Delannoy (acteur)

comédien français

Edmond Léopold Émile Delannoy, dit Delannoy, né le à Arras et mort le à Paris 17e, est un comédien et dramaturge français.

Léopold Delannoy
Portrait photographique par Nadar.
Biographie
Naissance
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Décès
Sépulture
Nom de naissance
Edmond Léopold Émile DelannoyVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités

Biographie modifier

Fils d’un lieutenant-colonel de l’Empire rallié aux Bourbons qui, le destinant à la carrière militaire, avait obtenu pour lui une bourse entière au prytanée de la Flèche, Delannoy a attendu la mort de sa mère pour braver les remontrances paternelles et se lancer dans la carrière dramatique. Répudié par son frère ainé[a], il se présente à un entrepreneur de spectacles pour Ia province, qui commence par l’envoyer à Elbeuf[b], puis à La Rochelle, où il apprend le métier en jouant le drame et la comédie[3].

Arrivé, en 1840 à Montmartre, sous la direction d’Edmond et Jules Seveste, il passe à Lille, en 1843-44, comme premier comique marqué, aux appointements de 250 francs par mois, où il donne la réplique à Déjazet. En 1845, il est à Anvers, où le 2 mars il récite le monologue en vers de sa composition Un soldat de l'Empereur. On le voit ensuite à Amsterdam et à Liège[4], avant d’accepter, en 1843, un engagement à Bruxelles, où il devient, un temps, directeur du théâtre des Nouveautés. Après une tournée à Amsterdam et à Liége, il est engagé, en 1848, engagé au Vaudeville par l’administrateur Hugues Bouffé, et débute dans une pièce insignifiante Un coup de pinceau, avant de triompher dans une seconde création, le Serpent (Proudhon), puis dans la Foire aux Idées, pièce réactionnaire de Clairville et Jules Cordier (Achille de Vaulabelle, frère du ministre de l’Instruction publique d’alors)[c].

Dans La propriété c’est le vol, il créé un rôle aristophanesque, parodie d’une notabilité du réalisme, qui suscite engouement d’un côté, colères de l’autre. La cabale s’en mêlant, il est sifflé avec rage et applaudi avec frénésie. Il était lancé[5]. Le , il débute au Palais-Royal dans l’Avare en gants jaunes, mais ne tarde pas à revenir au Vaudeville, où il joue dans une multitude de rôles. Homme de devoir, Delannoy se chargeait de tout[4].

Lorsque Victorien Sardou a voulu se relever de l’insuccès de son Roi Carotte, en 1872, avec sa comédie de Don Quichotte à la Gaité, il l’a supplié de créer ce rôle, mais lorsqu’Offenbach a dû lâcher les rênes de ce théâtre, et que la pièce n’a pu, de ce fait, être représentée, Delannoy, qui avait refusé un réengagement au Vaudeville afin d’honorer le contrat de six mois avec Offenbach, s’est vu obligé s’attendre que l’épuisement des succès des représentations au théâtre de la Chaussée-d’Antin avant de retrouver un emploi. Resté sans appointements, la Gaité refusant même de lui solder les six mois acquis par son contrat, il a été contraint de forcer Offenbach à lui payer un dédit par un procès[1].

Son nom est longtemps resté attaché au rôle de Péponnet dans les Faux bonshommes de Théodore Barrière[4]. Le succès prodigieux qu’il avait remporté dans ce rôle a failli lui ouvrir les portes de la Comédie-Française. L’administrateur Édouard Thierry a engagé des négociations avec lui, pour suppléer Provost dans les rôles de financiers mais, ayant posé des conditions trop dures, il leur a été impossible de parvenir à un accord[d]. En entrant à la Comédie-Française à cette époque, Delannoy aurait fait un sacrifice financier, car il était largement payé au Vaudeville, mais il aurait évité les ennuis qu’il a traversés sur la fin de sa carrière[3]. Un jour de 1875, il s’est ainsi retrouvé ruiné, après qu’un changeur indélicat s’est volatilisé avec ses économies péniblement amassées[e].

En 1882, ayant rompu avec le Vaudeville, sa carrière entame son déclin : il ne fait que passer au Gymnase, dans Madame Caverlet. De là, il passe aux Menus-Plaisirs, où l’on jouait le drame en ce temps-là, puis à l’Ambigu, où il trimphe le rôle de Josserand dans Pot Bouille. Ce grand succès devait être le dernier de sa carrière. À sa prise de fonction à la Renaissance, où il voulait installer le vaudeville, Fernand Samuel l’engage, et il joue encore, en 1886 et en 1887, outre deux ou trois rôles nouveaux, Minard dans la reprise de Gavaut, Minard et Cie, et François dans la reprise du Choix d’un gendre, qui avait été un de ses triomphes au Vaudeville[3]

Également littérateur de mérite, Delannoy a laissé plusieurs pièces de poésie, pleines de verve et de finesse. Il a aussi écrit plusieurs vaudevilles représentés avec succès à Bruxelles, et quantités de chansonnettes très applaudies, dans leur temps, en Belgique[1]. En outre, en 1884, se trouvant en villégiature à Bagnères, quoique d’idées politiques fort opposées à celles de Félix Pyat, il avait écrit, en collaboration avec lui, l’Homme de peine, drame qui a obtenu du succès[6].

Souffrant depuis longtemps d’une maladie d’estomac qui l’obligeait à manger fort peu, il ne pouvait plus, dans ses derniers jours, absorber aucun aliment, et gardait le lit, se levant quelques instants tous les jours. Le soir de sa mort, il s’est recouché de bonne heure et ne s’est jamais réveillé[7]. Il avait deux enfants un fils et une fille, cette dernière ét connue au théâtre sous le nom de « Mme Chandora »[8].

Jugements modifier

« C’était un comédien d’étude, dont le seul défaut était de faire un sort à chaque phrase de son rôle et â chaque mot de la phrase. Il ne faisait grâce d’aucun détail. […] Delannoy avait la diction pesante, le jeu appuyé et lourd ; mais quand le rôle était bon, quelle force lui donnaient et cette diction loyale et ce jeu minutieux[3] ! »

— Francisque Sarcey, Le XIXe siècle.

« Trois personnes m’attendrissent : Delannoy, Tourgueneff et mon domestique[9] »

— Gustave Flaubert, Correspondance.

« Delannoy était de cette forte race des comédiens l'étude qui entraient avec conviction dans la peau du bonhomme qu'ils avaient à représenter ; qui se pliaient en un mot aux exigences de leurs créations[10]… »

— Paul Marion, Nice artistique

Rôles principaux modifier

  • La propriété c’est le vol, folie socialiste en 3 actes de Clairville et Jules Cordier ; rôle : le serpent, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • La Dame aux camélias, drame en 5 actes d’Alexandre Dumas fils, rôle : Duval père, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Les Parisiens, comédie en 3 actes de Théodore Barrière, rôle : Martin, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Les Faux Bonshommes, comédie en 4 actes de Théodore Barrière, rôle : Péponet, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Le Pantalon de Nessus, vaudeville en 1 acte d’Édouard Martin et Albert Monnier, rôle : Beaufumé, Paris, théâtre du Palais-Royal, .
  • La belle-mère a des écus, vaudeville en 3 actes d’Alfred Delacour, rôle : Routillac, Paris, théâtre du Palais-Royal, .
  • Les Métamorphoses d’un corset, vaudeville en 1 acte d’Édouard Brisebarre et Eugène Nus, Paris, théâtre du Palais-Royal, .
  • Les Ivresses ou la Chanson de l’amour, comédie en 3 actes de Théodore Barrière et Lambert-Thiboust, rôle : Faustin Guibert, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Les Brebis galeuses, comédie en 4 actes de Théodore Barrière, rôle : Buzançois, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Où l’on va, comédie en 3 actes de Charlotte Dupuis, rôle : Dressé, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • La Révolte, drame en 1 acte de Villiers de l'Isle-Adam, rôle : Félix, Paris, théâtre du Vaudeville, .
  • Pot Bouille, pièce en 5 actes de William Busnach d’après Émile Zola, rôle : Josserand, Paris, théâtre de l’Ambigu, .
  • La Princesse des Canaries, opéra-bouffe en 3 actes d’Alfred Duru et Henri Chivot ; musique de Charles Lecocq, rôle : Général Pataquès, Paris, théâtre des Folies-Dramatiques, .
  • L’Homme de peine, drame en 5 actes de Félix Pyat, rôle : Jacques Durand, Paris, théâtre de l'Ambigu, .

Publications modifier

  • Un Soldat de l'Empereur, souvenir du 5 mai 1821, monologue en vers, Anvers, L.-G. de Cort, 1845, 8 p., in-8º.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Ceci ne l’empêchera pas, à la mort de ce dernier, laissant en famille dans le dénuement, de prendre à sa charge ses trois enfants, de les élever et de les soutenir pendant près de quinze années[1] .
  2. De son passage dans cette cité drapière, Delannoy semblait avoir acquis un étonnant monopole sur d’extraordinaires gilets que tout Paris a vu défiler sur sa poitrine, et dont Félix Galipaux a raconté l'origine : un soir, comme il arrivait au théâtre, il a vu le concierge lui remettre un paquet et une lettre signée de deux ou trois grands fabricants de drap, abonnés assidus, qui, pour lui témoigner leur admiration, lui adressait comme souvenir pratique plusieurs coupons d’étoffes multicolores, à raies, à carreaux, à diagonales ou à losanges bizarres, et dont le comédien se faisait faire des gilets[2].
  3. Ce succès a néanmoins eu l’inconvénient de cantonner, à son grand dam, aux rôles comiques. Aussi dès qu’il s’agissait de sauver un rôle redoutable, de faire passer un personnage mal tracé, c’est à lui que l’on s’adressait[3].
  4. Dekannoy demandait dix-huit mille francs comme pensionnaire, et la promesse du sociétariat au bout de la première année[3].
  5. Cette catastrophe a été l’occasion d’une représentation organisée à son bénéfice à l’Opéra, le premier dimanche d’avril 1875, avec le concours de nombreuses personnalités du théâtre parisien. La musique de la Garde Républicaine a même joué quatre morceaux de son répertoire, le succès a été complet[4].

Références modifier

  1. a b et c Félix Jahyer, « Delannoy », Paris-Théâtre, Paris, vol. 4, no 184,‎ , p. 2 (ISSN 2425-2034, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  2. « M. Galipaux », L’Entr’acte revue-programme, Paris, vol. 58, no 4,‎ , p. 3 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  3. a b c d e et f Francisque Sarcey, « Chronique », Le XIXe siècle, Paris, vol. 18, no 6198,‎ , p. 1 (ISSN 1775-2949, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  4. a b c et d Henry Lyonnet, « Delannoy, Léopold, Emile, Edmond », dans Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier : biographie, bibliographie, iconographie, t. 1. A-D, Paris, , 650 p., 2 vol. : ill., portr. ; 29 cm (OCLC 5152324, lire en ligne sur Gallica), p. 481.
  5. Pierre Véron, « Il était… », Le Monde illustré, Paris, vol. 33, t. 64, no 1658,‎ (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  6. « Ed. Delannoy », L’Avenir des Hautes-Pyrénées, Bagnères-de-Bigorre, vol. 66, no 1,‎ , p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  7. Jules Prével, « Courrier des théâtres », Figaro, Paris, no 366,‎ , p. 4 (ISSN 0182-5852, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  8. Georges d'Heylli, « L’excellent comédien Delannoy… », Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, Paris, vol. 14, t. 1, no 1,‎ , p. 3 (ISSN 2021-7951, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  9. Gustave Flaubert, « À George Sand », dans Correspondance, t. 7, Paris, Louis Conard, (lire en ligne), p. 127-9.
  10. Paul Marion, « Avec Delannoy… », Nice artistique, Paris, vol. 12, no 368,‎ , p. 3 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).

Liens externes modifier