Discussion:Abbaye Saint-Vincent de Laon

Dernier commentaire : il y a 17 ans par Jpjorrand dans le sujet Abbaye Saint-Vincent de Laon
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Abbaye Saint-Vincent de Laon modifier

À propos de l'histoire de l'abbaye Saint-Vincent. Après les fouilles archéologiques du secteur de Saint-Julien en 1998 et 2001 (voir http://www.culture.gouv.fr/picardie/les_services/images/Num26Laon2002.pdf sur http://www.culture.gouv.fr/picardie/), j’ai réétudié les différentes publications concernant cette abbaye. Il apparaît clairement que la fondation par la reine Brunehaut est une légende dénuée de tout fondement. Une autre tradition locale attribue la fondation de l’abbaye, ou au moins de son cimetière, à saint Remi de Reims et au premier évêque de Laon, saint Genebaud. Cette tradition locale, longuement développée par Dom Wyard dans son histoire de Saint-Vincent (XVIIe siècle), ne repose sur aucune donnée historique. L’abbaye Saint-Vincent n’apparaît dans les sources historiques qu’à la fin du IXe siècle. La plus ancienne mention de l’existence de cette église date de 886 (1). En 853, les religieux de Saint-Bavon de Gand se réfugient à Laon et l’abbé Hélias est inhumé à Saint-Vincent en 895. Cependant, Saint-Vincent n’était pas encore un monastère et ne le deviendra que vers 961 (2) lorsque Roricon, évêque de Laon, remplace les chanoines par des moines (3).

(1) Transfert, par l’évêque Didon, du corps de saint Béotien dans l’église Saint-Vincent.

(2) La charte de 961 serait un faux médiéval, ce qui introduit une incertitude sur la date de cet événement.

(3) Ce n’est qu’à partir de 961 que Saint-Vincent est qualifiée de monasterium, cenobium ou abbatia ; avant cette date, le terme utilisé est ecclesia.

Sources :

DUFOUR-MALBEZIN, A., Actes des évêques de Laon des origines à 1151, CNRS, Paris, 2001 (http://www.irht.cnrs.fr/publications/actes_dufour.htm)

LUSSE, J., Naissance d’une cité : Laon et le Laonnois du Ve au Xe siècle, 1992.

WYARD, Dom R., Histoire de l’abbaye Saint-Vincent de Laon... publié par l’abbé Cardon, 1858 (d’après un manuscrit du XVIIe siècle).

(J.-P. Jorrand. Service archéologique de Laon)

Dans son livre MONTLOON écrit par la regréttée et éminente bibliothécaire de la ville de Laon de 1960 à 1980, Madame Suzanne Martinet, on peut lire à la page 67 : "Vers 570, la reine Brunehaut fonde l'abbaye Saint-Vincent qui sera une abbaye viticole". Sur le site du Ministère de la Culture [1], on peut lire sur une page consacrée à l'Abbaye Saint-Vincent de Laon : "D'après la tradition l' abbaye fut fondée sous le nom de Saint-Vincent en 589 par la reine Brunehaut ; la première église connue est celle édifiée par l'abbé Rénier dans la 2e moitié du 11e siècle" Papydenis 3 octobre 2006 à 15:58 (CEST)Répondre
Bonjour,

Votre remarque est juste mais appelle quelques réflexions de ma part. Madame Suzanne Martinet a certes beaucoup écrit sur Laon et connaissait incontestablement très bien le fonds ancien de la bibliothèque municipale. Malheureusement, ces travaux sont toujours très mal documentés, avec une absence cruelle de références aux sources et un manque très net de distinction entre ce qui est tiré directement des sources et ce qui n’est qu’hypothèses de l’auteur. De plus, il n’y a jamais d’analyse critique des sources et les différentes versions ne sont pas distinguées. Il n’y a pas non plus de distinction entre des actes authentiques, les copies et des faux dont la fabrication au plein Moyen Âge est bien connue. Tout ceci rend malheureusement ses travaux très difficiles à utiliser, d’autant qu’elle n’a que très peu consulté d’autres sources que celles conservées à la bibliothèque municipale (Archives Nationales ou Bibliothèque Nationale par exemple).

En ce qui concerne l’abbaye Saint-Vincent, sa fondation est attribuée à la reine Brunehaut par Aimoin dans son De gestis Francorum, au début du XIe siècle. Rien ne vient corroborer cette hypothèse et, comme je l’ai dit, la première mention date de la fin du IXe siècle. Les travaux et publications ont repris, depuis le Moyen Âge, cette affirmation (et bien d’autres) sans retourner aux sources. En plus de l’inertie inévitable que l’on rencontre dans les travaux historiques, il faut bien reconnaître que la pauvreté catastrophique des sources historiques et des données archéologiques antérieures au XIe siècle fait que les historiens, même les plus sérieux, ont tendance à ce tourner vers les traditions locales pour "boucher les trous". La découverte d’un grand cimetière mérovingien près de l’église de Saint-Julien, par exemple, va à contre-courant de tout ce qui a déjà été écrit sur l’histoire de Laon pour l’Antiquité tardive et le début du haut Moyen Âge.

Bien que n’étant pas historien au sens strict, j’ai eu l’occasion de collaborer un peu à la notice de Laon qui doit être publiée dans le volume de la Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du VIIIe siècle consacrée à la province ecclésiastique de Reims. Madame Michèle Gaillard, Maître de Conférences à l’Université Paris XIII est chargée de cette publication et s'est donc livré à une étude critique de toutes les sources,. Madame Gaillard et la commission de la Topographie chrétienne n’ont retenu que les sources fiables est le résultat est tout simplement tragique car il ne reste pratiquement rien de tout ce qu’on a pu écrire jusqu’à maintenant.

Pour en finir avec Saint-Vincent, en l’absence de sources historiques, seules des fouilles archéologiques d’un peu d’importance auraient pu déterminer son ancienneté et son histoire durant le haut Moyen Âge, mais ces fouilles n’ont pas été possibles jusqu’à maintenant. Si j’ai rectifiée votre contribution, c’est parce que je crois sincèrement qu’il est beaucoup plus honnête, intellectuellement parlant, de dire que l’on ne sait pas que de reprendre des légendes et traditions locales, qui, bien souvent, ont été forgées au Moyen Âge pour des raison pas toujours avouables. N’oublions pas que Saint-Vincent a mené très tôt une lutte acharnée contre les autres établissements religieux nouvellement fondés afin de conserver son privilège d’inhumation, privilège accompagné de rentrées financières non négligeables.

J.-P. Jorrand. Archéologue municipal de Laon.

--JP Jorrand 4 octobre 2006 à 12:27 (CEST)Répondre
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