Chartreuse du Mont-Sainte-Marie de Strasbourg

ancien monastère de chartreux à Strasbourg

Le monastère du Mont-Sainte-Marie, Mons Sanctæ Mariæ Argentinæ, était un monastère de l'ordre des Chartreux fondé en 1335 à Strasbourg, dans le département du Bas-Rhin, en région Grand-Est.

Chartreuse Mont-Sainte-Marie
Image illustrative de l’article Chartreuse du Mont-Sainte-Marie de Strasbourg
Existence et aspect du monastère
État de conservation Détruite
Nom local Kartause Marienbühl in Straßburg
Identité ecclésiale
Culte catholicisme
Diocèse Strasbourg
Présentation monastique
Ordre Chartreux
Province Rhin
Patronage Trinité
Marie
Jean-Baptiste
Historique
Date(s) de la fondation 1335
Fermeture 1591
Architecture
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région Grand Est
Département Bas-Rhin
Commune Strasbourg
Coordonnées 48° 34′ 14″ nord, 7° 41′ 59″ est
Géolocalisation sur la carte : Strasbourg
(Voir situation sur carte : Strasbourg)
Chartreuse Mont-Sainte-Marie
Géolocalisation sur la carte : Alsace
(Voir situation sur carte : Alsace)
Chartreuse Mont-Sainte-Marie
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Chartreuse Mont-Sainte-Marie

Historique

modifier

Fondation et prospérité

modifier
 
Extrait de la carte de Cassini, sur laquelle l'« ancienne chartreuse » de Koenigshoffen est visible au centre de la carte, entre la Bruche et le canal de la Bruche.

La chartreuse du Mont-Sainte-Marie de Strasbourg est fondée en 1335, dans le quartier de Koenigshoffen, sur le bord de la Bruche, par des bourgeois de la ville soutenus par l’évêque Berthold de Bucheck, évêque de Strasbourg. Si les débuts sont difficiles sur le plan matériel, le monastère est en revanche fécond sur le plan spirituel : il comporte dix-huit cellules, ce qui signifie autant de pères, et envoie des religieux conforter notamment les chartreuses de Hildesheim et de Bâle. En 1382, la communauté se divise sur l’affaire du Grand Schisme. En 1418 le monastère compte seize pères et douze frères ; un siècle plus tard, en 1521, restent encore quinze pères, neuf convers et quatre donnés. En revanche, l'introduction de la Réforme à Strasbourg trois ans plus tard entraîne le départ de la moitié des vingt-huit religieux[1].

Menaces

modifier

Quand la guerre des Paysans éclate en 1525, le monastère pense éviter les pillages en se mettant sous la protection de la Ville, alors passée au protestantisme. En retour, le Conseil des XV exige tout d'abord la gestion du patrimoine cartusien par des laïcs, puis interdit la tenue d'offices liturgiques, enfin l'entrée de novices, ce qui condamnait la communauté à moyen terme. La maison-mère de la Grande Chartreuse envisage en conséquence le transfert de la communauté, mais rien n'est effectué dans un premier temps[1]. L’Intérim d'Augsbourg protège en outre le couvent

Prieurs

modifier

Le prieur est le supérieur d'une chartreuse, élu par ses comprofès ou désigné par les supérieurs majeurs.

Moines notables

modifier

Parmi les chartreux célèbres ayant résidé à Koenigshoffen s’illustre en particulier Ludolphe le Chartreux ou Ludolphe de Saxe. Né vers 1300, il entre d'abord dans l'Ordre des Prêcheurs où il demeure, prie, étudie et prêche durant plus de vingt ans. Ayant montré de l'attrait pour une vie religieuse plus retirée, il devient chartreux à Koenigshoffen. Rapidement, on lui confie la charge de prieur de Coblence de 1343 à 1348. Il choisit de redevenir simple religieux à Mayence, puis de nouveau à Strasbourg, où il passe les trente dernières années de sa vie jusqu'à sa mort le . Il est particulièrement connu comme auteur de La Grande Vie de Jésus-Christ[2].

Cet ouvrage, proche des spiritualités de Bernard de Clairvaux et de François d'Assise, mais aussi des mystiques rhénans tels que Maître Eckhart, Jean Tauler et Henri Suso, est constitué de méditations sur la vie de Jésus, tirées soit directement de la Bible, soit de l'enseignement des Pères de l'Église, soit encore de la Liturgie des Heures. Ludolphe y enseigne que l'imitation de Jésus est la source de la vie chrétienne, et y explique l’essence de la prière. La Vita Christi a inspiré aussi bien Jean Geiler de Kaysersberg que, plus tard, Ignace de Loyola et en particulier ses Exercices spirituels[2].

Un sculpteur anonyme et nommé « maître anonyme de la chartreuse de Strasbourg ». C'est lui qui réalise en particulier le grand crucifix en grès qui orne le monastère, et que les chartreux réussissent, après leur transfert à Molsheim, à récupérer[3].

Fermeture et destruction

modifier

Au début des années 1590, Henri IV, qui avait emprunté à la ville de Strasbourg quarante-deux mille florins, décide de rembourser la ville en lui offrant le couvent, ce qu'il déclare par l'intermédiaire de son ambassadeur Henri de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon. Le , alors qu'il ne reste plus dans le couvent que le prieur Jean Schustein, trois pères et un frère donné, le Sénat strasbourgeois envoie trois cents maçons et charpentiers démanteler l'intégralité du monastère, « sous les acclamations et dans l'allégresse » de la population, qui récupère tous les matériaux au point que rien ne subsiste de la chartreuse à la fin du mois d'août. La bibliothèque et les ornements liturgiques sont répartis entre d'autres couvents strasbourgeois, et les moines retenus de force jusqu'en mai 1592 dans leur maison dite « Kartäuserhof » (cour des Chartreux) située près de Saint-Thomas, à l'exception du prieur, autorisé à se réfugier à la chartreuse de Mayence[1].

Le transfert à Molsheim

modifier

Depuis ce dernier refuge, l'ancien prieur, assisté de son supérieur provincial, tente en vain de rejoindre sa communauté. Il fait appel aux évêques de Cologne, Mayence et Trèves (respectivement Ernest de Bavière, Wolfgang de Dalberg et Jean de Schönenberg), qui déposent une supplique en ce sens auprès de Rodolphe II. Ce dernier promulgue l'édit du , enjoignant aux Strasbourgeois de rétablir le monastère et de rendre leurs biens aux moines. Dans l'attente de ce retour, Jean Schustein est hébergé à Molsheim, chez les Jésuites, à partir d'octobre 1594. En 1597, il est rejoint par trois pères et deux frères chartreux. En 1598, le supérieur provincial accepte la fondation d'une nouvelle chartreuse à Molsheim, tandis que l'empereur réitère son injonction de restitution aux Strasbourgeois[4].

La communauté achète pour cinq mille florins à Barbe de Schauenbourg, veuve d'un Böcklin von Böcklinsau, la maison dite « Böcklerhof » ; en parallèle, le , un traité est signé entre Henri IV et les chartreux, ces derniers obtenant une compensation de 7 500 livres tournois annuelles pour leurs pertes strasbourgeoises. En parallèle, la ville de Strasbourg accepte enfin de procéder à une compensation ; le prieur et le magistrat de Molsheim sont accueillis à Strasbourg par le Magistrat ; celui-ci propose un échange aux religieux : les terres et biens confisqués par la municipalité protestante sont conservées par cette dernière, mais des titres de propriété dans quarante-sept localités catholiques sont accordées en échange. De surcroît, les clefs du local où sont conservés livres et ornements liturgiques saisis à Koenigshoffen leur sont remises[4].

Notes et références

modifier

Références

modifier
  1. a b et c Grégory Oswald 2017, De Strasbourg à Molsheim — La chartreuse de Koenigshoffen, p. 13 & 14.
  2. a et b Grégory Oswald 2017, De Strasbourg à Molsheim — La chartreuse de Koenigshoffen — Ludolphe le Chartreux, p. 15.
  3. Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs : de tous les pays par un groupe d'écrivains spécialistes français et étrangers, vol. 9, Paris, Gründ, (ISBN 2-7000-3019-2), p. 42-82
  4. a et b Grégory Oswald 2017, De Strasbourg à Molsheim — Le transfert du monastère à Molsheim, p. 14 & 15.

Bibliographie

modifier
  • (de) Reichenlechner, Cyprian, Der Karthaeuser-Orden in Deutschland, Wûrzburg. (SUDOC 157130002) (OCLC 800488939)
  • Cuissard, Ch., « Bongars et l’affaire de la chartreuse de Strasbourg », Revue Catholique d’Alsace, Orléans, Herluison, nouvelle série, 13, 1894, pp.917-938.
  • Ingold, Auguste-Marie-Pierre, « Les chartreux en Alsace », Revue catholique d’Alsace, nouvelle série, 13, 1894, pp.721-727
  • Siegfried, C., « Les chartreux de Strasbourg et Molsheim », Revue catholique d’Alsace, 1896.
  • Ingold, Auguste-Marie-Pierre, Les manuscrits des anciennes maisons religieuses d’Alsace, Colmar, 1898, pp.31-32. [lire en ligne]
  • Ingold, Auguste-Marie-Pierre, « Les chartreux imprimeurs en Alsace », Bulletin de la Société pour la conservation des Monuments historiques d’Alsace, 18, 1898, 3e partie.
  • Grandidier, Œuvres inédites publiées par A.M.P. Ingold, Paris, 1899, t. 4, p.85 et t. 5, p.391. (Ingold, Auguste-Marie-Pierre, Oeuvres inédites de Grandidier, 1888-1898 sur Gallica)
  • [Anonyme 1919] Anonyme, Maisons de l'Ordre des Chartreux : Vues et notices, t. 4, Parminster, Sussex, Chartreuse de Saint-Hugues, , 318 p. (lire en ligne), p. 77-79.  
  • [Francis Rapp 1986] Francis Rapp, « Chartreux et ville dans l’Empire : le cas de Strasbourg », dans Bernard Bligny & Gérald Chaix, La Naissance des chartreuses, Grenoble, Éditions des Cahiers de l'Alpe, coll. « Colloque international d'histoire et de spiritualité cartusiennes » (no 6), (ISBN 978-2903391102, BNF 34964653), p. 237-258
  • [Grégory Oswald 2017] Grégory Oswald (dir.), La chartreuse de Molsheim : 1598-1792, Molsheim, Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs, coll. « Hors-Série » (no 4), 136 p.

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier