Financière Turenne Lafayette

Financière Turenne Lafayette
Création 1966
Disparition Liquidation judiciaire le 4 avril 2018
Fondateurs Monique Piffaut
Forme juridique Holding
Siège social Nantes
Drapeau de la France France
Direction Éric Le Gouvello : ancien directeur général
Actionnaires Exadis
Activité Activités des sièges sociaux
Filiales William Saurin, Madrange, Paul Prédault, Garbit, Panzani, Gringoire Brossard, Jean Cabyetc.
Effectif 3 200 estimés pour le groupe
SIREN 765 500 608

Fonds propres −232 510 800  (2017, négatifs)
Dette 297 878 100 € (2017)
Chiffre d'affaires 2 563 100 € (2017) niveau holding
Résultat net −585 291 600  (2017) niveau holding (perte)[1]

La Financière Turenne Lafayette (FTL), ex-Comptoir Commercial Alimentaire (CCA), est une ancienne holding fondée par Monique Piffaut[2],[3] qui regroupait de nombreuses sociétés agroalimentaires françaises, telles que William Saurin, Madrange, Paul Prédault, Jean Caby, Garbit, Henri Antoine Salaisons, Panzani, Pâtes Fraiches Luison, Union Biscuit, Tradition Traiteur, Som'Baker, Montagne Noire, Lorenzi, La Belle Chaurienne, Choucroute de Campagne, Gringoire Brossard.

La holding a été démantelée après la découverte d'une gigantesque escroquerie de plusieurs centaines de millions d'euros, les sociétés du portefeuille ont été vendues et rachetées par différents acquéreurs et sociétés opérants dans les mêmes secteurs d'activités.

Historique modifier

Monique Rieferstalen[4], dit Piffaut, est née le à Bagnolet de parents d'origine juive autrichienne ; son père aurait été un riche négociant en chocolat fournissant les magasins Prisunic et Monoprix. Elle aurait fait ses études à HEC J-F et travaillé ensuite pour le bureau de comptabilité de Bernard Tapie à l'époque où celui-ci s'était mis à son compte comme repreneur d'entreprises en difficulté[5]. Cette personnalité forte et déterminée, rare femme dans un milieu, l'agroalimentaire, majoritairement masculin, sera surnommée par la profession « Mamie Cassoulet »[4].

Elle fonde à Paris, en 1966, le C.C.A . « Comptoir Commercial Alimentaire » qui est ensuite intégré au sein d'une holding baptisée « Financière Turenne Lafayette », basée à Paris, rue Lafayette, dont Monique Piffaut est l'unique actionnaire.

Rachats d'entreprises modifier

En 2001, la Financière Turenne Lafayette (FTL), structurée en trois pôles — les plats cuisinés, la charcuterie et le traiteur frais —, reprend les marques et entreprises William Saurin, Garbit et PetitJean auprès de PAI Partners[6].

En 2005, FTL acquiert l'entreprise spécialisée dans le jambon, Paul Prédault, puis ferme son usine de Gonesse devenue obsolète et ouvre le site de Goussainville[7].

En 2006, FTL reprend le site de pâtisseries industrielles Gringoire Brossard[8].

En 2010, FTL prend le contrôle de la salaison Montagne Noire, revendue par Delpeyrat[9].

En juillet 2010, FTL rachète Henri Antoine Salaisons à Vallangoujard et transfert l'activité dans l'usine "Comptoir Commercial Alimentaire" à Goussainville.

En 2011, elle acquiert le charcutier Madrange à Feytiat, après une tentative avortée en 2009[10].

En , "La Financière Turenne Lafayette" est radiée du registre du commerce et des sociétés[11]. Monique Piffaut poursuit néanmoins ses opérations d'acquisitions.

En 2015, elle acquiert les usines de Lampaul-Guimiliau et Ergué-Gabéric de la marque Jean Caby.

""Selon la revue Challenge, en moins de trente ans elle a constitué un groupe qui fait un 1 Milliard d’euros de chiffre d’affaires, employant près de 3 500 salariés sur 21 sites industriels. Elle possède à Paris de très nombreux immeubles qu'elle loue, et qui lui rapportent des revenus supérieurs à ceux de ses usines""[12].

Décès de la fondatrice et découverte de comptes truqués modifier

Gorgée de piqûres de morphine pour atténuer les souffrances d'un cancer du pancréas incurable en phase terminale, Monique Piffaut, unique actionnaire du groupe qu'elle a fondé, meurt le , âgée de 78 ans, sans descendance directe. Plus de trois cents personnes assistent à ses obsèques le au cimetière juif de Bagneux.

« Descendante d’une famille juive originaire d’Autriche, elle s’amusait d'elle-même, qu’une « israélite » comme elle se qualifiait, produisit du jambon pour toute la France. Elle avait tardivement renoué avec la foi de ses parents guidée par l’une de ses collaboratrices. Farouchement indépendante, féministe de caractère, elle s’inventait parfois des aventures rocambolesques d’ancienne espionne pour le Mossad. »

— Jean-François Arnaud[12]

Le magazine Capital avait classé en 2013 sa fortune comme étant la 136e de France avec 380 millions d'euros[4]. L'ensemble de ce capital devait être transféré dans une fondation d'aide à l'enfance[13],[14].

Un cadre du groupe, Éric Le Gouvello, est nommé le 9 décembre 2016, directeur général, pour lui succéder après sa mort[15]. Fin décembre, après recherches, études et vérifications approfondies, celui-ci découvre et révèle de très nombreuses anomalies dans les comptes du groupe, qui emploie 3 200 personnes et 1 500 intérimaires[16].

« Il révèle des Manipulations en tous genres…
Fausses factures, faux stocks de produits, appuis politiques, drame personnel cousu de fil blanc, colères mémorables et rabibochages express, fortune inexistante, passé héroïque, chien mascotte… etc. La femme d'affaires a laissé derrière elle un chapelet inédit de tranches de vie sans apparente cohérence générale. Une vie de mensonges qu'elle aura réussi à préserver jusqu'au bout, dans une forme de déni et malgré toutes les exhortations des très rares cadres du groupe, au courant de ses pratiques frauduleuses, à avouer sa supercherie. »

— Olivia Détroyat[17]

Éric Le Gouvello n'a pas d'autre choix que de démanteler rapidement le groupe : le montant des transactions frauduleuses s'élève, en effet, à plus de 300 millions d'euros, sur un chiffre d'affaires non consolidé de près d'un milliard (toutes filiales confondues)[4].

Fin 2016, l'État français alerté, évite la liquidation judiciaire du groupe, en débloquant 70 millions d'euros afin de maintenir l'activité, le temps de trouver des repreneurs[18].

En , la Cooperl acquiert la division charcuterie de "Financière Turenne Lafayette" comprenant les marques Paul Prédault, Lapaulaise de Salaisons, Madrange et Montagne Noire[19]. En , Géo Ablis, entreprise de traiteur appartenant à Turenne Lafayette dépose le bilan ; la plupart des autres activités sont vendues : les pâtes fraiches à Pastacorp, les plats cuisinés et les marques William Saurin, Garbit ou La Belle Chaurienne à Cofigeo et à la coopérative Arterris[20].

En , Som’ Baker, la dernière filiale du groupe "Financière Turenne Lafayette", est reprise par Arc Food Invest : cette opération met fin définitivement à la holding telle qu'elle était avant la mort de Monique Piffaut[21].

Hadrien Dubois-Dahl, dirigeant spécialisé dans l'acquisition et le redressement de sociétés agroalimentaires en difficultés, devient propriétaire de la marque Financière Turenne Lafayette[22].

Le , le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre « X » en visant une longue liste de délits présumés, notamment abus de biens sociaux, escroquerie, présentation de comptes inexacts, faux et usage de faux, dissimulation de la véritable situation de l'entreprise[23].

Pierre Maraval publie en Madame Piffaut, reine des escrocs. Selon la présentation qu'en fait Jean-Luc Barberi dans L'Express,

« Se frayant un passage parmi les innombrables mensonges, affabulations et calculs cyniques de celle que l'on surnommait "Mamie Cassoulet" dans la presse économique, l'auteur met au jour, chapitre après chapitre, les misérables secrets personnels, mais aussi le cynisme et la dureté d'une femme solitaire et misanthrope. […] Dans son dernier tiers, l'ouvrage prend la forme d'une investigation serrée, démontrant que Monique Piffaut ne serait sans doute restée au stade d'une commerçante truquant ses comptes, si elle n'avait pas été portée par les dérives des années Tapie, le cynisme de la grande distribution et l'avidité des grands banquiers. Car l'intéressée n'a pas agi seule. Derrière son parcours, on découvre les tristes fantômes des années fric[24] comme la SdBO et le Crédit Lyonnais. Autour d'elle, des gestionnaires peu scrupuleux encouragent la fuite en avant de la Financière Turenne Lafayette, servie aussi par la naïveté des pouvoirs publics toujours prompts à fermer les yeux sur la réalité des chiffres, au nom de la sauvegarde de l'emploi. »

— Jean-Luc Barberi[4]

Notes et références modifier

  1. Résultats exercice 2017, sur Societe.com.
  2. « William Saurin : mais qui était vraiment Monique Piffaut, sa mystérieuse patronne ? », sur Capital.fr (consulté le ).
  3. « Monique Piffaut : Tout savoir sur Monique Piffaut, présidente-directrice générale de la Financière Turenne Lafayette », sur lsa-conso.fr (consulté le ).
  4. a b c d et e Jean-Luc Barberi, « Madame Piffaut, les secrets de Mamie Cassoulet », L'Express, 19 septembre 2019.
  5. « Françaises, Français - Monique Piffaut », France Bleu Azur.
  6. « William Saurin pousse les feux dans la conserve », LSA Conso, 27 mai 2004.
  7. « Paul Prédault investit à Goussainville », L'Usine nouvelle.
  8. « CCA s'offre un site Brossard », sur LSA Conso.
  9. « Montagne Noire, le retour », sur LSA Conso.
  10. « Turenne Lafayette reprend le charcutier Madrange », L'Usine nouvelle.
  11. « La Financière Turenne Lafayette », sur societe.com.
  12. a et b Jean-François Arnaud, « Monique Piffaut, cette très secrète patronne qui lègue sa fortune à l'enfance », Challenge, 5 décembre 2016.
  13. « Décès de la propriétaire de William Saurin », sur lefigaro.fr, 2 décembre 2016.
  14. « Éric Le Gouvello à la tête de La Financière Turenne Lafayette », sur processalimentaire.com, Éditions du Boisbaudry (consulté le ).
  15. « Éric Le Gouvello succède à Monique Piffaut à la tête de Financière Turenne Lafayette », sur usinenouvelle.com, 9 décembre 2016.
  16. « Comptes truqués : le groupe Financière Turenne Lafayette menacé », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. Olivia Détroyat, « L'extravagante déconfiture de William Saurin », lefigaro.fr, 11 janvier 2017.
  18. Olivia Détroyat, « L'avenir de William Saurin assuré », Le Figaro,‎ , p. 21.
  19. Marie Cadoux, « Cooperl prend les commandes du pôle charcuterie de Turenne Lafayette », LSA, 15 juin 2017.
  20. Laurence Girard, « La société de traiteur Géo, à Ablis, a déposé le bilan », sur Le Monde, .
  21. « Som’ Baker, la dernière filiale du groupe Financière Turenne Lafayette, reprise par Arc Food Invest », sur LSA-conso, 7 février 2018.
  22. « INPI – Service de recherche marques », sur bases-marques.inpi.fr (consulté le ).
  23. « Des juges vont enquêter sur la fraude comptable dans l'ex-holding de William Saurin », AFP, L'Express, 10 mai 2019.
  24. Voir article sur Jean-Charles Naouri.

Annexes modifier

Bibliographie modifier

Liens externes modifier