Harold Cherniss

philologue classique, historien de la philosophie et helléniste américain
Harold Cherniss
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Harold Fredrik Cherniss (11 mars 1904 - 18 juin 1987) est historien de la philosophie et helléniste américain. Alors professeur à l'Institute for Advanced Study de Princeton, il est considéré comme « le plus grand expert de Platon et d'Aristote de tous les États-Unis. »[a][1].

Selon Leonardo Tarán au sujet de Cherniss, « sa plus grande contribution à l'érudition est sans aucun doute ses deux livres sur Aristote, complétés par The Riddle of the Early Academy (« L'énigme de la première Académie ») … ses ouvrages publiés sur Platon, Aristote et l'Académie sont parmi les très rares publications qui ont révolutionné le domaine. ... Son importance a été reconnue dans le monde entier, non seulement par les classiques et les philosophes, mais aussi par les sociétés savantes dont il était membre et les diverses universités qui lui ont décerné des diplômes honorifiques. »[b][2].

L'apport de Cherniss au savoir universitaire continue de façonner l'étude de la philosophie grecque de plusieurs manières significatives :

  • On se souvient de Cherniss comme d'un champion de l'unitarisme platonicien, l'affirmation selon laquelle les dialogues de Platon présentent un système philosophique unique, cohérent et immuable.
  • Cherniss « est révolutionnaire dans l'étude de la philosophie présocratique »[3] , stimulant les histoires révisionnistes des premiers débuts de la pensée européenne en montrant que les nombreux rapports d'Aristote se révèlent souvent peu fiables et déformés par ses propres objectifs polémiques.
  • Cherniss attaque les affirmations d'Aristote selon lesquelles Platon avait des « doctrines non écrites » ésotériques et a développé une ontologie mathématique fondée sur deux principes opposés. Cette interprétation ésotérique de Platon est ensuite ressuscitée par ce qu'on appelle l'école de Tübingen, dénoncée dans une revue influente de Grégoire Vlastos qui cite à plusieurs reprises Cherniss. Le scepticisme de Cherniss et de Vlastos à l'égard du Platon ésotérique reste dominant parmi les universitaires anglophones et contribue à la scission continue avec de nombreuses études européennes sur Platon.
  • Cherniss se moque des reconstructions fantaisistes et grandioses faites par d'autres chercheurs sur les prétendues conférences et le programme de l'Académie de Platon, et crée une retenue durable dans les images savantes de la première Académie.

Avant et après la Seconde Guerre mondiale, diverses circonstances viennent se greffer à la carrière de Cherniss et de son ami Robert Oppenheimer, directeur du projet Manhattan qui développera plus tard les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Oppenheimer est ensuite soupçonné d'être un espion soviétique et a perdu son accréditation de sécurité lors du scandale national qui s'ensuit. Cherniss joue un rôle clé en aidant Oppenheimer à conserver son poste de directeur de l'Institute for Advanced Study.

Biographie modifier

Du Missouri à Berkeley modifier

 
Un parent d'Harold Cherniss, Louis Cherniss, possède un magasin de meubles en Iowa, de l'autre côté de la rivière Missouri depuis Omaha (Nebraska)[4].

L'arrière-grand-père de Harold Cherniss, Julius Cherniss, arrive à Omaha (Nebraska), en 1882 avec 160 immigrants juifs de Vinnytsia en Ukraine, alors partie intégrante de l'empire russe[4]. Le premier pogrom en Russie a eu lieu en Ukraine l’année précédente, fin avril 1881, et s’est étendu à toutes les provinces ukrainiennes. Le gouvernement russe adopte alors une politique systématique d’exclusion des Juifs de tout rôle économique et public, ce qui entraîne une émigration massive de réfugiés juifs de Russie vers les États-Unis et ailleurs[5]. Omaha accueille une importante communauté juive. Le père de Harold Cherniss, né à Vinnytsia le 19 mai 1872, se retrouve à une centaine de kilomètres en aval du fleuve Missouri depuis Omaha, à St. Joseph (Missouri)[6]. Plus tard, pendant l'occupation nazie de l'Ukraine au début des années 1940, plus d'un million de Juifs ukrainiens périssent dans l'Holocauste, dont des dizaines de milliers à Vinnytsia[7].

Fils de David B. et Theresa C. Tcherniss, Harold Cherniss naît à Saint Joseph, dans le Missouri, et étudie à l'Université de Californie à Berkeley, où il obtient une licence (A.B.) en 1925[8],[9]. À l'été 1926, il suit les cours de Paul Shorey, un éminent spécialiste de Platon, à l'Université de Chicago[10].

Une année cruciale en Allemagne modifier

 
Université de Berlin

De 1927 à 1928, Cherniss étudie avec certains des plus grands noms allemands des études classiques de l'époque : à Göttingen avec Hermann Fränkel et à Berlin avec Werner Jaeger et Wilamowitz-Moellendorff. Cherniss arrive ainsi au milieu d'une période (1924-1929) connue en Allemagne sous le nom d'âge d'or (allemand : Goldene Zwanziger) de la république de Weimar de gauche, au cours de laquelle l'économie est en croissance accompagnée d'une diminution conséquente des troubles civils. Il s'agit d'années relativement calmes entre l’hyperinflation de 1921-24 et la prise du pouvoir par les nazis en 1933. Les années 1920 ont vu une renaissance culturelle remarquable en Allemagne. Influencés par la brève explosion culturelle de l’Union soviétique, littérature, cinéma, théâtre, jazz, art et architecture allemands se trouvaient au milieu d’une phase de grande créativité. C'est également une époque révolutionnaire dans les études classiques et la philosophie. En 1923, Werner Jaeger avait publié son célèbre ouvrage Aristoteles: Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung (« Aristote : Fondements pour l'histoire de son développement »)[11]. En 1927, Martin Heidegger avait publié Sein und Zeit (« Être et Temps »)[12].

 
Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff ; de Rudolf Dührkoop

Alors que Cherniss étudie en Allemagne, une campagne électorale cruciale divise les forces modérées et centristes. En 1927, la coalition gouvernementale qui comprend à la fois le Parti populaire national allemand de gauche et l'antisémite, précurseur du Parti national-socialiste de Hitler, se sépare et précipite une nouvelle élection que les partis démocrates de droite semblent remporter[13]. Même si les implications ne sont pas toutes apparentes pendant le séjour de Cherniss en Allemagne, les élections dont il est témoin s' avérent un tournant clé qui fatalement affaiblit les forces modérées et démocrates en Allemagne et ouvre la voie à la montée du nazisme quelques années plus tard[14].

Un visiteur à Princeton rencontre Harold Cherniss plusieurs années plus tard et rapporte que :

(…) nous avons réussi à parler de Wilamowitz… [Cherniss] a déclaré que Wilamowitz pimentait ses cours de remarques sur la situation politique en Allemagne et que ses étudiants applaudissaient en tapant bruyamment du pied sur le sol. Les remarques étaient d’une telle nature qu’elles ont amené Cherniss à développer une intense aversion pour cet homme. Je ne me souviens pas comment il a qualifié ces remarques, mais la description par Solmsen du prisme prussien antidémocratique, anticatholique et antisémite à travers lequel Wilamowitz considérait l'Allemagne de Weimar expliquerait l'antipathie de Cherniss[c][15].

Les cours d'avant-guerre et Arthur O. Lovejoy modifier

 
L'Université de Californie à Berkeley est marquée par la Sather Tower (1914) au premier plan. Le pont traverse la baie jusqu'à San Francisco.

Cherniss obtient son doctorat de Berkeley en grec ancien, latin et sanskrit en 1930[10],[16]. Il enseigne ensuite le grec à l'Université Cornell de 1930 à 1933, suivi de dix années d'enseignement à l'Université Johns Hopkins et d'un retour à l'Université de Californie avant la guerre. Un collègue de Berkeley fait remarquer : « Il est un platonicien à la fois en tant qu'universitaire et que penseur... »[9]. Il épouse Ruth Meyer, ancienne camarade de classe à Berkeley[16],[17]. Cherniss estmembre du Guggenheim en 1941-1942[18].

Pendant que Cherniss rédige ses trois monographies à Johns Hopkins, l'éminent philosophe Arthur O. Lovejoy promeut une approche influente de « l'histoire des idées » pour étudier les idées philosophiques, une approche qui met l'accent sur la retrace de leur ascendance à travers des périodes historiques successives. Lovejoy fonde un « Club d'histoire des idées » à Johns Hopkins qui comprend Cherniss, ses amis Ludwig Edelstein et George Boas, et quelques autres :

« À l'instar des Apôtres de Cambridge et de la Société métaphysique du siècle dernier, le Club d'Histoire des Idées s'est fixé un triple objectif : le bilan intellectuel, la recherche d'une nouvelle vérité et la « fertilisation croisée » des différents départements et disciplines universitaires. . Plus précisément, elle trouve son origine dans le besoin des penseurs américains après la Première Guerre mondiale de devenir plus conscients du patrimoine culturel dont ils commençaient alors à se sentir les gardiens. »[d][19].

Cherniss présente des travaux lors de ses réunions et la préface de l'ouvrage le plus connu de Lovejoy, The Great Chain of Being[20] (« La Grande Chaîne de l'Être ») de 1936, où Lovejoy remercie Cherniss de ses contributions.

Service auprès du renseignement militaire britannique en Europe modifier

Hitler envahit la Pologne le 1er septembre 1939. En septembre 1941, des groupes de commandos nazis chargés d'éliminer la population juive d'Ukraine massacrent quelque 50 000 personnes à Vinnytsia, ville natale du père de Cherniss. Le Japon lance l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941.

En avril 1942, Cherniss donne les conférences Sather à Berkeley et se porte peu après volontaire pour le service militaire. Il entre dans l'armée américaine en tant que simple soldat et se retrouve à l'étranger en novembre 1942[21], où il travailla dans le renseignement militaire. Il est affecté à une unité de renseignement britannique en Angleterre, en France et en Belgique et accède au grade de capitaine en trois ans[21],[22]. Selon George Watt, Cherniss travaille en Belgique immédiatement après la guerre et cherche des informations auprès d'Aline Dumon (surnommée « Michou »), qui remporte des médailles pour son travail clandestin dans le réseau de résistance dit Réseau Comète. Cherniss recherche un jeune homme qui avait trahi des dizaines de milliers de personnes dans la clandestinité belge et française e, collaborant avec l'occupation allemande. Dans une interview de 1985, la résistante se rappelle :

« Après la guerre,… Le lieutenant Harold Cherniss, l'officier du renseignement américain, m'a téléphoné et m'a dit "Michou, tu dois venir vite". Je suis allée au bureau d'Harold et il m'a montré douze petites photos de cartes d'identité et m'a demandé : "Connaissez-vous ce garçon ? J'ai dit "Oui, [c'est lui]…" Il a dit : "Michou, c'est très important. S'il vous plaît, regardez attentivement." J'ai dit "Pas de problème… [c'est] le même garçon." Il rit. J'ai dit "Que s'est-il passé, Harold ?" "Ce garçon travaille pour les Américains à Nuremberg." Mais pas pour longtemps… [Le garçon] fut jugé et exécuté à Lille en 1945. »[e][23],[24].

Guerre froide et climat délétère à Berkeley modifier

 
Oppeneheimer et le général Groves examinent le site du premier essai d'une bombe atomique au Nouveau-Mexique en 1945.

En 1946, alors qu'il est encore en Europe, Cherniss accepte l'offre de retourner à Berkeley en tant que professeur de grec[25]. Avec le blocus de Berlin de 1948-1949, la victoire des communistes en Chine et la première bombe atomique soviétique en 1949, l’Amérique et Berkeley sont bientôt prises dans les tensions de la guerre froide. Dans l’inquiétude croissante alimentée par le sénateur Joseph McCarthy et le Comité d'enquête des activités anti-américaines de la Chambre des représentants, dirige en Californie par Jack Tenney, les craintes d’une infiltration des communistes dans les universités américaines s'accroisent. Ces problèmes sont aigus à Berkeley, dont le laboratoire situé dans les collines au-dessus du campus est fortement impliqué dans le développement de la bombe atomique. En septembre 1949, le comité McCarthy ouvre une audience sur une prétendue infiltration communiste du laboratoire, surnommé Rad Lab (« labo à radiations »)[26]. Anticipant l'imminence de la future législation californienne dite Levering Act et sur l'impulsion du président des universités californiennes Robert Gordon Sproul, l'administration universitaire de l'État modifie les conditions professorales et se met rapidement à exiger de ses enseignants qu'ils signent un serment de loyauté anticommuniste[26]. Alors que les tensions montent dans les universités californiennes, Cherniss accepte une offre de l'Institute for Advanced Study à Princeton, dans le New Jersey. Il démissionne de son poste à Berkeley, en Californie : « son mandat là-bas fut écourté par la controverse née de l'exigence de la législature californienne que les fonctionnaire de l'État prêtent serment de loyauté. »[f][27].

Bien que de retour sur la côte Est, Cherniss reste impliqué dans ce qui est rapidement devenu un débat national sur les serments de loyauté de Berkeley et la liberté académique. En 1950, la résistance des professeurs de Berkeley se durcit et finalement, quelque 31 membres du corps professoral sont licenciés[26]. Les nouveaux immigrés parmi les professeurs y sont particulièrement opposés : « persécutés par les nazis et forcés de quitter l’Allemagne, ils se méfiaient à juste titre du serment de loyauté comme d’une exigence de conformité de la guerre froide ou, pire, d’une atteinte aux libertés nécessaires dans tout établissement d’enseignement supérieur. »[g][26]. Cherniss organise une lettre publique de la faculté de l'Institute for Advanced Study en faveur de la liberté académique. Sa lettre est distribuée à la faculté de Berkeley et publiée[28] :

« Sachant que les recteurs ont licencié des membres de votre faculté contrairement à la recommandation de votre comité sur les privilèges et la titularisation, et que cette action viole la politique de titularisation et le principe d'autodétermination et de responsabilité de la faculté reconnu jusqu'ici par l'Université de Californie, nous vous écrivons à l’unanimité pour vous encourager à vous unir pour défendre vos politiques et principes traditionnels contre l’empiétement. »[h].

La lettre est signée par Oppenheimer, Cherniss, Albert Einstein, Erwin Panofsky et tant d'autres. Des lettres similaires sont envoyées par Princeton comme d’autres universités[29].

Parmi les professeurs à Berkeley, il y a le célèbre médiéviste juif allemand, Ernst Kantorowicz, qui a quitté l'Allemagne en 1939 après l'exigence du gouvernement nazi que les fonctionnaires prêtent serment de loyauté à Hitler ; avec l'expérience de l'Allemagne sous les yeux, Kantorowicz, refuse de signer le serment de loyauté de Berkeley et fait partie des premiers professeurs congédiés. Plus tard, en 1951, Cherniss lui suggére de postuler à l'Institute for Advanced Study et Kantorowicz y obtient un poste permanent. L'ancien collègue de Cherniss à Johns Hopkins, l'helléniste Ludwig Edelstein, qui avait également déménagé à Berkeley après la guerre, refuse de signer le serment de loyauté et perd son emploi. Il retrouve un poste à Johns Hopkins[30]. En octobre 1952, le serment de loyauté de Berkeley est déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême de Californie. L'université reçoit l'ordre de réintégrer tous les professeurs licenciés[26].

Princeton et Robert Oppenheimer modifier

 
L'Institute for Advanced Study de Princeton, dans le New Jersey.

En 1948, Cherniss démissionne de Berkeley pour rejoindre le corps professoral de l' Institute for Advanced Study de Princeton dans le New Jersey. L'antisémitisme zqt encore répandu à cette époque en Amérique, même dans des universités comme Princeton, mais l'Institut « employait des universitaires sans absolument se soucier de leurs convictions religieuses ou de leur appartenance ethnique »[31]. Cherniss est nommé par son vieil ami Robert Oppenheimer, parfois connu comme le « père de la bombe atomique ».

Cherniss rencontre Oppenheimer pour la première fois à Berkeley en 1929. Harold Cherniss vient d'épouser Ruth Meyer qui a été au lycée avec Oppenheimer à l' Ethical Culture Fieldston School de New York. Autre point commun : Oppenheimer a étudié à Göttingen jusqu'en juillet 1927 et Cherniss y a étudié en 1927-1928[32]. Après la guerre, il y a eu un scandale national à la suite des soupçons selon lesquels Oppenheimer était secrètement un sympathisant communiste. Cherniss rappelle dans une interview ultérieure qu'il existait des preuves avant-guerre de l'intérêt d'Oppenheimer pour le marxisme, mais qu'il les a pris avec désinvolture :

En fait, l’exposition d’Oppenheimer à Marx s’est produite plusieurs années plus tôt, probablement au printemps 1932. Son ami Harold Cherniss se souvient qu'Oppie lui avait rendu visite à Ithaca, New York, ce printemps-là et s'était vanté d'avoir lu Das Kapital. Cherniss s'est contenté de rire ; il ne considérait pas Oppie comme politique mais il savait que son ami lisait beaucoup : « Je suppose que quelque part quelqu'un lui a dit : Tu n'es pas au courant ? Tu ne l'as pas vu ? Alors il a pris ce misérable livre et l'a lu ! "[i][33]

 
Einstein et Oppenheimer à l'Institute for Advanced Study vers 1950

En juillet 1945, lorsque la première bombe atomique au monde explose lors du test de la Trinité, Oppenheimer est censé avoir cité un dicton de la Bhagavad-Gita[34] : « Maintenant, je suis devenu la mort, le destructeur des mondes ». Oppenheimer avait étudié le sanskrit à Berkeley et c'est Cherniss qui présente Oppenheimer à son professeur de sanskrit, Arthur W. Ryder. Oppenheimer affirme plus tard avoir prononcé ces mots, mais il n'existe aucune preuve contemporaine[35]. En 1945, après Hiroshima et Nagasaki, alors qu'Oppenheimer est devenu l'un des scientifiques les plus en vue du monde, Cherniss le rencontre à Berkeley[36].

En 1947, Oppenheimer accepte une offre de direction de l'Institute for Advanced Study. Cherniss est le premier membre du corps professoral d'Oppenheimer nommé à l'institut[37].

Cherniss et l'affaire Oppenheimer modifier

 
Oppenheimer, déshonoré lors d'une audience controversée de quatre semaines en 1954.

Malgré sa renommée, Oppenheimer s'est fait de nombreux ennemis qui le soupçonnent d'être un sympathisant communiste, voire un espion. Parmi eux, Lewis Strauss, qui était à la fois commissaire de la nouvelle Commission de l'énergie atomique, qui contrôle les usines et le personnel rassemblés pendant la guerre pour produire la bombe atomique, et président du conseil d'administration de l'Institute of Advanced Study. Oppenheimer est appelé à témoigner devant le Comité d'enquête des activités anti-américaines de la Chambre des représentants en 1949. Strauss et d'autres poussent le président Eisenhower à révoquer l'accréditation de sécurité d'Oppenheimer. Une audience suit en avril-mai 1954 et Oppenheimer perd son accréditation de sécurité. Ce scandale national provoque une rupture durable entre les scientifiques américains et les militaires. Les historiens ayant accès aux preuves américaines et russes ont depuis conclu qu'Oppenheimer n'avait jamais été impliqué dans l'espionnage pour le compte de l'Union soviétique et n'avait pas trahi les États-Unis, bien qu'à la fin des années 1930, il soit devenu partisan du Parti communiste[38].

Après la chute d'Oppenheimer, Cherniss contribue à empêcher son renvoi de l'Institut. Lewis Strauss demande le licenciement d'Oppenheimer :

« En juillet, Strauss a déclaré au FBI qu'il pensait que huit des treize administrateurs de l'Institut étaient prêts à licencier Oppenheimer – mais il a décidé de reporter le vote sur la question à l'automne afin qu'il ne semble pas que Strauss, en tant que président, agissait par vengeance personnelle. . Cela s'est révélé être une erreur de calcul, car le retard a donné aux membres de la faculté le temps d'organiser une lettre ouverte en faveur d'Oppenheimer… Strauss a été contraint de reculer, et plus tard cet automne-là, les administrateurs ont voté pour garder Oppie comme directeur. »[j][39].

Selon Bird et Sherwin, « le vieil ami d'Oppenheimer, Harold Cherniss, a pris les devants dans l'organisation de l'effort. Après avoir discuté avec quelques administrateurs, Cherniss s'était rendu compte que le travail d'Oppenheimer était mis en doute. »[k][40]. Cherniss et d'autres membres du corps professoral de l'Institute for Advanced Study publient une lettre ouverte affirmant sa loyauté le jeudi 1er juillet 1954, à la fois dans le New York Times et dans le Herald Tribune[41] et dans le Bulletin of the Atomic Scientists de septembre :

« Nous, qui avons connu [Dr. Oppenheimer], en tant que collègue, directeur de notre propre institut et voisin au sein d'une petite communauté intime, avait dès le début une confiance totale dans sa loyauté envers les États-Unis, sa discrétion dans la garde de ses secrets et son profond souci de la sécurité des États-Unis. sa sécurité, sa force et son bien-être. Notre confiance dans sa loyauté et son dévouement patriotique demeure intacte, tout comme notre admiration pour son magnifique service public demeure inaltérée. »[l][42].

Les signataires de cette lettre sont H. F. Cherniss, A. Einstein, Freeman Dyson, K. Gödel, E. Panofsky, J. von Neumann, Hermann Weyl, Chen Ning Yang et d'autres. L'ami proche et collègue de Cherniss, l'historien de l'art Erwin Panofsky, « considérait l'affaire comme un acte d'accusation symbolique et navrant contre la société américaine. Aux yeux de Panofsky, Oppenheimer avait été attaqué pour avoir assumé la responsabilité et pour avoir eu le courage de proférer une voix indépendante de la raison en réponse". au conformisme insensé de l'époque. Bien qu'il n'ait jamais été formellement poursuivi pour quelque acte répréhensible que ce soit, ce scientifique autrefois célèbre est largement discrédité dans la sphère publique pour son point de vue « humaniste ». Pour Panofsky, l'affaire en dit long sur l'anti-intellectualisme et la l’étroitesse du consensus politique national en Amérique à l’époque. »[m][43].

Polémique sur les ordinateurs de John von Neumann modifier

John von Neumann et d'autres développent l'architecture des ordinateurs modernes (le concept d'« ordinateur à programme stocké ») alors qu'ils travaillent au projet Manhattan. Après la guerre, son équipe construit certains des tout premiers ordinateurs de l’Institute for Advanced Study. Leur implémentation est controversée et Cherniss raconte plus tard qu'il est l'un des humanistes opposés au projet de von Neumann : « Avec le recul, il y avait certainement de très bonnes raisons de construire la machine. J'étais néanmoins contre. L'ordinateur n'avait rien à voir avec le but pour lequel l'Institut a été fondé. L'ordinateur était une entreprise pratique mais l'Institut n'a pas été conçu comme un lieu pour quoi que ce soit de pratique. »[n][44].

Après la mort de von Neumann en 1957, la faculté organise un comité pour mettre fin au projet. Tous les professeurs permanents se réunissent dans le salon d'Oppenheimer. Comme l'explique Cherniss, « C'était à l'époque où nous faisions les choses avec du bon sens. Tout se faisait sans formalité. »[o][44]. Une fois la décision finale prise, Cherniss élabore : « Mais nous avons adopté une motion plus générale. C'était une déclaration selon laquelle il n'y aurait pas de science expérimentale, pas de laboratoires d'aucune sorte à l'Institut. »[p][44]. Dans son histoire, Ed Régis remarque : « Et ainsi il en a été depuis. Les pères célestes platoniciens [c'est-à-dire les partisans de l'approche abstraite et théorique de l'Institut] avaient triomphé. »[q] Un autre membre du corps professoral, le physicien Freeman Dyson, se contente de déclarer : « C'est la revanche des snobs ».[r][45].

Les dernières années modifier

Le théoricien de la littérature George Steiner rappelle une anecdote sur sa visite à l'Institute for Advanced Study qui donne un aperçu des années passées là-bas par Cherniss :

« Je suis donc allé déjeuner avec [le diplomate] George Kennan et Erwin Panofsky et le grand érudit de Platon, Harold Cherniss. Ensuite Cherniss m'a invité dans son beau bureau et, alors que nous commencions à discuter, Oppenheimer est entré dans la pièce et s'est assis sur la table derrière nous. C'est l'une des astuces les plus cruelles et les plus brillantes : elle vous rend maître de la situation, et les personnes qui ne peuvent pas vous voir lorsque vous leur parlez sont complètement impuissantes. La maîtrise d'Oppenheimer dans ces mouvements histrioniques était incroyable. Cherniss me montrait comment il éditait un passage de Platon avec une lacune et essayait de la combler. Quand Oppenheimer m'a demandé ce que je ferais avec un tel passage, j'ai commencé à trébucher et il a répondu : "Eh bien, c'est très stupide. Un bon texte devrait avoir des blancs." Là, je me suis mis en colère joyeusement : « De tous les clichés pompeux », ai-je dit. "Tout d'abord, c'est une citation de Mallarmé, comme vous, monsieur, devez le savoir. Deuxièmement, c'est le genre de paradoxe avec lequel on peut jouer en attendant que les vaches rentrent de la transhumance. Mais quand on vous demande de faire une édition d'un texte de Platon, pour nous, êtres humains ordinaires, je suis très reconnaissant si les vides sont comblés. » Oppenheimer a superbement riposté. Il a répondu : "Non, précisément en philosophie, il faut en savoir plus qu'en poésie. C'est le manque implicite qui stimule l'argumentation." »[s][46].

Cherniss discute de la philosophie de la Renaissance avec le physicien Wolfgang Pauli, ami de l'historien de l'art Erwin Panofsky, à l'Institute for Advanced Study[47].

Cherniss prend la parole lors d'un service commémoratif pour Erwin Panofsky, un collègue de l'Institute for Advanced Study, et déclare que « les joies fortes mais subtiles de l'amitié qu'il a offertes en privé sont trop sensibles pour supporter l'expression… »[t][48]

David Keyt passe un an à l'Institut en 1983-1984, alors que Cherniss approche ses quatre-vingts ans, et se souvient que :

« Harold Cherniss était professeur émérite à l'Institut lorsque je suis arrivé, même s'il avait toujours un bureau et y venait tous les jours. (À quoi ressemble la retraite dans un institut de recherche ? Cherniss a fait remarquer un jour que cela revenait simplement à voir son salaire réduit de moitié.) Il passait la plupart de son temps à maintenir sa bibliographie élaborée sur Platon, saisissant soigneusement les informations sur chaque nouveau livre et article. sur une fiche. Il était toujours vif et j'étais heureux de pouvoir discuter de Platon avec lui… »[u][49].

Cherniss travaille à l'Institute for Advanced Study jusqu'à sa disparition en 1987. Selon un article paru dans le journal local, il est décédé "après une longue maladie" au centre médical de Princeton et "... préparait le deuxième volume [de la Critique d'Aristote sur Platon et l'Académie ] lorsque la maladie l'a rattrapé."[50] Dans ses mémoires, Leonardo Tarán déclare que « ce pays a perdu l'un de ses plus grands hellénistes et l'histoire de la philosophie grecque antique, l'un de ses plus grands érudits au cours des deux derniers siècles. »[v][10].

Cercle familial et amical modifier

Harold Cherniss épouse Ruth Meyer Cherniss en 1929. Elle est la fille de Max Meyer (29 mars 1876 – 31 janvier 1953). En 1944, avec M. C. Ritter, il fonde le Fashion Institute of Technology à New York[51]. Max Meyer est natif de Wissembourg, dans le Bas-Rhin, en Alsace, et devient un éminent avocat, fabricant de vêtements et leader syndical à New York[52]. En 1931, il est nommé par Franklin D. Roosevelt, alors gouverneur de New York, à une commission chargée d'étudier l'indemnisation des accidents du travail. En 1937, il devient président de la Commission de stabilisation de la chapellerie. En 1951, il devient président du conseil d'administration et en 1952 président du Fashion Institute of Technology[53]. La mère de Ruth Cherniss est Eugenia Grace Meyer (Goodkuid), née à New York le 1er juin 1878.

Ruth Cherniss est une amie d'enfance et camarade de classe de Robert Oppenheimer à l'Ethical Cultural School de New York[54]. Elle est étudiante à Berkeley avec Cherniss et obtient sa licence en 1926. L'Université Cornell lui décerne un doctorat en 1933-1934[55]. Elle termine ainsi son doctorat tandis qu'Harold Cherniss est enseignant à Cornell. En 1939, Ruth Cherniss publie un article intitulé The Ancients as Authority in Seventeenth-Century France (« Les Anciens comme autorité dans la France du XVIIe siècle »), dans La Tradition grecque, édité par G. Boas[56]. En 1980, elle écrit un livre sur son père, Max Meyer[57]. Ruth Cherniss était une amie de Kitty, l'épouse d'Oppenheimer[58]. En 1956, Ruth Cherniss est présidente de la section de Princeton de la League of Women Voters[59]. Harold et Ruth Cherniss résident au 98 Battle Road, près de l'Institute for Advanced Study[60]. Ruth Cherniss décède le 11 avril 2000[61].

Le père de Harold Cherniss, David Benjamin Cherniss naît le 19 mai 1872 à Vinnytsia et décède le 19 décembre 1936 à Los Angeles. Sa seconde épouse est Millie B. Cherniss. La mère de Harold Cherniss, Theresa Cherniss (née Hart), naît le 19 août 1878 en Iowa. Le grand-père de Harold Cherniss, Benjamin Cherniss, et sa grand-mère Bosheva Cherniss sont nés à Vinnytsia vers 1845[6]. Harold Cherniss a un frère nommé Edward Hart Cherniss (1909-1993) et une sœur ndu nom de Lillian Blanche Cherniss.

L'assistante de Cherniss à l'Institut est Gwendolyn Groves Robinson[62]. Elle est la fille du général Leslie Groves, qui est le superviseur militaire du projet Manhattan.

Récompenses et distinctions modifier

Cherniss est membre de la British Academy, de l'Académie royale des arts et des sciences de Göteborg, de l'Académie royale Flamande de Scis., des Lettres et Beaux Arts de Belgique[63]. Il est membre de l'American Philosophical Society et de l'American Academy of Arts and Sciences[64],[65].

Il est titulaire d'un diplôme honorifique de l'Université Brown (LHD) en 1976[66].

Publications modifier

Œuvres modifier

  • The Platonism of Gregory of Nyssa (« Le platonisme de Grégoire de Nysse »), Berkeley : University of California Press, 1930[67].
  • Aristotle's Criticism of Presocratic Philosophy (« Critique d'Aristote de la philosophie présocratique »), Baltimore : Johns Hopkins Press, 1935[68] ; réimpression : New York : Octagon Books, 1964).
  • Aristotle's Criticism of Plato and the Academy (« Critique d'Aristote envers Platon et l'Académie »), Baltimore : Johns Hopkins Press, 1944.
  • The Riddle of the Early Academy (« L'énigme de la première académie »), Berkeley : University of California Press, 1945[69].
  • Selected Papers (« Articles choisis »), Leiden : Brill, 1977[70].

Articles modifier

  • The Philosophical Economy of the Theory of Ideas (« L'économie philosophique de la théorie des idées »), American Journal of Philology 57 (1936) : 445-456[71].
  • Plato as Mathematician (« Platon le mathématicien »), Review of Metaphysics, 4 (1951) : 395-425.
  • The Characteristics and Effects of Presocratic Philosophy (« Caractéristiques et conséquences de la philosophie présocratique »), Journal of the History of Ideas 12 (1951) : 319-345.

Traductions modifier

  • Plutarch's Moralia, Vol. 12. (with W. C. Helmbold) (Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 1957)[72].
  • Plutarch's Moralia, Vol. 13 Part 2. (Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 1976)[73].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. NdT. "The country's foremost expert on Plato and Aristotle"--Linda G. Arntzenius, Institute for Advanced Study
  2. NdT. (Cherniss's) "greatest contribution to scholarship is doubtless his two books on Aristotle, supplemented by The Riddle of the Early Academy ... his published works on Plato, Aristotle, and the Academy are among the very few publications that revolutionized the field... His significance was recognized all over the world not only by classicists and philosophers but by the learned societies of which he was a member and the various universities that awarded him honorary degrees."--Leonardo Tarán
  3. NdT. "… we somehow got around to taking about Wilamowitz … [Cherniss] said that Wilamowitz would pepper his lectures with remarks about the political situation in Germany and that his students would applaud by loudly stamping their feet on the floor. The remarks were of such a nature that they caused Cherniss to develop an intense dislike for the man. I don't recall how he characterized the remarks, but Solmsen's description of the antidemocratic, anti-Catholic, anti-Semitic Prussian lens through which Wilamowitz viewed Weimar Germany would explain Cherniss's antipathy."
  4. NdT. "Like the Cambridge Apostles and the Metaphysical Society of the last century, the History of Ideas Club has set itself the threefold aim of intellectual stock-taking, the pursuit of new truth, and the "cross-fertilization" of the various academic departments and disciplines. Specifically, it originated in the need of American thinkers after the First World War to become more conscious of the cultural heritage of which they then began to feel themselves the custodians."
  5. NdT. "After the war, … Lt. Harold Cherniss, the American intelligence officer, telephoned me and said "Michou, you must come quickly." I went to Harold's office and he showed me twelve little pictures of identity cards and asked "Do you know that boy?" I said "Yes, [that's him] …" He said, "Michou, this is very important. Please look carefully." I said "No problem… [that's] the same boy." He laughed. I said "What happened, Harold?" "That boy is working for the Americans in Nuremburg." But not for long… [The boy] was tried and executed at Lille in 1945."--Michou Dumon
  6. NdT. "his tenure there was cut short by the controversy which arose from the California Legislature's demand that state employees swear loyalty oaths."--Paul vander Waerdt, Harold Cherniss, in Ward W. Briggs, ed., Biographical Dictionary of North American Classicists (American Philological Association), p. 94.
  7. NdT. "persecuted by the Nazis and forced to leave Germany, they were rightly suspicious of the loyalty oath as a cold war demand for conformity or worse, inimical to the freedoms necessary at any institution of higher learning."--John David Jackson, Panofsky agonistes: The 1950 loyalty oath at Berkeley, Physics Today, January 2009.
  8. NdT. "Being aware that the regents have dismissed members of your faculty contrary to the recommendation of your committee on privilege and tenure, and that this action violates the policy of tenure and the principle of the faculty's self-determination and responsibility hitherto recognized by the University of California, we unanimously write to encourage you to unite in defense of your traditional policies and principles against encroachment."--Harold Cherniss.
  9. NdT. "In fact, [Oppenheimer's] exposure to Marx occurred several years earlier, probably in the spring of 1932. His friend Harold Cherniss remembered Oppie visiting him in Ithaca, New York, that Spring and boasting that he had read Das Kapital. Cherniss just laughed; he didn't think of Oppie as political but he knew his friend read widely: "I suppose somewhere someone said to him You don't know about this? You haven't seen it? So he got this wretched book and read it!."--Bird and Sherwin
  10. NdT. "In July, Strauss told the FBI that he believed eight of the Institute's thirteen trustees were ready to dismiss Oppenheimer – but he decided to postpone a vote on the matter until Autumn so that it would not appear that Strauss as chairman was acting out of personal vindictiveness. This proved to be a miscalculation, because the delay gave members of the faculty time to organize an open letter in support of Oppenheimer… Strauss was forced to back off, and later that Autumn the trustees voted to keep Oppie as director."--Bird and Sherwin
  11. NdT. "Oppenheimer's old friend Harold Cherniss took a lead in organizing the effort. After talking with a few trustees, Cherniss had realized that Oppenheimer's job was in doubt."--Bird and Sherwin
  12. NdT. "We, who have known [Dr. Oppenheimer] as a colleague, as director of our own institute, and as a neighbor in a small and intimate community, had from the first complete confidence in his loyalty to the United States, his discretion in guarding its secrets, and his deep concern for its safety, strength, and welfare. Our confidence in his loyalty and patriotic devotion remains unimpaired as our admiration for his magnificent public service is undiminished."--Lettre collective du 1er juillet 1954
  13. NdT. "considered the case a symbolic and sorry indictment of American society. In Panofsky's eyes Oppenheimer had been attacked for assuming the responsibility and for having the courage to proffer an independent voice of reason in response to the mindless conformism of the day. Though never formally prosecuted for any wrongdoing, this once-celebrated scientist was widely discredited in the public sphere for his 'humanistic' viewpoint. For Panofsky the case spoke volumes in regards to the anti-intellectualism and the narrowness of the national-political consensus in America at the time."--Daniel Keenan, Kultur and acculturation: Erwin Panofsky in the United States of America, thèse de doctorat, Université de Glasgow, 2014
  14. NdT. "In hindsight, there were certainly very good reasons for building the machine. I was nonetheless against it. The computer had nothing to do with the purpose for which the Institute was founded. The computer was a practical undertaking but the Institute was not conceived of as a place for anything practical."--Harold F. Cherniss
  15. NdT. "This was back when we used to do things right. Everything was informal."--Harold F. Cherniss
  16. NdT. "But we passed a more general motion. It was a declaration to have no experimental science, no laboratories of any kind at the Institute."--Harold F. Cherniss
  17. NdT. "And so it has been ever since. The Platonic-heavenly fathers [i.e., advocates of the Institute's abstract and theoretical approach] had triumphed."--Ed Regis, Who Got Einstein's Office? Eccentricity and Genius at the Institute for Advanced Study (Basic Books, 1988),
  18. NdT. "The snobs took revenge."--Freeman Dyson
  19. NdT. "So I went to lunch with [the diplomat] George Kennan and Erwin Panofsky and the great Plato scholar Harold Cherniss. Afterwards Cherniss invited me to his beautiful office and, as we started chatting, Oppenheimer came into the room and sat on the table behind us. This is one of the most cruel, brilliant tricks: it makes you master of the situation, and the people who can't see you as you speak to them are completely helpless. Oppenheimer's mastery of these histrionic moves was incredible. Cherniss was showing me how he was editing a passage of Plato with a lacuna, and trying to fill it. When Oppenheimer asked me what I would do with such a passage, I began stumbling, and he said, "Well that's very stupid. A great text should have blanks." There I happily lost my temper: "Of all the pompous clichés," I said. "First of all, that's a quote from Mallarmé, as you, sir, must know. Secondly, it's the kind of paradox you could play with till the cows come home. But when you're asked to do an edition of a Plato text for us ordinary human beings, I am most grateful if the blanks are filled." Oppenheimer fought back superbly. He said, "No, precisely in philosophy you should know more than in poetry. It is the implicit missing that stimulates the argument."--George Steiner
  20. NdT. "strong but subtle joys of private friendship that he afforded are too sensitive to endure expression …."--Cherniss
  21. NdT. "Harold Cherniss was a professor emeritus at the Institute when I arrived, though he still had an office and came to it every day. (What is retirement like at a research institution? Cherniss remarked once that all it amounted to was having one's pay cut in half.) He spent most of his time maintaining his elaborate bibliography of Plato, carefully entering the information on each new book and article on an index card. He was still sharp and I was pleased to be able to discuss Plato with him …"--D. Keyt, 'My Life in the Academy,' in Georgios Anagnostopoulos, Fred D. Miller, eds., Reason and Analysis in Ancient Greek Philosophy: Essays in Honor of David Keyt (Dordrecht: Springer Verlag, 2013), p. 27-8
  22. NdT. "this country has lost one of its greatest Hellenists and the history of ancient Greek philosophy one of its foremost scholars in the last two centuries"--Leonardo Tarán

Références modifier

  1. (en)Citation des historiques IAS : Linda G. Arntzenius, Institute for Advanced Study (Images of America Series) (Charleston: Arcadia Publishing, 2011), p. 81.
  2. (en) Leonardo Tarán, Collected Papers, Leiden, Brill, , « Harold Cherniss », p. 672
  3. (en)Paul A. Vander Waerdt in Ward W. Briggs, ed., Biographical Dictionary of North American Classicists (American Philological Association), p. 94.
  4. a et b (en)Newsletter of the Nebraska Jewish Historical Society (NJHS), vol. XI, n. 2, November 1993, p. 5. Online, accessed on January 5, 2016, at www.nebraskajhs.com.
  5. (en)Jewish Virtual Library, online, Pogroms
  6. a et b (en)Geni, généalogie Edward Cherniss.
  7. (en)holocaustresearchproject.org, récit d'un témoin oculaire
  8. (en) Paul A. Vander Waerdt, Biographical Dictionary of North American Classicists, American Philological Association, « CHERNISS, Harold Frederik », p. 94
  9. a et b (en)Fontenrose, Joseph E, 'Classics at Berkeley: The First Century 1869-1970,' 1982, pp. 29 and 37, online, accessed January 10, 2016
  10. a b et c (en) Leonardo Tarán, Collected Papers, Leiden, Brill, , « Harold Cherniss », p. 667
  11. Aristote : fondements pour une histoire de son évolution (1923) ; trad. Olivier Sedeyn, Paris, Éditions de l’éclat, 1997.
  12. Être et Temps, Paris, Gallimard, 1964, (trad. Rudolf Boehm et Alphonse de Waelhens); Paris, Gallimard, 1986, (trad. François Vezin).
  13. Selon Eberhard Kolb, The Weimar Republic (London: Routledge, 1988), p. 76-77: « (...) vers la fin de 1927, la volonté et la capacité de concilier des intérêts divergents s'affaiblissaient de plus en plus chez toutes les parties concernées. C'est la raison fondamentale de l'éclatement de la coalition… les élections du 20 mai 1928 furent un net succès pour la gauche… la force [du DNVP] au Reichstag tomba de 103 à 73' » (en) "… towards the end of 1927 the will and the ability to reconcile divergent interests became increasingly weaker in all the parties concerned. This was the basic reason for the break-up of the coalition … the election of 20 May 1928 was a clear success for the left-wing … [the DNVP's] strength in the Reichstag fell from 103 to 73."
  14. Selon Eberhard Kolb,The Weimar Republic (Londres : Routledge, 1988), p. 77 : « Malgré la défaite de la droite, il serait cependant très superficiel d'interpréter l'élection de mai 1928 comme une victoire des forces démocrates et républicaines. En premier lieu, l’abandon des partis intermédiaires au profit de groupes dissidents aux intérêts étroits montrait à quel point le pouvoir d’intégration des premiers avait diminué… de nombreux électeurs qui s’éloignaient des partis intermédiaires en 1928… allaient voter pour les nazis à l’époque. les prochaines élections du Reichstag en 1930, et bien d’autres en 1932… L’aile droite du DNVP… passa désormais à l’offensive et prit le dessus au sein du parti… et le parti poursuivit une voie d’opposition et d’obstruction incessante. , ses sentiments antidémocratiques atteignant un niveau de férocité jusqu’alors inconnu. » (en) "Despite the defeat of the right wing, however, it would be very superficial to interpret the election of May 1928 as a victory for democratic and republican forces. In the first place, the drift away from middle-ground parties to splinter groups with narrow interests showed to what an extent the former's integrative power had diminished … many voters who moved away from the middle ground in 1928 … were to vote for the Nazis at the next Reichstag election in 1930, and a great many more in 1932… The right-wing of the DNVP … now went over to the offensive and gained the upper-hand within the party … and the party pursued a course of unremitting opposition and obstruction, its anti-democratic sentiments attaining a hitherto unknown pitch of ferocity.'
  15. (en)D. Keyt, 'My Life in the Academy,' in Georgios Anagnostopoulos, Fred D. Miller, eds., Reason and Analysis in Ancient Greek Philosophy: Essays in Honor of David Keyt (Dordrecht: Springer Verlag, 2013), p. 27-8.
  16. a et b (en) « Harold F. Cherniss, an Expert In Greek Philosophy, Is Dead », New York Times,‎ (lire en ligne)
  17. (en) Leonardo Tarán, Collected Papers, Leiden, Brill, , « Harold Cherniss », p. 669
  18. Fiche Guggenheim Fellows
  19. (en)Review of English Studies, 1954, v. 20, pp. 432-434.
  20. (en)The Great Chain of Being: A Study of the History of an Idea (1936). Harvard University Press. Réimprimé par Harper & Row, (ISBN 0-674-36150-4), 2005 paperback: (ISBN 0-674-36153-9). Son ouvrage le plus cité, fondé sur une série de conférences données à Harvard en 1933.
  21. a et b (en)Fontenrose, Joseph E, 'Classics at Berkeley: The First Century 1869-1970,' 1982, p. 37, online,
  22. (en)Obituary, New York Times, 12 juillet 1987.
  23. (en)George Watt, Escape from Hitler's Europe: An American Airman Behind Enemy Lines (Lexington: University of Kentucky, 1990), p. 138. Voir la page sur Michou Dumon .. Cherniss est aussi brièvement mentionné par Jerome W. Sheridan, American Airman in the Belgian Resistance (Jefferson: McFarland, 2014), p. 177.
  24. Christian Laporte, « Michou Dumon-Ugeux était un pilier du réseau Comète (EVOCATION) », La Libre,‎ 16 novrembre 2017 (lire en ligne  , consulté le )
  25. (en) Leonardo Tarán, Collected Papers, Leiden, Brill, , « Harold Cherniss », p. 671
  26. a b c d et e (en)John David Jackson, 'Panofsky agonistes: The 1950 loyalty oath at Berkeley,' Physics Today, Janvier 2009. PDF disponible depuis le site de l'auteur.
  27. (en)Paul vander Waerdt, Harold Cherniss, in Ward W. Briggs, ed., Biographical Dictionary of North American Classicists (American Philological Association), p. 94.
  28. (en)Edward B. Strong, Symposium
  29. (en)'A Message of Support,' Princeton Alumni Weekly, October 6, 1950, p. 7-8. Online, GoogleBooks.com
  30. Liste des objecteurs qui refusent de signer le serment
  31. (en)Keenan, Daniel, Kultur and acculturation: Erwin Panofsky in the United States of America, PhD thesis, University of Glasgow, 2014, p. 71.
  32. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), pp. 68 and 93.
  33. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), p. 117.
  34. (en) « What made Oppenheimer interested in Sanskrit and the Bhagava Gita », The Times of India,‎
  35. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), pp. 117 et 309
  36. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), p. 324.
  37. (en)Linda G. Arntzenius, Institute for Advanced Study (Images of America Series) (Charleston: Arcadia Publishing,2011), p. 81. Voir aussi Linda G. Arntzenius, Institute for Advanced Study: An Introduction (Princeton: Institute for Advanced Study, 2013), p. 26.
  38. Voir l'article J. Robert Oppenheimer.
  39. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), pp. 552-3.
  40. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), p. 678.
  41. (en) 'Colleagues Back Dr Oppenheimer,' The New York Times, p. 14.
  42. (en)Lettre en date du 1er juillet 1954, in Bulletin of the Atomic Scientists, Septembre 1954, (specimen) p. 283.
  43. (en) Keenan, Daniel, Kultur and acculturation: Erwin Panofsky in the United States of America, thèse de doctorat, Université de Glasgow. Online
  44. a b et c (en)Ed Regis, 'Who Got Einstein's Office? Eccentricity and Genius at the Institute for Advanced Study' (Basic Books, 1988), p. 113.
  45. (en) Ed Regis, 'Who Got Einstein's Office? Eccentricity and Genius at the Institute for Advanced Study' (Basic Books, 1988), p. 114
  46. (en)Interview with George Steiner by Ronald A. Sharp, 'The Art of Criticism (No. 2),' The Paris Review, Winter 1995, no. 137.
  47. (en)Atmanspacher, Harald, and Primas, Hans, eds., Recasting Reality: Wolfgang Pauli's Philosophical Ideas and Contemporary Science (Berlin: Springer Verlag, 2009), p. 25.
  48. (en)H. Cherniss, 'A Commemorative Gathering for Erwin Panofsky at the Institute of Fine Arts, New York University,' 21 mars 1968
  49. D. Keyt, 'My Life in the Academy,' in Georgios Anagnostopoulos, Fred D. Miller, eds., Reason and Analysis in Ancient Greek Philosophy: Essays in Honor of David Keyt (Dordrecht: Springer Verlag, 2013), p. 27-8.
  50. Town Topics(Princeton), Jun. 24, 1987. Online, accessed January 9, 2016, at https://archive.org/stream/towntopicsprince4215unse/towntopicsprince4215unse_djvu.txt.
  51. Lire l'article (en)'Fashion Institute of Technology' in Jackson, Kenneth T., Keller, Lisa, and Flood, Nancy, The Encyclopedia of New York City, Second Edition.
  52. Fiche généalogique de Max Meyer sur Geni
  53. His papers are held at Cornell University: 'Guide to the Max Meyer Papers,' Kheel Center for Labor-Management Documentation and Archives, Cornell University Library, online, accessed January 9, 2016, at http://rmc.library.cornell.edu/EAD/htmldocs/KCL05221.html.
  54. (en)Bird, Kai, and Sherwin, Martin J, American Prometheus: the Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer (Londres: Atlantic Books, 2005), p. 93.
  55. (en)Henry Grattan Doyle, 'Doctor's Degrees in Modern Foreign Languages 1933-34, The Modern Language Journal, v. 22, n. 6 (mars 1938), pp. 456-459.
  56. The Greek tradition; articles ayant contribués à un symposium tenu au Baltimore Museum of Art, les 15, 16 et 17 mai 1939 (Baltimore : The Johns Hopkins Press, 1939), pp. 139-70.
  57. Ruth Meyer Cherniss, Max Meyer, Haskins Press,
  58. E. Panofsky y fait référence dans une lettre à Pauli du 31 juillet 1956 reproduite dansW. Pauli, Wissenschaftlicher Briefwechsel mit Bohr, Einstein, Heisenberg u.a., Band IV, Teil III (Berlin: Springer Verlag, 2001), p. 624.
  59. Town Topics(Princeton), Oct. 14-20, 1956. Online, accessed January 9, 2016, at https://archive.org/stream/towntopicsprince1132unse/towntopicsprince1132unse_djvu.txt
  60. Town Topics(Princeton), 25 sep.-1er oct. 1 1955.
  61. Avis de décès dans le New York Times du 16 avril 2000
  62. Elle est mentionnée dans une lettre d'E. H. Kantowriciz à R. E. Giesey du 5 octobre 1956. .
  63. ~(en)Paul A. Vander Waerdt, in Ward W. Briggs, ed., Biographical Dictionary of North American Classicists (American Philological Association), p. 94.
  64. (en) « APS Member History », search.amphilsoc.org (consulté le )
  65. (en) « Harold Fredrik Cherniss », American Academy of Arts & Sciences, (consulté le )
  66. (en) « Honorary Degrees », Brown University (consulté le )
  67. Harold Ffredrik Cherniss,The Platonism of Gregory of Nyssa, 1930
  68. (en)Harold Cherniss, Aristotle's Criticism Of Presocratic Philosophy, Johns Hopkins Press (1935)
  69. Harold Cherniss, Eugène Napoléon Tigerstedt, Laurent Boulakia et Harold Cherniss, L' énigme de l'ancienne académie, Vrin, coll. « Tradition de la pensée classique », , 230 p. (ISBN 978-2-7116-1175-1)
  70. (en) Harold Fredrik Cherniss et Leonardo Tarán, Selected papers, E.J. Brill, , 596 p. (ISBN 978-90-04-05235-2, lire en ligne)
  71. Harold Cherniss (trad. Jean-François Pradeau), « Harold Cherniss, "L'économie philosophique de la théorie des idées" (traduction) », 2001 (original : 1936) (consulté le )
  72. Robert Flacelière, Harold Cherniss and William C. Helmbold, Plutarch's Moralia. With an English translation, 'Antiquité Classique Année 1958 27-1 pp. 180-182 [compte-rendu]
  73. Robert Flacelière, Harold Cherniss, Plutarch's Moralia. Vol. XIII, part I (999C- 1032F) ; part II (1033A-1086B) [compte-rendu]

Liens externes modifier