En géométrie, la courbe inverse d'une courbe donnée C est le résultat de l'application d'une opération d'inversion à C. Plus précisément, par rapport à un cercle fixe de centre O et de rayon k, l'inverse d'un point Q est le point P pour lequel P est situé sur le rayon OQ et OP·OQ = k2 . L'inverse de la courbe C est alors le lieu de P lorsque Q parcourt C. Le point O dans cette construction est appelé le centre d'inversion, le cercle le cercle d'inversion et k le rayon d'inversion.

La cardioïde verte est obtenue en inversant la parabole rouge à travers le cercle en pointillés.

On peut voir la courbe inverse comme l'équivalent d'une symétrie axiale qui ne serait pas faite autour d'une droite, mais d'un cercle.

Une inversion appliquée deux fois est la transformation d'identité, donc l'inverse d'une courbe inverse par rapport au même cercle est la courbe d'origine. Les points sur le cercle d'inversion sont fixes par l'inversion, donc son inverse est lui-même.

Définitions

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Équations

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L'inverse du point (x, y) par rapport au cercle unité est (X, Y)

 

ou de façon équivalente

 

Ainsi, l'inverse de la courbe déterminée par f(x, y) = 0 par rapport au cercle unité est

 

Il en ressort clairement que l'inversion d'une courbe algébrique de degré n par rapport à un cercle génère une courbe algébrique de degré au plus 2n .

De même, l'inverse de la courbe définie par les équations paramétriques

 

par rapport au cercle unité est donné par

 

Cela implique que l'inverse circulaire d'une courbe rationnelle est également rationnelle.

Plus généralement, l'inverse de la courbe déterminée par f(x, y) = 0 par rapport au cercle de centre (a, b) et de rayon k est

 

L'inverse de la courbe définie par ses équations paramétriques de la forme

 

par rapport au même cercle a pour équations paramétriques

 

En coordonnées polaires, les équations sont plus simples lorsque le cercle d'inversion est le cercle unité. L'inverse du point (r, θ) par rapport au cercle unitaire est (R, Θ)

 

Donc l'inverse de la courbe f(r, θ) = 0 est déterminé par f(1/R, Θ) = 0

Construction géométrique

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Pour construire l'inverse P' d'un point P extérieur à un cercle Ø : Soit r le rayon de Ø. Les triangles rectangles OPN et ONP ' sont semblables. OP est à r ce que r est à OP '.

Pour construire le point inverse P' d'un point P par rapport à un cercle C de centre O et de rayon r, si le point est extérieur au cercle, on trace la tangente à C passant par P, puis on projette orthogonalement le point de tangence N sur la droite (OM). Ce point projeté est l'image de A' par inversion : en effet, on a, par similarité des triangles rectangles P'ON et NOP, l'égalité OP'×OP = P'N2.

Propriétés

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L'inversion agit comme une réflexion par un cercle ; ainsi, tout point de la courbe de référence extérieur au cercle a pour image un point intérieur au cercle après inversion, et réciproquement.

Degrés

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Comme indiqué ci-dessus, l'inverse par rapport à un cercle d'une courbe de degré n est de degré au plus 2n. Le degré est exactement 2n sauf si la courbe d'origine passe par le point d'inversion ou si elle est circulaire, ce qui signifie qu'elle contient les points circulaires, (1, ±i, 0), lorsqu'elle est considérée comme une courbe dans le plan projectif complexe. En général, l'inversion par rapport à une courbe arbitraire peut produire une courbe algébrique avec un degré proportionnellement plus grand.

Plus précisément, si C est p-circulaire de degré n, et si le centre d'inversion est une singularité d'ordre q sur C, alors la courbe inverse sera une courbe (npq)-circulaire de degré 2n − 2pq et le centre d'inversion est une singularité d'ordre n − 2p sur la courbe inverse. Ici q = 0 si la courbe ne contient pas le centre d'inversion et q = 1 si le centre d'inversion est un point non singulier sur celle-ci ; de même les points circulaires, (1, ±i, 0), sont des singularités d'ordre p sur C . La valeur k peut être éliminée de ces relations pour montrer que l'ensemble des p-courbes circulaires de degré p + k, où p peut varier mais k est un entier positif fixe, est invariant par inversion.

Exemples

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En appliquant la transformation ci-dessus à la lemniscate de Bernoulli

 

donne

 

ce qui est l'équation d'une hyperbole ; puisque l'inversion est une transformation birationnelle et que l'hyperbole est une courbe rationnelle, cela montre que la lemniscate est aussi une courbe rationnelle, c'est-à-dire une courbe de genre zéro.

Si on applique la transformation à la courbe de Fermat (en) xn + yn = 1, où n est impair, on obtient

 

Tout point rationnel sur la courbe de Fermat a un point rationnel correspondant sur cette courbe, donnant une formulation équivalente du dernier théorème de Fermat.

Cas particuliers

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Pour simplifier, le cercle d'inversion dans les cas suivants sera le cercle unité. Les résultats pour d'autres cercles d'inversion peuvent être trouvés par translation et agrandissement de la courbe d'origine.

Droites

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Pour une droite passant par l'origine, l'équation polaire est θ = θ0θ0 est fixe. Cela reste inchangé par inversion.

L'équation polaire d'une droite ne passant pas par l'origine est

 

et l'équation de la courbe inverse est

 

qui définit un cercle passant par l'origine. Plus précisément, ce cercle image est tel que la droite d'origine est l'axe radical des deux cercles (le cercle unité et le cercle image).

Une deuxième application de l'inversion montre que l'inverse d'un cercle passant par l'origine est une droite.

Cercles

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En coordonnées polaires, l'équation générale d'un cercle qui ne passe pas par l'origine (les autres cas ayant été traités) est

 

a est le rayon et (r0, θ0) sont les coordonnées polaires du centre. L'équation de la courbe inverse est alors

 

ou

 

C'est l'équation d'un cercle de rayon

 

et de centre de coordonnées polaires

 

On notera que R0 peut être négatif.

Si le cercle d'origine coupe le cercle unité, alors les centres des deux cercles et un point d'intersection forment un triangle de côtés 1, a, r0 ; c'est un triangle rectangle, c'est-à-dire que les rayons sont à angle droit, exactement quand

 

Mais d'après les équations ci-dessus, le cercle d'origine est le même que le cercle inverse exactement lorsque

 

Donc l'inverse d'un cercle est le même cercle si et seulement s'il coupe le cercle unité à angle droit.

Pour résumer et généraliser cette section et la précédente :

  1. L'inverse d'une droite ou d'un cercle est une droite ou un cercle.
  2. Si la courbe d'origine est une droite, la courbe inverse passera par le centre d'inversion. Si la courbe d'origine passe par le centre d'inversion, la courbe inversée sera une droite.
  3. La courbe inversée sera la même que l'originale exactement lorsque la courbe coupe le cercle d'inversion à angle droit.

Paraboles avec centre d'inversion au sommet

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L'équation d'une parabole est, à similarité près, après translation pour que le sommet soit à l'origine et rotation pour que l'axe soit horizontal, x = y2 . En coordonnées polaires cela devient

 

La courbe inverse a alors pour équation

 

qui est la cissoïde de Dioclès.

Sections coniques avec centre d'inversion à un foyer

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L'équation polaire d'une section conique avec un foyer à l'origine est, à similarité près

 

e est l'excentricité. L'inverse de cette courbe sera alors

 

qui est l'équation d'un limaçon de Pascal. Lorsque e = 0, c'est le cercle d'inversion. Lorsque 0 < e < 1, la courbe d'origine est une ellipse et l'inverse est une simple courbe fermée avec un acnode à l'origine. Lorsque e = 1, la courbe d'origine est une parabole et l'inverse est la cardioïde qui a une pointe à l'origine. Lorsque e > 1 la courbe d'origine est une hyperbole et l'inverse forme deux boucles avec un crunode à l'origine.

Ellipses et hyperboles avec centre d'inversion en un sommet

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L'équation générale d'une ellipse ou d'une hyperbole est

 

Après translation pour que l'origine soit à l'un des sommets, cela donne

 

et le réarrangement donne

 

ou, en changeant les constantes,

 

On remarque alors que la parabole ci-dessus s'inscrit maintenant dans ce schéma en posant c = 0 et d = 1. L'équation de l'inverse est

 

ou

 

Cette équation décrit une famille de courbes appelées les conchoïdes de de Sluze (en). Cette famille comprend, outre la cissoïde de Dioclès citée ci-dessus, la trisectrice de Maclaurin (d = −c/3) et la strophoïde droite (d = -c)

Ellipses et hyperboles avec centre d'inversion au centre

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En inversant l'équation d'une ellipse ou d'une hyperbole

 

on trouve

 

qui est une hippopède. Lorsque d = −c c'est la lemniscate de Bernoulli.

Coniques avec centre d'inversion arbitraire

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En appliquant la formule des degrés ci-dessus, l'inverse d'une conique (autre qu'un cercle) est une cubique circulaire si le centre d'inversion est sur la courbe, et une quartique bicirculaire sinon. Les coniques sont rationnelles, donc les courbes inverses sont également rationnelles. Inversement, toute cubique circulaire rationnelle ou quartique bicirculaire rationnelle est l'inverse d'une conique. En fait, une telle courbe doit avoir une singularité réelle et en prenant ce point comme centre d'inversion, la courbe inverse sera une conique par la formule du degré[1],[2].

Courbes anallagmatiques

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Une courbe anallagmatique est une courbe qui s'inverse sur elle-même. Les exemples incluent la droite (par rapport à un de ses points), le cercle, la cardioïde, l'ovale de Cassini, la strophoïde et la trisectrice de Maclaurin.

Articles connexes

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Références

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Liens externes

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