mystique et étudie durant une journée, à travers différentes interventions, les cas de Jean-Joseph Surin d'une part et de Marie-Thérèse Noblet d'autre part, en posant la question suivante : «dans quelle mesure la sainteté et la haute vie mystique sont-elles compatibles avec des troubles pathologiques ?» [13]. Le philosophe Roland Dalbiez affirme que les épisodes surnaturels de la vie de Marie-Thérèse Noblet n'enlèvent rien à ses vertus héroïques en tant que missionnaire. Pour autant, les faits stigmatiques mis en avant pour cette personne lui donnent l'impression d'être le résultat d'«une idéation inconsciente qui n'a rien de transcendant, tout en pouvant servir de véhicule à l'action sanctifiante de la grâce». Le poids des preuves, suggère-t-il, devrait être proportionné à l'étrangeté des faits[13],[14]. Le professeur Jean Lhermitte, de la Faculté de médecine de Paris, revient sur le parcours de Marie-Thérèse Noblet en France et met en doute qu'elle ait été atteinte du mal de Pott en 1905 : il précise que les convulsions, contorsions et paralysie du côté gauche ne touchent pas d'habitude les personnes atteintes de ce mal, et il relève qu'aucune radiographie n'a été effectuée. S’agissant de la guérison de 1908, il constate à nouveau que les symptômes mis en avant ne correspondent pas à une crise de l'appendicite. Sur les stigmates, il les considère comme «des accidents de nature névrosique ou mieux psychonévrosique à caractère hystérique»[13],[15].

La controverse rebondit après la Seconde Guerre mondiale, en 1956, avec la publication par Jean Lhermitte de son ouvrage Vrais et faux possédés. « Personne ne devrait ignorer » y écrit par exemple le professeur Lhermitte à propos de Marie-Thérèse Noblet « que le ficelage d'un sujet par lui-même est le tour le plus commun de tout prestidigitateur »[16]. Un échange s'instaure, par l'intermédiaire du journal Le Monde entre le docteur Lhermitte et le père Dupeyrat, qui a bien connu Marie-Thérèse Noblet en Papouasie. Celui-ci décrit une personnalité équilibrée, aux antipodes de celle imaginée par le médecin, et évoque une vie comparable à celle d'une « sainte ». Ce à quoi Jean Lhermitte répond : « Le fait d'être soi-disant possédée n'implique pas la notion de sainteté, mais elle n'y contredit pas. Pour moi, l'hystérie (pseudopossession) peut s'allier avec la sainteté. Je l'ai écrit à bien des reprises et le redit dans l'ouvrage mis en cause. Marie-Thérèse Noblet peut avoir montré les plus sublimes vertus, elle n'en a pas moins été victime de la névrose hystérique. »[17].

Références modifier

  1. Marby, Dorel-Ferré et McKee 2006, p. 69-73.
  2. Chapellier 2003, p. 68.
  3. a b et c Chapellier 2003, p. 65.
  4. a et b Chapellier 2003, p. 66.
  5. Daux 1909, p. 612-613.
  6. Delbos et Bur 2007, p. 100-110.
  7. Delbos et Bur 2007, p. 110.
  8. Delbos et Bur 2007, p. 162.
  9. Chapellier 2003, p. 67.
  10. Claudel 1994, p. 166.
  11. La Croix 1930, p. 4.
  12. Pineau 1938.
  13. a b et c Habert 1939, p. 4.
  14. Dalbiez 1938, p. 210-234.
  15. Lhermitte 1938, p. 201-209.
  16. Fiessinger 1956.
  17. Le Monde 1956.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Camille Daux, « A propos des miraculés de Lourdes », La Science catholique : revue des questions religieuses,‎ , p. 607-622 (lire en ligne).
  • André Dupeyrat, Marie-Thérèse Noblet, missionnaire en Papouasie, Lyon, Editions. Ange-Michel, .
  • Rédaction La Croix, « Dans les montagnes de Papouasie. La Mère des petites Sœurs noires », La Croix,‎ , p. 3 (lire en ligne).
  • André Pineau, Marie-Thérèse Noblet, servante de notre Seigneur en Papouasie, Archiconfrerie de N.-D. du Sacré-Cœur, (1re éd. 1934).
  • Jean Lhermitte, « Marie-Thérèse Noblet (1889-1930), considérée du point de vue neurologique », Études carmélitaines, t. 23,‎ , p. 201-209.
  • Roland Dalbiez, « Marie-Thérèse Noblet (1889-1930), considérée du point de vue psychologique », Études carmélitaines, t. 23,‎ , p. 210-234.
  • François Achille-Delmas, « A propos de P. Surin et de M. Th. Noblet », Études carmélitaines, t. 23,‎ , p. 235-239.
  • O. Habert, « Un congrès de théologie mystique, Haute vertu et psychopathologie chez Marie-Thérèse Noblet », La Croix,‎ , p. 3 (lire en ligne).
  • Pierre Giscard, Mystique ou hystérie ? A propos de Marie-Thérèse Noblet, Éditions du Vieux-Colombier, .
  • Maria Winowska, Malgré toi, Satan ! Vie de Marie-Thérèse Noblet, Éditions Fayard, .
  • Jean Lhermitte, Vrais et faux possédés, Éditions Fayard, , 170 p..
  • H. Fiessinger, « La peur du diable », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Rédaction Le Monde, « Vrais et faux possédés », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Dupeyrat, Briseurs de lances chez les Papous, Éditions A.Michel, , 16, 139, 208.
  • Maria Winowska, Le Scandale de la Croix : vie de Marie-Thérèse Noblet, Éditions Résiac, .
  • Jacques Gagey et Pierre Adnès, Phénomènes extraordinaires : phénomènes mystiques, stigmates, transverbération, Éditions Beauchesne, , 61, 69, 91 (lire en ligne).
  • Paul Claudel, Supplément aux Œuvres complètes, Éditions L'Âge d'Homme, (lire en ligne), p. 166.
  • Alain Chapellier, Racines d'Ardennes, t. II, Les Éditions du plateau de Rocroi, , 104 p. (ISBN 2-9517652-5-8), « Marie-Thérèse Augustine Noblet, une miraculée ( ?) en Papouasie », p. 65-68.
  • Jean-Pierre Marby, Gracia Dorel-Ferré (dir.) et Denis McKee (dir.), Les patrons du Second Empire : Champagne-Ardenne, Paris/Le Mans, Éditions Picard & Éditions Cénomane, , 250 p. (ISBN 2-7084-0755-4), « Constant Louis Noblet », p. 69-72.
  • Georges Delbos et Michel Bur, Marie-Thérèse Noblet, 1889-1930 : des Ardennes en Papouasie, un étonnant parcours, Petrus A Stella, , 369 p..
  • (en) Jean Lhermitte, True and False Possession? : How to Distinguish the Demonic from the Demented, Sophia Institute Press, , 129 p. (lire en ligne), « Marie-Thérèse Noblet ».

Webographie modifier

Article connexe modifier